lundi 11 août 2025

Comment je suis en train d'écrire un de mes romans (9e épisode) - Vitesse de croisière


POur lire ce feuilleton en commençant par le début, rendez-vous à cette page


Chères lectrices, chers lecteurs, 

J'espère que vous passez un bon été et que la vie n'est pas trop difficile pour vous. 

Voici quelques nouvelles du roman en cours. 

A présent, je suis "dans" l'écriture de Une autre fois/Some Other Time. Ou plus précisément, dans la narration. Je raconte mon histoire, chapitre après chapitre. 

Les personnages sont tous définis. Leur itinéraire l'est également dans ses grandes lignes et dans beaucoup de petites : je l'ai élaboré au fil de l'accumulation d'informations. La difficulté initiale résidait dans le fait que j'ai deux "timelines" (lignes temporelles) à décrire. Celle de 1942 et celle de 1968. Avant de les "croiser" (puisque c'est le cas pour un des personnages, qui voyage de 68 à 42), il me fallait définir par où tous les personnages étaient passés préalablement. 

C'est chose faite. Je sais où ils commencent, où ils se rencontrent, et comment ça se conclut pour les uns et les autres. 

Il me fallait aussi trouver le moyen d'évoquer la période de l'Occupation en parallèle avec le trajet des personnages. En étant descriptif, sans être trop documentaire. 

Encore que. J'aime que les livre m'enseignent quelque chose, qu'ils me décrivent un monde ou une époque que je ne connais pas. Et j'en lis beaucoup dans cet ordre d'idée. Le plus souvent, ce sont des livres historiques. Je pense en particulier à Will in the World, une reconstitution historique de la vie de Shakespeare par Stephen Greenblatt (en français : Will le Magnifique) qui m'a beaucoup marqué. 




Ou, plus proche de mon projet actuel,  Americans in Paris/Les Américains à Paris sous l'Occupation, un livre formidable de Charles Glass qui m'a beaucoup marqué lui aussi (et dont au moins un personnage réel fera une apparition d'arrière-plan pendant le roman). 


Le roman que j'écris est une fiction documentée. Je raconte une histoire inventée en la plaçant à l'intérieur d'une époque historique, et l'un de mes objectifs est de parler de cette époque et de ce qu'elle signifie aujourd'hui. La France de l'année 1942 n'est donc pas seulement un "décor" dans lequel je fais évoluer mes personnages, c'est un personnage en elle-même. 

La phase actuelle, donc, est celle de la narration. Par analogie avec un itinéraire géographique (un voyage en voiture à travers un pays donné, par exemple), j'ai établi toutes mes étapes et je me suis lancé sur la route. A présent, je décris ce que je vois, qui je rencontre, ce qui se passe. 

Je suis toujours tiraillé entre deux mouvements : écrire au kilomètre et, ensuite, repasser rectifier retailler réécrire réviser, etc ou bien vérifier au fur et à mesure. Dans le cas présent, ce n'est pas inutile. Mettons, par exemple que je veuille qu'un de mes personnages soit enseignante dans une université d'Angleterre en 1950. Je ne peux pas choisir la ville au hasard, il me faut (je m'impose de) vérifier que c'est plausible. Donc, qu'à l'époque dite, l'université en question accueillait des enseignant·e·s ayant un profil similaire à ce personnage, et qu'on pouvait y délivrer les cours que j'aimerais qu'il y donne. 

Pourquoi ne pas le faire une fois que tout est écrit ? Parce que le choix d'une ville ou d'un métier peut avoir des conséquences importantes sur la trame du livre. L'itinéraire d'un personnage sera différent selon qu'il vit à Paris ou à Tours -- ou, dans le cas qui me préoccupe, en zone occupée ou en zone "nono" (non-occupée). 

D'autre part, je rencontre avec ce roman une difficulté supplémentaire : je n'ai pas juste un personnage principal qui en rencontre d'autres (plus ou moins secondaires), j'ai plusieurs personnages importants qui se croisent en un (et même plusieurs) moments signifiants. 

