jeudi 6 mai 2010

Du neuf avec du vieux(Ex. n°13, 5) - par Joachim Séné

Joachim Séné a allègrement (et malicieusement) transgressé l'énoncé de l'exercice n°13. Il nous propose sa propre version iconoclaste de La Peste, d'Albert Camus. Et ça s'intitule...


La grippe 
par Martin Winckler  







Le plan détaillé

Un jour d’avril à Calvi, en Corse, tu découvres un cochon mort sur ton palier. Quelques jours plus tard, c'est au tour de ton concierge, sur lequel tu trébuches, il est mort sur ton palier, ah non, tu regardes d'un peu plus près: il s'est simplement évanoui, mais il est très malade, respire difficilement et, malgré tous les soins que tu peux lui prodiguer, toutes les tentatives auxquelles même Gregory House n'aurait pas pensé, toi, Bruno Sachs, avec qui House partage le goût d'être éloigné des autres, tu perds un patient, dans tes pieds, sur le palier (tu ne l'avais pas déplacé pendant plusieurs jours, à quoi bon?), sans réellement savoir de quoi il est mort.

Grand, un employé de mairie, vient te proposer ses services pour lutter contre l'épidémie. Les Autorités, le Corps Médical, le Ministre, l'OMS, se décident finalement à fermer la ville, à l’isoler pour empêcher la maladie de se propager au monde des affaires et aux usines qui tournent-tournent, sans parler des banques-qui-banquent, ceci sur ton avis, ton diagnostic de ce qu'est cette maladie, car tu as toi aussi bien hésiter avant de prendre conscience qu'il s'agit bel et bien de la grippe porco-aviaire-bov-ovine, celle là-même prophétisée par les médias et les ministres de la santé depuis des générations et des générations.

Tu laves tes mains à l'aide d'une solution hydro-alcoolique qui te brûle les quelques fines entailles laissées par les échardes du palier où est mort le concierge. Tu es en compagnie de Vaubert, présentateur télé, à la terrasse désertée d'un café avec vue sur mer. Vaubert veut regagner Paris pour retrouver sa femme, il boit un thé et n'a même pas de caméra avec lui. Plus tard, honteux de pouvoir partir seul en jet privé, il partira quand même mais organisera depuis Paris un grippothon et t'enverra une partie de l'argent récolté sous forme d'aide internationale avec engagement de participer à trois plateaux télé avec lui dès la fin de la crise.

Grand continue d'être présent, utile, et il essaie d'écrire un livre sur l'épidémie, mettant en scène un certain Sachs, personnage sombre, autant que tu sembles l'être - ou veux le faire croire.

Routta, alors en vacances et maintenant bloqué, twitte depuis le wifi de son hôtel sa chronique du fléau. Il devient ton collègue et te suit dans tout tes déplacements, du moins ceux que tu veux bien lui signaler comme étant médicaux.

Le ministre Loupane voit dans l'épidémie l'opportunité de promouvoir les actes de "modernisation de la société", comme: voter pour lui, "réformer" la sécurité sociale et privatiser l'hôpital.

L’été, les va-et-vient dans ton cabinet, tes propres va-et-vient dans la petite ville et alentour, font parler les gens, derrière leurs volets mi-clos. Vaubert fait d'ailleurs une émission spéciale où il déballe toute ta vie, et le fait que tu continues à pratiquer des avortements en pleine épidémie fait, le lendemain, la une scandalisée des blogs.

À l’approche de l’automne, revirement de Vaubert, qui te soutient, via un magazine d'enquêtes médicales, toi et Routta, dans votre lutte acharnée contre la grippe porcine-aviaire-chevaline. C'est à ce moment que tu assistes à l’agonie d'un enfant, une mort, une souffrance, un monde qui sombre. Le ministre Loupane y assiste également et ressent alors une crise de conscience, brutale, il est catégorique: il faut commander 914 millions de vaccins: sans attendre, il appelle ses anciens collègues du conseil d'administration.

Routta et toi luttez toujours sans relâche mais, alors que la grippe porco-cani-avi-gallinacée régresse, Routta meurt bêtement en mangeant des escargots infectés par une souche mutante du virus.

En janvier, la grippe porco-bo-viaire régresse, et Grand publie son chef-d'œuvre, non sans avoir transformé quelque peu la réalité, en faisant tenir certains rôles-clés à des femmes et en gommant sur la couverture, finalement et avec réticence, son pseudonyme, Grand, pour son vrai nom, Sachs.


Le résumé

Un jour d’avril à Calvi, en Corse, tu découvres un cochon mort sur ton palier. Quelques jours plus tard, c'est au tour de ton concierge. Toi, Bruno Sachs, tu perds un patient sans réellement savoir de quoi il est mort. La ville est fermée, tu annonces officiellement qu'il s'agit bel et bien de la grippe porco-aviaire-bov-ovine, Grand, qui travaille à la mairie t'aide, tout en écrivant un livre sur ce qui se passe. Pendant l'été, un talkshow balance que tu continues à pratiquer des avortements en pleine épidémie, scandale. Ensuite tu assistes à l’agonie d'un enfant, en présence du ministre de la santé qui prend conscience de l'urgence de commander 914 millions de vaccins à ses anciens collègues du conseil d'administration. Routta et toi luttez toujours sans relâche mais, alors que la grippe porco-cani-avi-gallinacée régresse, Routta meurt bêtement en mangeant des escargots infectés par une souche mutante du virus. En janvier, la grippe porco-bo-aviaire régresse, et Grand publie son chef-d'œuvre, qui sera adapté au cinéma (un échec), en jeu vidéo, et en série télé (un succès).

- (pastiche aidé par wikipedia fr & en et par http://lettresbacpro.free.fr/personnagespeste.htm)

Joachim Séné
http://www.joachimsene.fr

mercredi 5 mai 2010

Du neuf avec du vieux (Ex. n°13, 4) - par "Alice 13"


Il est recommandé de lire l'énoncé de l'exercice n°13 avant de lire le texte qui suit.
MW
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Un barrage contre le pacifique :
Le Pacifique s'est barré, par Michel Houellebecq

Sylvain rêve depuis longtemps de régler ses comptes au Pacifique. L'idée lui vint de louer un Jet privé avec l'aide d'une bande d'acolytes anonymes...

Aimez-vous Brahms ? :
Des phrases courtes mon chéri, par Katherine Pancol

Sophia Stivanski approche de la retraite. Ses joyeux amis lui offre un piano. Tout son avenir en est bouleversé. Mais Brahms sème la zizanie. Jaloux, il décide de jouer des bémols.

Vingt ans après :
Avant tes vingts ans, par Philippe Djian

Un sexagénaire raté jaloux cynique et corrompu jette son dévolu sur le dos de son petit fils musicien qui défraie toutes les chroniques. Mais Martine, l'ex-épouse, décide de reprendre les choses en main. Elle engage une chanteuse de charme.

La peau de chagrin :
Les nerfs à vif, par Marc Lévy

Personne ne pouvait se douter que derrière le nouveau prototype AX 278 se cachait une nouvelle entité.

La nausée :
Le rendu, par Christine Angot

Isabelle, cleptomane, se fait soigner... elle se décide enfin à rendre tout ce qui ne lui appartient pas... Mais voilà que ce mal étrange revient à la charge. Il est impossible de décrire ce scénario tant les personnages se mélangent les uns aux autres. C'est un roman construit en pointillés. Tout se cache dans les fonds de tiroirs mais il ne faut pas déjà en donner la clef !

Le rouge et le noir
:
Black eyed peace, par Amélie Nothomb

Il se passe d'étranges choses au Parc de Saint Cloud. Mais Justine connait la musique, elle sait que l'on essaie de tenter de la faire sortir de la noirceur de son âme perdue dans les bas-fonds du désespoir. Pourtant, allongée sur la pelouse du Parc, une mystérieuse dame en rouge lui fait signe. Est-ce que le monde va retrouver ses couleurs ?

A l'ombre des jeunes filles en fleurs :
Tiens-toi tranquille, par Bernard Henry Lévy

Valentin rencontre Félix. Il décide de raconter calmement toute son histoire.

Les Misérables :
Les nouveaux riches, par Bernard Werber

Xavier n'en croit pas ses yeux. En un clin d'oeil, il est devenu riche ! Ce recueil fourmille de recettes formidables, suivit d'un débat sur le trop perçu. Après ça, vous n'aurez qu'une envie : le relire

L'étranger :
A poils !, par Jean-Christophe Rufin

Il est aujourd'hui interdit à quiconque de porter la barbe. Un soldat à qui on a refilé le mot de passe décide de se venger et se fait passer pour un inconnu.

