jeudi 29 avril 2010

Le plan du labyrinthe (Ficelles et chapeaux-claque, 5)


Ornella a écrit : « Je ne sais plus où,  mais j’ai lu que vous n’aviez pas en tête la fin du CDF  quand vous en avez debuté l’écriture. Pourtant le roman semble très construit. Construisez vous réellement l’intrigue de vos romans au fur et à mesure de l’écriture ? Si oui, restez-vous coherent ? »


La réponse à la première question est « oui ». C'en est même gênant, par certains côtés : je ne sais pas toujours où je vais, et ce que ça va donner. Et même le plus souvent. Il m'est arrivé au moins deux fois de commencer un roman sans rien avoir d'autre (ou presque) que le titre : Touche pas à mes deux seins et Un pour deux. Enfin, pour Un pour deux et les deux autres volumes de la trilogie j'avais le personnage de René/e, quand même. Très vite, j'ai  décidé que le cadre serait Tourmens, ses « points chauds » l'hôpital Nord (celui des quartiers pauvres) et le centre Multimédiatique Michel-Houellebecq, ses têtes de Turc le maire Francis Esterhazy, son épouse top model Clara et le bouffon de cour Victor-Henri Slezak. J'aime bien me moquer des personnalités qui m'insupportent.

Pour le CDF, (et d'ailleurs pour Sachs et Les Trois médecins et La vacation), j'avais essentiellement le cadre (l'unité 77, le cabinet de campagne, la fac, le centre d'IVG), les personnages principaux et la trame temporelle. Et puis un argument de départ très simple et finalement assez vague : la vie d'un médecin généraliste vue par ses patients ; l'activité d'un médecin dans un centre d'IVG et ses tentatives pour en rendre compte dans un roman ; les études de médecine de Bruno Sachs comme remake des Trois Mousquetaires ; un roman d'initiation dans un centre de santé des femmes. Mais c'est ce qui m'a permis d'avancer. 

En ce moment, le roman que je voudrais écrire et qui s'intitule pour l'heure La voie d'un homme stagne parce qu'il me manque une dimension. Je sais qui sont les personnages principaux (un écrivain/médecin/père de famille et sa mère) et où ça se passe (chez lui) mais pas exactement ce que je veux raconter, ni en combien de temps ça se passe. Il semble, au vu de mes précédentes expériences, que j'aie le plus souvent besoin d'avoir un « cadre temporel » (ou d'une trame pré-établie) pour pouvoir construire mes livres. Le cadre en question est visible dans les quatre romans médicaux. Il l'est moins dans la Trilogie, mais il existe néanmoins : je m'étais fixé de construire chaque volume comme une « saison » de série télévisée du câble, en 13 « épisodes » (chapitres) divisés chacun en 4 « actes » (scènes). 

C'est l'idée de construire ça comme une série télé qui m'a donné ensuite l'idée de faire commenter la deuxième « saison » (L'un ou l'autre) par trois « spectateurs » dont les remarques sont intégrées au texte, et de faire construire la troisième (Deux pour tous) par ses scénaristes, sous les yeux même du lecteur. Une triple mise en abŷme, en quelque sorte. Ça n'était pas purement formel, et pas gratuit du tout. Les difficultés d'écriture que rencontrent les scénaristes étaient les miennes et je voulais, en les formulant, les surmonter pour arriver au bout de l'histoire. 

Rétrospectivement, la Trilogie n'est pas seulement la genèse d'un super-héros, c'est aussi la fin d'un cycle et la remise en perspective de dix années d'écriture. C'est ce qui m'a permis d'écrire Le Choeur des femme comme si c'était mon « second premier roman », mais du coup je me sens un peu frigorifié. Après La vacation (mon premier premier roman), j'ai mis presque dix ans à écrire La maladie de Sachs. Je n'aimerais pas qu'il m'arrive la même chose une nouvelle fois.

Mais il y a beaucoup de points communs entre La voie d'un homme et Les Cahiers Marcoeur, le livre inabouti que j'ai écrit entre La Vacation et Sachs, et je me demande si je vais de nouveau me perdre dans un projet sans suite ou si je vais parvenir, cette fois-ci, à le surmonter.

Il me manque encore la trame, le cadre, la toile qui va me permettre de construire, alors je n'avance pas beaucoup. J'en suis encore au stade où j'accumule les informations, les références, les idées, les scènes, les bouts de ficelle qui viendront composer toutes les pièces du puzzle qu'est le roman.

Pour avancer dans l'écriture d'un roman, je me fabrique souvent un plan (vague) de ce que je veux y voir figurer. C'est ce que j'ai fait pour Sachs (avec le découpage qui suit celui de l' « observation clinique ») et pour LTM (j'ai construit l'itinéraire des étudiants en le calant sur le contenu pédagogique de mes propres études). Pour La Vacation et le CDF, je me suis plutôt laissé guider par la topographie (réelle et imaginaire) des lieux et la « logique » du travail dans un hôpital. J'ai besoin de « tuteurs » narratifs. Ils me rassurent, je pense. Alors je ruse : dans Un pour deux, l'une des trames policières (l'enquête sur l'agression de Sonia) est empruntée à Bullitt, le film de Peter Yates. Celle du Numéro 7 lorgne du côté de The Stars, My Destination de Alfred Bester (lui-même inspiré par Le Comte de Monte-Cristo !!!)

La figure du roman comme puzzle, surexploitée depuis G. Perec, m'a toujours paru insuffisante pour parler du travail de l'écrivain si on ne la superpose pas à celle du labyrinthe, « que le rat-écrivain construit en même temps qu'il se propose d'en sortir », pour paraphraser le susmentionné. Le puzzle, c'est le produit fini (je ne peux plus le voir en désordre une fois qu'il est achevé). L'idée de labyrinthe, et surtout celle de l'itinéraire dans le labyrinthe est beaucoup plus proche de ce que je ressens au moment où j'écris : d'abord, je ne sais pas très bien où je vais. Je sais, bien sûr, qu'il y a une sortie, et je sais à peu près à quoi elle ressemble (souvent, je l'ai en tête très tôt, dans ses grandes lignes). 

Mais je ne sais pas par où je vais passer (puis faire passer le lecteur) pour y parvenir, quelles impasses, quelles chausse-trappes, quels raccourcis inattendus, quels « niveaux cachés » (comme on dit dans les jeux vidéo) je vais rencontrer. Enfin, construire. C'est pourquoi, à la réflexion, le choix de mon pseudo me paraît être tout à fait justifié. J'avais un moment envisagé de prendre celui de « Marc Valène ». Serge Valène est le peintre/narrateur qui, dans La vie mode d'emploi, met en place sur une toile l'immeuble sans façade où il a vécu et imagine les histoires qui se sont déroulées dans les pièces ainsi accessibles au regard. 

Gaspard Winckler, lui, est l'artisan qui colle sur une planchette de bois les aquarelles peintes par Bartlebooth et les découpe ensuite de manière chaque fois différente pour en faire un puzzle de recomposition imprévisible. Valène, c'est Perec ; Bartlebooth, c'est le personnage/lecteur de son roman ; Winckler, c'est l'écrivain dans le roman. C'est l'écrivain qui travaille sous contrainte, et qui transforme les errances de son alter-ego en casse-tête qui lui permettra peut être de gagner sa croûte.

La voie d'un homme est une autofiction. La réinvention d'épisodes autobiographiques sous une forme très facétieuse – et que j'aimerais drôle, mais il paraît que lorsque j'essaie d'être drôle dans mes textes, je n'y parviens pas. En tout cas, le projet renvoie, comme je le disais plus tôt, à quelque chose qui était en germe dans Les Cahiers Marcoeur, mon grand roman inédit. Marcoeur est un écrivain qui écrit tout le temps, au point de ne vivre que pour ça. Au centre du livre, il y a son « grand projet », intitulé Cet Homme en Kit. Le portrait d'un homme en pièces détachées. Le projet n'est jamais décrit, seulement évoqué, et l'histoire de Marcoeur reste en filigrane de celle de six autres personnages qui s'appellent tous « Sachs » mais avec une graphie qui change à chaque fois : Sacks, Sax, Zacks, Zax, Zachs.

En ce moment je lis un bouquin d'anthropologie assez extraordinaire intitulé Sex, Time and Power. L'auteur, Leonard Shlain, y théorise comment, il y a 40 000 ans, Homo Sapiens, qui existait déjà en tant qu'espèce depuis plus de 100 000 ans, a grâce à la synchronisation des cycles menstruels avec le cycle lunaire, est devenu carnivore et chasseur, et a pris conscience simultanément de l'écoulement du temps et de sa propre mortalité. Sous la plume de Shlain, les comportements humains apparemment les plus paradoxaux deviennent soudain lumineux, grâce à des explications très simples et d'une logique confondante.

Inévitablement, comme lorsque je lisais fils (voir cette entrée du blog...), j'ai très envie d'associer ma lecture à ce qui est déjà écrit de La voie d'un homme et aux fragments de Cet Homme en Kit qui me restent. Sur la dernière page de garde du bouquin de Shlain, j'ai écrit la liste suivante :
-      Habitat
-      Alimentation
-      Sexualité/reproduction
-      Vie sociale
-      Productions culturelles et artistiques
-      Physiologie et santé
-      Langage

Ces sept éléments pourraient constituer les « parties » du livre, qui se présenterait alors, en apparence, comme l' observation d'une espèce faite par un ethnologue (ou un naturaliste). À ceci près qu'ici, il ne s'agit pas de décrire une espèce sexuée, mais l'un des deux genres, à travers le portrait d'un seul individu.

Ambitieux ? Oui, on peut dire ça. Et donc, casse-cou. Mais je suis prêt à tout pour avancer.

