Elle dit qu’elle écrit.
Mais elle est prise par la vie quotidienne, les enfants, le
ménage, les courses, la recherche du mieux-être de toute la famille, comme un
gentil grillon du foyer. Et quand elle a fini elle a juste envie de se noyer
dans la toile. Elle est active sur des listes de discussion où elle aide des
personnes. Son aura est palpable et ses avis souvent écoutés, respectés. De
même, lorsque ses amis ont besoin d’aide ils font souvent appel à elle.
C’est ainsi qu’elle se sent le plus vivante.
Et aussi quand elle écrit. Parce qu’alors elle sait qu’une
partie d’elle, la plus intimement cachée, y compris de sa conscience, peut
subrepticement se déployer, à la fois sous ses doigts et sous ses yeux. Elle
observe en même temps qu’elle vit, les yeux écarquillés et aux aguets, les
formes et les divagations de son cerveau.
Elle sait alors qu’une part d’elle-même, qu’elle a accepté de
laisser sortir, vivre sa propre vie, va l’entrainer plus loin sur la voie de la
connaissance intrinsèque.
Parfois elle a besoin d’extérioriser devant d’autres, de
bouger, de canaliser son énergie dans une activité sportive.
Parfois elle a besoin d’exprimer par la voix ce qu’il y a à
l’intérieur d’elle-même. Ou alors d’écouter du jazz, seule musique à ses
oreilles apte à raconter sans mots les émotions qui la traversent.
Et parfois le rayon d’énergie est assez aiguisé pour qu’il
sorte sous la forme d’un crayon qui note sur le papier ou l’écran.
Elle lit. Et les livres qui viennent sous ses mains sont juste
ceux dont elle a besoin. Ils arrivent quand elle doit les comprendre.
Elle rêve, et alors ses sens grands ouverts appellent des
mains sur elle. Elle sait que ses seins, ses épaules et ses fesses, ses
cuisses, son ventre, sa vulve, peuvent être des havres, des réminiscences de la
divinité, des véhicules qui transportent vers l’ailleurs. Le dos musclé et
cambré elle appelle.
Alors elle se met à écrire. Parce qu’elle est pleine d’elle et
qu’elle parvient à obtenir suffisamment de recul pour observer sa vie, y
prendre part et la considérer comme une entité à la fois imaginaire et
tangible. Artefact, à vivre.