Je me souviens de Titus Andronicus. Les profs nous avaient fourrés dans un bus à la sortie du lycée et descendus aux portes de la Métaphore. La mise en scène était de Daniel Mesguich. Je me souviens du décor fait de livres. Partout, du sol au plafond, des livres. Je me souviens que nous étions dispersés un peu partout dans la salle. Je me souviens avoir tourné la tête vers mon voisin de gauche. C’était Daniel Mesguich.
Je me souviens d’Hamlet. C’était dans la plus petite salle de l’UGC de Lille. Le film durait 6 heures, en version originale, il y avait un entracte au milieu. Pendant l’entracte, je me souviens d’avoir discuté avec le seul autre spectateur de la salle. Il était professeur d’anglais à la fac et il avait donné rendez-vous à ses élèves ce matin là, pour voir le film.
Je me souviens des Histoires Grinçantes de Tchekhov, et de ma grand-mère qui demandait toutes les deux minutes à quel moment Laurence allait enfin entrer sur scène (alors qu’elle y était déjà depuis 20 bonnes minutes). De la robe de mariée de ma tante, et puis des « ouitres ».
Je me souviens du Bourgeois Gentilhomme. Je portais ma robe de chambre rose, sur laquelle on avait cousu des perles pour l’occasion. Je me souviens de mon refus catégorique de monter sur scène après les trois coups. Je me souviens d’y être montée quand même. Après, je ne me souviens plus de rien.
Je me souviens que Godot n’est jamais arrivé. Peut-être parce que personne n’avait pensé à lui dire que la Métaphore était devenue le Théâtre du Nord… Je me souviens d’avoir tourné la tête vers mon voisin de gauche et d’avoir souri en constatant que ce n’était pas Stuart Seide.
Je me souviens de l’Hymne des Industries Pharmaceutiques. Et du Petit Afflictionaire Médical. Et du défilé des patients de Sachs. Je m’en souviens deux fois, à vrai dire. La première fois, c’était à Arlon, le spectacle m’avait captivée.(1) La seconde fois, c’était à Longwy, je crois que je m’étais davantage intéressée aux réactions de mon voisin qu’à ce qui se passait sur scène… je ne me souviens plus s’il était à ma droite ou à ma gauche, par contre.
Je me souviens de Julien, dans les Femmes Savantes. Le seul à avoir retenu mon attention dans un massacre en règle de la pièce par la troupe du Français, au cours d’une représentation, hélas, pour une fois, télévisée.
Je me souviens de Guillaume, tout seul sur scène et irradiant de talent. Je me souviens d’avoir ri aux larmes et pleuré d’émotion. Je m’en souviens très bien, d’abord parce que ça ne m’était jamais arrivé, en tout cas pas dans un théâtre, et puis parce que c’était avant-hier. Et pour m’en souvenir encore mieux, j’y retournerai en février. Deux fois.
(1) dans un spectacle épatant intitulé "Sachs en scène" (Note de MW...)