Je me souviens d’un soir d’hiver de 1998 où Maryse Hazé de France Inter m’a appelée pour me dire que j’étais retenue comme jurée du Livre Inter. Je me souviens de son incroyable gentillesse.
Je me souviens du bonheur de recevoir les livres de la sélection.
Je me souviens de la lecture de la Maladie de Sachs et de l’énorme coup de poing reçu en lisant la phrase qui parlait des jeunes cons qui foncent sur les pylônes et se tuent en voiture (en gros). J’étais en plein dans le sujet.
Je me souviens du courrier de Martin Winckler répondant au mien où je lui faisais part du choc éprouvé.
Je me souviens du magnifique accueil de France Inter, du sentiment, si rare, que nous éprouvions tous, nous les jurés, d’être des gens importants.
Je me souviens de mon émotion lorsque j’ai défendu le livre de Martin.
Je me souviens de toute l’attention prodiguée à mon égard par l’équipe de France Inter, de celle de Martin.
Je me souviens de la colère de Martin parlant du comportement de certains médecins, de l’enseignement médical en France.
Je me souviens des discussions, des émissions, des rencontres, des échanges, bref de ce moment magique qu’a constitué cette édition du Livre Inter.
Je me souviens que nous avons voulu prolonger cette magie en écrivant chacun un texte, formant ainsi un recueil que POL a bien voulu imprimer.
Je me souviens que la belle aventure du Livre Inter, la rencontre avec Martin, puis deux mois plus tard, la naissance de ma première petite-fille, Nina m’ont réancrée dans la vie.
Merci Martin.
jeudi 5 novembre 2009
Il-Elles (Je me souviens,13) - par Younes
Il se souvient des jours passés assis sur le trottoir à décortiquer l’état du monde en compagnie de fauchés qui ne pouvaient se payer un café crème, en attendant des jours meilleurs où la crise se dénouerait et ouvrirait plein les portes de l’espoir et de la dignité.
Elle se souvient avoir participé à des manifs dans les années quatre-vingt pour changer. Paris faisait la grève ou la subissait, mais Paris bougeait. Mitterrand était vivant avec quelque parcours politique enterré, mais l’histoire pardonne toujours aux puissants.
Il se souvient de ce bourdonnement qui rappelle les ruches dans l’unique salle de révision de la faculté des sciences. Les étudiants révisaient ou rêvassaient et n’oubliaient pas de se lancer des regards pour s’assurer qu’il y a la vie et que c’est beau d’être amoureux.
Elle se souvient lui répéter incessamment qu’il avait l’esprit constamment occupé et qu’il risquait de se faire mal dans cette campagne dure où la pierraille la disputait aux maigres herbes. Elle regardait toujours avec affection ce garçonnet, fils de sa nièce et fille adoptive, qui était là pour lui rendre visite et qui n’osait exprimer ses sentiments face à la maladie.
Il se souvient avoir reçu une gifle de la part du gérant de la bibliothèque du collège qui ne voulait pas lui rendre ses deux malheureux dirhams de la caution de prêt. Il avait lu ‘’Michel Strogoff’’ ou ‘’Sans famille’’ pour son entrée en sixième.
Elle se souvient qu’elle s’était rendue en maillot de bain à l’hôpital où on avait emmené son fils en urgence car une voiture l’avait renversé. Le père lui avait dit d’être courageuse, le gamin ne survivrait pas.
Il se souvient avoir rêvé avec son père d’être avocat et de travailler dur pour défendre les pauvres et que la justice règne.
Elle se souvient avoir lu sa rédaction sur une quelconque bagarre de rue et qu’elle avait appréciée. Elle avait emmené sa troupe et lui avec découvrir le cinéma à travers les ciné-clubs. Ils voyaient des films en noir et blanc, brésiliens, soviétiques, polonais et d’autres contrées où le septième art était aussi fauché que les gens qu’il montrait.
Il se souvient qu’on lui avait volé son portefeuille au moment où il mettait son pied dans le bus. Il est redescendu du bus, puis un type est venu le lui rendre. Il n’y avait rien de consistant dedans, ni avant, ni après.
Elle se souvient qu’elle ne savait pas si elle rentrait de l’école. Dans son pays, la guerre faisait loi, les balles, les obus sifflaient. Elle était petite, elle faisait son devoir de petite fille.
Il se souvient que le jeune réalisateur libanais évitait ce passage où des souvenirs risquaient de remonter à la surface. Il y était allé faire un tour après le débat collectif sur le scénario. La Porsche n’a pas changé l’enfant qu’il était.
Elle se souvient que sortir de la maison serait fatal pour lui. Elle ne l’a pas empêché de coller l’oreille derrière la porte pour entendre des balles pour de vrai claquer et percer les murs. Le jour d’après, ils surent qu’ils ont percé aussi des poitrines. Une histoire de pain à Casablanca.
Il se souvient d’eux et d’elles.
