L'idée de ce texte m'est venue après avoir lu les sujets du bac Français 2010. L'une des épreuves, qui n'existait pas à l'époque où j'ai moi même passé le bac, est intitulée "invention" et consiste, à partir d'un texte donné, à en écrire son prolongement en respectant le style de son auteur. L'exercice m'a plu (je ne pensais pas que je regretterais un jour de ne pouvoir repasser mon bac ...). Je n'ai pas ici respecté complètement les contraintes de l'épreuve de Français puisque mon texte ne prétend pas être une suite de ce que vous avez écrit récemment sur votre blog, mais seulement le regard d'une autre personne, un autre point de vue. J'espère que tous les "chevaliers des touches" trouveront le défi amusant et le relèveront au fil de vos épisodes, en y apportant leur contribution.
L.
Bon, autrement dit, y'a même plus moyen d'écrire tout seul, sur ce blog... :-)
(Oui, je sais, je l'ai cherché...)
Merci, Laurence. C'est toujours un honneur de voir un de ses textes faire l'objet d'un "détournement" créatif.
MW
----------------------------------
Feuilleton d’été –
"L’arrivée : Un autre point de vue"
Je ne sais pas encore pourquoi je me suis attachée à ses pas. Peut-être parce que nous arrivons en même temps à la gare, lui en scooter, moi sortant du bus, trainant à bout de bras cette caisse énorme d’où s’échappe les cris plaintifs de mon chat, fâché de ce voyage et tenant à me le faire savoir.
Je passe devant lui alors qu’il sort du top case une valise minuscule et ce qui ressemble à un sac pour ordinateur. Il s’écarte mécaniquement à mon passage, lève un œil distrait par les appels au secours de l’animal prisonnier puis, comme rassuré de constater qu’il ne sera pas obligé d’intervenir pour interrompre ce que mon chat tente de faire passer pour une torture, poursuit sa tâche : vérifier une dernière fois que le scooter garé sur le trottoir ne gênera pas le passage d’une poussette, prendre d’une seule main valise et sac, enfin, s’assurer d’un geste que tout ce qu’il a mis dans ses poches avant de partir s’y trouve encore, le tout en jetant un œil à sa montre.
Il me rattrape en quelques enjambées et s’engouffre dans le hall de gare, je poursuis mon chemin à même allure ; le chat décide quant à lui de s’enfoncer dans un mutisme résigné.
Je le retrouve quelques instants plus tard devant le tableau des arrivés/départs.
Plissant les yeux, la bouche ouverte, un doigt en l’air pour parcourir toute la largeur du tableau et s’assurer qu’il ne se trompe pas de ligne (et de train !) il constate finalement qu’il est en avance et soudain, son visage se détend. Alors que je me plante devant le tableau des arrivés/départs, il reprend ses bagages et se dirige, toujours à grands pas, vers le petit kiosque à journaux.
Plissant les yeux, la bouche ouverte et le doigt en l’air, je m’inquiète à mon tour de savoir si mon train est à l’heure ; il est annoncé avec vingt minutes de retard.
Un regard circulaire alentour et je le repère à nouveau. Pour plus d’aisance (ou parce que c’est son bien le plus précieux lorsqu’il voyage ?) il porte désormais son ordinateur en bandoulière. En plus de la valise, il est encombré maintenant d’un sac plastique dans lequel il a du ranger sans hâte, puisqu’il a désormais le temps, journaux et/ou magazines. Bizarre, une poche du manteau déformée par le poids d’un livre, sans doute glissé là juste avant de partir, laissait penser qu’il avait déjà de quoi s’occuper pendant les heures à venir.
Le chat boude toujours. Je saisis d’une main ferme la poignée de la caisse puis me redresse et sautille pour ajuster la lanière de mon sac qui glisse inlassablement de mon épaule gauche alors que ma main droite déjà occupée, ne m’est d’aucun secours (t’as raison Ulysse, on n’est pas fait pour voyager ensemble, tu rouspètes d’être soumis à cet enfermement tandis que je râle parce que tu m’encombres). Je marche ainsi à petits pas jusqu’au compartiment 18.
Il est quasiment vide pour le moment. Seuls l’occupent un jeune appelé déjà avachi dans son fauteuil et une dame d’un certain âge, celle-là même dont on se dit qu’elle verrait d’un mauvais œil qu’on la dérange par un bruit allant au delà du murmure.
Je m’installe de l’autre côté du compartiment, libère le chat avec sa promesse qu’il ne tentera pas de fuir et promène mon regard sur le quai.
