"ROY"
Lundi 3
septembre, à la cafétéria
- P…
de machine ! Moi, c’est simple, pas de café, pas de dossier ! En
plus, Lachaume, ça fait trois semaines qu’il sait que la machine est en panne,
qu’est ce qu’il attend pour la réparer ?
- Ecoute,
Cécile, il n’est pas neuf heures, je t’emmène boire un petit crème au Germ’, tu
ne vas pas commencer la rentrée énervée comme ça !
En moins de deux minutes, le patron du Germinal, efficace comme à
son habitude fait glisser sur le comptoir deux cafés crème, en lâchant un « bonjour mesdemoiselles » distancé,
tandis que son regard ne perd pas
un détail de l’estivale métamorphose physique des deux copines.
- Alors,
c’était bien tes vacances chez les basques ?
- Comme
d’habitude, il y a de plus en plus de monde, et ils n’ont pas encore inventé
des plages en duplex ! Mais c’était sympa de revoir les copains et la
famille. J’ai même surfé à Hendaye. Avec l’année que j’ai passée après le
départ de Christian, ça m’a fait du bien !
- Tu
verras, c’est dur au début de vivre à nouveau seule, mais encore quelques
semaines, et Christian, même s’il revenait, tu ne le supporterais plus.
- Au
fait, merci d’avoir nourri mes quatre chats pendant les vacances. Mais, figure
toi, quand je suis rentrée samedi soir, il n’y en avait plus que trois, Roy
n’était pas là.
Immédiatement sur la défensive, Claire
atteste qu’elle avait vu Roy tous les jours, y compris la veille au soir du
retour de son amie.
- Ne
t’en fais pas, dans quelques jours, il sera de retour. Je sais que c’est ton préféré,
mais c’est le plus craintif. Il faut qu’il se réhabitue à toi, surtout que
c’est lui que tu câlines le plus !
- Je
sais bien, j’y suis hyper attachée, il est beau comme un chat antique, on
dirait un prince noir. Il a une vraie élégance quand il se déplace. Et quand il
vient cogner son front sur mes genoux pour que je le caresse, je fonds !
Heureusement qu’il était là pour me consoler quand Christian est parti.
- Arrête
de parler comme ça Cécile, tu n’as pas trente ans et on dirait déjà une vraie
mémère à chat. Bon, neuf heures cinq, il va falloir y aller si on ne veut pas
que Lachaume râle dès la rentrée. Au fait, j’organise une soirée cool samedi
prochain, viens il y aura de beaux célibataires ténébreux comme tu les aimes…mais
tu viens sans tes chats !
- OK,
salut !
Lundi 10 septembre au Germ’
- Dis
donc Cécile, t’es pas venue samedi soir, t’as eu tort, il y avait un super beau
mâle, libre et sympa, dans une semaine, il est pris !
- Oui,
je sais, mais je n’avais pas envie de sortir, j’étais vachement bien toute
seule, et surtout … viens, on va s’assoir à la terrasse, je ne veux pas que le
patron du Germ’ nous entende.
- Alors,
t’as dégoté la perle ?
- Non,
Claire, simplement je me remets du départ de Christian, et figure toi, je crois
que je cicatrise bien, je fais même des rêves érotiques, ça me réveille et ça
me fait tout drôle !
- T’est
en bonne voie ma chérie ! au fait, Roy est rentré au bercail ?
- Non
et je m’en fous, après tout, qu’il vive sa vie de séducteur !
- Dépêche-toi,
il faut aller bosser !
Lundi 17 septembre au Germ’
- Salut
Cécile
- Salut
Claire
- Ça
va ? Et tes rêves érotiques ?
- Super,
c’est de plus en plus intense, ça me réveille toujours et, figure toi que la
nuit dernière, à 3 heures du mat’, j’ai même touché l’oreiller à côté de moi,
tu ne me croiras jamais, mais il était chaud !
- Cécile,
il faut vraiment que je te sorte, tu vas devenir complètement givrée ! Accompagne-moi
aux toilettes, je n’aime pas y aller seule.
Les deux amies descendent l’escalier vétuste et étroit du
Germ’. Face à la glace rouillée par des années d’atmosphère confinée, elles se
recoiffent.
- Claire,
tu pourrais m’aider à attacher mes cheveux, il fait trop chaud au bureau.
- Bien
sûr !
En un seul geste, Claire soulève
la belle chevelure de Cécile, l’attache et dégage ainsi sa nuque sans remarquer
de petites traces de griffures surmontées d’un peu de sang coagulé et de
quelques poils noirs et soyeux.