L'assommoir :
Le marteau piqueur, par Frédéric Beigbeder

Patricia décide d'embêter ses voisins mesquins. En plein été, elle s'achète un pic-vert et le met en cage. L'oiseau moqueur se prête au jeu.


mardi 4 mai 2010

Du neuf avec du vieux (Ex. n°13, 3) - par Alexis Z.


Il est recommandé de lire l'énoncé de l'exercice n°13 avant de lire le texte qui suit.
MW


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Amélie Nothomb :
Pacifisme de l’hydro-électrique
Elle était là. La mer. La mère aussi, et le père, et tous les diplomates belges du monde n’empêcheraient pas l‘Océan Pacifique d’avancer et de submerger la propriété. Pourtant elle l’a construit, ce barrage, entre le Japon et la Belgique, et elle s’est sentie… électrique !

Bernard-Henry Lévy :
Moi, Vingt ans après
Ces trois mousquetaires du gauchisme estudiantin m’avaient accepté parmi eux, moi l’outsider romantique. Grâce à eux j’avais accompli l’exploit intellectuel du siècle, et 20 ans après ils revenaient me chercher pour les aider, pauvres mercenaires du combat d’idée en manque d’idée et de héros.

Bernard Werber :
La rouge et la noire
Dans une vallée du Dauphiné, une jeune fourmi rouge se fait engager comme précepteur dans une famille de fourmis noires. Il séduit la reine mais ça ne lui suffit pas : il veut devenir fourmi noire lui-même et doit pour cela entrer au séminaire de la grande fourmilière de Grenoble.

Alexis Z.

lundi 3 mai 2010

Du neuf avec du vieux (Ex. n°13, 2) - par Martine B.






Pour les nouveaux arrivants sur ce blog : je recommande de lire l'énoncé de l'exercice n°13 avant de lire le texte qui suit.
MW



Mémoires d’un jeune homme possédé, de Frédérik Beigbeder
Un jeune homme désespéré est sauvé du suicide par un publicitaire qui lui propose un pacte diabolique : il lui offre une peau de chagrin qui lui permettra d’exaucer tous ses vœux, mais sa vie ne lui appartiendra plus. Le jeune homme, devenu immensément riche, s’adonne aux plaisirs des soirées parisiennes et multiplie les conquêtes féminines tandis que la peau de chagrin se resserre peu à peu.

Cà c’est l’amitié, de Philippe Djian.
L'action se déroule en 2024. Les Trois Médecins ont vieilli et sont désormais séparés car Christophe Gray a émigré aux Etats-Unis. Mais ils finissent par se retrouver pour venir en aide à Bruno Aysse, pris en otage lors d’une mission humanitaire en Irak.

Le siècle des blasés, de Bernard- Henry Lévy.
Alors que Bertrand Hugues Lewinsky écrit un ouvrage sur Jean Paul Sartre, un changement s'empare de lui : il éprouve en sentiment d'étrangeté et de dégoût envers tout ce qui l’entoure. Sa nausée va croissant. Il trouvera le salut en épousant un top-modèle et en écrivant des scenarii pour des séries télé.

Le miroir de Colette, de Bernard Werber
Dans ce deuxième tome des Misérables Fourmis, Colette, ado amnésique de treize ans, rencontre quatre clochards qui vivent dans une décharge. Recherchée par la police elle part en cavale avec l’un d’eux, Jean Valvent. A recherche de son passé, Colette va découvrir notre futur.

Vietnamien, de JC Rufin.
Vietnam, 2009. Une mère de famille se bat contre des promoteurs qui l’ont escroquée en achetant à bas prix son ancienne propriété agricole. Les ouvriers recrutés pour construire un immense complexe touristique à cet endroit sont honteusement exploités. La rencontre entre Suzanne et Dong, le chef de chantier, promet d’être explosive….

Les papillons volent à Central Park, de Katherine Pancol
Une décoratrice d’âge mûr ayant une liaison avec un homme depuis dix ans se laisse séduire par un jeune tagger New-Yorkais. Ce roman au style percutant nous plonge dans l’univers fascinant de l’art urbain, dans lequel l’amour n’est pas toujours très glamour.

Vous revoir de bonne heure, de Marc Lévy
Un jeune père célibataire s’installe à Brighton avec son fils Léo. Il fait la rencontre d’Albertina, mère de Poppy, avec qui Léo va en classe. Afin de pousser la jeune femme à révéler ses sentiments envers lui, il essaie de la rendre jalouse en se rapprochant d'Andrea, sa voisine, mais son stratagème aura des conséquences inattendues.

Liqueurs et tremblements, d’Amélie Nothomb.
Amélie, secrétaire bilingue dans une prestigieuse société japonaise, vit à Tokyo avec son amant Arthur Lemonnier. Celui-ci la quitte pour Angèle. Un an plus tard elle épouse Paul Coupeau, avec lequel elle a une fille Ninon. Ils créent une entreprise de traduction, mais leur penchant pour l’alcoolisme mondain les mène à la faillite et Amélie est contrainte à accepter un poste de dame pipi.

dimanche 2 mai 2010

Du neuf avec du vieux (Ex. n°13, 1) par Dave Feng


NB : Pour ceux qui débarquent : lisez l'énoncé de l'exercice avant de lire le texte ci-dessous.


Bon, ben, ça n'a pas traîné, et vu le nombre de commentaires sur le seul énoncé de l'exercice, j'ai l'impression que ça suscite beaucoup de réactions. Voici la première, mais aux autres blogueurs : SVP, envoyez-moi vos contributions à l'adresse habituelle, en fichier attaché ou dans un message, mais non en commentaire, afin que je les mette en ligne plus facilement. Merci par avance à toutes et à tous. Merci, Dave !



ATTENTION ! Je recommande amicalement à celles et ceux qui ont l'intention de faire l'exercice n°13 de le rédiger AVANT de lire les contributions déjà publiées...

MW



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- L'Assommoir - Bernard Werber.
Nouveau titre : « Le chagrin des fourmis ».

Gervaise est une fourmi travailleuse, mais pas très fine. Comble de malheur, elle se brise une patte. Devenue pentapode, elle cède aux avances d’un moustique et met au monde, quelques minutes plus tard, huit cents œufs. Submergée par le désespoir, elle se noie, littéralement, dans une mare de vin. Une réflexion iconoclaste sur les dangers de l’alcool.

- La peau de chagrin - Michel Houellebecq.
Nouveau titre : « Diminution du domaine de l’intime ».

Bertrand est un informaticien érotomane qui fréquente des sites Internet échangistes. Il défend la théorie que l’avenir de la condition humaine se joue dans la capacité à mener une vie sexuelle sans jamais rencontrer personne. Le diable lui offre un pass illimité pour tous les sites hardcore d’Internet. Mais, en échange, son pénis rétrécit chaque jour. Un récit philosophique et visionnaire.

- Le rouge et le noir - Frédéric Beigbeder.
Nouveau titre : « Le skaï et le velours côtelé ».

Jean-René François est un jeune professeur de latin. Ambitieux, il renonce à son sacerdoce et hésite entre une carrière dans la publicité et un avenir glorieux dans les lettres françaises. Hélas, il est né trop tard et ne peut accomplir aucun de ces destins. Il se rabat sur l’écriture cinématographique de films comiques moquant les régionalismes français.

- Les Misérables - Amélie Nothomb.
Nouveau titre : « Torpeur et frémissements ».

Amélie, fils de riches vendeurs d’armes belges, se retrouve à la rue quand la paix universelle met enfin un terme à tous les conflits armés et ruine sa famille. Elle a toujours admiré le raffinement et l’art de vivre des pauvres. Hélas, elle est confiée à un méchant couple, les Thénardier, qui la forcent à manger ses chapeaux. Heureusement, la révolution gronde et Amélie est sauvée par Jean Valjean, un chapelier héroïque.

- Vingt ans après - Justine Lévy.
Nouveau titre : « Quarante ans après ».

L'action se déroule dans le contexte des élections présidentielles françaises. Quatre amis qui formaient jadis un carré de « nouveaux philosophes » ont vieilli et sont désormais séparés par leurs idées politiques: certains sont devenus conservateurs, d’autres sont devenus carrément réactionnaires. Mais ils finissent par se rassembler pour venir en aide à Fink, attaqué par le fisc pour avoir déclaré des droits d’auteur faussement élevés, afin de faire croire au succès de ses livres. Le roman est raconté par la fille de Bernard, qui parsème le récit de remarques fines et perspicaces sur sa vie personnelle.


- A l'ombre des jeunes filles en fleur – Jean-Christophe Rufin.
Nouveau titre : « A l’ombre des palmiers en fleur ».

