mercredi 8 décembre 2010

La vie en brève, 7 et 8 par Salomé Viviana et Thierry V.


République Démocratique de France

Avis à la population

Après des années de lutte acharnée et grâce à l’appui de chacun de vous, nos Forces Intérieures Vertueuses viennent de remporter une victoire décisive :  

le Désir, ce fléau de l’humanité, est mort ce soir.

L’Homme nouveau, libéré de ses pulsions, est avenu.
La copulation, vestige des temps primitifs, est désormais interdite.
Une peine de flagellation, prévue par la loi, punira tout contrevenant.
La République Démocratique de France peut à présent rejoindre la puissante Confédération des Univers Libres.

Fait à Paris, le 4 mai 2031
Le porte parole du gouvernement

James Haibander
 (pcc : Salomé Viviana)


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Francisco Poncherello.

A l’occasion d’une interview, Francisco Poncherello répondit à la question « Comment souhaiteriez-vous finir ? » par un laconique « En catalogue d’exposition ».
Du passé de l’artiste, nous ne connaissons que peu de choses : une enfance ennuyeuse à Bâle, encerclé par un père terrassier et une mère maniaco-dépressive, avant sa fuite à 17 ans pour New-York, où il aurait travaillé comme jongleur de rue ou cuisinier dans un restaurant portoricain. Il rejoint en 1992 la School of Visual Arts, où sa première exposition est remarquée. Pour Copulation, l’artiste prit en photo des dizaines de traders adeptes du sadomasochisme, les faisant poser devant leurs écrans de travail, bâillon boule en bouche.
De retour en Europe en 2002, Poncherello enchaîne les expositions controversées dans de nombreux pays, dont celle de 2012 en France : Population 0. Il transforme pour l’occasion le dernier étage du Centre Pompidou en paysage post-apocalyptique, où des comédiens, grimés en Michel Drucker et Mireille Mathieu, grognaient et erraient parmi les nombreuses pièces de l’artiste, uniquement constituées de détritus peints aux couleurs du drapeau français.
Si l’artiste nous a quittés le 23 juin dernier après 55 ans d’une existence agitée, ce n’est qu’à l’occasion de son exposition posthume que nous apprenons officiellement sa mort. Ses avocats ont bloqué toutes les tentatives d’annonces, afin que les assistants de Poncherello accomplissent ses dernières volontés. Le 31 octobre commence son ultime exposition au Palais de Tokyo : Toutes mes tripes. Selon les consignes très précises de l’artiste, son corps démembré et recomposé en diverses œuvres est exposé. Par exemple dans Flagellation : son cœur tranché est mis dans un cube en plexiglas, baigné de paillettes rouges, alors qu’à ses côtés, un chanteur folk enchaîne des reprises acoustiques de Cat Stevens. Le reste de Poncherello est tout aussi judicieusement disséminé dans l’exposition. Notons que la dernière salle propose une série d’œuvres « à emporter », sobrement intitulées Kebab. Les restes de l’artiste sont présentés dans plusieurs pains pita du plus bel effet, sobrement entourés de quelques frites convaincantes. Nous tenons à préciser aux collectionneurs que les frites, faites dans une résine synthétique, ne sont pas comestibles.

Thierry V.