Elle se souvient avoir participé à des manifs dans les années quatre-vingt pour changer. Paris faisait la grève ou la subissait, mais Paris bougeait. Mitterrand était vivant avec quelque parcours politique enterré, mais l’histoire pardonne toujours aux puissants.
Il se souvient de ce bourdonnement qui rappelle les ruches dans l’unique salle de révision de la faculté des sciences. Les étudiants révisaient ou rêvassaient et n’oubliaient pas de se lancer des regards pour s’assurer qu’il y a la vie et que c’est beau d’être amoureux.
Elle se souvient lui répéter incessamment qu’il avait l’esprit constamment occupé et qu’il risquait de se faire mal dans cette campagne dure où la pierraille la disputait aux maigres herbes. Elle regardait toujours avec affection ce garçonnet, fils de sa nièce et fille adoptive, qui était là pour lui rendre visite et qui n’osait exprimer ses sentiments face à la maladie.
Il se souvient avoir reçu une gifle de la part du gérant de la bibliothèque du collège qui ne voulait pas lui rendre ses deux malheureux dirhams de la caution de prêt. Il avait lu ‘’Michel Strogoff’’ ou ‘’Sans famille’’ pour son entrée en sixième.
Elle se souvient qu’elle s’était rendue en maillot de bain à l’hôpital où on avait emmené son fils en urgence car une voiture l’avait renversé. Le père lui avait dit d’être courageuse, le gamin ne survivrait pas.
Il se souvient avoir rêvé avec son père d’être avocat et de travailler dur pour défendre les pauvres et que la justice règne.
Elle se souvient avoir lu sa rédaction sur une quelconque bagarre de rue et qu’elle avait appréciée. Elle avait emmené sa troupe et lui avec découvrir le cinéma à travers les ciné-clubs. Ils voyaient des films en noir et blanc, brésiliens, soviétiques, polonais et d’autres contrées où le septième art était aussi fauché que les gens qu’il montrait.
Il se souvient qu’on lui avait volé son portefeuille au moment où il mettait son pied dans le bus. Il est redescendu du bus, puis un type est venu le lui rendre. Il n’y avait rien de consistant dedans, ni avant, ni après.
Elle se souvient qu’elle ne savait pas si elle rentrait de l’école. Dans son pays, la guerre faisait loi, les balles, les obus sifflaient. Elle était petite, elle faisait son devoir de petite fille.
Il se souvient que le jeune réalisateur libanais évitait ce passage où des souvenirs risquaient de remonter à la surface. Il y était allé faire un tour après le débat collectif sur le scénario. La Porsche n’a pas changé l’enfant qu’il était.
Elle se souvient que sortir de la maison serait fatal pour lui. Elle ne l’a pas empêché de coller l’oreille derrière la porte pour entendre des balles pour de vrai claquer et percer les murs. Le jour d’après, ils surent qu’ils ont percé aussi des poitrines. Une histoire de pain à Casablanca.
Il se souvient d’eux et d’elles.
Je me souviens (12) - par Thierry V.
Je me souviens de septembre 2005 et d’un baiser échangé à Lisbonne.
Je me souviens d’un mail envoyé à quelqu’un que je connaissais à peine et de sa réponse enthousiaste.
Je me souviens, que moins de deux semaines plus tard, il prenait l’avion pour me revoir. J’étais flatté, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens à peine de ces quatre jours parfaits.
Je me souviens de lui avoir offert un bloc de fausses feuilles de prescriptions au nom du Docteur Francis Picabia, et lui un livre de Mario De Sa-Carneiro.
Je me souviens de la petite carte qu’il conservait dans son portefeuille, sur laquelle était représenté le Saint du village de ses parents.
Je me souviens d’un texto envoyé de l’avion qui le ramenait à Lisbonne. J’avais des preuves, son départ était un commencement.
Je me souviens d’une nuit où, à quelque 1700 kilomètres de distance, on ne s'est jamais senti aussi proche.
Je me souviens d’avoir reçu une lettre, contenant une feuille de prescription, où il avait dessiné un portrait de moi. L’enveloppe contenait une trentaine de minuscules fantômes noirs et blancs.
Je me souviens des billets que j’ai pris en novembre pour le rejoindre, puis d’un sentiment de peur et de liberté.
Je me souviens de l’avion presque vide et, pour la première fois, d’avoir atterri de nuit à Lisbonne.
Je me souviens du trajet en bus jusqu’à chez lui. Je crois que son regard était fuyant.
Je me souviens d’avoir photographié absolument tout durant un mois, et plus spécialement son appartement, dans les moindres détails.
Je me souviens de notre première nuit, de loin la meilleure. Je ne me souviens pas des autres.
Je me souviens d’avoir photographié le lit défait, au petit matin. Encore des preuves.
Je me souviens d’un petit cadre près de son bureau, contenant une feuille blanche où il avait écrit « Marry me » avec son sang. Ce n’était pas le genre à plaisanter.
Je me souviens de la terrasse d’un bar surplombant le Tage. C’était une fin d’après-midi, la nuit était tombée. Les avions survolaient la ville à basse altitude.
Je me souviens de son regard qui semblait toujours chercher quelque chose, sans le trouver.