Marcello est un brillant médecin, homme de lettres, diplomate et aventurier. Armé de sa seule moustache et de son idéalisme délirant, il part à la découverte de la Seine-et-Marne. Après bien des péripéties, il remonte pour la première fois le fleuve RER et découvre avec horreur que les autochtones prennent le RER tous les jours. Poursuivi par les contrôleurs qui veulent lui faire payer son ticket, il découvre un oasis merveilleux, un golf où il fait bon vivre, loin des tracas de la ville et des contraintes de la vie pratique.

- La nausée - Bernard-Henry Lévy
Nouveau titre : « La logorrhée ».

Henry-Bernard est un intellectuel solitaire mais admiré de tous. Epuisé par une vie entièrement consacrée à écrire des éditoriaux et à poser pour des catalogues de vente de chemises blanches à col ouvert, il entame une profonde retraite de deux jours à Ibiza. Devant un arbre, il se rend compte que sa perception des objets a changé. Il s’adresse alors longuement à cet arbre pour lui faire valoir l’absurdité de sa position existentialiste de végétal, incapable de goûter l’intelligence d’Henry-Bernard. Convaincu, l’arbre se suicide et Henry-Bernard peut retourner dans les salons parisiens.

- L'étranger - Marc Lévy
Nouveau titre : « Pourquoi pas l’étranger qui m’aime ? ».

Un événement inouï et invraisemblable bouleverse Meursault : il rencontre un homme à la beauté troublante sur la plage. Entre ces deux êtres uniques et particuliers, un lien passionné et bouleversant va se nouer. Ils se promettent de toujours se chérir passionnément, même si l’un des deux devait décider d’abattre l’autre d’un coup de pistolet.

- Un barrage contre le Pacifique - Christine Angot
Nouveau titre : « Une embardée dans le Canal Saint-Martin ».

Christine, romancière, a fait partie des premiers colons installés près du canal Saint-Martin. Ce roman est le récit de sa désillusion, suscitée par la découverte des vices des indigènes, qui ne lisent que des mangas et France Soir. Déçue, elle enfourche son scooter et reprend le chemin de Saint-Germain des Près.

- L'éducation sentimentale - Philippe Djian
Nouveau titre : « Le blues des temps passés ».

Jimmy est un petit arriviste minable, misérable, dépressif, qui lit Salinger dans le métro qui le mène chez sa mère, à Passy. Il rencontre Michael Robinson et sa femme, qui dirigent un journal de mode à destination des jeunes urbains cools qui regardent Six Feet Under. Eperdument amoureux de Mrs. Robinson, Jimmy traverse son époque, sans prendre parti, en retournant sa veste en cuir, quand l’exige la possibilité de publier un article dans Cool Attitude.

- Aimez-vous Brahms ? - Katherine Pancol
... (je n’ai lu ni l’une, ni l’autre… hélas?)

Dave Feng

samedi 1 mai 2010

Du neuf avec du vieux (exercice n°13 - enfin, je crois...)

Soit dix grands classiques de la littérature française du 19e et du 20e siècle

-  L'Assommoir
- La peau de chagrin
- Le rouge et le noir
- Les Misérables
- Vingt ans après
- A l'ombre des jeunes filles en fleur
- La nausée
- L'étranger
- Aimez-vous Brahms ?
- Un barrage contre le Pacifique
Bonus :
- L'éducation sentimentale (voir commentaire ci-dessous en réponse à Salomé)


Soit, d'autre part, dix écrivains contemporains à la mode choisis au hasard...

Michel Houellebecq
Katherine Pancol
Philippe Djian
Marc Lévy
Christine Angot
Amélie Nothomb
Bernard-Henry Lévy
Bernard Werber
Jean-Christophe Rufin
Frédéric Beigbeder
+ 1 "joker" (l'auteur de votre choix, pour faire le 11e - voir la réponse à Salomé ci-dessous dans les commentaires)

Attribuez un livre à chacun(e) d'eux/elle, donnez lui un nouveau titre dans le style de son nouvel auteur, et écrivez un résumé en trois lignes pour chaque nouvel ouvrage.
Je vous rassure, vous n'avez besoin d'avoir lu ni les uns, ni les autres. Il est beaucoup plus intéressant de faire cet exercice avec ses préjugés...  et avec Wikipédia.
L'écriture, c'est de la documentation (même approximative) et de l'imagination.

Note complémentaire :
Vous n'avez pas non plus besoin de traiter tous les livres. Même un seul, bien trouvé, peut suffire. Vous pouvez aussi décider d'attribuer plusieurs livres (ou tous) à un seul auteur. Bref. Vous avez le droit de détourner la contrainte à votre convenance. Sentez vous libre sous contrainte. 
Signé : Martin Winckler, dictateur de la double injonction littéraire... :-)


Date limite de remise : prolongée au 20 mai à minuit (cf commentaire de Salomé, ci-dessous).

Et voici la première contribution...

MW

jeudi 29 avril 2010

Le plan du labyrinthe (Ficelles et chapeaux-claque, 5)


Ornella a écrit : « Je ne sais plus où,  mais j’ai lu que vous n’aviez pas en tête la fin du CDF  quand vous en avez debuté l’écriture. Pourtant le roman semble très construit. Construisez vous réellement l’intrigue de vos romans au fur et à mesure de l’écriture ? Si oui, restez-vous coherent ? »


La réponse à la première question est « oui ». C'en est même gênant, par certains côtés : je ne sais pas toujours où je vais, et ce que ça va donner. Et même le plus souvent. Il m'est arrivé au moins deux fois de commencer un roman sans rien avoir d'autre (ou presque) que le titre : Touche pas à mes deux seins et Un pour deux. Enfin, pour Un pour deux et les deux autres volumes de la trilogie j'avais le personnage de René/e, quand même. Très vite, j'ai  décidé que le cadre serait Tourmens, ses « points chauds » l'hôpital Nord (celui des quartiers pauvres) et le centre Multimédiatique Michel-Houellebecq, ses têtes de Turc le maire Francis Esterhazy, son épouse top model Clara et le bouffon de cour Victor-Henri Slezak. J'aime bien me moquer des personnalités qui m'insupportent.

Pour le CDF, (et d'ailleurs pour Sachs et Les Trois médecins et La vacation), j'avais essentiellement le cadre (l'unité 77, le cabinet de campagne, la fac, le centre d'IVG), les personnages principaux et la trame temporelle. Et puis un argument de départ très simple et finalement assez vague : la vie d'un médecin généraliste vue par ses patients ; l'activité d'un médecin dans un centre d'IVG et ses tentatives pour en rendre compte dans un roman ; les études de médecine de Bruno Sachs comme remake des Trois Mousquetaires ; un roman d'initiation dans un centre de santé des femmes. Mais c'est ce qui m'a permis d'avancer. 

En ce moment, le roman que je voudrais écrire et qui s'intitule pour l'heure La voie d'un homme stagne parce qu'il me manque une dimension. Je sais qui sont les personnages principaux (un écrivain/médecin/père de famille et sa mère) et où ça se passe (chez lui) mais pas exactement ce que je veux raconter, ni en combien de temps ça se passe. Il semble, au vu de mes précédentes expériences, que j'aie le plus souvent besoin d'avoir un « cadre temporel » (ou d'une trame pré-établie) pour pouvoir construire mes livres. Le cadre en question est visible dans les quatre romans médicaux. Il l'est moins dans la Trilogie, mais il existe néanmoins : je m'étais fixé de construire chaque volume comme une « saison » de série télévisée du câble, en 13 « épisodes » (chapitres) divisés chacun en 4 « actes » (scènes). 

C'est l'idée de construire ça comme une série télé qui m'a donné ensuite l'idée de faire commenter la deuxième « saison » (L'un ou l'autre) par trois « spectateurs » dont les remarques sont intégrées au texte, et de faire construire la troisième (Deux pour tous) par ses scénaristes, sous les yeux même du lecteur. Une triple mise en abŷme, en quelque sorte. Ça n'était pas purement formel, et pas gratuit du tout. Les difficultés d'écriture que rencontrent les scénaristes étaient les miennes et je voulais, en les formulant, les surmonter pour arriver au bout de l'histoire. 

Rétrospectivement, la Trilogie n'est pas seulement la genèse d'un super-héros, c'est aussi la fin d'un cycle et la remise en perspective de dix années d'écriture. C'est ce qui m'a permis d'écrire Le Choeur des femme comme si c'était mon « second premier roman », mais du coup je me sens un peu frigorifié. Après La vacation (mon premier premier roman), j'ai mis presque dix ans à écrire La maladie de Sachs. Je n'aimerais pas qu'il m'arrive la même chose une nouvelle fois.