******

Quant à la cohérence, ce n'est pas à moi de le dire, mais aux lecteurs. En tout cas, quand un roman est terminé, je le relis de nombreuses fois, pour vérifier qu'il n'y a pas d'incohérence. Justement, en relisant Le Choeur des femmes pour le préparer à l'impression, j'ai réalisé qu'à un moment donné, j'avais fait rentrer Jean le chez elle sans sa voiture (qui n'a pas démarré) et que le lendemain, elle retournait à l'hôpital... en voiture. Il m'a fallu reprendre ce paragraphe et la coller sur un vélo tout en rendant la chose plausible, car ce matin-là, elle a une migraine carabinée.

De même, quand j'ai relu La Vacation avec la correctrice qui travaillait chez P.O.L, à l'époque, elle m'a fait remarquer qu'au début du livre Bruno porte une sacoche, et qu'à la fin il porte un cartable. Elle m'a expliqué que c'est ce qu'on appelle « un échafaudage » (dans le même sens que les structures tubulaires qu'on accolle à un bâtiment pour le nettoyer ou le rénover. Au début de l'écriture d'un manuscrit, on utilise certains mots pour désigner un objet particulier, et puis il nous en vient un autre qui prend le dessus et, comme on ne se souvient pas toujours de ce qu'on a fait auparavant, on ne peut pas toujours corriger le premier choix. 

Ce genre de chose ne m'arrive plus (je suis très vigilant et la fonction « Rechercher Remplacer » des traitements de textes aide beaucoup) mais il m'arrive régulièrement de « retoucher » certains passages du début d'un roman pour annoncer de manière subliminale ce qui va survenir plus tard dans le déroulement de l'intrigue – une fois que je le sais moi-même, ce qui survient parfois assez tard ! Alors, question cohérence, je fais de mon mieux, mais c'est aux lecteurs/trices de dire si j'ai correctement accompli mon travail.

Et là en cet instant, il est 1h02 du matin, mes yeux se ferment et je ne suis pas sûr que ce que je viens d'écrire a le moindre sens, la moindre cohérence...

(À suivre... )




dimanche 25 avril 2010

Ecrivains modèles et livres pour île déserte (suite) - par MW


Pendant très longtemps, j'ai ressenti un grand malaise, presque une certaine honte, à nommer les écrivains que j'aimais. Ce n'étaient pas des "classiques" - ceux que les enseignants nous présentaient en levant le manuel devant eux comme un objet mystique et en nous ordonnant de nous prosterner pour en lire la parole sacrée. D'ailleurs, il y avait de l'incongruité à nommer l'auteur d'un roman d'aventures ou d'un roman policier. Ce genre de roman n'avait pas d'auteur. C'était de la littérature "pour la jeunesse".
Mais je ne savais pas qu'il y avait de la littérature "pour la jeunesse" et de la littérature "pour les grands". Je savais seulement qu'il y avait des livres que j'avais du plaisir à lire, et d'autres qui ne m'attiraient pas.

Jusqu'à l'âge de 17 ans, j'ai lu d'une manière très particulière, très obsessionnelle : quand un livre me plaisait, cela me donnait bien sûr le désir de lire d'autres livres de la même trempe. Lorsqu'il s'agissait de romans mettant en scène un héros récurrent - mettons : Bob Morane ou Sherlock Holmes ou Hercule Poirot ou Arsène Lupin ou Wenceslas Vorobeïtchek, alias "Monsieur Wens" - c'était facile : le personnage me guidait - c'était d'ailleurs souvent le cas dans le domaine policier. Quand il s'agissait de SF, c'était plutôt l'écrivain que je suivais à la trace. Les romans de "littérature générale" (comme on dit en France) ne m'ont pas attiré avant ma rencontre fortuite avec un très beau roman de Robert Merle, L'ïle, lorsque j'étais en classe de Terminale.

Comme beaucoup d'adolescents avant moi j'ai bien sûr lu du Jules Verne à tour de bras, et celui-ci m'a aiguillé vers Herbert-George Wells, mais au lycée, je n'ai pas lu les classiques recommandés ou imposés. J'ai détesté Le rouge et le noir, j'ai trouvé L'éducation sentimentale incompréhensible et Balzac me pompait l'air. Quarante ans plus tard, je pense tout simplement que les descriptions m'insupportaient et que la finesse des considérations psychologiques m'échappait totalement. Ce que je voulais, c'est que ça bouge. Le plus drôle, c'est qu'aujourd'hui,  j'aime beaucoup plus les séries psychologiques que les séries d'action. Comme si la confusion des sentiments m'était plus accessible au travers de dialogues ou de silences qu'à la faveur de descriptions suggestives. Lorsque Emma va chercher des verres en cristal au sommet d'une étagère pour servir une liqueur à Charles (qui n'est pas encore son mari) j'étais incapable de comprendre (et je le suis encore : il a fallu qu'on me l'explique) que ce geste signifie combien elle le tient en haute estime...

Ce qui m'a toujours plu, dans les livres, c'est la surprise ; les détours ; les chausse-trappes ; les coq-à-l'âne ; les labyrinthes. Bref : la construction. Je ne dis pas que je ne peux pas goûter une phrase bien faite et pleine de subtilité, mais rien ne me ravit plus qu'un écrivain qui sait jouer avec le même talent d'une construction savante et d'une belle maîtrise des mots. En disant cela, je pense à Camille Laurens, dont tous les romans (sauf le dernier en date, que je n'ai pas lu) m'ont à la fois ému, ravi et fait rire (ses calembours sont les plus fins et les plus signifiants qui soient).

Mais je pourrais dire la même chose du livre de Marie Darrieussecq dont j'ai parlé ici (Rapport de police) qui, bien qu'il s'agisse d'un essai, m'a passionné et impressionné.

Le goût pour les constructions élaborées est venu d'abord, avec la littérature policière et la science-fiction. J'aimerais encore, aujourd'hui, retrouver le plaisir éprouvé devant la malice d'un whodunit de Stanislas-André Steeman (bien oublié aujourd'hui et c'est un malheur) ou la chute d'une nouvelle de Robert Sheckley. Je continue encore, aujourd'hui, à lire nouvelles et romans parlant de crimes impossibles (le vertigineux The Tokyo Zodiac Murders de Shoji Shimada - merci Roland Lacourbe !!!) ou d'histoires de voyages dans le temps (le magnifique The Time-Traveler's Wife d'Audrey Niffennegger, très mal traduit sous le titre Le temps n'est rien). Et mes romans de littérature "de référence" - Le Carnet d'or, La vie mode d'emploi ou Fils, de Serge Doubrovsky (c'est celui-là que j'avais oublié dans mon énumération, l'autre jour).

Fils est moins connu que Un amour de soi ou Le livre brisé, du même auteur, mais il a une importance considérable dans mon itinéraire d'apprenti-écrivain. C'est un bouquin impressionnant, tant par sa construction (qui ne se laisse pas appréhender facilement) que par son écriture (qui peut faire fuir plus d'un lecteur). Le texte n'est pas chapitré, mais constitué de "blocs d'écriture" que le lecteur parcourt comme on saute d'une pierre à une autre pour traverser un torrent, et dans lesquels se mêlent trois récits savamment entrelacés : l'histoire de la relation difficile entre le narrateur, sa mère et ses femmes ; le trajet qu'il parcourt chaque semaine entre le New Jersey et l'université de Manhattan dans laquel il donne des cours de littérature ; et enfin, le cours lui-même, consacré à Phèdre. Le titre,  fils (il n'a pas de majuscule sur la couverture de l'édtion originale, chez Galilée), est, bien sûr, richement polysémique. Or, j'ai lu ce roman entre le premier jet (un long monologue sans structure) et la version définitive de mon premier roman, La Vacation. Il ne fait aucun doute que le travail de Doubrovsky m'a servi non seulement d'exemple, mais d'encouragement. Je n'aurais pas eu l'idée (ou l'audace) de truffer mon roman de parenthèses et d'italiques si je n'avais pas été émerveillé par l'usage que fils en faisait.

Je ne l'ai jamais relu, et, aujourd'hui, j'en ai très envie.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Serge Doubrovsky (je lui avais écrit, il m'avait répondu, nous avons pris un café ensemble un jour à Paris, où il vivait la moitié de l'année) et je me souviens d'une figure à la Roland Barthes, un homme réservé, cultivé, courtois, plein d'un mélange de tristesse et d'humour, et qui semblait profondément touché et surpris par l'attachement que je portais à son travail (j'ai lu par la suite plusieurs autres de ses livres, y compris l'épatant essai qu'il a consacré à Proust : La place de la Madeleine).

(A suivre)


PS : Je viens d'aller sur le site consacré à fils que m'indique Isabelle Grell (cf commentaire n°2) et c'est une merveille. Je vous le recommande. 

lundi 19 avril 2010

Partir, revenir (ex. n°12, le retour) - par Ornella N.


Prendre notre rencontre comme une chance.
Oublier les nuits passées à penser que peut-être.
Maquiller mes yeux bleus en noir pour ne pas lui ressembler.
Construire un futur où tu n’auras pas ta place.
T’imaginer souvent, berçant votre enfant.
Oublier que ça aurait pu être le nôtre.
Chasser la transparence de ton sourire sur les visages des hommes qui m’approchent.
Déménager pour vivre loin de ton fantôme.
Accepter notre défaite.
Ravaler mes larmes.
Etre forte.
Grandir.
Sourire de nos souvenirs.
Et puis un jour, vous rencontrer à nouveau.
Et, en ne t’aimant plus vraiment, proposer de vous recevoir.

dimanche 18 avril 2010

Ecrivains modèles et livres pour île déserte - par Mar(c)tin WZ

Sur ma page Facebook, il y a quelques jours, j'ai mis le portrait des cinq écrivains qui m'ont le plus influencé :
Isaac Asimov,
Alfred Bester,
Arthur Conan Doyle
Daniel Zimmermann,
Georges Perec


Le choix était difficile, mais ils correspondent à ma définition de l' « influence ». A mes yeux, ces cinq écrivains sont des modèles. Les modèles auxquels j'ai voulu ressembler, pour des raisons différentes, et dans l'esprit desquels je crois que j'écris. J'y reviendrai plus loin.