Une silhouette, dépassant quasiment celle de tous les autres voyageurs, accroche immédiatement mon regard. Il ralentit à peine devant le compartiment 18 et y entre d’un pas décidé, son billet de train composté à la main. Il hésite devant la place 55, évalue brièvement ses chances de voyager confortablement entre le jeune appelé qui ne fera rien pour lui permettre d’allonger ses jambes et la vieille dame au regard déjà courroucé à l’idée qu’il puisse faire du bruit, puis lève la tête et repère un pôle de quatre places encore vide. Un sourire de satisfaction se dessine sur ses lèvres ; il s’installe.
Manteau et pull sont aussitôt enlevés. La petite valise est rapidement reléguée dans un coin tandis que l’ordinateur est soigneusement posé sur la tablette étroite devant lui. Pourtant il ne l’ouvre pas ; pas tout de suite, attendant probablement d’être sûr que personne ne viendra le contraindre à déménager.
Lorsque le train s’ébranle enfin pour un parcours de trois heures sans arrêt, il laisse échapper un soupir de soulagement. Il prend ses aises, sort enfin l’ordinateur de son sac et récupère du fond d’une poche une clé USB. Il la regarde quelques instants avec l’air ravi de celui qui se félicite d’être né à temps pour profiter d’une si merveilleuse technologie … alors même qu’il n’y est pour rien, tant dans sa conception, que dans celle du composant électronique qu’il fait tourner entre ses doigts avant de l’insérer dans l’ordinateur.
Je ne suis pas loin et à travers le verre de ses lunettes, je vois défiler les différents fichiers qu’il ouvre les uns à la suite des autres, tardant à faire son choix. Il s’arrête finalement sur un texte qui semble inachevé, le relit puis se met à écrire avec détermination, concentration, seul, ignorant les bruits qui l’entourent jusqu’au contrôleur qui devra le toucher à l’épaule pour marquer sa présence et vérifier son billet.
Le laissant à sa création, j’attrape le livre choisi dans ma bibliothèque pour m’accompagner dans ce voyage : il s’appelle Légende ; ce n’est pas un roman. L’auteur raconte les événements de sa vie qui ont fait selon lui ce qu’il est devenu. Je l’avais acheté quelques années auparavant après avoir lu avec plaisir son roman à succès mais m’en étais rapidement désintéressée, le laissant attraper la poussière et oubliant même de quoi il parlait lorsque frère ou sœur, au hasard de leur envie de lire, plongeait le nez dans ma bibliothèque en me demandant « et celui là, il est bien ? ». Aujourd’hui avec une étrange sensation de proximité avec le conteur, je me plonge dès les premières pages dans le récit d’une époque que je n’ai pas vécu et ignore à mon tour, le monde autour de moi.
Une annonce au haut parleur nous fait sursauter. L’arrivée est prévue dans quelques minutes. Je remballe bouquin et chat et ne peux m’empêcher de jeter un œil de côté.
Il est en train de replier l’ordinateur, range dans son sac fils et souris puis enfile son pull, sans se rendre compte qu’une pointe du col de sa chemise restera au dehors.
La porte s’ouvre dans un sifflement, il me laisse passer avec ma boite en plastique et tandis que je m’insère dans le flot des voyageurs, je le voit qui marche devant moi d’un pas tranquille en tentant de repérer au loin le visage de celui ou celle qui doit l’accueillir et qu’il semble ne pas connaître.
Je passe devant lui alors qu’il sort du top case une valise minuscule et ce qui ressemble à un sac pour ordinateur. Il s’écarte mécaniquement à mon passage, lève un œil distrait par les appels au secours de l’animal prisonnier puis, comme rassuré de constater qu’il ne sera pas obligé d’intervenir pour interrompre ce que mon chat tente de faire passer pour une torture, poursuit sa tâche : vérifier une dernière fois que le scooter garé sur le trottoir ne gênera pas le passage d’une poussette, prendre d’une seule main valise et sac, enfin, s’assurer d’un geste que tout ce qu’il a mis dans ses poches avant de partir s’y trouve encore, le tout en jetant un œil à sa montre.
Il me rattrape en quelques enjambées et s’engouffre dans le hall de gare, je poursuis mon chemin à même allure ; le chat décide quant à lui de s’enfoncer dans un mutisme résigné.
Je le retrouve quelques instants plus tard devant le tableau des arrivés/départs.
Plissant les yeux, la bouche ouverte, un doigt en l’air pour parcourir toute la largeur du tableau et s’assurer qu’il ne se trompe pas de ligne (et de train !) il constate finalement qu’il est en avance et soudain, son visage se détend. Alors que je me plante devant le tableau des arrivés/départs, il reprend ses bagages et se dirige, toujours à grands pas, vers le petit kiosque à journaux.
Plissant les yeux, la bouche ouverte et le doigt en l’air, je m’inquiète à mon tour de savoir si mon train est à l’heure ; il est annoncé avec vingt minutes de retard.