Mais il y a beaucoup de points communs entre La voie d'un homme et Les Cahiers Marcoeur, le livre inabouti que j'ai écrit entre La Vacation et Sachs, et je me demande si je vais de nouveau me perdre dans un projet sans suite ou si je vais parvenir, cette fois-ci, à le surmonter.

Il me manque encore la trame, le cadre, la toile qui va me permettre de construire, alors je n'avance pas beaucoup. J'en suis encore au stade où j'accumule les informations, les références, les idées, les scènes, les bouts de ficelle qui viendront composer toutes les pièces du puzzle qu'est le roman.

Pour avancer dans l'écriture d'un roman, je me fabrique souvent un plan (vague) de ce que je veux y voir figurer. C'est ce que j'ai fait pour Sachs (avec le découpage qui suit celui de l' « observation clinique ») et pour LTM (j'ai construit l'itinéraire des étudiants en le calant sur le contenu pédagogique de mes propres études). Pour La Vacation et le CDF, je me suis plutôt laissé guider par la topographie (réelle et imaginaire) des lieux et la « logique » du travail dans un hôpital. J'ai besoin de « tuteurs » narratifs. Ils me rassurent, je pense. Alors je ruse : dans Un pour deux, l'une des trames policières (l'enquête sur l'agression de Sonia) est empruntée à Bullitt, le film de Peter Yates. Celle du Numéro 7 lorgne du côté de The Stars, My Destination de Alfred Bester (lui-même inspiré par Le Comte de Monte-Cristo !!!)

La figure du roman comme puzzle, surexploitée depuis G. Perec, m'a toujours paru insuffisante pour parler du travail de l'écrivain si on ne la superpose pas à celle du labyrinthe, « que le rat-écrivain construit en même temps qu'il se propose d'en sortir », pour paraphraser le susmentionné. Le puzzle, c'est le produit fini (je ne peux plus le voir en désordre une fois qu'il est achevé). L'idée de labyrinthe, et surtout celle de l'itinéraire dans le labyrinthe est beaucoup plus proche de ce que je ressens au moment où j'écris : d'abord, je ne sais pas très bien où je vais. Je sais, bien sûr, qu'il y a une sortie, et je sais à peu près à quoi elle ressemble (souvent, je l'ai en tête très tôt, dans ses grandes lignes). 

Mais je ne sais pas par où je vais passer (puis faire passer le lecteur) pour y parvenir, quelles impasses, quelles chausse-trappes, quels raccourcis inattendus, quels « niveaux cachés » (comme on dit dans les jeux vidéo) je vais rencontrer. Enfin, construire. C'est pourquoi, à la réflexion, le choix de mon pseudo me paraît être tout à fait justifié. J'avais un moment envisagé de prendre celui de « Marc Valène ». Serge Valène est le peintre/narrateur qui, dans La vie mode d'emploi, met en place sur une toile l'immeuble sans façade où il a vécu et imagine les histoires qui se sont déroulées dans les pièces ainsi accessibles au regard. 

Gaspard Winckler, lui, est l'artisan qui colle sur une planchette de bois les aquarelles peintes par Bartlebooth et les découpe ensuite de manière chaque fois différente pour en faire un puzzle de recomposition imprévisible. Valène, c'est Perec ; Bartlebooth, c'est le personnage/lecteur de son roman ; Winckler, c'est l'écrivain dans le roman. C'est l'écrivain qui travaille sous contrainte, et qui transforme les errances de son alter-ego en casse-tête qui lui permettra peut être de gagner sa croûte.

La voie d'un homme est une autofiction. La réinvention d'épisodes autobiographiques sous une forme très facétieuse – et que j'aimerais drôle, mais il paraît que lorsque j'essaie d'être drôle dans mes textes, je n'y parviens pas. En tout cas, le projet renvoie, comme je le disais plus tôt, à quelque chose qui était en germe dans Les Cahiers Marcoeur, mon grand roman inédit. Marcoeur est un écrivain qui écrit tout le temps, au point de ne vivre que pour ça. Au centre du livre, il y a son « grand projet », intitulé Cet Homme en Kit. Le portrait d'un homme en pièces détachées. Le projet n'est jamais décrit, seulement évoqué, et l'histoire de Marcoeur reste en filigrane de celle de six autres personnages qui s'appellent tous « Sachs » mais avec une graphie qui change à chaque fois : Sacks, Sax, Zacks, Zax, Zachs.

En ce moment je lis un bouquin d'anthropologie assez extraordinaire intitulé Sex, Time and Power. L'auteur, Leonard Shlain, y théorise comment, il y a 40 000 ans, Homo Sapiens, qui existait déjà en tant qu'espèce depuis plus de 100 000 ans, a grâce à la synchronisation des cycles menstruels avec le cycle lunaire, est devenu carnivore et chasseur, et a pris conscience simultanément de l'écoulement du temps et de sa propre mortalité. Sous la plume de Shlain, les comportements humains apparemment les plus paradoxaux deviennent soudain lumineux, grâce à des explications très simples et d'une logique confondante.

Inévitablement, comme lorsque je lisais fils (voir cette entrée du blog...), j'ai très envie d'associer ma lecture à ce qui est déjà écrit de La voie d'un homme et aux fragments de Cet Homme en Kit qui me restent. Sur la dernière page de garde du bouquin de Shlain, j'ai écrit la liste suivante :
-      Habitat
-      Alimentation
-      Sexualité/reproduction
-      Vie sociale
-      Productions culturelles et artistiques
-      Physiologie et santé
-      Langage

Ces sept éléments pourraient constituer les « parties » du livre, qui se présenterait alors, en apparence, comme l' observation d'une espèce faite par un ethnologue (ou un naturaliste). À ceci près qu'ici, il ne s'agit pas de décrire une espèce sexuée, mais l'un des deux genres, à travers le portrait d'un seul individu.

Ambitieux ? Oui, on peut dire ça. Et donc, casse-cou. Mais je suis prêt à tout pour avancer.

******

Quant à la cohérence, ce n'est pas à moi de le dire, mais aux lecteurs. En tout cas, quand un roman est terminé, je le relis de nombreuses fois, pour vérifier qu'il n'y a pas d'incohérence. Justement, en relisant Le Choeur des femmes pour le préparer à l'impression, j'ai réalisé qu'à un moment donné, j'avais fait rentrer Jean le chez elle sans sa voiture (qui n'a pas démarré) et que le lendemain, elle retournait à l'hôpital... en voiture. Il m'a fallu reprendre ce paragraphe et la coller sur un vélo tout en rendant la chose plausible, car ce matin-là, elle a une migraine carabinée.

De même, quand j'ai relu La Vacation avec la correctrice qui travaillait chez P.O.L, à l'époque, elle m'a fait remarquer qu'au début du livre Bruno porte une sacoche, et qu'à la fin il porte un cartable. Elle m'a expliqué que c'est ce qu'on appelle « un échafaudage » (dans le même sens que les structures tubulaires qu'on accolle à un bâtiment pour le nettoyer ou le rénover. Au début de l'écriture d'un manuscrit, on utilise certains mots pour désigner un objet particulier, et puis il nous en vient un autre qui prend le dessus et, comme on ne se souvient pas toujours de ce qu'on a fait auparavant, on ne peut pas toujours corriger le premier choix. 

Ce genre de chose ne m'arrive plus (je suis très vigilant et la fonction « Rechercher Remplacer » des traitements de textes aide beaucoup) mais il m'arrive régulièrement de « retoucher » certains passages du début d'un roman pour annoncer de manière subliminale ce qui va survenir plus tard dans le déroulement de l'intrigue – une fois que je le sais moi-même, ce qui survient parfois assez tard ! Alors, question cohérence, je fais de mon mieux, mais c'est aux lecteurs/trices de dire si j'ai correctement accompli mon travail.

Et là en cet instant, il est 1h02 du matin, mes yeux se ferment et je ne suis pas sûr que ce que je viens d'écrire a le moindre sens, la moindre cohérence...

(À suivre... )




dimanche 25 avril 2010

Ecrivains modèles et livres pour île déserte (suite) - par MW


Pendant très longtemps, j'ai ressenti un grand malaise, presque une certaine honte, à nommer les écrivains que j'aimais. Ce n'étaient pas des "classiques" - ceux que les enseignants nous présentaient en levant le manuel devant eux comme un objet mystique et en nous ordonnant de nous prosterner pour en lire la parole sacrée. D'ailleurs, il y avait de l'incongruité à nommer l'auteur d'un roman d'aventures ou d'un roman policier. Ce genre de roman n'avait pas d'auteur. C'était de la littérature "pour la jeunesse".
Mais je ne savais pas qu'il y avait de la littérature "pour la jeunesse" et de la littérature "pour les grands". Je savais seulement qu'il y avait des livres que j'avais du plaisir à lire, et d'autres qui ne m'attiraient pas.

