mercredi 9 janvier 2013

Ecrire/Traduire




Ecrire c'est exprimer en mots des souvenirs, des expériences, des émotions, des idées et leur donnant une forme – poésie, essai, fiction, chanson, scénario – qui restitue au plus près l'impression initiale que nous en avons eu, à l'intérieur de nous.

Ecrire, c'est coucher sur le papier quelque chose qu'on a sur le cœur ou dans la tête, pour le regarder au lieu d'en être habité et parfois rongé.

Ecrire, c'est faire passer de l'intérieur à l'extérieur ; autrement dit : opérer un déplacement – ou, comme on le dit en mécanique, ou à propos d'un véhicule : une translation. C'est un voyage dans lequel on se perd – et dans lequel on aimerait bien perdre celui ou celle qui va le recevoir. C'est trouver le mot juste pour soi et pour l'autre.

Ecrire c'est transcrire ses pensées en s'efforçant de ne pas se trahir. Et c'est difficile, et c'est facile : qui pourra dire si nous les avons modifiées, travesties, habillées ou maquillées entre le moment où elles ont éclos dans notre tête et celui où elles sont fixées sur la page ?

Ecrire, c'est organiser des mots qui n'existaient pas sous une forme qui sera conservée (les paroles s'envolent, les écrits restent, même si à l'heure de l'informatique et de l'internet, ça n'est plus vrai) et partagée.

Ecrire, c'est produire de la lecture ; c'est une activité de passeur. J'écris pour passer le mot. Et parfois, pour faire passer la pilule. J'écris pour transmettre - autrement dit, pour passer le relais au lecteur. 



D'un autre côté, traduire, c'est faire passer un texte initialement écrit dans une langue en une autre langue – en restituant au plus près la construction, les nuances, la forme du texte initial.

Traduire, c'est transformer un texte en un autre texte, pour donner accès à ceux qui ne pouvaient pas le lire dans son état premier. C'est une grande responsabilité : il ne s'agit pas de transcrire ses pensées mais celles de quelqu'un d'autre, et c'est furieusement difficile. Qu'il soit mort ou vivant, on ne peut pas facilement lui demander si c'est bien ceci, et non cela, qu'il a voulu dire. Et il n'est même pas sûr qu'on ait intérêt à le faire.

Traduire, c'est transcrire dans une langue ce que quelqu'un (le plus souvent quelqu'un d'autre, mais parfois aussi soi) a écrit dans une autre. Traduire, c'est faire passer d'un référent à un autre. C'est aussi une translation. 

Traduire, c'est se lancer dans un voyage au cours duquel on espère, si possible, ne rien perdre de ce qu'on a reçu. C'est transcrire des mots en s'efforçant de ne pas trahir leur auteur, et de ne pas tromper le lecteur qui les attend. C'est trouver le mot juste pour deux autres que soi.

Traduire, c'est reproduire un texte existant sous une forme qui n'en sera ni la réplique exacte, ni une vague imitation – afin de partager son sens et son essence, à défaut de ses sons. 

Traduire, c'est réécrire une lecture. Pour traduire avec plaisir (et mettre du plaisir dans ce qu'on écrit), il faut aimer ce qu'on lit. C'est aussi une activité de transmission, le passage d'un relais. Mais quand je traduis, je suis le relais. 

Et comment traduire sans se trahir, quand on est soi-même poète, ou écrivain ? 

Mar(c)tin