Un regard circulaire alentour et je le repère à nouveau. Pour plus d’aisance (ou parce que c’est son bien le plus précieux lorsqu’il voyage ?) il porte désormais son ordinateur en bandoulière. En plus de la valise, il est encombré maintenant d’un sac plastique dans lequel il a du ranger sans hâte, puisqu’il a désormais le temps, journaux et/ou magazines. Bizarre, une poche du manteau déformée par le poids d’un livre, sans doute glissé là juste avant de partir, laissait penser qu’il avait déjà de quoi s’occuper pendant les heures à venir.
Le chat boude toujours. Je saisis d’une main ferme la poignée de la caisse puis me redresse et sautille pour ajuster la lanière de mon sac qui glisse inlassablement de mon épaule gauche alors que ma main droite déjà occupée, ne m’est d’aucun secours (t’as raison Ulysse, on n’est pas fait pour voyager ensemble, tu rouspètes d’être soumis à cet enfermement tandis que je râle parce que tu m’encombres). Je marche ainsi à petits pas jusqu’au compartiment 18.
Il est quasiment vide pour le moment. Seuls l’occupent un jeune appelé déjà avachi dans son fauteuil et une dame d’un certain âge, celle-là même dont on se dit qu’elle verrait d’un mauvais œil qu’on la dérange par un bruit allant au delà du murmure.
Je m’installe de l’autre côté du compartiment, libère le chat avec sa promesse qu’il ne tentera pas de fuir et promène mon regard sur le quai.
Une silhouette, dépassant quasiment celle de tous les autres voyageurs, accroche immédiatement mon regard. Il ralentit à peine devant le compartiment 18 et y entre d’un pas décidé, son billet de train composté à la main. Il hésite devant la place 55, évalue brièvement ses chances de voyager confortablement entre le jeune appelé qui ne fera rien pour lui permettre d’allonger ses jambes et la vieille dame au regard déjà courroucé à l’idée qu’il puisse faire du bruit, puis lève la tête et repère un pôle de quatre places encore vide. Un sourire de satisfaction se dessine sur ses lèvres ; il s’installe.
Manteau et pull sont aussitôt enlevés. La petite valise est rapidement reléguée dans un coin tandis que l’ordinateur est soigneusement posé sur la tablette étroite devant lui. Pourtant il ne l’ouvre pas ; pas tout de suite, attendant probablement d’être sûr que personne ne viendra le contraindre à déménager.
Lorsque le train s’ébranle enfin pour un parcours de trois heures sans arrêt, il laisse échapper un soupir de soulagement. Il prend ses aises, sort enfin l’ordinateur de son sac et récupère du fond d’une poche une clé USB. Il la regarde quelques instants avec l’air ravi de celui qui se félicite d’être né à temps pour profiter d’une si merveilleuse technologie … alors même qu’il n’y est pour rien, tant dans sa conception, que dans celle du composant électronique qu’il fait tourner entre ses doigts avant de l’insérer dans l’ordinateur.
Je ne suis pas loin et à travers le verre de ses lunettes, je vois défiler les différents fichiers qu’il ouvre les uns à la suite des autres, tardant à faire son choix. Il s’arrête finalement sur un texte qui semble inachevé, le relit puis se met à écrire avec détermination, concentration, seul, ignorant les bruits qui l’entourent jusqu’au contrôleur qui devra le toucher à l’épaule pour marquer sa présence et vérifier son billet.
Le laissant à sa création, j’attrape le livre choisi dans ma bibliothèque pour m’accompagner dans ce voyage : il s’appelle Légende ; ce n’est pas un roman. L’auteur raconte les événements de sa vie qui ont fait selon lui ce qu’il est devenu. Je l’avais acheté quelques années auparavant après avoir lu avec plaisir son roman à succès mais m’en étais rapidement désintéressée, le laissant attraper la poussière et oubliant même de quoi il parlait lorsque frère ou sœur, au hasard de leur envie de lire, plongeait le nez dans ma bibliothèque en me demandant « et celui là, il est bien ? ». Aujourd’hui avec une étrange sensation de proximité avec le conteur, je me plonge dès les premières pages dans le récit d’une époque que je n’ai pas vécu et ignore à mon tour, le monde autour de moi.
Une annonce au haut parleur nous fait sursauter. L’arrivée est prévue dans quelques minutes. Je remballe bouquin et chat et ne peux m’empêcher de jeter un œil de côté.
Il est en train de replier l’ordinateur, range dans son sac fils et souris puis enfile son pull, sans se rendre compte qu’une pointe du col de sa chemise restera au dehors.
La porte s’ouvre dans un sifflement, il me laisse passer avec ma boite en plastique et tandis que je m’insère dans le flot des voyageurs, je le voit qui marche devant moi d’un pas tranquille en tentant de repérer au loin le visage de celui ou celle qui doit l’accueillir et qu’il semble ne pas connaître.
Laurence