Le même jour ou peu après, une rédactrice du Magazine Littéraire sollicite ma participation à un Hors-Série dans lequel on demande à des écrivains de dresser une liste de dix livres (une « bibliothèque idéale de poche ») et d'écrire 1000 signes sur l'un d'eux. La liste (si je m'en souviens bien, car je ne l'ai pas sous les yeux, elle a dû rester sur mon Mac au bureau et je ne l'ai pas glissée dans ma Dropbox, semble-t-il, mais j'ai l'impression d'égarer des fichiers sans arrêt en ce moment) est à peu près celle-ci (dans l'ordre chronologique de lecture)

NB : Deux de ces « livres » sont des intégrales, un troisième regroupe deux romans habituellement publiés séparément, mais comment choisir dans Sherlock Holmes et dans Lupin, qui forment un tout ?

Les mythes grecs de Robert Graves
Les Aventures de Sherlock Holmes (l'intégrale) d'Arthur Conan Doyle
Les Aventures extraordinaires d'Arsène Lupin (l'intégrale) de Maurice Leblanc
Terminus les étoiles et L'homme démoli, d'Alfred Bester
La vie mode d'emploi de Georges Perec
Le Carnet d'Or de Doris Lessing
On the origin of stories, de Bryan Boyd
Histoire naturelle de l'amour de Helen Fisher
Le Choeur des femmes de Martin Winckler

et... un dernier que j'oublie pour le moment, ce sera intéressant de retrouver de quoi il s'agit.

Si je parle de ça aujourd'hui, c'est en réaction à un commentaire d'Emmanuelle M. (qui intervient aussi sur ce blog) à l'absence de femmes dans ma liste d'écrivains sur Facebook.

Dans un premier temps, je me suis dit (et j'ai répondu, défensivement) : mais je cite au moins deux livres écrits par des femmes dans ma liste du MagLit.

Et puis, à la réflexion, j'ai pensé : « Mais pourquoi est-ce que je me sentirais coupable ? »

Qu'est-ce que ça peut foutre, qu'il n'y ait aucune femme dans la liste de mes écrivains « modèles » ? Est-ce si anormal que ça ? Trouverait-on anormal que dans la liste des écrivains modèles d'une femme écrivaine il n'y ait que des femmes ? Un modèle, c'est quelqu'un à qui on veut ressembler, physiquement ou moralement. Ici, il s'agit plutôt du « moralement » (je ne suis ni acteur ni top model...), mais vouloir ressembler à des figures tutélaires de mon genre, est-ce si anormal que ça ?

Et puis j'ai lu tous ces écrivains avant de le devenir moi-même. Chronologiquement, les trois premiers (Conan Doyle, Asimov, Bester) ont été des modèles à travers ce qu'ils ont écrit (leurs fictions mais aussi leurs commentaires sur l'écriture et/ou leur itinéraire individuel) et ce que leurs livres m'ont « fait » – et, ce faisant, suggéré ce que je pourrais produire à mon tour chez des lecteurs.

J'aurais d'ailleurs aussi bien pu citer Herbert George Wells, Jules Verne, Agatha Christie, Georges Simenon, Stanislas-André Steeman, Henri Vernes (Bob Morane), Enid Blyton (le « Club des cinq »), le Lieutenant X (« Langelot, Agent Secret »), que j'ai dévorés enfant. Mais aucun d'eux ne m'a « influencé » en tant qu'écrivain, par leur personnalité ou par leur enseignement, autant que les cinq autres.

Interestingly enough, tous les écrivains de ma liste avaient un autre boulot et une autre formation initiale que celle d'écrivain : Asimov était biochimiste, Bester faisait des relations publiques, Conan Doyle était médecin, Zimmermann était prof (et l'est resté jusqu'à la retraite). Perec, contrairement à ce qu'on raconte le plus souvent, n'était pas sociologue, il avait interrompu sa formation et était devenu documentaliste au CNRS.

Interestingly enough aussi : quatre des cinq écrivains sont nés au vingtième siècle ; trois sont de langue anglaise (Asimov, Bester, Conan Doyle) et considérés comme un écrivain « de genre » et non « de littérature générale », trois (Asimov, Perec, Zimmermann) m'ont, en outre, « auteurisé » - le premier en truffant ses recueils de nouvelles de commentaires sur la manière dont il les avait écrites, le deuxième en dédramatisant, dans des entretiens ou des textes, sa propre accession à l'écriture, le troisième en m' « adoptant » et en me « parrainant » matériellement, affectivement, en me publiant, en me parlant, en m'exhortant, en me soutenant moralement.

Et quand je dis que ces écrivains m'ont influencé, j'ai bien conscience qu'ils l'ont fait très tôt dans mon évolution de lecteur et d'écrivain, et que je n'ai pas fini d'évoluer (voir plus loin). Mais ce sont eux qui me sont venus à l'esprit immédiatement.

Il n'y a pas de femme dans la liste. Mais j'ai lu des écrivaines importantes avant l'âge de trente ans, en particulier dans le domaine du policier ou du noir (Agatha Christie, Patricia Highsmith) ou de la SF (Catherine Moore, Ursula Le Guin, Leigh Brackett). Je ne les ai pas lues parce que c'étaient des femmes, mais parce que j'aimais leurs livres. Et j'aurais probablement pu être « influencé » par certaines d'entre elles si leur biographie avait été accessible et si j'y avais trouvé des points d'ancrage. Mais je suis né en 1955, et qui étaient les écrivaines françaises de l'époque à qui j'aurais pu m'identifier adolescent ? Qui étaient les écrivaines françaises auxquelles une adolescente aurait pu s'identifier ? Colette ? Violette Leduc ? Simone de Beauvoir ? (J'ai lu certains de leurs livres, mais ils ne m'ont pas autant marqué.)

La liste de livres dressée pour le MagLit n'a pas la même signification. Les volumes en question sont ceux que j'emporterais sur une île déserte si je ne pouvais rien emporter d'autre. Je les vois comme des sources d'émotion renouvelé, par leur contenu et leur forme. Les livres, à mes yeux, sont des puits de savoir, de réflexion, d'humour, de rêverie et d'évasion – donc, de plaisir. Ce sont ceux dont je peux penser que je les lirais et les relirais de nombreuses fois sans me lasser. (Si on me demandait quelles sont les cinq séries que j'emporterais sur une île déserte, la liste comporterait, probablement pour le même genre de raisons, tout Law & Order (les quatre séries), Urgences, House, M.D., tout Star Trek, tout Buffy/Angel et tout Everybody Loves Raymond. J'aime les séries qui constituent un monde...)  (oui, ça fait six ou sept, pas cinq...)

Parmi les dix livres, deux ont été écrits par des femmes : le roman de D. Lessing, à mes yeux « exemplaire », qui parle de l'accession à l'écriture et de tout ce qu'on peut mettre dans les livres (de l'autobiographie, de l'imaginaire, du narratif, de l'historique, de la connaissance) et l'essai de H. Fisher qui éclaire ce que nous pouvons comprendre de l'amour (du sentiment amoureux, de l'attachement) à la lueur des connaissances acquises par les anthropologues, ethnologues et psychologues évolutionnistes. Dans le reste de la liste, il y a surtout de la fiction, et deux essais.

Les mythes grecs : enfant, j'ai lu beaucoup de volumes de « contes et légendes », et la mythologie grecque et romaine m'a beaucoup marqué. j'ai acheté le livre de Graves il y a deux ou trois ans seulement, parce que c'est un classique dans le monde anglo-saxon, qui pratique seulement la recension de tous les mythes grecs, mais en donne des significations historiques - lesquelles ont pu, depuis, être remise en question, mais ont le mérite de leur faire dépasser le statut de récits folkloriques.

On the origin of stories : j'en ai parlé précédemment sur ce blog. Dans cet essai éblouissant, un critique littéraire néo-zélandais spécialiste de Nabokov met tout son savoir (et sa connaissance des acquis évolutionnistes) au service d'une thèse fascinante : la capacité des humains à raconter des histoires serait, en elle-même, un acquis de l'évolution (autrement dit : un avantage adaptatif), au même titre que la station debout et le langage parlé. Autrement dit : l'aptitude et le goût pour la narration ne seraient pas « produits par la culture », mais innés, engrammés dans notre bagage génétique, et auraient pour fonction de véhiculer les valeurs collectives indispensables à la cohésion des groupes humains face aux pulsions de compétition (elles aussi innées) qui opposent les individus.

J'ai lu une demi-douzaine d'essais « évolutionnistes », depuis deux ans. Tous en relation d'une part avec avec l'amour et la sexualité (le Fisher ; The Mating Mind et Spent de Geoffrey Miller ; Sex, Time and Power de Leonard Schlain, que je dévore au moment où j'écris ceci) ; d'autre part avec les arts et la fiction (le Boyd, et The Art Instinct, de Denis Dutton, philosophe qui parle surtout d'arts plastiques mais inclut un grand chapitre tout aussi éclairant sur l'usage de la fiction).

Ces livres sont tout aussi « influents » sur ma pensée en ce moment (et sur mes publications à venir) qu'Asimov et Perec ou Zimmermann ont pu l'être avant que je publie.

On notera qu'il n'y a ni bouquin d'Asimov, ni bouquin de Zimmermann dans la liste : peut être, en première approximation, parce que les livres du premier sont trop nombreux (comment en choisir un ?) et parce que ceux du second sont centrés sur des préoccupations (historiques et politiques) qui me touchent mais qui ne sont pas les miennes.

Arsène Lupin et Sherlock Holmes. Il y a tout là-dedans : des valeurs, de la narration, de l'imaginaire, du suspense, de l'humour, du mystère, de l'aventure, de l'émotion, de l'amitié, de l'amour, du chagrin, du sacrifice...