Jusqu'à l'âge de 17 ans, j'ai lu d'une manière très particulière, très obsessionnelle : quand un livre me plaisait, cela me donnait bien sûr le désir de lire d'autres livres de la même trempe. Lorsqu'il s'agissait de romans mettant en scène un héros récurrent - mettons : Bob Morane ou Sherlock Holmes ou Hercule Poirot ou Arsène Lupin ou Wenceslas Vorobeïtchek, alias "Monsieur Wens" - c'était facile : le personnage me guidait - c'était d'ailleurs souvent le cas dans le domaine policier. Quand il s'agissait de SF, c'était plutôt l'écrivain que je suivais à la trace. Les romans de "littérature générale" (comme on dit en France) ne m'ont pas attiré avant ma rencontre fortuite avec un très beau roman de Robert Merle, L'ïle, lorsque j'étais en classe de Terminale.

Comme beaucoup d'adolescents avant moi j'ai bien sûr lu du Jules Verne à tour de bras, et celui-ci m'a aiguillé vers Herbert-George Wells, mais au lycée, je n'ai pas lu les classiques recommandés ou imposés. J'ai détesté Le rouge et le noir, j'ai trouvé L'éducation sentimentale incompréhensible et Balzac me pompait l'air. Quarante ans plus tard, je pense tout simplement que les descriptions m'insupportaient et que la finesse des considérations psychologiques m'échappait totalement. Ce que je voulais, c'est que ça bouge. Le plus drôle, c'est qu'aujourd'hui,  j'aime beaucoup plus les séries psychologiques que les séries d'action. Comme si la confusion des sentiments m'était plus accessible au travers de dialogues ou de silences qu'à la faveur de descriptions suggestives. Lorsque Emma va chercher des verres en cristal au sommet d'une étagère pour servir une liqueur à Charles (qui n'est pas encore son mari) j'étais incapable de comprendre (et je le suis encore : il a fallu qu'on me l'explique) que ce geste signifie combien elle le tient en haute estime...

Ce qui m'a toujours plu, dans les livres, c'est la surprise ; les détours ; les chausse-trappes ; les coq-à-l'âne ; les labyrinthes. Bref : la construction. Je ne dis pas que je ne peux pas goûter une phrase bien faite et pleine de subtilité, mais rien ne me ravit plus qu'un écrivain qui sait jouer avec le même talent d'une construction savante et d'une belle maîtrise des mots. En disant cela, je pense à Camille Laurens, dont tous les romans (sauf le dernier en date, que je n'ai pas lu) m'ont à la fois ému, ravi et fait rire (ses calembours sont les plus fins et les plus signifiants qui soient).

Mais je pourrais dire la même chose du livre de Marie Darrieussecq dont j'ai parlé ici (Rapport de police) qui, bien qu'il s'agisse d'un essai, m'a passionné et impressionné.

Le goût pour les constructions élaborées est venu d'abord, avec la littérature policière et la science-fiction. J'aimerais encore, aujourd'hui, retrouver le plaisir éprouvé devant la malice d'un whodunit de Stanislas-André Steeman (bien oublié aujourd'hui et c'est un malheur) ou la chute d'une nouvelle de Robert Sheckley. Je continue encore, aujourd'hui, à lire nouvelles et romans parlant de crimes impossibles (le vertigineux The Tokyo Zodiac Murders de Shoji Shimada - merci Roland Lacourbe !!!) ou d'histoires de voyages dans le temps (le magnifique The Time-Traveler's Wife d'Audrey Niffennegger, très mal traduit sous le titre Le temps n'est rien). Et mes romans de littérature "de référence" - Le Carnet d'or, La vie mode d'emploi ou Fils, de Serge Doubrovsky (c'est celui-là que j'avais oublié dans mon énumération, l'autre jour).

Fils est moins connu que Un amour de soi ou Le livre brisé, du même auteur, mais il a une importance considérable dans mon itinéraire d'apprenti-écrivain. C'est un bouquin impressionnant, tant par sa construction (qui ne se laisse pas appréhender facilement) que par son écriture (qui peut faire fuir plus d'un lecteur). Le texte n'est pas chapitré, mais constitué de "blocs d'écriture" que le lecteur parcourt comme on saute d'une pierre à une autre pour traverser un torrent, et dans lesquels se mêlent trois récits savamment entrelacés : l'histoire de la relation difficile entre le narrateur, sa mère et ses femmes ; le trajet qu'il parcourt chaque semaine entre le New Jersey et l'université de Manhattan dans laquel il donne des cours de littérature ; et enfin, le cours lui-même, consacré à Phèdre. Le titre,  fils (il n'a pas de majuscule sur la couverture de l'édtion originale, chez Galilée), est, bien sûr, richement polysémique. Or, j'ai lu ce roman entre le premier jet (un long monologue sans structure) et la version définitive de mon premier roman, La Vacation. Il ne fait aucun doute que le travail de Doubrovsky m'a servi non seulement d'exemple, mais d'encouragement. Je n'aurais pas eu l'idée (ou l'audace) de truffer mon roman de parenthèses et d'italiques si je n'avais pas été émerveillé par l'usage que fils en faisait.

Je ne l'ai jamais relu, et, aujourd'hui, j'en ai très envie.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Serge Doubrovsky (je lui avais écrit, il m'avait répondu, nous avons pris un café ensemble un jour à Paris, où il vivait la moitié de l'année) et je me souviens d'une figure à la Roland Barthes, un homme réservé, cultivé, courtois, plein d'un mélange de tristesse et d'humour, et qui semblait profondément touché et surpris par l'attachement que je portais à son travail (j'ai lu par la suite plusieurs autres de ses livres, y compris l'épatant essai qu'il a consacré à Proust : La place de la Madeleine).

(A suivre)


PS : Je viens d'aller sur le site consacré à fils que m'indique Isabelle Grell (cf commentaire n°2) et c'est une merveille. Je vous le recommande. 

lundi 19 avril 2010

Partir, revenir (ex. n°12, le retour) - par Ornella N.


Prendre notre rencontre comme une chance.
Oublier les nuits passées à penser que peut-être.
Maquiller mes yeux bleus en noir pour ne pas lui ressembler.
Construire un futur où tu n’auras pas ta place.
T’imaginer souvent, berçant votre enfant.
Oublier que ça aurait pu être le nôtre.
Chasser la transparence de ton sourire sur les visages des hommes qui m’approchent.
Déménager pour vivre loin de ton fantôme.
Accepter notre défaite.
Ravaler mes larmes.
Etre forte.
Grandir.
Sourire de nos souvenirs.
Et puis un jour, vous rencontrer à nouveau.
Et, en ne t’aimant plus vraiment, proposer de vous recevoir.

dimanche 18 avril 2010

Ecrivains modèles et livres pour île déserte - par Mar(c)tin WZ

Sur ma page Facebook, il y a quelques jours, j'ai mis le portrait des cinq écrivains qui m'ont le plus influencé :
Isaac Asimov,
Alfred Bester,
Arthur Conan Doyle
Daniel Zimmermann,
Georges Perec


Le choix était difficile, mais ils correspondent à ma définition de l' « influence ». A mes yeux, ces cinq écrivains sont des modèles. Les modèles auxquels j'ai voulu ressembler, pour des raisons différentes, et dans l'esprit desquels je crois que j'écris. J'y reviendrai plus loin.

Le même jour ou peu après, une rédactrice du Magazine Littéraire sollicite ma participation à un Hors-Série dans lequel on demande à des écrivains de dresser une liste de dix livres (une « bibliothèque idéale de poche ») et d'écrire 1000 signes sur l'un d'eux. La liste (si je m'en souviens bien, car je ne l'ai pas sous les yeux, elle a dû rester sur mon Mac au bureau et je ne l'ai pas glissée dans ma Dropbox, semble-t-il, mais j'ai l'impression d'égarer des fichiers sans arrêt en ce moment) est à peu près celle-ci (dans l'ordre chronologique de lecture)

NB : Deux de ces « livres » sont des intégrales, un troisième regroupe deux romans habituellement publiés séparément, mais comment choisir dans Sherlock Holmes et dans Lupin, qui forment un tout ?

