Quand je serai plus vieux, je n'aurai plus de haine
Je ne verrai du monde que ses belles façons, les jupes des filles insouciantes sous lesquelles je n'ai jamais posé les yeux, les sourires timides que je n'ai pas su prendre, les mains tendues toujours en suspens quelque part et
J'oublierai ma part sombre et ne boirai que la lumière et
Quand je serai plus vieux, je ne boirai peut-être plus, d'ailleurs, je cesserai de m'oublier dans les reflets dorés de ce whisky de trop, je vous regarderai vous que j'ai offensé, je vous écouterez sans plus jamais hurler et
Quand je serai plus vieux, j'apprendrai à me taire, je gommerai sans bruit mes insultes et mes grossièretés pour n'être plus enfin que mon propre anathème et
Quand je serai plus vieux, fatigué, malade et repenti, je revivrai en rêve toutes ces putains de vies que je ne vivrai jamais, je n'aurais jamais été cet enfant hurlant de douleur et de rage, réduit au pire des esclavages, je n'aurais jamais vécu cette sale guerre, ces saccages, je ne l'aurais jamais aimée, elle, et elle ne m'aurait jamais possédé comme un imbécile que je suis et
Quand je serai plus vieux, je n'aurai même plus la force de n'être qu'un lion en cage, un vieux lion radotant, pelé, répugnant et
Quand je serai plus vieux, je te regarderai, toi et j'espèrerai qu'il ne sera jamais trop tard pour te dire, avant mon dernier regard, ce mot que je n'ai jamais dit car
Quand je serai plus vieux, enfin je t'aimerai.