Bon, et pourquoi mettre un de mes livres dans la liste ?
Eh bien je me suis dit : ces écrivains et ces livres m'ont aidé à devenir écrivain à mon tour, et je ne vois pas pourquoi je ne marquerais pas cette filiation en insérant l'un de mes livres dans la liste. D'accord, je ne suis pas un lecteur « innocent » de mes livres, mais quand le temps a passé, j'aime les relire et je suis surpris de ce que j'y lis. J'y apprends aussi quelque chose : sur ce que je pensais quand je les ai écrits, sur la personne que j'étais, et donc sur le chemin parcouru depuis.

Ok. Et pourquoi Le Choeur des femmes ?
Ça, c'est plus difficile à dire. Ce n'est pas nécessairement celui que je considère « le meilleur » ; je ne suis pas bien placé pour être le critique « objectif de mes propres livres » et si on me demandait lequel est le plus élaboré, littérairement parlant, je répondrais qu'à mon humble avis, c'est Les trois médecins. (Je sais que beaucoup de lecteurs répondraient plutôt La maladie de Sachs et d'autres La vacation, mais j'ai le droit de ne pas être d'accord avec eux, n'est-ce pas ?)
Ce n'est pas non plus celui dont je suis le plus « fier ». Je suis très fier d'avoir écrit Contraceptions mode d'emploi et d'avoir touché un si grand nombre de lecteurs avec Sachs, mais la fierté n'est pas un critère d'analyse critique.
Ce n'est pas non plus une question de succès ou d' « accomplissement » en tant qu'écrivain : ma réputation repose surtout sur le succès public de Sachs, beaucoup moins sur les appréciations ou les analyses littéraires qu'on a (ou plutôt, qu'on n'a pas) faites de mes livres.

La seule « explication » que je puisse donner au choix du CDF, c'est celle qui me fait dire « chaque texte prépare le suivant ». Le CDF est mon dernier roman en date. En un sens, il est la résultante de plusieurs itinéraires : celui du médecin, celui de l'écrivain, celui de l'aspirant-enseignant, celui du transfuge attiré par la culture et le continent nord-américains. Je ne sais pas si c'est mon « meilleur » roman, le « plus achevé », le plus « littéraire » ou je ne sais quoi. Je sais qu'il représente ce que je pouvais faire de mieux à un moment où, pour la première fois de ma vie, j'étais seul et libre d'écrire au rythme que je voulais, le temps que je voulais, sans avoir mes horaires régimentés par la vie familiale ou une autre vie professionnelle que celle d'écrivain.

De sorte que le CDF a le redoutable privilège de représenter non seulement un série d'expériences (au sens « d'acquis ») et une expérience (au sens de « situation nouvelle ») très particulières. Et toutes proches. Ça fait presque un an que j'ai fini de l'écrire, et je n'en suis pas encore sorti.

MW













vendredi 16 avril 2010

Partir, revenir (ex. n°12, 20 et dernier) : un kit de construction par Salomé V.


Partir-revenir : guide d’écriture



Prendre un élément de la rubrique 1 qui servira d’introduction, puis remplir le milieu comme bon vous semble, soit en suivant la tonalité donnée dans l’introduction, soit en créant un phénomène de surprise ou de rupture ; enfin, choisir un élément de la rubrique 2 qui servira de conclusion.

Vous l’avez compris, ce mini guide s’adresse aux amis écrivants qui essaient en vain de faire l’exercice d’écriture n°12 mais sont en panne d’inspiration. Je me permets de leur fournir ainsi quelques pistes, me plaçant très provisoirement au-dessus de la mêlée, ma modestie naturelle dût-elle en souffrir. Bonne chance à tous !



Rubrique n°1 :



1 - prendre son bain, un café, un taxi, une photo, un rendez-vous, des vacances, un flingue,

2 - prendre 4 bananes plantain, les éplucher, les couper en petites rondelles et les faire frire dans un peu d’huile,

3 - prendre ma place dans le trafic, les chemins de traverse, un enfant par la main pour l'emmener vers demain,

4 - prendre racine,

5 - prendre des vessies pour des lanternes, son ado boutonneux pour James Dean, son patron pour un type intelligent, son épouse pour un modèle de vertu, Diafoirus pour un médecin, BHL pour un philosophe, la vie de famille pour un long fleuve tranquille, les patients, les justiciables, les clients, pour des personnes respectables surtout si elles n'ont rien compris à vos explications,

6 - prendre sa femme pour une boniche (excusez le pléonasme),

7 - prendre à César ce qui est à César,

8 - prendre les signes extérieurs de richesse pour une preuve d'intelligence,

9 - prendre un amant - votre conjoint l'a bien cherché-, sa voisine en soutif sur son balcon - depuis le temps qu'elle vous provoque -, son pied intégral avec le premier inconnu qui passe,

10 - prendre une claque, un coup de poing en pleine gueule, un genou dans l'estomac, son gosse, les affaires de son conjoint...et les balancer par la fenêtre, le chiot du voisin du dessus et le noyer dans une bassine - marre qu'il pisse sur votre paillasson.







Rubrique n°2 :

1 - dans mes bras, ma galante aux yeux de biche et de tes lèvres un baiser fiévreux recevoir.

2 - vos invités arrivent, vous êtes prêt à les recevoir.

3 - tendre l'autre joue. Les baffes, c'est toujours par deux qu'il faut les recevoir.

4 - glisser un cercueil miniature dans une enveloppe et surveiller l'acheminement du courrier, pour s’assurer qu'elle va le recevoir.

5 - ne plus craindre les coups que vous ne manquerez pas de recevoir.

6 - se servir est plus efficace et plus sûr que d'attendre de recevoir.

7 - éviter à tout prix de se recevoir.

8 - à partir de maintenant, vous allez recevoir ce que vous allez recevoir.

9 - regarder la mort en face, se préparer à la recevoir.

10 - dorénavant, ne plus rester si longtemps sans recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 19) - par Lyjazz récidiviste

Prendre garde à surfer sur la douceur de l'air
Être partie en hiver et
me laisser guider par la géographie du printemps
suivre le sens de la ligne du partage des eaux
aller par le canal jusqu'à la mer s'il le faut
le revoir et lui parler, à coup sûr
Prendre son regard dans le mien
me projeter dans sa vie et le ressac
car enfin, après ces dix jours loin, je sais quel est mon vœu
user d'empathie et de persuasion, obsidienne obédience
pour qu'il reconnaisse, enfin, ce que je peux faire pour lui
user de philtres aussi, pour obtenir, finalement, ce que je veux
mouiller à l'avance
Ah, oui, dans ce subtil va et vient je
veux qu'on
convienne d'une date, d'une heure, d'un moment
pour unir nos corps haletants
qui se frôlent, se cognent, se frottent
et ronronnent, feulent
tout d'abord en pensée qui se vit
car enfin, en moi je veux le recevoir....

jeudi 15 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 18) - par Marie L.


Prendre le temps. C’est ce qu’elle s’était juré de faire, pour elle, dans l’avion qui l’avait emmenée à New York trois semaines auparavant. Elle avait prévu de rentrer au bout de dix jours, mais au dernier moment elle avait changé son billet. On ne prend pas le temps comme on prend un avion. Alors ce temps dont elle avait besoin, elle avait décidé de se le donner, pour de bon. Trois semaines face à elle-même, pour décider. Revenir ou pas ?
En marchant dans les rues, sans savoir vraiment où la menaient ses pas, elle énumérait mentalement ce qui l’avait poussée à s’envoler.

Sa mère trop présente. Sans doute. Mais depuis quelques temps déjà elle savait s’en éloigner avant de lui laisser une chance de la ressaisir de son cordon nécrosé de solitude.

Son père. L’absent de toujours. Elle ne savait pas parler lorsqu’on lui a dit qu’il était parti. Le tabou autour de son nom, les photos cachées par ses ainés dans les agendas, le silence de plomb, comme toujours pour « ce qui risquerait de faire de la peine ». Elle ne saurait même pas dans quelle allée chercher.

Ses frères, si proches, si lointains, trop occupés par leur nombril d’ados quand elle aurait eu besoin d’une image masculine forte, enveloppante, de quelqu’un pour la soulager du poids de l’angoisse de cette mère abandonnée.

Cette sœur, inconnue, et qui le restera cas il ne peut en être autrement.

C’est comme ça. On n’y peut rien. Il ne faut pas remuer le passer. Ces petites phrases aussi, surtout, elle les a fuies. Trop occupés à occulter ce passé si effrayant pour eux, et pourtant si riche, ils en avaient tous oubliés le présent. Et ça c’était devenu insupportable.

Un avion au dessus d’elle la sort de sa méditation ambulante. Elle sent la crispation autour d’elle dans la rue. Elle n’était pas née à l’époque, mais elle sent bien que chez les anciens la mémoire est vivante. C’est ça qu’elle est partie chercher, à de milliers de kilomètres de chez elle. La mémoire de son histoire. Et pour la retrouver, il fallait s’éloigner de la toile familiale.

Lucie. La lumière. Elle ne pouvait pas continuer à vivre dans l’ombre. Elle a pris son temps et sa décision, la décision de s’offrir le plus beau cadeau. Aujourd’hui, c’est sa vie à elle qu’elle a choisi de recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 17) - par Muchanuit

prendre les décisions qui s'imposent
tordre le cou aux rumeurs
pousser les murs,virer Mimi, tout nettoyer
éliminer les poils superflus, gommer ce qui se voit
partir sur de nouvelles bases, revoir les fondamentaux
envisager le pire et s'attendre à tout
démolir les fondations, séparer le sol du plafond
trouver la solution, revoir la décoration
ajouter un parfum
mettre tout à plat, restaurer la confiance
élaguer, tailler, raccourcir
aller à l'essentiel,calmer le jeu, tendre la main
déposer les rideaux, poser des rtt
accrocher les tableaux, ranger les voitures
poser du galon dans les embrasures
libérer les accès interdits du séjour
arrondir les angles droit devant soi
ne pas verser dans l'angélisme
ni refuser les compromis ou les postures
choisir d'accueillir avec le sourire
goûter enfin le si délicat plaisir de recevoir.

mercredi 14 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 16) - par Younes J.