Les mythes grecs de Robert Graves
Les Aventures de Sherlock Holmes (l'intégrale) d'Arthur Conan Doyle
Les Aventures extraordinaires d'Arsène Lupin (l'intégrale) de Maurice Leblanc
Terminus les étoiles et L'homme démoli, d'Alfred Bester
La vie mode d'emploi de Georges Perec
Le Carnet d'Or de Doris Lessing
On the origin of stories, de Bryan Boyd
Histoire naturelle de l'amour de Helen Fisher
Le Choeur des femmes de Martin Winckler

et... un dernier que j'oublie pour le moment, ce sera intéressant de retrouver de quoi il s'agit.

Si je parle de ça aujourd'hui, c'est en réaction à un commentaire d'Emmanuelle M. (qui intervient aussi sur ce blog) à l'absence de femmes dans ma liste d'écrivains sur Facebook.

Dans un premier temps, je me suis dit (et j'ai répondu, défensivement) : mais je cite au moins deux livres écrits par des femmes dans ma liste du MagLit.

Et puis, à la réflexion, j'ai pensé : « Mais pourquoi est-ce que je me sentirais coupable ? »

Qu'est-ce que ça peut foutre, qu'il n'y ait aucune femme dans la liste de mes écrivains « modèles » ? Est-ce si anormal que ça ? Trouverait-on anormal que dans la liste des écrivains modèles d'une femme écrivaine il n'y ait que des femmes ? Un modèle, c'est quelqu'un à qui on veut ressembler, physiquement ou moralement. Ici, il s'agit plutôt du « moralement » (je ne suis ni acteur ni top model...), mais vouloir ressembler à des figures tutélaires de mon genre, est-ce si anormal que ça ?

Et puis j'ai lu tous ces écrivains avant de le devenir moi-même. Chronologiquement, les trois premiers (Conan Doyle, Asimov, Bester) ont été des modèles à travers ce qu'ils ont écrit (leurs fictions mais aussi leurs commentaires sur l'écriture et/ou leur itinéraire individuel) et ce que leurs livres m'ont « fait » – et, ce faisant, suggéré ce que je pourrais produire à mon tour chez des lecteurs.

J'aurais d'ailleurs aussi bien pu citer Herbert George Wells, Jules Verne, Agatha Christie, Georges Simenon, Stanislas-André Steeman, Henri Vernes (Bob Morane), Enid Blyton (le « Club des cinq »), le Lieutenant X (« Langelot, Agent Secret »), que j'ai dévorés enfant. Mais aucun d'eux ne m'a « influencé » en tant qu'écrivain, par leur personnalité ou par leur enseignement, autant que les cinq autres.

Interestingly enough, tous les écrivains de ma liste avaient un autre boulot et une autre formation initiale que celle d'écrivain : Asimov était biochimiste, Bester faisait des relations publiques, Conan Doyle était médecin, Zimmermann était prof (et l'est resté jusqu'à la retraite). Perec, contrairement à ce qu'on raconte le plus souvent, n'était pas sociologue, il avait interrompu sa formation et était devenu documentaliste au CNRS.

Interestingly enough aussi : quatre des cinq écrivains sont nés au vingtième siècle ; trois sont de langue anglaise (Asimov, Bester, Conan Doyle) et considérés comme un écrivain « de genre » et non « de littérature générale », trois (Asimov, Perec, Zimmermann) m'ont, en outre, « auteurisé » - le premier en truffant ses recueils de nouvelles de commentaires sur la manière dont il les avait écrites, le deuxième en dédramatisant, dans des entretiens ou des textes, sa propre accession à l'écriture, le troisième en m' « adoptant » et en me « parrainant » matériellement, affectivement, en me publiant, en me parlant, en m'exhortant, en me soutenant moralement.

Et quand je dis que ces écrivains m'ont influencé, j'ai bien conscience qu'ils l'ont fait très tôt dans mon évolution de lecteur et d'écrivain, et que je n'ai pas fini d'évoluer (voir plus loin). Mais ce sont eux qui me sont venus à l'esprit immédiatement.

Il n'y a pas de femme dans la liste. Mais j'ai lu des écrivaines importantes avant l'âge de trente ans, en particulier dans le domaine du policier ou du noir (Agatha Christie, Patricia Highsmith) ou de la SF (Catherine Moore, Ursula Le Guin, Leigh Brackett). Je ne les ai pas lues parce que c'étaient des femmes, mais parce que j'aimais leurs livres. Et j'aurais probablement pu être « influencé » par certaines d'entre elles si leur biographie avait été accessible et si j'y avais trouvé des points d'ancrage. Mais je suis né en 1955, et qui étaient les écrivaines françaises de l'époque à qui j'aurais pu m'identifier adolescent ? Qui étaient les écrivaines françaises auxquelles une adolescente aurait pu s'identifier ? Colette ? Violette Leduc ? Simone de Beauvoir ? (J'ai lu certains de leurs livres, mais ils ne m'ont pas autant marqué.)

La liste de livres dressée pour le MagLit n'a pas la même signification. Les volumes en question sont ceux que j'emporterais sur une île déserte si je ne pouvais rien emporter d'autre. Je les vois comme des sources d'émotion renouvelé, par leur contenu et leur forme. Les livres, à mes yeux, sont des puits de savoir, de réflexion, d'humour, de rêverie et d'évasion – donc, de plaisir. Ce sont ceux dont je peux penser que je les lirais et les relirais de nombreuses fois sans me lasser. (Si on me demandait quelles sont les cinq séries que j'emporterais sur une île déserte, la liste comporterait, probablement pour le même genre de raisons, tout Law & Order (les quatre séries), Urgences, House, M.D., tout Star Trek, tout Buffy/Angel et tout Everybody Loves Raymond. J'aime les séries qui constituent un monde...)  (oui, ça fait six ou sept, pas cinq...)

Parmi les dix livres, deux ont été écrits par des femmes : le roman de D. Lessing, à mes yeux « exemplaire », qui parle de l'accession à l'écriture et de tout ce qu'on peut mettre dans les livres (de l'autobiographie, de l'imaginaire, du narratif, de l'historique, de la connaissance) et l'essai de H. Fisher qui éclaire ce que nous pouvons comprendre de l'amour (du sentiment amoureux, de l'attachement) à la lueur des connaissances acquises par les anthropologues, ethnologues et psychologues évolutionnistes. Dans le reste de la liste, il y a surtout de la fiction, et deux essais.

Les mythes grecs : enfant, j'ai lu beaucoup de volumes de « contes et légendes », et la mythologie grecque et romaine m'a beaucoup marqué. j'ai acheté le livre de Graves il y a deux ou trois ans seulement, parce que c'est un classique dans le monde anglo-saxon, qui pratique seulement la recension de tous les mythes grecs, mais en donne des significations historiques - lesquelles ont pu, depuis, être remise en question, mais ont le mérite de leur faire dépasser le statut de récits folkloriques.

On the origin of stories : j'en ai parlé précédemment sur ce blog. Dans cet essai éblouissant, un critique littéraire néo-zélandais spécialiste de Nabokov met tout son savoir (et sa connaissance des acquis évolutionnistes) au service d'une thèse fascinante : la capacité des humains à raconter des histoires serait, en elle-même, un acquis de l'évolution (autrement dit : un avantage adaptatif), au même titre que la station debout et le langage parlé. Autrement dit : l'aptitude et le goût pour la narration ne seraient pas « produits par la culture », mais innés, engrammés dans notre bagage génétique, et auraient pour fonction de véhiculer les valeurs collectives indispensables à la cohésion des groupes humains face aux pulsions de compétition (elles aussi innées) qui opposent les individus.

J'ai lu une demi-douzaine d'essais « évolutionnistes », depuis deux ans. Tous en relation d'une part avec avec l'amour et la sexualité (le Fisher ; The Mating Mind et Spent de Geoffrey Miller ; Sex, Time and Power de Leonard Schlain, que je dévore au moment où j'écris ceci) ; d'autre part avec les arts et la fiction (le Boyd, et The Art Instinct, de Denis Dutton, philosophe qui parle surtout d'arts plastiques mais inclut un grand chapitre tout aussi éclairant sur l'usage de la fiction).

Ces livres sont tout aussi « influents » sur ma pensée en ce moment (et sur mes publications à venir) qu'Asimov et Perec ou Zimmermann ont pu l'être avant que je publie.

On notera qu'il n'y a ni bouquin d'Asimov, ni bouquin de Zimmermann dans la liste : peut être, en première approximation, parce que les livres du premier sont trop nombreux (comment en choisir un ?) et parce que ceux du second sont centrés sur des préoccupations (historiques et politiques) qui me touchent mais qui ne sont pas les miennes.

