J'écris parce que j'aime parler et parce que je passe beaucoup de temps seul.
Mais je n'écris pas pour passer le temps.
J'écris parce que je suis en colère, mais on ne peut pas
passer tout son temps à engueuler ceux qui n'y sont pour rien.
J'écris parce que les mots apaisent et font plaisir.
J'écris parce que j'aime partager et on partage beaucoup
plus, avec beaucoup plus de monde, quand on écrit.
J'écris parce que j'aime voir les lettres apparaître et
former des sons dans ma tête, et du rythme, et du sens. Enfin, la plupart du
temps.
J'écris parce que c'est un moyen honorable de gagner sa vie et j'ai toujours été écartelé entre l'obligation morale de nourrir ma famille et la honte de gagner de l'argent.
J'écris parce que c'est un moyen honorable de gagner sa vie et j'ai toujours été écartelé entre l'obligation morale de nourrir ma famille et la honte de gagner de l'argent.
J'écris parce que j'aime construire et les mots sont à la
fois outils et matériau.
J'écris parce qu'écrire c'est tisser des
sentiments.
J'écris parce que j'aime entendre des histoires et en
raconter. Alors j'écris les histoires que j'aimerais lire et faire lire.
J'écris parce que je ne crois pas en Dieu.
J'écris parce que l'univers est immense et vertigineux.
J'écris parce que notre existence n'a aucune importance.
J'écris parce qu'écrire c'est donner du sens à ce qui n'en a
pas.
J'écris parce qu'écrire c'est donner du sens à ceux qui en
cherchent.
J'écris parce que les histoires sont comme les gènes, elles
se transmettent de génération en génération.
J'écris pour féconder celles et ceux qui me lisent comme je
l'ai été par celles et ceux que j'ai lus.
J'écris pour ne pas rester dans le silence et l'impuissance.
J'écris pour être reconnu.
J'écris pour me sentir utile.
J'écris pour défendre mes valeurs et prouver ma valeur.
J'écris pour que mes enfants soient fiers de moi.
J'écris parce que j'aurais voulu que mes parents soient
fiers de moi.
J'écris parce que je ne veux pas garder ce que je sais pour
moi.
J'écris parce que je déteste l'oppression et parce qu'un
écrit est une forme de résistance plus discrète mais plus durable qu'une bombe.
J'écris parce que je déteste les abus de pouvoirs.
J'écris parce que celui qui me lit choisit de me lire, même s'il
finit par rejeter ce que j'écris.
J'écris parce que j'aime rire, pleurer, tourner les pages, sursauter,
apprendre, réfléchir – et parce que j'aime le faire aux autres.
J'écris parce que ça ne coûte presque rien et lire non plus
(c'est publier et acheter de l'écrit qui coûte cher…)
J'écris beaucoup parce que je suis un grand bavard (c'est
sûr) et parce que la parole est ma queue de paon (c'est probable).
J'écris parce que ça me permet de crier en paix.
J'écris parce que ça me permet de ne pas penser aux choses
qui me pèsent – ou de leur régler leur compte le temps que je passe à écrire.
J'écris parce que je déteste attendre ; et quand on n'a pas
de livre sous la main…
J'écris parce que ça me donne le sentiment d'être
intelligent. Pas " plus intelligent que ceux et celles qui n'écrivent pas
" (je ne crois pas qu'écrire soit une preuve d'intelligence, mais
simplement l'expression d'une aptitude particulière, comme le sens des formes,
une olfaction très développée ou une oreille musicale) mais "plus
intelligent que celles et ceux qui écrivent des conneries".
J'écris pour celles et ceux qui éprouvent les mêmes
sentiments que moi mais qui n'écrivent pas.
J'écris parce que tant que j'écris, j'ai le sentiment de
penser. Et, comme disait Descartes, tant que je pense, je suis.
J'écris parce qu'écrire, c'est chic ou c'est chiant, selon
les moments.
J'écris parce que ça me fait moins peur que téléphoner.
J'écris parce que je peux assassiner qui je veux impunément –
et sans toucher à un cheveu de leur tête.
J'écris parce que j'en ai gros sur le cœur.
J'écris pour garder vivant le plaisir éphémère.
J'écris pour ne pas oublier – et pour m'inventer les
souvenirs qui me manquent.
J'écris pour me persuader que je suis un type bien (ou, en
tout cas, un type mieux que d'autres – qui écrivent ou non – et que je ne peux
pas piffer).
J'écris parce que je suis paresseux. (Si je ne l'étais pas,
j'écrirais plus. Ou j'aurais appris un vrai métier. Ou je serais médecin à
temps plein, tiens, par exemple.)
J'écris parce que je pense tout le temps, c'est fatiguant ; quand j'écris, je pense moins – et parfois plus du tout – ça me repose.
J'écris parce que des éditeurs comptent sur mes livres pour
gagner de l'argent. Certains y parviennent mieux que d'autres. Et ils m'en donnent un peu ou beaucoup selon le cas. C'est toujours agréable.
J'écris sur l'internet parce qu'en théorie n'importe qui
peut me lire, n'importe où, n'importe quand.
J'écris à l'ordinateur parce que ça va plus loin. J'écrivais avec une machine à écrire parce que ça allait plus vite. Mais je
continue à écrire dans des cahiers parce que c'est beau de voir la main tracer
des mots.
J'écris parce que ça me rend séduisant alors que mon corps
ne l'est pas.
J'écris parce que ceux qui me lisent se foutent de savoir si
j'ai encore toutes mes dents.
J'écris parce que c'est un remède acceptable à l'angoisse,
au chagrin, à la déception et à l'ennui.
J'écris parce que dans l'écrit, les morts sont vivants.
J'écris pour supporter l'idée que j'avance dans un
labyrinthe dont je ne pourrai jamais sortir.
J'écris because that's what I do.
J'écris parce que, pendant que j'écris, je ne souffre pas. Enfin, pas autant.
J'écris parce que, pendant que j'écris, je ne souffre pas. Enfin, pas autant.
Bref, j'écris parce que ça m'aide à vivre.
Aujourd'hui, j'ai cinquante-neuf ans.
So far, so good.
MWZ