Prendre femme. Le film l’a marqué et s’il se trouve en cet instant même entre les deux agents chargés de le rapatrier, c’est parce qu’il a été contrôlé à la sortie du cinéma. Il n’a pas eu la place près du hublot. De profil, le visage de l’agent est déjà imprégné de rêveries que miroite l’horizon bleu au-dessus des nuages.

Trouver les coordonnées de Ronit Elkabetz. Il se rendra au cybercafé dont il a été un habitué pour solliciter l’efficacité de google et pouvoir dire tout le bien qu’il pensait du film, de l’actrice et de la réalisatrice. L’hommage à la dame se construit par nappes nourries du sourire de l’hôtesse blonde à l’accent de l’Est. A dix mille kilomètres au-dessus des âmes humaines qu’on ne voit plus. Il aurait aimé être une bernache.

Embrasser les mains de sa mère, celles de son père, puis ses frères et sœurs. Quatre années de clandestinité ne donnent pas le temps pour penser à faire des cadeaux aux êtres chers quittés alors pour le meilleur. Ni de bonbons pour les gosses du quartier pauvre où il a grandi. Embrasser même les voyous et les filles que la cruauté humaine n’épargnait pas.

Essayer de garder bonne figure auprès des ados qui l’ont érigé en héros parce qu’il a tout défié pour partir à la grande aventure du siècle des hordes indésirables et surtout parce qu’ils ne pensent qu’à faire comme lui, ces gosses. Il a laissé quelques gouttes de sueur perler sur son front et les a vues traces humides étalées sur le sol européen. Il revient certes, pourvu qu’on comprenne qu’il y a pire. Il ramène deux mille euros et des poussières et des choses vécues à raconter.

Acheter une télécarte, puis appeler d’un télékiosque à l’air libre en composant le numéro griffonné sur du bout de papier à jeter après la folle lubie. Les coordonnées sont, à coup sûr, celles de l’agent qui n’a jamais le temps pour les sornettes d’un autre monde, véhiculées par des milliers de kilomètres de câblage, venant d’un homme expulsé et qui, de nouveau, doit tout prouver.

Essuyer de nouvelles sueurs encore et encore, essuyer les pieds bénis de sa mère et puis…

Prendre femme, celle dont l’amour est le plus sublime sens à donner et à recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 15) - par Elisabeth L.

Prendre un avion pour ailleurs, et croire que cela allait changer ma vie, quelle illusion.

Je croyais que le monde me serait donné et il est resté à distance.

Je croyais rencontrer les autres et ils n’ont fait que chercher à m’éviter.

Je croyais oublier mon passé et il m’est revenu en boomerang.

Ce que je voulais c’était changer de vie, mais on n’en a qu’une seule.

Etre quelqu'un d’autre, n’importe qui de préférence !

J’ai pourtant fait les pieds au mur dans ce pays des Antipodes.

« Amer savoir, celui qu’on tire du voyage ! » comme dit le poète1.

Et maintenant je reviens las et je sais pourtant quelle est la voie.

Changer de tête, pas de visage, changer l’intérieur de ma tête.

Et cela ne peut venir que de moi.

Et peut-être aussi, qui sait, de la lettre que je vais recevoir.

mardi 13 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 14) - par Magaly

Prendre une profonde respiration
La laisser descendre et couler en moi
Découvrir toutes ses parties qui font un tout
Prendre l’envie de m’écouter… enfin…
Décider de nourrir mes rêves pas seulement ma peau
Ouvrir les portes et redécouvrir le monde
Apprécier la caresse du soleil
Celle de la pluie et du vent aussi
Profiter des paysages immenses et des chemins de traverses
Goûter ce que je ne connais pas
Aimer ou non
Sourire aux autres et pas seulement aux audacieux
Examiner le chemin parcouru, apprécier la distance restante
Faire face à la vie et accepter de la recevoir.
 
Magaly

Partir, revenir (exercice n°12, 13) - par Brigitte F.

Prendre alors la vie d’un meilleur côté
Prendre encore l’amour et le rire pour partage
En reprendre, encore et encore
Passer d’un état  second à un état premier, découverte et respiration
Souffle et vision, texte et lettre
Prendre surtout le temps de… le temps pour… le temps avec… le temps vers….le temps, le temps
Attendre la pleine lune et se sentir mieux
Attendre le printemps et se sentir revivre
Oublier l’hiver, ne plus se sentir vieux
Voir le bleu, le blanc, de la vie toujours en recevoir.

lundi 12 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 12) - par Zelapin

Prendre l'avion sans vous,
c'est prendre du bon temps sur un accord mineur.
Quand nous nous poserons, je saurai des tas de choses sur notre vie que vous ne savez pas_encore.

Pour commencer, je vais faire une place à votre « être au monde », une place physique, vous choisirez la pièce, les meubles, les plantes, le tapis, ou rien comme vous le voudrez,

Puis je prendrai plaisir à ménager à vos « effets personnels » de pratiques étendues planes, je savourerai cette matérialité sans vie de votre présence, l'absence de vos formes dans ces tissus pliés vous dessinant déjà,

Avec pudeur et je le voudrais délicatesse je poserai près de la sonnette un nouveau petit carton manuscrit: un blanc, au-dessous un « et », au-dessous mon nom,

Dans le même esprit, un trousseau de clés sur le meuble de l'entrée,

Un nouvel abat-jour dépareillera avec bonheur au bout du canapé, son ampoule prête à lire par-dessus votre épaule,

Et ces banalités d'un ennui à mourir, ces contingences infâmes seront enfin les miennes puisque j'ose en rêver aujourd'hui en plein ciel, si j'ose vous les soumettre, si vous souhaitez les faire vôtres.

Me complaisant (sans garantie de durée mais avec une belle sincérité) dans cette triviale intendance d'une vie partagée, je m'apprête à vous recevoir.

Partir, revenir (exercice n°12, 11) par Christine C.

Prendre un bateau pour traverser le Fleuve,
Marcher sur le Quai en direction du Pont,
Fermer les yeux,
Se souvenir des images, les superposer : un amoureux blond, des enfants souriants,un amoureux brun, d'autres enfants souriants, les miens, un gros
bonhomme noir à chapeau melon, l'eau qui brille comme de la paille
Ecouter les mouettes, le bruit des voitures qui traversent le Fleuve, les vibrations du Pont, les petites vagues qui se brisent,
Arriver au bout du Quai,
S'apercevoir qu'on a remonté le temps en remontant le Fleuve,
Lever enfin les yeux vers la Ville( aller de droite à gauche, de gauche à droite),
Se souvenir du poème de Sophia*, garder les mots longtemps dans la bouche, le chuchoter à ton oreille : digo o nome da cidade, digo para ver,
je dis le nom de la ville, je dis pour voir

Je dis pour que tu vois
C'est mon cadeau, je pense : plaisir d'offrir
joie de recevoir ?


* Sophia de Mello Breyner Andresen

Partir, revenir (exercice n°12,10 ) par Paola


Prendre la tangente, voilà.
Je vais te faire ce cadeau mon Amour, revenir un jour et t’aimer. Devant ce ciel si bleu qu’il m’en faisait pleurer les yeux, j’ai compris ce que le vent m’a dit : partir et mieux revenir. C’est ça, Hombre, que tu voulais que je fasse, hein ?
Faire les valises, les vider du poids des ans, et les remplir de l’espérance. Les déplacer sur des roulettes, pour que jamais leur poids ne m’arrête.
Tiens, regarde, j’y mets le portrait de toi, celui au papillon, la photo que j’avais prise il y a un siècle au moins, tu étais vieux alors. Je la mets au fond, pour ne pas la voir, c’est toi, mais c’est le toi d’avant.
Et dessus, que crois-tu que je pose ? Mon livre, celui qui nous a fait grandir, celui que jamais tu n’as lu, c’est moi qui te l’ai écrit, mais de peur, non, tu ne sais même pas les premiers mots.
Les dessins des enfants, les miens. Ils sont mariés, je suis grand-mère, je ne les vois plus, depuis toi. Alors j’y vais, demain, me reconnaîtront-ils ?
Je suis belle encore, dans mon gris, dans mon vert, dans ma peau qui a pris le soleil. Dix jours partie, dix ans partis, c’est la magie des voyages, ils forment la jeunesse, et rendent fou les vieux sages. Alors mes petites culottes, à côté de mes bas noirs, ma prochaine destination c’est toi, je m’habille en vamp du soir.
Je l’aimais, je croyais, mais toi, toi l’homme au papillon, celui qui parle aux nuages et souffle avec le vent, toi qui a le sang qui bat l’encre de ton cœur, les mots doux, les mots si beaux, maintenant, viens, attends, j’arrive, je suis prête à les recevoir.

Paola.
www.lautrepaola.wordpress.com



vendredi 9 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 9) - par Salomé V.

-  Prendre la tangente,  partir, tout quitter, couper les ponts, larguer les amarres,  disparaître,
- Rompre avec  ce quotidien monotone, cette vie de famille étouffante, ce boulot abrutissant,

- Ne plus tomber du lit à l’aube, courir toute la journée, suivre un planning bien organisé,

- Fini le théâtre, terminée la représentation, ne plus jouer le rôle du bon père de famille, de l’époux attentionné ou de l’informaticien dévoué,

- Faire ce que je veux, quand je veux, sans contrainte, sans anticiper la suite des événements,

- Respirer, vivre dans l’instant, profiter de ce qui se présente, avoir du temps,

- M’enivrer de musique, de bon vin, de grand air, bouquiner et dormir tout mon saoul, manger 
n’importe quoi, m’habiller si je veux,

-  Vivre l’aventure,
On dirait que ma vie est un cadeau que je viens de recevoir.

jeudi 8 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 8) - par Sundog

Prendre cette liste et l'accrocher sur le frigo ou à scotcher sur ma table de nuit pour ne pas la perdre comme toutes les autres :

1- Gagner du temps, c'est ce que je vais faire désormais. C'est ce que je devrais faire. M'y atteler. Il faut que je me souvienne que la plus grande question de la journée était de savoir quel chemin nous allions prendre avec le groupe pour arriver au sommet de la montagne. Si seulement les gens dans ce groupe avaient été moins frileux les uns avec les autres. Mais pour qui je me prends ? J'ai été le plus froid entre tous.