Arsène Lupin et Sherlock Holmes. Il y a tout là-dedans : des valeurs, de la narration, de l'imaginaire, du suspense, de l'humour, du mystère, de l'aventure, de l'émotion, de l'amitié, de l'amour, du chagrin, du sacrifice...

Bon, et pourquoi mettre un de mes livres dans la liste ?
Eh bien je me suis dit : ces écrivains et ces livres m'ont aidé à devenir écrivain à mon tour, et je ne vois pas pourquoi je ne marquerais pas cette filiation en insérant l'un de mes livres dans la liste. D'accord, je ne suis pas un lecteur « innocent » de mes livres, mais quand le temps a passé, j'aime les relire et je suis surpris de ce que j'y lis. J'y apprends aussi quelque chose : sur ce que je pensais quand je les ai écrits, sur la personne que j'étais, et donc sur le chemin parcouru depuis.

Ok. Et pourquoi Le Choeur des femmes ?
Ça, c'est plus difficile à dire. Ce n'est pas nécessairement celui que je considère « le meilleur » ; je ne suis pas bien placé pour être le critique « objectif de mes propres livres » et si on me demandait lequel est le plus élaboré, littérairement parlant, je répondrais qu'à mon humble avis, c'est Les trois médecins. (Je sais que beaucoup de lecteurs répondraient plutôt La maladie de Sachs et d'autres La vacation, mais j'ai le droit de ne pas être d'accord avec eux, n'est-ce pas ?)
Ce n'est pas non plus celui dont je suis le plus « fier ». Je suis très fier d'avoir écrit Contraceptions mode d'emploi et d'avoir touché un si grand nombre de lecteurs avec Sachs, mais la fierté n'est pas un critère d'analyse critique.
Ce n'est pas non plus une question de succès ou d' « accomplissement » en tant qu'écrivain : ma réputation repose surtout sur le succès public de Sachs, beaucoup moins sur les appréciations ou les analyses littéraires qu'on a (ou plutôt, qu'on n'a pas) faites de mes livres.

La seule « explication » que je puisse donner au choix du CDF, c'est celle qui me fait dire « chaque texte prépare le suivant ». Le CDF est mon dernier roman en date. En un sens, il est la résultante de plusieurs itinéraires : celui du médecin, celui de l'écrivain, celui de l'aspirant-enseignant, celui du transfuge attiré par la culture et le continent nord-américains. Je ne sais pas si c'est mon « meilleur » roman, le « plus achevé », le plus « littéraire » ou je ne sais quoi. Je sais qu'il représente ce que je pouvais faire de mieux à un moment où, pour la première fois de ma vie, j'étais seul et libre d'écrire au rythme que je voulais, le temps que je voulais, sans avoir mes horaires régimentés par la vie familiale ou une autre vie professionnelle que celle d'écrivain.

De sorte que le CDF a le redoutable privilège de représenter non seulement un série d'expériences (au sens « d'acquis ») et une expérience (au sens de « situation nouvelle ») très particulières. Et toutes proches. Ça fait presque un an que j'ai fini de l'écrire, et je n'en suis pas encore sorti.

MW













vendredi 16 avril 2010

Partir, revenir (ex. n°12, 20 et dernier) : un kit de construction par Salomé V.


Partir-revenir : guide d’écriture



Prendre un élément de la rubrique 1 qui servira d’introduction, puis remplir le milieu comme bon vous semble, soit en suivant la tonalité donnée dans l’introduction, soit en créant un phénomène de surprise ou de rupture ; enfin, choisir un élément de la rubrique 2 qui servira de conclusion.

Vous l’avez compris, ce mini guide s’adresse aux amis écrivants qui essaient en vain de faire l’exercice d’écriture n°12 mais sont en panne d’inspiration. Je me permets de leur fournir ainsi quelques pistes, me plaçant très provisoirement au-dessus de la mêlée, ma modestie naturelle dût-elle en souffrir. Bonne chance à tous !



Rubrique n°1 :



1 - prendre son bain, un café, un taxi, une photo, un rendez-vous, des vacances, un flingue,

2 - prendre 4 bananes plantain, les éplucher, les couper en petites rondelles et les faire frire dans un peu d’huile,

3 - prendre ma place dans le trafic, les chemins de traverse, un enfant par la main pour l'emmener vers demain,

4 - prendre racine,

5 - prendre des vessies pour des lanternes, son ado boutonneux pour James Dean, son patron pour un type intelligent, son épouse pour un modèle de vertu, Diafoirus pour un médecin, BHL pour un philosophe, la vie de famille pour un long fleuve tranquille, les patients, les justiciables, les clients, pour des personnes respectables surtout si elles n'ont rien compris à vos explications,

6 - prendre sa femme pour une boniche (excusez le pléonasme),

7 - prendre à César ce qui est à César,

8 - prendre les signes extérieurs de richesse pour une preuve d'intelligence,

9 - prendre un amant - votre conjoint l'a bien cherché-, sa voisine en soutif sur son balcon - depuis le temps qu'elle vous provoque -, son pied intégral avec le premier inconnu qui passe,

10 - prendre une claque, un coup de poing en pleine gueule, un genou dans l'estomac, son gosse, les affaires de son conjoint...et les balancer par la fenêtre, le chiot du voisin du dessus et le noyer dans une bassine - marre qu'il pisse sur votre paillasson.







Rubrique n°2 :

1 - dans mes bras, ma galante aux yeux de biche et de tes lèvres un baiser fiévreux recevoir.

2 - vos invités arrivent, vous êtes prêt à les recevoir.

3 - tendre l'autre joue. Les baffes, c'est toujours par deux qu'il faut les recevoir.

4 - glisser un cercueil miniature dans une enveloppe et surveiller l'acheminement du courrier, pour s’assurer qu'elle va le recevoir.

5 - ne plus craindre les coups que vous ne manquerez pas de recevoir.

6 - se servir est plus efficace et plus sûr que d'attendre de recevoir.

7 - éviter à tout prix de se recevoir.

8 - à partir de maintenant, vous allez recevoir ce que vous allez recevoir.

9 - regarder la mort en face, se préparer à la recevoir.

10 - dorénavant, ne plus rester si longtemps sans recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 19) - par Lyjazz récidiviste

Prendre garde à surfer sur la douceur de l'air
Être partie en hiver et
me laisser guider par la géographie du printemps
suivre le sens de la ligne du partage des eaux
aller par le canal jusqu'à la mer s'il le faut
le revoir et lui parler, à coup sûr
Prendre son regard dans le mien
me projeter dans sa vie et le ressac
car enfin, après ces dix jours loin, je sais quel est mon vœu
user d'empathie et de persuasion, obsidienne obédience
pour qu'il reconnaisse, enfin, ce que je peux faire pour lui
user de philtres aussi, pour obtenir, finalement, ce que je veux
mouiller à l'avance
Ah, oui, dans ce subtil va et vient je
veux qu'on
convienne d'une date, d'une heure, d'un moment
pour unir nos corps haletants
qui se frôlent, se cognent, se frottent
et ronronnent, feulent
tout d'abord en pensée qui se vit
car enfin, en moi je veux le recevoir....

jeudi 15 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 18) - par Marie L.


Prendre le temps. C’est ce qu’elle s’était juré de faire, pour elle, dans l’avion qui l’avait emmenée à New York trois semaines auparavant. Elle avait prévu de rentrer au bout de dix jours, mais au dernier moment elle avait changé son billet. On ne prend pas le temps comme on prend un avion. Alors ce temps dont elle avait besoin, elle avait décidé de se le donner, pour de bon. Trois semaines face à elle-même, pour décider. Revenir ou pas ?
En marchant dans les rues, sans savoir vraiment où la menaient ses pas, elle énumérait mentalement ce qui l’avait poussée à s’envoler.

Sa mère trop présente. Sans doute. Mais depuis quelques temps déjà elle savait s’en éloigner avant de lui laisser une chance de la ressaisir de son cordon nécrosé de solitude.

Son père. L’absent de toujours. Elle ne savait pas parler lorsqu’on lui a dit qu’il était parti. Le tabou autour de son nom, les photos cachées par ses ainés dans les agendas, le silence de plomb, comme toujours pour « ce qui risquerait de faire de la peine ». Elle ne saurait même pas dans quelle allée chercher.

Ses frères, si proches, si lointains, trop occupés par leur nombril d’ados quand elle aurait eu besoin d’une image masculine forte, enveloppante, de quelqu’un pour la soulager du poids de l’angoisse de cette mère abandonnée.

Cette sœur, inconnue, et qui le restera cas il ne peut en être autrement.

