Le 28 août 2009 à midi, je déjeune avec l'équipe de Gallimard Ltée - une douzaine de personnes qui diffusent 130 éditeurs au Québec - pour leur présenter Le Choeur des femmes (CDF). Le livre sort au Québec en librairie le 9 septembre, une dizaine de jours après la France, ce qui est inhabituel. En général, les livres français arrivent au Québec plusieurs semaines après leur sortie en librairie dans l'Hexagone. Mais pour la rentrée de septembre, quand les livres ont été imprimés avant l'été - c'est le cas de celui-ci - les deux sorties sont presque simultanées. La rencontre est un moment très agréable pour moi, car plusieurs des personnes présentes ont déjà lu (et aimé) le livre et parce que j'aime toujours parler de la manière dont je fabrique mes bouquins. J'aime raconter des histoires, et la confection d'un livre est une histoire à part entière. Souvent d'ailleurs, je la raconte par épisode, à mesure qu'on m'interroge sur le contenu. Je trouve important d'expliquer que ce que j'écris ne sort pas du néant (ou de mon "inspiration"), mais a été préparé, influencé, guidé par tout un tas d'événements antérieurs ou contemporains de la composition même.
Clins d'oeil
Ainsi, tout à l'heure, une de mes collègues du CREUM, Ryoa, me parle d'un personnage nommé Héloïse, qu'on aperçoit fugitivement dans le roman. Elle me demande si c'est un clin d'oeil à l'une des chercheuses hébergées par le centre. Je lui réponds par l'affirmative et lui explique : Héloïse Côté est écrivain (auteure de plusieurs romans d'Heroïc Fantasy). Pendant que j'écrivais le CDF, je l'ai interrogée sur la manière dont elle introduit les éléments fantastiques ou "magiques" dans ses romans, car j'avais l'intention d'en introduire moi aussi, bien que le roman se présente comme réaliste. J'ai donc déjeuné au restaurant de l'école HEC tout proche avec elle un midi et on a "parlé boutique". Ca m'a beaucoup libéré. L' "Héloïse" du livre est une des infirmières qui travaille dans l'unité 77, lieu où le roman se situe ; c'est une figure qui ne fait que passer, mais elle rend hommage et fait un clin d'oeil à la vraie. Une manière de dire qu'écrire ou soigner ça ne se fait jamais seul, mais en équipe, et que tout le monde contribue et a une expérience à partager.
Partage
Bon, ce qui précède n'est qu'un des nombreux apartés et digresssions auxquels il faudra probablement vous habituer en lisant ce blog, mais je reviens à mon propos initial.
La rencontre chez Gallimard Ltée se passe très bien, j'aime parler de ce que je fais (je suis intarissable...) et bien sûr, étant donné la nature du livre (l'apprentissage de la médecine), la conversation dévie lentement mais sûrement vers les problèmes de santé de l'époque (la grippe et le terrorisme commercial qui a "provoqué" la "pandémie").
Après la rencontre, Florence Noyer, de Gallimard Ltée, me parle de Catherine Mavrikakis, écrivaine québecoise, auteure entre autres de Le ciel de Bay City (éd. Héliotrope au Québec ; Ed Sabine Werspieser en France). Florence me dit que celle-ci tient un blog où elle parle de son roman comme j'ai parlé du mien quelques minutes plus tôt et me dit que moi aussi je devrais tenir un blog où je parle de "ça", de ce qui entre dans l'écriture et de ce qui se fait autour, avec (ou contre...). Elle ajoute que ça serait un "complément" à la lecture, et que les lecteurs l'apprécieraient sûrement.
Je réponds (faiblement) que je ne sais pas "faire la promotion de mes livres" et comme elle dit "Mais vous venez de le faire", j'ajoute "Sur mon site" (le Winckler's Webzine ). Il est vrai que le Webzine est plutôt un "petit journal", un lieu de partage d'information et d'opinions qu'un lieu de débat sur mon travail d'écrivain. Mais la suggestion de Florence me "travaille".
Quand je regagne mon bureau à l'U de M, je reçois de plusieurs amis et lecteurs un lien vers un article que la journaliste et écrivain Mona Chollet vient de mettre en ligne sur le site "Périphéries". C'est une critique élogieuse du CDF intitulée "Le chevalier au spéculum".
Je cherche un lieu d'accueil pour un blog, et je me mets à composer ce texte.
Parallèle
Le 29 août au matin, je relis ce que j'ai écrit (essentiellement, ce qui précède) et je m'interroge sur le titre que j'ai donné au blog : "Parler d'écrire". Il y a déjà des livres, des émissions sur ce thème. J'essaie "Lire, écrire, conter", mais une association porte déjà ce nom. Et puis je repense au texte de Mona Chollet ; le parallèle avec Millenium et l'itinéraire de Stieg Larsson qu'elle établit au début de l'article m'a travaillé toute la nuit ; je le trouve à la fois très chaleureux et très généreux. Je n'ai pas lu la trilogie de Stieg, mais j'ai lu des articles sur l'homme et son engagement et le parallèle me touche beaucoup. TOut comme la conclusion de Mona, qui, reprenant une formule du livre, formule l'espoir que le CDF inspire des jeunes gens à devenir soignants et à partir, eux aussi, "terrasser le dragon", explicitant ainsi le titre de l'article ("Le chevalier au spéculum").
Alors je me mets à jouer avec le mot "dragon", "dragonslayer", "dragonsayer" puis je dérive sur l'idée de clavier... et je tombe sur "Chevalier des touches", qui évidemment me fait sourire.
Un petit tour sur Google pour me rappeler le contenu du roman de Barbey d'Aurevilly qui porte ce titre (Le Chevalier des Touches) et je tombe sur un article du Forum for Modern Language Studies dont le titre est "Sexual Ambivalence and Barbey d'Aurevilly's Le Chevalier des Touches". C'est trop beau pour être vrai.
Prédilection
Dans son article, Mona Chollet affirme qu'avec la santé des femmes et la question de l'identité sexuelle, j'ai trouvé mes thèmes de prédilection. Je crois qu'elle a raison : la question de l'identité sexuelle me "travaille" depuis que j'ai entrepris la "Trilogie Twain" (publiée par Calmann-Lévy en 2008 et 2009 et passée à peu près inaperçue de la critique et des lecteurs).
Or, tout en n'étant ni intersexué, ni homosexuel, ni transgenre, je suis irrésistiblement attiré par la question de l'identité sexuelle, par empathie et sympathie, comme si tous les misfits sexuels étaient... mes frères et mes soeurs. Je ressens à leur égard le même désir de me battre en leur nom que Jean Atwood, le personnage principal du CDF.
Alors, c'est décidé, Chevaliers des touches ce sera (au pluriel, parce que je ne parlerai pas que de mon travail, mais aussi de celui des writers dont je croise ou ai croisé le chemin) . Ce qui me plaît bien c'est que ça me donne aussi un titre parfait, si je décide un jour de publier ce blog en anglais : "Keyboard Knights".