2- Être plus à l'écoute des autres donc, comme je l'ai bien été avec les chevaux joueurs et peureux et les aigles aux yeux bandés du spectacle médiéval.

3- Être plus à l'écoute de moi-même, et peut-être faire plus de sport, et moins lire. Surtout moins lire des livres de supermarché.

4- Allez dans le café en bas de chez-moi et laisser sur la table mon numéro sur un bout de papier. Oser sans craintes. Pour que la jolie serveuse le trouve avec un pourboire conséquent. Surtout ne pas présumer de quoi que ce soit. Ne plus voir un futur qui n'existe pas.

5- Me délester de l'inutile et, surtout, de la peur de l'imprévisible qui n'a eu de cesse d'alourdir ma vie, et son pas.

6- Relire Le Petit Prince pour voir s'il me change adulte, comme il m'a changé enfant.

7- Provoquer des changements anodins pour que ce que je vois dans le miroir puisse me servir un jour.

 8- Téléphoner à mon père (ne pas oublier). Lui parler pour de vrai (pour une fois). Lui raconter comment le soleil brillait sur toutes les consciences pendant les vacances, et comment j'ai été heureux d'être là-bas, sans même m'en apercevoir. Essayer de ne pas entrer dans son jeu plaintif et négatif. Pendant la conversation : focaliser sur le soleil. Comme je l'ai reçu, lui expliquer sans paternalisme, qu'il n'est jamais trop tard, que lui aussi s'il le souhaite, peut le recevoir.

Sundog

Partir, revenir (exercice n°12, 7) - par Gilda F.


(Pour moi ce serait dans un train. Il reviendrait d'au nord. Et puis ça serait après 8 jours et pas 10, c'était prévu 10 et puis voilà, ça n'aurait pas été, alors la mort dans l'âme la femme aurait raccourci son séjour)


  1. Prendre la décision qui s'impose quant à cet amour que Zangra a mis en route mais qu'au bout du compte il n'éprouve pas ; cesser de se demander pourquoi il a fait ça.

  2. Gagner enfin sérieusement au loto afin de l'aider néanmoins à sortir de sa mouise et mettre aussi hors d'eau les miens ; je ne suis ni éternelle ni fortunée. Il ne mérite pas la faillite dans laquelle il tombe.

  3. (Re)trouver rapidement un amant compétent (et en forme) ; ou tellement mieux, un amoureux. Ne plus se soucier de Zangra puisqu'il ne le veut pas.

  4. Achever fissa « Sans nouvelles », avancer vite « Café vanille, brasse papillon » et le difficile chantier EPAA. Ouvrir enfin le blog sur la vie quotidienne avec une part de thalassémie. Si je peux être encore un peu utile aux autres c'est là.

  5. Ranger l'appartement, sont à retrouver tant de papiers officiels considérés comme importants ; j'aurais des ennuis si ça traîne.

  6. Pour le bien qu'ils m'ont fait quand c'était réciproque, ne cesser d'aimer ni Jef, ni Marieke, ni non plus Zangra. Bien sûr ce n'est plus possible de la même façon. En être consciente sans pour autant nous renier. Ne pas laisser les dragons l'emporter. Pas les dragons, jamais. Seconder Florence.

  7. Cesser de ne faire que donner, se préserver, ménager ses propres forces, apprendre enfin à recevoir.

    Gilda F. 

mercredi 7 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 6) - par Martine B.

Prendre sa décision sans trop s’appesantir, quitter ceux qui cherchent à vous retenir

Se lancer un défi, en mesurer les risques,

Ignorer les peureux, les envieux, délaisser son confort,
recommencer ailleurs,

S’octroyer le temps de vivre, remplir son existence,

Décider de tout dire et choisir de l’écrire,

Changer ses habitudes pour aller de l’avant, puiser dans la rencontre un regain d’énergie

Donner beaucoup aussi, apprendre à recevoir.

mardi 6 avril 2010

Partir, revenir et partir encore (exercice n°12, 5) - par Serge A.



Prendre un peu de temps
Sentir le vent venir
S’en aller vider le vin de la cave
Gravir l’escalier de pierre
Puis l’échelle de meunier
Lisser de la main la solive veinée
L’éviter
Ecouter encore le grenier grogner
Puis se pendre à la poutre porteuse
Prier le monde de prendre ça
Comme une fin de non recevoir.

lundi 5 avril 2010

Prendre l'air (Partir, revenir, 4) - par Franck Garot



1. Prendre l'air fatigué de celui qui a trop bossé
2. Taire tout ce qu'il faut taire de ces 10 jours
3. S'assurer que les collègues ne diront rien à Isabelle

4. Prendre l'air amoureux de celui qui l'aime
5. Taire tout ce qui pourrait lui prouver le contraire
6. S'assurer une nouvelle fois que l'hôtel a bien lavé mon linge

7. Prendre l'air heureux de celui qui retrouve les siens
8. Taire à ses enfants qu'ils devraient avoir honte de leur père
9. S'assurer que jamais ils ne se doutent

10. Prendre l'air dégagé d'un banquier suisse
11. Taire le but de ces retraits d'argent
12. S'assurer qu'ils passent pour des cadeaux professionnels

13. Prendre l'air fatigué de celui qui a trop bossé
14. Taire tout ce qu'il faut taire de ces 10 jours
15. S'assurer que ma vie n'essuie pas une fin de non recevoir

--
Franck Garot

dimanche 4 avril 2010

"In the Works" (*) (Ficelles et chapeaux-claque, 4)

En réponse (partielle) à Adélaïde... 


Lundi 23 mars, à Paris, j'ai déjeuné avec Paul Otchakovsky-Laurens, « mon éditeur ». (J'ai été publié par tout plein de maisons, mais Paul O.-L. est et reste à jamais monéditeur, en raison des relations très particulières, très personnelles que nous avons établies depuis près de 22 ans.) On déjeune ensemble une ou deux fois par an, pour parler de ce que j'ai en travail, et ça me fait beaucoup de bien quand je ne sais pas ce que je vais écrire ensuite. Pendant de nombreuses années, (avant que je sois un écrivain « reconnu ») ces rencontres étaient pour lui l'occasion de me rassurer et de m'encourager sur la légitimité de ce que j'écrivais... Et tandis que j'écris ça, je me dis que je devrais raconter l'histoire de cette relation et de ma relation parallèle (mais pas superposable) avec Jean-Paul Hirsch, le bras droit et le frère en édition de Paul (ou son éminence grise, ou son ombre et notre ange gardien, à nous les écrivains maison), mais tout de suite après je me dis que c'est le genre d'histoire qu'on ne raconte que quand l'autre est mort et comme ce n'est pas du tout mon souhait et que j'ai pas du tout envie de lui porter la scoumoune, je pense que je vais m'abstenir, mais d'un autre côté pourquoi attendre que les personnes qu'on aime et/ou respecte soient mortes pour parler de la relation qu'on a avec elles ? Sacrée question à laquelle je vais résister aujourd'hui puisque ce n'est pas mon propos (mais je la mets de côté, ne vous en faites pas). Mon propos est ce dont j'ai parlé avec Paul l'autre jour : qu'est-ce que j'écris maintenant ?


« Maintenant », c'est à dire : « après Le Choeur des femmes ». J'ai investi beeaucoup d'énergie et d'amour et d'espoir dans ce roman, dont les lecteurs me le rendent bien depuis sa sortie (il s'en est vendu pas loin de 60 000 et il continue à se vendre, lentement mais régulièrement, ce qui n'est pas rien dans le contexte économique actuel du livre et de l'édition). Mais là, ces derniers mois, je me sentais « désinvesti », « vidé », bon à rien, et je me demandais quoi faire. Ou plutôt, pour être très précis, lequel de mes trois projets amorcés j'allais mener à bien.

Quand j'ai déjeuné avec Paul, je lui ai décrit les trois projets, il m'a écouté attentivement et puis m'a dit, comme il le fait presque toujours : « Peu importe quel livre vous faites, allez vers celui qui vous tient le plus à coeur et écrivez-le à votre rythme, sans pression aucune. » Traduction : « Je ne vous demanderai pas de me le rendre à date fixe pour pouvoir composer mon programme éditorial » ; Paul prend les écrivains et les livres comme ils viennent, il ne les presse ni ne les pressure jamais. Il me fait penser à ces directeurs de production de la télévision américaine qui, depuis les années 80, ont pour philosophie de laisser les scénaristes écrire et de les protéger des « Networks ». Paul publie les livres qu'il aurait voulu écrire. Il est si attaché à son indépendance éditoriale qu'il ne voudrait pas se mêler du travail des écrivains. Ça ne l'empêche pas de faire des remarques ou des objections parfois, et même de refuser des manuscrits (j'ai eu droit aux trois, en vingt ans, ce qui montre qu'il n'a rien de complaisant, même avec les écrivains maison, et d'autres que moi ont pu le constater) mais j'ai coutume de dire qu'il fait de l'édition comme Bruno Sachs fait de la médecine : sans entretenir de rapports de force avec les écrivains qu'il publie.

Il a ajouté « Vous savez probablement lequel de vos projets vous avez envie de mener à bien, mais en écrivant, ça vous paraîtra plus clair. » Et ça m'a donné l'idée de mettre « au propre » le début de chacun des trois projets en question et de les lui envoyer. Non parce qu'il va me dire lequel il préfère (ce serait me pousser dans une direction qui n'est pas nécessairement la mienne) mais parce que ça va me permettre, à moi, à l'écriture, de savoir vers lequel de ces projets va mon désir en ce moment.