Pour ça, je dois m'assurer que l'itinéraire de chacun·e est non seulement plausible, mais crédible. La chronologie des itinéraires fictifs, ici, est cruciale parce qu'elle doit respecter celle des événements historiques.  

A mesure que j'avance, comme d'habitude, j'ai de bonnes surprises. Un exemple : il y a dix ou quinze jour, j'ai réalisé que l'une des dates que j'avais choisies pour sceller le destin de deux de mes personnages était en conflit avec l'itinéraire d'un troisième personnage. 

Dans un premier temps, je me suis senti très abattu, parce que ça compromettait non seulement la plausibilité de la trame, mais aussi les ressorts émotionnels avec lesquels je voulais jouer. 

Et puis, deux jours plus tard, j'ai réalisé que ça m'ouvrait une autre voie narrative, à laquelle je n'avais pas pensé auparavant. Un plot-twist (un retournement de situation) nouveau. 

C'est ce qu'il y a de plus excitant dans le fait de construire une histoire : rencontrer des obstacles et puis, en tâtonnant (ou, parfois, par une intuition soudaine), trouver une solution satisfaisante pour contourner l'obstacle, voire pour le transformer en un élément de surprise, une péripétie supplémentaire. 

Au début de l'été, j'ai écrit à mon éditeur, Frédéric Boyer, pour lui demander de m'indiquer quels seraient les délais de remise du texte afin de publier le livre en mars prochain. Il m'a répondu qu'il me faudrait le lui donner fin octobre. 

Je travaille mieux quand j'ai une date de remise, et cette perspective m'a beaucoup stimulé. 

Pendant plusieurs mois, je me sentais écrasé par la quantité d'informations que j'avais accumulées, et par le sentiment que je ne pourrais pas dire tout ce que j'ai à dire. Et puis, au fil des semaines, ce sentiment s'est atténué. Je me suis demandé chaque jour "Qu'est-ce que tu racontes, exactement ? Qu'est-ce que tu veux dire ou montrer ou partager ?" 

Et j'ai fini par conclure que l'objet du livre réside dans une idée très simple : les relations que nous établissons avec les autres ont leurs racines dans le passé collectif ; mieux nous connaissons ce passé, meilleures sont nos relations au présent. 

L'une des difficultés, évidemment, réside en ce qu'il ne s'agit pas seulement d'un roman d'aventures historiques mais aussi d'une histoire d'amour (et même de plusieurs ; quatre ou cinq, selon la manière dont on les appréhende). 

Et puis il y a la question du titre. Je donne toujours un titre de travail à mes livres mais il arrive que le titre change à la fin. Ces derniers temps, je me suis posé beaucoup de questions sur mon titre actuel (Une autre fois) et je me demande s'il ne va pas changer, pour mieux refléter le roman. J'ai deux ou trois autres titres qui me trottent dans la tête, mais il est encore un peu tôt pour les partager. 

Bref, ça reste compliqué. :-) 

Mais bon, je suis dans l'écriture, presque en vitesse de croisière (celle que j'atteins quand j'écris tous les jours et que chaque soir, je me couche avec pour seule perspective d'écrire la suite le lendemain matin). 

Je sais à peu près où je vais, mais parfois, je dois me repérer aux étoiles dans le ciel. C'est à la fois un peu angoissant (est-ce que je me repère correctement ?) et excitant (ça pourrait me conduire vers des rivages nouveaux). 

Enfin, je navigue. Et, si tout se passe bien... 

A suivre ! 

Merci de m'avoir lu, passez une bonne fin d'été. 

Mar(c)tin 



Premier épisode : La résidence

Deuxième épisode : Genèses

Troisième épisode : Une université, un cinéma, une librairie

Quatrième épisode : L'histoire (de l'Occupation) en images

Cinquième épisode : L'année 1942  

Sixième épisode : Qu'est-ce que je fous là ? 

Septième épisode : Write or Wrong ? 

Huitième épisode : Se concentrer sur l'essentiel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire