Je l’ai depuis quelques semaines. Il est gris, pas plus grand qu'un livre de poche, mais plus mince. Il ne m’appartient pas : le directeur du centre où je
travaille l’a acheté pour les chercheurs mais presque tout le monde a déjà un
iPad, alors c’est à moi qu’il l’a confié.
J’avais très envie d’en avoir un pour lire les centaines
d’articles en PDF que je télécharge régulièrement. Evidemment, il faut les
transformer au format de lecture de l’objet, sinon il n’est pas possible de les
lire de manière satisfaisante, en augmentant la taille des caractères.
Je ne sais pas encore très bien m'en servir. Mais c'est comme tout, on apprend à l'usage.
J’ai commencé par lire The
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde de Robert-Louis Stevenson. Il était
présent dans la mémoire, quand je l’ai reçu. Je n’avais jamais lu Jekyll & Hyde, figurez-vous, et
encore moins en anglais. J’étais heureux de pouvoir le faire dans le bus et le
métro c’est là que je lis le plus souvent, en ce moment, mais ce matin pour la
première fois depuis longtemps, je me suis assis pour lire dans un fauteuil, un
article qu’un ami m’a envoyé et que j’avais transféré dessus.
J’ai encore plus envie de lire depuis que je l’ai.
Je le transporte partout avec moi.
Il est en train de devenir un objet transitionnel, vous
savez, comme la couverture de sécurité de Linus, le personnage de Peanuts.
Vous allez me dire : « Ce n’est pas bien grave. Il
évite d’avoir à imprimer (et donc de consommer du papier). Il ne prend pas de
place. Il peut contenir beaucoup de textes. C’est un objet utile.»
C’est vrai : je n’arrête pas de le remplir, mais le mot
imprimé prend une place infinitésimale dans sa mémoire, et jusqu’ici je n’en ai
pas rempli le dixième, alors que j’ai de quoi lire pour un an, au bas mot…
Mais c’est une machine infernale. Comme toujours, avec la
technologie. Plus on en a, plus ça devient chronophage.
Quand je suis arrivé au Centre, à l’Université de Montréal,
j’ai découvert la frénésie d’accéder à des milliers d’articles en ligne. Même
si ce n’est pas vrai, j’ai eu le sentiment que j’avais la quasi-totalité du
savoir à ma portée, au bout de mes doigts. Je me suis mis à télécharger des
articles à tour de bras.
Et puis un des chercheurs m’a parlé de sites incroyables,
sur lequel on peut trouver la version téléchargée (PDF, e-book) de milliers
d’ouvrages. Ce sont en quelque sorte des banques de livres (le plus souvent
scientifiques, mais pas toujours, il y a des centaines de romans aussi) mis en
ligne par leurs lecteurs. Pas très rentable pour les éditeurs, mais tellement
pratiques pour les vamplires (un vamplire, c’est un parasite qui suce la moelle
des livres). Je me suis mis à télécharger à double tour de bras. Des romans,
des livres de sciences humaines, les œuvres complètes de Shakespeare, celles
d’Albert Camus que l’université de Chicoutimi a mises à disposition du public
car au Québec, la plupart sont dans le domaine public. Bref, des dizaines de
livres.
Et puis j’ai reçu l’objet.
J’avais donc tous ces articles, tous ces livres, et je me suis mis à les préparer
pour les transférer dedans. Avec un logiciel qui porte le joli nom de calibre.
Il reconnaît les fichiers, permet de les renommer, de les transformer dans un
format lisible par la machine…
Du coup, je suis retourné sur les sites de téléchargement de
livres. J’ai cherché les romans de SF de mon enfance. J’en ai trouvé…. Un
paquet ! Et j’ai passé ma matinée à télécharger, convertir, transférer,
vérifier que ça marche, lire une page puis deux, puis me rappeler et télécharger d’autres
livres, souvent disponibles dans le domaine public (C'est merveilleux, le domaine public, tout Arsène Lupin est dans le domaine public ! ) que j’avais envie de relire - en anglais cette fois-ci, puisque la
plupart des romans que j’ai lus adolescents étaient traduits : les personnages de romans d'énigme - Sherlock
Holmes, le Professeur Challenger, les enquêtes d’Hercule Poirot, Le Juge Ti,
Lord Peter, Le Baron, Ellery Queen ; les auteurs de SF - Sheckley, Simak, Asimov, Bester, Sturgeon, Kuttner, Anderson….
Aaaaargh !!!!
C’est merveilleux.
J’ai le sentiment d'avoir sous la main la bibliothèque de mes quinze ans.
Aaaaargh !!!!
C’est horrible.
Il va me falloir quinze ans pour relire tout ça !
Mar(c)t(w)in