Les dix jours passés à Paris, loin d'un lieu de travail (j'avais mon ordi avec moi, mais je ne peux pas vraiment écrire quand je suis en voyage et ne suis pas déjà immergé dans un livre en travail) ont eu également la vertu de me mettre « hors champ ». Des trois projets que j'avais très envie de prendre à bras-le-corps, j'en ai déjà mis un de côté. Il me reste à choisir entre les deux autres.

« Bon mais alors, c'est quoi ces deux foutu putain de bordel de projets à la noix ???? » vous demandez-vous.

Alors, sans ordre préférentiel :

1° Un truc romanesque qui s'est intitulé d'abord La tête d'un homme puis La voix des hommes (sur la suggestion de mon plus jeune garçon, en écho au Choeur des femmes). C'est un texte sarcastique de fiction d'inspiration autobiographique dans lequel un écrivain est seul chez lui (sa compagne est absente pour un délai et des motifs indéterminés) et doit faire face à l'intendance, à ses enfants et au texte qu'il écrit et qui s'intitule Cet homme en kit. C'est un roman dans lequel il n'y a pas de médecin (même si l'écrivain est peut être médecin, mais je ne suis pas sûr que ce soit indispensable à mon propos, qui rejoint des entrées récentes de ce blog, au sujet du « Temps d'écriture disponible »).

2° Un machin autobiographique inspiré par une discussion avec Daniel Pennac, l'automne dernier, au salon du livre de Montréal. Quand je lui parlais de mon admiration (envieuse...) à l'égard de l'influence consolatrice qu'ont eue sur tant de lecteurs des livres tels que Comme un roman ou Chagrin d'école, il m'a dit qu'il aimerait que j'écrive un livre du même genre sur le soin. J'ai cherché comment écrire un texte autobiographique sur la médecine, moi qui n'ai jamais été malade ni opprimé par les médecins (alors que Pennac a été un cancre opprimé par l'éducation nationale) et j'ai fini par me rendre compte que j'avais quelque chose à raconter sur la manière dont mes parents, chacun à sa manière, m'ont « enseigné » le soin. Le titre (inhabituellement long venant de moi qui aime les titres courts et polysémiques) serait 

Mon père était médecin
(et ma mère le soignait)



3° Un OLNI (objet littéraire...) qui est à la fois un roman de SF, une histoire d'amour transtemporelle (le personnage principal tombe amoureux d'une femme qui vit à une époque différente de la sienne, comme le personnage de Laura d'Otto Preminger tombe amoureux du portrait d'une femme qui vient d'être assassinée, ou comme le peintre de Portrait of Jennie de William Dieterle tombe amoureux d'un modèle qui est peut-être un fantôme), une interrogation sur le sentiment amoureux vu par l'anthropologie et la psychologie évolutionniste, une critique d'une société de plus en plus médicalisée, un roman épistolaire, une réflexion sur la mémoire, la lecture des textes du passés et l'écriture de textes qui seront (peut-être) lus dans le futur, une métaphore d'un vieux fantasme personnel qui m'a donné le goût des histoires de paradoxe temporel, etc. Un gros truc. Très ambitieux. Le genre de roman qu'on écrit après avoir lu des volumes de bouquins de physique quantique et révisé Orwell, Aldous Huxley et la moitié d'Asimov.

Bon, vous l'avez compris tout de suite, c'est le troisième que j'ai mis de côté. Pas fou. Je sais quand un projet n'est pas mûr. Je caressais depuis longtemps l'idée d'un roman d'amour mêlé à une histoire de voyage dans le temps (il y en a au moins deux ébauches dans Histoires en l'air, POL, 2008) mais une suite d'événements et de rencontres inattendues l'a fait beaucoup progresser ces derniers temps, ce qui m'a amené à le remettre en chantier. Seulement, il en va de certains livres comme de certains films : plus la réflexion avance, plus les ambitions augmentent, et pour être à la hauteur, la préparation doit s'allonger.

Celles et ceux qui me lisent depuis longtemps auront aussi peut être remarqué qu'il n'y a pas, dans la liste, le « prochain grand roman médical » dont je parle depuis longtemps, avant même d'avoir écrit Le Choeur des femmes. Ce roman-là, intitulé Les Sept Soignants en hommage aux Sept Samouraïs de Kurosawa et aux Sept Mercenaires de John Sturges, sera inspiré par mon expérience de groupe Balint à la fin des années 80 et par les transcriptions que notre « leader », le Dr Pierre Bernachon, faisait de nos séances. Là encore, ce sera un bouquin que j'ai besoin de « documenter ». Comme je n'ai pas l'intention de mourir bientôt, je le garde pour plus tard.

Donc, en l'état actuel des choses, les deux projets les plus avancés sont le 1° et le 2°. J'hésite d'autant plus que l'un est un roman, l'autre un texte autobiographique, et que je ne sais pas ce que j'ai envie d'écrire le plus (même s'il y a de l'autobiographie dans le premier...).

Alors je m'en vais retourner à mes textes, les imprimer, les relire, les bricoler, les assembler, les insérer dans un fichier bien propre et les envoyer à Paul. Et je pense que lorsque j'aurai appuyé sur la touche « Envoyer », je saurai lequel je veux faire : il sera déjà en train de me travailler.

Et en attendant, je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

Mar(c)tin




(*) In the works = en travail, en élaboration. "Bon, mais alors pourquoi vous l'écrivez pas en français ?" "Eh ben parce que... Chuis snob, chuis snob, c'est vraiment l'seul défaut que j'gobe..."

Partir revenir (ex. n° 12), 3 - par Lyjazz

Ca y est, je suis dans l'avion. Contente d'avoir fait ce voyage. Il m'a redonné de l'énergie. Etrange comme, à chaque fois, le fait d'être loin me donne du recul sur ma vie....Avant d'arriver j'ai bien envie de noter tout ce que je vois différemment, ce que je veux changer à partir de maintenant.

Prendre mes désirs pour des réalités
Prendre du temps pour écrire
Rendre le réel possible et l'impossible réel
Tendre vers cet état nécessaire pour moi à l'écriture, le plus souvent possible, et revenir aussi vers la réalité à volonté
Reprendre la main sur mon bureau (ranger, vider, agencer, manigancer, enfin !)
Attendre des nouvelles en créant
Prétendre à devenir écrivain
Sous entendre que je le suis déjà (parce qu'on l'est, et on le devient)
Vendre des objets qui ne me servent à rien (le faire, vraiment)
épurer, vider mon appartement
Entendre (continuer, écouter et répondre) les états d'âme des amis (et donc devenir Ilona, psychologue en camion)
Trouver comment me ressourcer (encore) après ces séances d'écoute/lecture
Ecrire (aussi) pour évacuer, dire, faire sortir ces vies qui m'habitent
Apprendre l'aromathérapie quantique
Proposer des apprentissages à mes enfants ?
Structurer davantage ma vie quotidienne
Demander à l'univers, et recevoir !

samedi 3 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12), 2 - par Balise



Prendre plus de temps pour moi. (Et lâcher prise, comme je l'ai fait pendant ces dix jours – depuis combien de temps n'avais-je pas pris de vraies vacances ?)

Faire plus de choses qui me plaisent, moins de celles qui m'emmerdent. (Et lire, écrire davantage pour moi, refuser les jobs alimentaires)

Écrire ce bouquin de cuisine, en parlant d'alimentaire. (Et arriver à en faire quelque chose qui me plaît. Et le publier, et devenir riche)

Rêver à des trucs impossibles. (Et pas seulement avant le petit-déjeuner. Et réaliser quelques trucs impossibles, aussi)

Savoir ce qui me plaît. (Et apprendre à temporiser les enthousiasmes délirants inhérents aux nouveaux projets)

Étudier les sujets qui me tiennent à cœur. (Et d'ailleurs j'ai trois bouquins de photo à éplucher à la maison – j'aurais dû les emmener pour l'avion)

Apprendre à dire non. (Et apprendre à ne pas dire oui tout de suite, et à changer d'avis, et à accepter de changer d'avis)

Oser avoir un avis. (Et ne pas se sentir en porte-à-faux lorsqu'il diffère de celui de la personne en face)

M'exprimer au lieu de me contenter d'écouter. (Et arrêter de penser que je n'ai rien d'intéressant à dire)

Évaluer mes relations. (Et supprimer celles qui me font mal, renforcer celles qui me rendent plus forte)

Accepter l'acceptable, même s'il n'est pas optimal. (Et ne pas chercher à optimiser ce qui fonctionne déjà correctement)

Donner le meilleur de moi-même, mais connaître mes limites, et accepter l'aide que je peux recevoir.

Le temps d'écrire (Ficelles et chapeaux-claque, 3)


 Comment préserver le temps d'écrire... ?  (Gilda)

Ca c'est la question à 1000 $, à laquelle il n'y a pas de réponse générale.

Le temps, je crois, c'est une question personnelle, et le temps d'écrire n'est jamais qu'une extension de la relation personnelle au temps. Du moins, dans mon expérience.

J'ai traversé plusieurs périodes d'écriture, évidemment : adolescent, j'écrivais pour faire face à... je ne sais pas quoi. À l'adolescence, sans doute. C'est une période assez dure pour qu'on ait besoin d'un soutien. Stylos et cahiers me soutenaient. Je passais plus de temps à écrire qu'à apprendre mes leçons (J'avais une mémoire qui m'a permis de me passer de réviser jusqu'en classe de première. Après, j'ai eu du mal...).

Etudiant en médecine, j'écrivais pour faire face à la solitude, à la frustration, à la colère et je le faisais la nuit, le week-end, en me disant qu'il faudrait que je bosse... Quand je suis arrivé à l'hôpital, je n'ai pas moins écrit, au contraire, j'ai acheté de nouveaux cahiers, cartonnés, et je les ai trimbalés avec moi pour pouvoir écrire à tout moment. Quelque chose me dit qu'un Ipad ne peut pas rendre tout à fait les mêmes services, mais je me trompe peut être. Si quelqu'un tient un journal sur un Palm pilot ou apparenté, qu'il le clame ici haut et fort, je pense que c'est important.

