Sisters, brothers,
ce soir, je meurs d’envie de vous faire part d’une aventure qui a transformé ma vie. Vous me voyez là, heureuse, épanouie, me dorant la capsule (ouais, j’aime pas me dorer la pilule mais la capsule) au soleil, des amis à la pelle, du fric juste ce qu’il faut, mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Dans ma vie d’avant, j’ai reçu une bonne baffe, de celle dont on ne se relève pas toujours, donnée par celle que je croyais être mon amie. Ca vous dit, un petit flash-back?
Avant donc, j’étais du genre cool, pas à cheval sur les principes, je faisais pas mal la bringue (comme maintenant me direz-vous, mais vous allez voir que non), je bossais par-ci, par-là et je claquais tout vite fait. « Y’avait rien à gagner, les journées passaient, tout était simple »*. Je ne prévoyais rien. Avec le recul, je peux dire que je vivotais, sans passion mais contente.
Un jour, il a commencé à pleuvoir un petit peu, les herbes étaient toutes jaunes, j’avais beau chanter, danser, j’avais froid. Les amis de passage se faisaient plus que rares.
Puis ça s’est mis à cailler sérieux. Plus de fêtes, plus trop de soleil, l’ambiance était retombée.
J’entretenais de bons rapports avec ma voisine, même si elle ne faisait que passer aux soirées, même si je n’avais jamais eu de grandes discussions avec elle. Elle m’avait trouvé deux trois petits boulots, je l’avais dépannée quelques fois ; un voisinage en bonne entente. Alors forcément, ce matin-là, c’est chez elle que je suis allée, histoire de boire un petit café, histoire de faire durer l’été, histoire de voir encore du monde, avant d’essayer de trouver de quoi gagner trois sous pour la mauvaise saison.
Mais figurez-vous que cette frustrée m’a reçue sur le pas de la porte. J’ai pas compris tout de suite qu’elle n’allait pas me faire entrer, alors j’ai proposé d’aller en ville. J’aurais pas dû. Elle a commencé par « tu crois que j’ai le temps et l’argent de trainer dans les bars ? C’est toi qui vas payer, avec quoi ? ».
Six minutes après, c’était comme si j’avais complété tous les psycho-tests de tous les magazines, je venais de me faire passer le savon le plus copieux de ma vie, je savais qui j’étais et qui je n’étais pas, interprétation et morale en prime.
En gros, un truc comme quoi j’avais bien chanté tout l’été, que là, j’avais qu’à danser pour me réchauffer. Le plus drôle, c’est que je n’ai pas réalisé sur le coup la portée de ce que je venais d’entendre, j’ai seulement pensé « c’est râpé pour le kawa ».
Je suis rentrée, j’ai bien calé ma chaise longue au sud, à l’abri du vent, et j’ai profité des derniers rayons de soleil.
Et dans ce calme retrouvé, j’ai pensé qu’elle n’avait au final pas tort, cette vielle bique de fourmi ; il allait falloir m’organiser pour ne pas avoir à mourir un peu à chaque début d’automne. Et je devais gagner ma croûte plus décemment pour ne jamais manquer de café.
Tout bien considéré, c’était pas plus mal d’en avoir pris une telle couche, j’ai fait un gros gros point sur ma vie, je ne suis pas allée jusqu’à « colonne de gauche ce qui va et de droite ce qu’il faut changer », mais pas loin. Je ne me suis pas étendue sur la déception causée par ce désistement côté amitié, j’ai préféré me dire qu’on ne voyait pas la vie par le même prisme.
Je vais pas raconter de salades, quand ma décision a été prise, un petit rictus moqueur m’a contracté le zygomatique, je n’enviais pas sa vie et c’est un euphémisme.
Je ne m’étends pas sur les jours qui ont suivi, un peu vache maigre, mais ma traversée du désert s’est muée en traversée des mers.
Et oui, c’est à cette époque-là que je suis venue en Jamaïque.
Fallait être logique, chanter, danser, ….er, ….er, c’est ce qui m’a toujours branchée, et ne pas avoir froid pour ne pas crever, c’était une sorte de postulat de base.
Vous connaissez un meilleur endroit pour ça ? Pas moi, et je le vérifie tous les jours.
J’ai un peu bossé la voix, un peu la danse, et là, je rentre en studio avec Lavilliers.
Merci Fourmi !
*(merci Charlélie Couture, « le mois d’août 75 »)