Le mien commençait ainsi:
Tout était en l'air au
château de Fleurville. Camille et Madeleine de Fleurville, Marguerite de
Rosbourg et Sophie Fichini, leurs amies, allaient et venaient, montaient et
descendaient l'escalier, couraient dans les corridors, sautaient, riaient,
criaient, se poussaient. Les deux mamans, Mme de Fleurville et Mme de Rosbourg,
souriaient à cette agitation, qu'elles ne partageaient pas, mais qu'elles ne
cherchaient pas à calmer; elles étaient assises dans un salon qui donnait sur
le chemin d'arrivée. De minute en minute, une des petites filles passait la
tête à la porte et demandait: "Eh bien, arrivent-ils?
- Pas encore, chère petite,
répondait une des mamans.
- Ah! tant mieux, nous
n'avons pas encore fini."
Et elle repartait comme
une flèche.
"Mes
amies, ils n'arrivent pas encore; nous avons le temps de tout finir."
***
La lecture m'était
interdite, mais un jour une ancienne collègue de ma mère m'a offert toute sa
collection de la comtesse de Ségur, parue chez Hachette vers 1930. Cet incipit,
que je connaissais par cœur jusqu'à la troisième page, tellement je l'avais lu
et relu, est celui des Vacances.Je me souviens que dès les premières lignes, j'ai été subjuguée: cette lecture avait pour moi tout du conte de fées sans en être un cependant. J'apprenais beaucoup de choses, et pas seulement du vocabulaire, comme le mot 'vaisseau' ou 'poltron' ou 'brodequins'. Ils ne m'étaient pas très utiles dans la vie courante mais ils m'enchantaient. En particulier, les ‘brodequins’ de mademoiselle Tourneboule.
Ce que j'apprenais surtout, c’est qu'il existait des maisons dans lesquelles il était permis de courir. De rire à haute voix. De sauter. Qu'il existait des mamans qui s'adressaient à leur fillette en l'appelant "chère petite". Que parents et enfants faisaient des activités amusantes ensemble. Ils allaient pêcher des écrevisses. Cueillir des fraises des bois. Construire des cabanes.
Et puis il y a cette merveilleuse histoire du naufrage et comme dans l'Avare de Molière, que je n'ai lu que beaucoup plus tard, bien sûr, toute une famille est à nouveau réunie, madame de Rosbourg et Marguerite retrouvent leur père, capitaine de vaisseau naufragé, et Sophie retrouve son cousin Paul qui a lui aussi été sauvé du naufrage et adopté par le capitaine.
Je ne me souviens plus si bien du long récit de leur séjour sur l'île (hahaha il faudra que je relise Les vacances pendant les vacances...) mais je me souviens que ce livre m'a enchantée et m'a apporté beaucoup d'émotions à chaque fois que je le relisais.
Je me souviens bien aussi de la fin, absolument digne d'un conte de fée, puisque l'auteur nous rassure en nous disant que chacun des enfants de l'histoire a trouvé l'époux qu'il lui fallait: Sophie épouse Jean, Marguerite épouse Paul et une petite sœur naît encore chez les de Rosbourg, juste à point pour devenir l'épouse de Jacques.
Et Léon le poltron? Il devient glorieux général de l'armée et se retire couvert de panache à l'âge de 40 ans.
Je me disais que 40 ans, c'était bien vieux...
***
C'est après la lecture de
ce livre que j'ai pris du papier et un crayon pour me mettre à la rédaction de
mon premier manuscrit. Je me suis assez vite rendu compte qu'écrire un livre,
c'était un gros gros travail. D'autant plus que c'était moi aussi qui faisais
les illustrations Son titre: Les vacances.
Et j'ai fait plus fort que Romain Gary: j'ai signé mon œuvre
Comtesse de Ségur
née Rostopchine