C’est comme ça. On n’y peut rien. Il ne faut pas remuer le passer. Ces petites phrases aussi, surtout, elle les a fuies. Trop occupés à occulter ce passé si effrayant pour eux, et pourtant si riche, ils en avaient tous oubliés le présent. Et ça c’était devenu insupportable.

Un avion au dessus d’elle la sort de sa méditation ambulante. Elle sent la crispation autour d’elle dans la rue. Elle n’était pas née à l’époque, mais elle sent bien que chez les anciens la mémoire est vivante. C’est ça qu’elle est partie chercher, à de milliers de kilomètres de chez elle. La mémoire de son histoire. Et pour la retrouver, il fallait s’éloigner de la toile familiale.

Lucie. La lumière. Elle ne pouvait pas continuer à vivre dans l’ombre. Elle a pris son temps et sa décision, la décision de s’offrir le plus beau cadeau. Aujourd’hui, c’est sa vie à elle qu’elle a choisi de recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 17) - par Muchanuit

prendre les décisions qui s'imposent
tordre le cou aux rumeurs
pousser les murs,virer Mimi, tout nettoyer
éliminer les poils superflus, gommer ce qui se voit
partir sur de nouvelles bases, revoir les fondamentaux
envisager le pire et s'attendre à tout
démolir les fondations, séparer le sol du plafond
trouver la solution, revoir la décoration
ajouter un parfum
mettre tout à plat, restaurer la confiance
élaguer, tailler, raccourcir
aller à l'essentiel,calmer le jeu, tendre la main
déposer les rideaux, poser des rtt
accrocher les tableaux, ranger les voitures
poser du galon dans les embrasures
libérer les accès interdits du séjour
arrondir les angles droit devant soi
ne pas verser dans l'angélisme
ni refuser les compromis ou les postures
choisir d'accueillir avec le sourire
goûter enfin le si délicat plaisir de recevoir.

mercredi 14 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 16) - par Younes J.

Prendre femme. Le film l’a marqué et s’il se trouve en cet instant même entre les deux agents chargés de le rapatrier, c’est parce qu’il a été contrôlé à la sortie du cinéma. Il n’a pas eu la place près du hublot. De profil, le visage de l’agent est déjà imprégné de rêveries que miroite l’horizon bleu au-dessus des nuages.

Trouver les coordonnées de Ronit Elkabetz. Il se rendra au cybercafé dont il a été un habitué pour solliciter l’efficacité de google et pouvoir dire tout le bien qu’il pensait du film, de l’actrice et de la réalisatrice. L’hommage à la dame se construit par nappes nourries du sourire de l’hôtesse blonde à l’accent de l’Est. A dix mille kilomètres au-dessus des âmes humaines qu’on ne voit plus. Il aurait aimé être une bernache.

Embrasser les mains de sa mère, celles de son père, puis ses frères et sœurs. Quatre années de clandestinité ne donnent pas le temps pour penser à faire des cadeaux aux êtres chers quittés alors pour le meilleur. Ni de bonbons pour les gosses du quartier pauvre où il a grandi. Embrasser même les voyous et les filles que la cruauté humaine n’épargnait pas.

Essayer de garder bonne figure auprès des ados qui l’ont érigé en héros parce qu’il a tout défié pour partir à la grande aventure du siècle des hordes indésirables et surtout parce qu’ils ne pensent qu’à faire comme lui, ces gosses. Il a laissé quelques gouttes de sueur perler sur son front et les a vues traces humides étalées sur le sol européen. Il revient certes, pourvu qu’on comprenne qu’il y a pire. Il ramène deux mille euros et des poussières et des choses vécues à raconter.

Acheter une télécarte, puis appeler d’un télékiosque à l’air libre en composant le numéro griffonné sur du bout de papier à jeter après la folle lubie. Les coordonnées sont, à coup sûr, celles de l’agent qui n’a jamais le temps pour les sornettes d’un autre monde, véhiculées par des milliers de kilomètres de câblage, venant d’un homme expulsé et qui, de nouveau, doit tout prouver.

Essuyer de nouvelles sueurs encore et encore, essuyer les pieds bénis de sa mère et puis…

Prendre femme, celle dont l’amour est le plus sublime sens à donner et à recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 15) - par Elisabeth L.

Prendre un avion pour ailleurs, et croire que cela allait changer ma vie, quelle illusion.

Je croyais que le monde me serait donné et il est resté à distance.

Je croyais rencontrer les autres et ils n’ont fait que chercher à m’éviter.

Je croyais oublier mon passé et il m’est revenu en boomerang.

Ce que je voulais c’était changer de vie, mais on n’en a qu’une seule.

Etre quelqu'un d’autre, n’importe qui de préférence !

J’ai pourtant fait les pieds au mur dans ce pays des Antipodes.

« Amer savoir, celui qu’on tire du voyage ! » comme dit le poète1.

Et maintenant je reviens las et je sais pourtant quelle est la voie.

Changer de tête, pas de visage, changer l’intérieur de ma tête.

Et cela ne peut venir que de moi.

Et peut-être aussi, qui sait, de la lettre que je vais recevoir.

mardi 13 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 14) - par Magaly

Prendre une profonde respiration
La laisser descendre et couler en moi
Découvrir toutes ses parties qui font un tout
Prendre l’envie de m’écouter… enfin…
Décider de nourrir mes rêves pas seulement ma peau
Ouvrir les portes et redécouvrir le monde
Apprécier la caresse du soleil
Celle de la pluie et du vent aussi
Profiter des paysages immenses et des chemins de traverses
Goûter ce que je ne connais pas
Aimer ou non
Sourire aux autres et pas seulement aux audacieux
Examiner le chemin parcouru, apprécier la distance restante
Faire face à la vie et accepter de la recevoir.
 
Magaly

Partir, revenir (exercice n°12, 13) - par Brigitte F.

Prendre alors la vie d’un meilleur côté
Prendre encore l’amour et le rire pour partage
En reprendre, encore et encore
Passer d’un état  second à un état premier, découverte et respiration
Souffle et vision, texte et lettre
Prendre surtout le temps de… le temps pour… le temps avec… le temps vers….le temps, le temps
Attendre la pleine lune et se sentir mieux
Attendre le printemps et se sentir revivre
Oublier l’hiver, ne plus se sentir vieux
Voir le bleu, le blanc, de la vie toujours en recevoir.

lundi 12 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 12) - par Zelapin

Prendre l'avion sans vous,
c'est prendre du bon temps sur un accord mineur.
Quand nous nous poserons, je saurai des tas de choses sur notre vie que vous ne savez pas_encore.

Pour commencer, je vais faire une place à votre « être au monde », une place physique, vous choisirez la pièce, les meubles, les plantes, le tapis, ou rien comme vous le voudrez,

Puis je prendrai plaisir à ménager à vos « effets personnels » de pratiques étendues planes, je savourerai cette matérialité sans vie de votre présence, l'absence de vos formes dans ces tissus pliés vous dessinant déjà,

Avec pudeur et je le voudrais délicatesse je poserai près de la sonnette un nouveau petit carton manuscrit: un blanc, au-dessous un « et », au-dessous mon nom,

Dans le même esprit, un trousseau de clés sur le meuble de l'entrée,

Un nouvel abat-jour dépareillera avec bonheur au bout du canapé, son ampoule prête à lire par-dessus votre épaule,

Et ces banalités d'un ennui à mourir, ces contingences infâmes seront enfin les miennes puisque j'ose en rêver aujourd'hui en plein ciel, si j'ose vous les soumettre, si vous souhaitez les faire vôtres.

Me complaisant (sans garantie de durée mais avec une belle sincérité) dans cette triviale intendance d'une vie partagée, je m'apprête à vous recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 11) par Christine C.

Prendre un bateau pour traverser le Fleuve,
Marcher sur le Quai en direction du Pont,
Fermer les yeux,
Se souvenir des images, les superposer : un amoureux blond, des enfants souriants,un amoureux brun, d'autres enfants souriants, les miens, un gros
bonhomme noir à chapeau melon, l'eau qui brille comme de la paille
Ecouter les mouettes, le bruit des voitures qui traversent le Fleuve, les vibrations du Pont, les petites vagues qui se brisent,
Arriver au bout du Quai,
S'apercevoir qu'on a remonté le temps en remontant le Fleuve,
Lever enfin les yeux vers la Ville( aller de droite à gauche, de gauche à droite),
Se souvenir du poème de Sophia*, garder les mots longtemps dans la bouche, le chuchoter à ton oreille : digo o nome da cidade, digo para ver,
je dis le nom de la ville, je dis pour voir

Je dis pour que tu vois
C'est mon cadeau, je pense : plaisir d'offrir
joie de recevoir ?


* Sophia de Mello Breyner Andresen