Je me souviens qu’à cinq heures du matin, sur les marches de l’Assemblée de la République, il m’a dit qu’il m’aimait. Plus haut, deux soldats nous observaient.
Je me souviens de soirées en compagnie de ses amis, où je ne comprenais rien à ce qui se racontait.
Je me souviens de balades en solitaire. Je ne savais jamais où aller.
Je me souviens de trajets en train ou en métro, de restaurants, de bars, de rencontres, de balades, le tout n’est constitué que de brefs instants.
Je me souviens du taxi qui me ramène à l’aéroport et du ciel bleu.
Je ne me souviens plus de nos échanges après cette période. Sauf le jour de Noël.
Je me souviens de son retour à Paris le 30 décembre, d’une première journée entre fatigue et inconfort.
Je me souviens de la soirée du 31, épuisante, dure, alcoolisé et stupide, puis d’une crise de jalousie violente déclenchée par ces éléments.
Je me souviens avoir été flatté et choqué, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens du lendemain et d’un sentiment d’échec.
Je me souviens de son dos disparaissant dans les escaliers. Je savais que je ne le reverrais plus.
Je me souviens d’appels téléphoniques inutiles, et peut-être de mails du même acabit.
Je me souviens à peine de l’année 2006.
Je me souviens de la soirée du 31, une soirée calme avec un ami. J’étais malade et heureux de l’être.
Je me souviens de m’être senti soulagé. Ca faisait déjà un an.
Je me souviens d’un mail envoyé à quelqu’un que je connaissais à peine et de sa réponse enthousiaste.
Je me souviens, que moins de deux semaines plus tard, il prenait l’avion pour me revoir. J’étais flatté, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens à peine de ces quatre jours parfaits.
Je me souviens de lui avoir offert un bloc de fausses feuilles de prescriptions au nom du Docteur Francis Picabia, et lui un livre de Mario De Sa-Carneiro.
Je me souviens de la petite carte qu’il conservait dans son portefeuille, sur laquelle était représenté le Saint du village de ses parents.
Je me souviens d’un texto envoyé de l’avion qui le ramenait à Lisbonne. J’avais des preuves, son départ était un commencement.
Je me souviens d’une nuit où, à quelque 1700 kilomètres de distance, on ne s'est jamais senti aussi proche.
Je me souviens d’avoir reçu une lettre, contenant une feuille de prescription, où il avait dessiné un portrait de moi. L’enveloppe contenait une trentaine de minuscules fantômes noirs et blancs.
Je me souviens des billets que j’ai pris en novembre pour le rejoindre, puis d’un sentiment de peur et de liberté.
Je me souviens de l’avion presque vide et, pour la première fois, d’avoir atterri de nuit à Lisbonne.
Je me souviens du trajet en bus jusqu’à chez lui. Je crois que son regard était fuyant.
Je me souviens d’avoir photographié absolument tout durant un mois, et plus spécialement son appartement, dans les moindres détails.
Je me souviens de notre première nuit, de loin la meilleure. Je ne me souviens pas des autres.
Je me souviens d’avoir photographié le lit défait, au petit matin. Encore des preuves.
Je me souviens d’un petit cadre près de son bureau, contenant une feuille blanche où il avait écrit « Marry me » avec son sang. Ce n’était pas le genre à plaisanter.
Je me souviens de la terrasse d’un bar surplombant le Tage. C’était une fin d’après-midi, la nuit était tombée. Les avions survolaient la ville à basse altitude.
Je me souviens de son regard qui semblait toujours chercher quelque chose, sans le trouver.
Je me souviens qu’à cinq heures du matin, sur les marches de l’Assemblée de la République, il m’a dit qu’il m’aimait. Plus haut, deux soldats nous observaient.
Je me souviens de soirées en compagnie de ses amis, où je ne comprenais rien à ce qui se racontait.
Je me souviens de balades en solitaire. Je ne savais jamais où aller.
Je me souviens de trajets en train ou en métro, de restaurants, de bars, de rencontres, de balades, le tout n’est constitué que de brefs instants.
Je me souviens du taxi qui me ramène à l’aéroport et du ciel bleu.
Je ne me souviens plus de nos échanges après cette période. Sauf le jour de Noël.
Je me souviens de son retour à Paris le 30 décembre, d’une première journée entre fatigue et inconfort.
Je me souviens de la soirée du 31, épuisante, dure, alcoolisé et stupide, puis d’une crise de jalousie violente déclenchée par ces éléments.
Je me souviens avoir été flatté et choqué, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens du lendemain et d’un sentiment d’échec.
Je me souviens de son dos disparaissant dans les escaliers. Je savais que je ne le reverrais plus.
Je me souviens d’appels téléphoniques inutiles, et peut-être de mails du même acabit.
Je me souviens à peine de l’année 2006.
Je me souviens de la soirée du 31, une soirée calme avec un ami. J’étais malade et heureux de l’être.
Je me souviens de m’être senti soulagé. Ca faisait déjà un an.
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