samedi 10 septembre 2011

Les films de ma vie - par Sophie M. (Ex. n°19)


Lost in translation – Sofia Coppola, 2003.

Un des rares films que je suis allée voir sans en connaître l’histoire. Ma tante et mon cousin m’ont proposé d’aller au ciné, j’ai dit oui et voilà. Cela peut paraître anecdotique mais je suis convaincue que cette séance en terrain inconnu n’est pas pour rien dans l’impact que ce film a eu sur moi.
C’était un soir d’hiver. J’aime l’hiver, j’aime le cinéma le soir. Chaque fois que je m’installe dans une salle de cinéma, je savoure ce bonheur qu’est le cinéma. Si l’on me demandait s’il fallait choisir entre le cinéma et la littérature, je crois que je choisirais le cinéma. Ce serait un sacrifice insurmontable cependant je n’imagine pas vivre sans lui.
Lost in translation est selon moi la quintessence de ce qu’il peut se passer de plus beau entre deux êtres. Les doux moments de l’attirance, l’évidence grandissante de la connivence, la tendresse et la bienveillance s’installant au gré des rencontres. Il n’est nul besoin de nommer ce qui unit Charlotte et Bob, peu importe. Ce qu’ils vivent est rare et précieux et ils le savent.
La scène dont je garde un souvenir très fort est celui de leur première sortie. La musique qui invite à vivre ce qui s’annonce (Chemical Brothers - The state we’re in), l’effervescence, la promesse d’une nuit qui restera… Combien de fois avons-nous vécu semblable transport, ce que l’on pourrait nommer le moment parfait ?
J’ai été troublée par la délicatesse de l’approche de Sofia Coppola. Tout passe par les regards, les silences et l’humour car les deux protagonistes en sont tous deux pourvus. Et puis la pudeur… qui seule permet au spectateur d’éprouver la force emprunte de retenue de la naissance de sentiments.


Une histoire simple – Claude Sautet, 1978

J’ai gardé en mémoire, ce jour de novembre 1978, ce jour où je découvre dans les pages de Télé 7 jours, une photo de Romy Schneider dans le dernier film de Claude Sautet Une histoire simple. Je me souviens avoir lu l’article plusieurs fois. Je suis émerveillée par le fait que Claude Sautet ait offert ce film à Romy pour ses quarante ans. Quelle femme doit-elle être pour qu’un réalisateur lui offre un film ! Je lis dans ces une ou deux pages que Romy est au sommet de son art, que quarante ans est l’âge de la maturité et de la beauté. Je lis aussi que l’héroïne, Marie, n’en a pas fini avec l’amour et la maternité.
J’ai dix ans à ce moment-là, et je crois que quand j’aurai quarante ans, je serai vieille.
Je savais que je ne verrai pas ce film au cinéma, qu’il me faudrait attendre la diffusion à la télé et qu’au moins d’ici là, j’aurais peut-être l’âge de le regarder. Ma mère a déjà refusé catégoriquement que je voie Le vieux fusil.  Une histoire simple devient le film espéré, il incarne mon amour naissant du cinéma et bien au-delà de ce que je peux en comprendre sur le moment, il est ébauche ma vision de femme. Romy et plus encore, le regard de Claude Sautet sur Romy, va décider de ma personnalité, de mon tempérament. Je porterai très haut cette estime de la femme et même si à ce moment-là, je ne pouvais imaginer quelle femme je deviendrais, je savais intuitivement celle que je ne deviendrais pas.
J’éprouvais déjà cette fragilité, cette peur du temps et l’importance du regard de l’autre. J’espérais que l’amour et l’amitié ne me passeraient pas à côté car déjà, je m’en faisais une haute idée.
Je ne me souviens plus de la première fois que je vis ce film. C’est curieux mais l’explication réside peut-être dans le fait que je l’avais vu avant même de l’avoir vu et que depuis, j’ai dû le regarder plus de six ou sept fois.
En 2008, j’ai eu quarante ans. J’ai eu quarante ans l’année où Romy en aurait eu soixante-dix.
J’ai revu ce film en réalisant, que jamais la petite fille de dix ans qui lisait la critique d’ Une histoire simple dans Télé 7 jours, ni même celle de vingt ou de trente, ne s’était imaginé avoir l’âge de Marie un jour, pouvoir dire au moment de la vision du film qu’elle pourrait être Marie.
Alors, je me prends à imaginer le petit rôle que j’aurais pu avoir dans ce film. Qui aurais-je pu être au côté de Marie, Gabrielle, Esther, Anna et Francine ? Aurais-je été de celles qui courraient après leur indépendance ou bien femme délibérément heureuse d’être mère et pas si mal lotie ? À cette question, il est forcément difficile de répondre mais ce que je sais, c’est que j’aurais passé pas mal de temps dans les cafés avec Marie, paquet de cigarettes posé devant moi. C’est là que je les aurais retrouvées, que mon chemin aurait croisé celui de Georges, Serge, Jérôme… mon fils aurait l’âge de Martin… je serais cette femme de quarante ans des années 2000 mais qui l’était devenue par anticipation à la fin des années 70. Mes amies, sont celles-ci, dans la cuisine de cette grande maison de campagne, je prépare sûrement une vinaigrette ou monte des blancs en neige en écoutant Anna assumer son indépendance. Je suis un peu comme Marie, pas très bavarde, mais tirant leçon de ce que j’entends et tentant de ne pas juger trop sévèrement ce que je ne comprends pas. J’ouvre ces grandes armoires pleines de draps, dans ces chambres pleines de lits… De là date mon rêve de maisons pleines d’amis. Je conduis une Simca 1100, prend la pilule depuis mon avortement et je travaille comme les autres sur une table à dessin. Je ne m’appelle pas Sophie mais plutôt Nicole, Danielle ou Françoise… mon mariage bat de l’aile, le divorce devient populaire pourquoi pas moi ?


An affair to remember – Leo Mccarey, 1957

Incontestablement ma comédie romantique préférée. Le film que je regarde seule, sous une couette devant la cheminée quand j’ai un peu le cafard ou qu’il ne m’est rien arrivé d’exaltant depuis trop longtemps. Son titre français Elle et lui. C’est un remake de A love affair que ce  même réalisateur avait réalisé en 1939. Je ne connais pas les raisons qui l’ont poussé à refaire son film presque vingt ans plus tard.
Un film pour les intraitables romantiques.
Cary Grant, Deborah Kerr… quel couple de cinéma !
Curieusement, tout ne plaît pas dans ce film. Par exemple, la scène de chant des enfants est longue et caricaturale. La grand-mère de Nickie-Cary manque un peu de vraisemblance.
Ce que j’aime dans ce film, c’est le déroulement, l’impossibilité pour les protagonistes de résister à leurs sentiments. Pour tous ceux qui ne l’auraient pas vu, je ne parlerai pas de la fin… superbe de romanesque.
Malgré son indéniable côté fleur bleue, ce film est bourré d’humour, de quiproquos amusants. Ces deux-là ne se prennent pas trop au sérieux non plus.
Ma scène préférée, Terry-Deborah de retour à New-York découvrant Nickie sur son écran de télévision et n’éprouvant pas le courage de poursuivre sa relation avec son fiancé qui comprend ce qui se passe.
Une deuxième scène préférée : le baiser qu’on ne voit pas.
Certains trouveront ce film quelque peu désuet. Avec moi, ça marche à tous les coups !