Médecin installé, j'ai attendu le patient (j'avais créé un cabinet médical à partir de rien) et j'ai donc beaucoup lu et beaucoup écrit pendant les heures d'attente. Ma salle d'attente à moi, c'était mon bureau...

Lorsque j'ai quitté mon cabinet et que mon activité de médecin s'est restreinte à deux consultations par semaine, j'ai eu beaucoup plus de temps pour écrire mais je n'étais pas encore un écrivain qui vivait de sa plume, alors je traduisais, j'écrivais des textes techniques ou des articles, et la littérature passait en second.

La maladie de Sachs a été écrit chapitre par chapitre, parfois à des semaines d'intervalles, pendant cinq ans. Il y a eu des tas de moments de découragement, et puis d'autres où je devais tout relire pour me rappeler ce qu'il y avait dans ce foutu bouquin.

Depuis onze ans, je suis un écrivain « professionnel » et j'écris (à peu près) ce que je veux (à peu près) quand je veux. La question du temps d'écrire ne se pose plus vraiment : je n'écris pas par plaisir EN PLUS (ou à la place) de mon travail : quand j'écris, c'est du travail et du plaisir en même temps.
Donc je peux dire que j'ai toujours eu du temps pour écrire : je l'ai pris quand il se présentait parce que justement, écrire (comme lire) a toujours été une manière d'employer mon temps de solitude pour comprendre ce qui s'était passé pendant mes temps de confrontation avec le monde.

Bien sûr, ça n'a pas toujours été apprécié autour de moi. Le temps qu'on passe à écrire au lieu de le passer en famille est bien sûr perdu pour la famille. Ça a été possible parce que j'ai choisi de travailler à la maison (en étant traducteur, d'abord) et que je pouvais toujours laisser tomber ce que je faisais pour aller m'occuper des enfants qui en avaient besoin, mais je n'aurais pas pu le faire si je n'avais pas vécu avec une femme qui gère très bien tout le matériel et s'occupe du confort de tout le monde. Le fait que je sois un homme n'est donc pas anodin.

Cela étant, Marie Darrieussecq est une femme, elle a des enfants, ça ne l'empêche pas d'écrire. Ce n'est pas le genre en soi qui « aide » c'est aussi les conditions dans lesquelles on vit et on s'entend avec son compagnon/sa compagne, et l'acceptation de l'activité d'écrivain (ou de peintre, ou de musicien, etc.) par l'autre. Mon activité d'écrivain ayant un caractère professionnel (depuis 1983, je gagne ma vie en partie grâce à l'écriture – journalisme, puis traduction, puis littérature et essais), je n'ai jamais été accusé par MPJ (ma compagne) de « perdre du temps à écrire » ; elle m'a toujours soutenu et encouragé, en sachant aussi que pour moi, écrire n'est pas une manière de me couper du monde : on peut me faire sortir de l'écriture et si j'écris, c'est aussi pour ma famille.

Une chose amusante, et qui n'est pas sans importance : j'ai passé beaucoup de temps à écrire-en-apprenant-à-maîtriser-un-outil-d'écriture. Je veux dire que l'acquisition d'un nouvel appareil (une machine à écrire mécanique, une électrique, un premier PC, tous les PC qui ont suivi et, début 2009, mon premier Mac et peut-être pas le dernier) ou l'abord d'une nouvelle forme d'écriture s'est toujours accompagnée d'une production littéraire. Quand j'ai appris à taper à la machine, en 1972, dans ma High-school américaine, j'en ai profité pour écrire trois nouvelles (la première, en classe !). Quand j'ai acheté ma première machine mécanique, j'ai écrit ce qui allait devenir ma première nouvelle publiée (Spectacle permanent). Quand j'ai acheté mon premier PC, j'ai repris le « tapuscrit » de la première version de La Vacation, et je l'ai transformé à mesure que j'apprenais à me servir de Word et que je maîtrisais l'ergonomie de l'ordinateur. Quand je me suis retrouvé face au Mac dans le bureau au CREUM, j'ai d'abord dit « Je ne sais pas si je vais savoir me servir de ça... » et puis... j'ai écrit Le Choeur des femmes.

De même, toutes les formes que je crois savoir maîtriser (la traduction, l'écriture d'articles scientifiques ou critiques, le roman, les formes hypercourtes de la presse et, plus récemment, des textes analytiques... en anglais) sont associées, dans mon esprit, à une suite d'expérimentations, d'essais et d'erreurs.

Comme si, pour moi, écrire passait constamment par l'apprentissage.

De tout cela, il ressort que je ne « préserve  pas » le temps d'écrire. J'écris. Je me suis efforcé, depuis que je me suis mis à écrire, d'intégrer l'écriture à ma vie, de manière aussi professionnelle que possible. Quand j'étais médecin généraliste à temps plein et que j'écrivais « dans les interstices », Daniel Zimmermann, qui était mon « parrain en écriture » avec Claude Pujade-Renaud (ils ont publié mes premiers textes de fiction) me disait « Un écrivain, ça écrit dix heures par jour ! » Je répondais que je n'avais pas le temps (je bossais !). Il a insisté en disant que je ne serais pas écrivain si j'écrivais seulement « en plus ». Et je crois qu'il avait raison. La difficulté ne réside pas dans le fait de « trouver du temps » pour écrire, mais de sauter le pas et de recentrer, peu à peu, sa vie sur l'écriture. C'est un engagement, un risque, un choix. Mais il n'est pas différent du choix de devenir mère, ou alpiniste ou soignant(e). C'est un choix de vie.


(Merci à Jennie G. d'avoir accompagné en ligne l'écriture de ce texte)

vendredi 2 avril 2010

Partir, Revenir (exercice n°12), 1 - par Laurence

Dans l'avion qui le ramenait de ce si long voyage et pendant les heures qui le séparaient encore du moment de la revoir, il se promit de lui dire :

j'ai Pris mon mal en patience,
j'ai Appris la douleur de ton absence,
j'ai Rougi de me voir pleurer,
j'ai Tenté de t'oublier,
j'ai Inventé un monde sans toi,
j'ai Regardé d'autres femmes,

je Reconnais que tu me manques,
j'ai Envie de te revoir,
je Veux te serrer contre moi,
j' Ecarterai tous mes rivaux,
je N'oublierai plus ton anniversaire,
J' Irai même revoir ta mère,

Il Relit ces mots et s'inquiète déjà : saura t-elle les recevoir ?

jeudi 1 avril 2010

Brève rencontre et plusieurs livres, dernière - par Martine B.


On a tous un jour ou l’autre des coups de blues. L’hiver en France a été long, le plus jeune de nos fils nous en fait voir de toutes les couleurs avec ses problèmes d’adolescent, il faut l’accompagner avec fermeté, avec  tact et humour également, afin qu’il ne se prenne pas au piège des comportements dits à risques. Or, le tact et l’humour me font cruellement défaut en ce moment.

Arrêt maladie. Le corps dit STOP parfois.

Repos forcé. Je ne parviens plus à lire ni à écrire. Il fait beau enfin, dans le jardin je regarde les crocus faner, les narcisses s’ouvrir, les bougeons sortir. Je me sens l’âme contemplative. Pendant une semaine j’apprécie de  passer mes  journées seule à la maison. Seule ! Le luxe absolu. Je comprends que le rythme qu’on m’impose ne me convient pas, que je souffre de mon boulot. Rien d’original, malheureusement.

Reprise du travail. Le blog comme sas de décompression. En général je me connecte dès que je rentre à la maison. Car même si j’ai du mal à écrire en ce moment, je lis tout ce qui est publié. J’aime ce sentiment de partage avec des inconnus. Des inconnus qui pour certains me deviennent presque familiers à travers leurs textes et/ ou leurs blogs. J’ai un instant songé à me rendre au salon du livre dans l’espoir de rencontrer quelques-un(e)s d’entre vous. Trop crevée, tant pis.

Ce mercredi allez savoir pourquoi, je visite le blog le matin. Un commentaire me réjouit. Chance inouïe, c’est peut-être la seule fois de l’année où je suis libre un mercredi après-midi. La suite, vous la trouverez dans les commentaires de ce post.

C’est  grâce à  un autre coup de pouce du hasard que j’ai rencontré Martin Winckler il y a quelques années. Un ami m’avait invitée à une conférence débat, j’avais accepté parce que J’avais aimé La Maladie De Sachs à la première lecture, et encore plus à la seconde. De ce jour là, je  me souviens entre une foule d’autres  choses d’une magistrale leçon sur l’art du suspense. Les Trois Médecins était en cours d’écriture et après nous avoir bien appâtés, Martin nous avait lancé : « Et maintenant, si vous voulez connaitre la suite, il faudra lire le roman ».  Aujourd’hui  je me dis que peut-être il ne la connaissait pas lui-même, la suite !  Cette rencontre  en tout cas avait déclenché chez moi, comme chez beaucoup d’entre vous, le désir d’écrire autre chose.

Ce mercredi  donc nous nous sommes rencontrés à nouveau. Nous avons parlé du blog, de romans parus  ou en préparation. Et me voilà à nouveau dans l’expectative. L’un des prochains romans de Martin m’intrigue et m’attire davantage que les autres. Good news, c’est le plus abouti apparemment. En partant j’ai acheté «l’Agrégé » de Bruno Schnebert (sans lire la quatrième de couverture…), je l’ai aussitôt commencé dans le bus. J’adore son humour caustique.
Il y a des rencontres avec des textes, avec des auteurs, qui sont des bouffées d’oxygène.

De même, j’ai vu récemment une pièce intitulée « SIMONE de BEAUVOIR, écrire pour exister » dans laquelle  Laure Mandraud a mis en scène  la relation épistolaire entre de Beauvoir et son « mari américain » comme elle aimait à appeler le romancier Nelson Algren.  A travers ces lettres c’est toute une époque que l’on revit, et un amour profond. Laure a réussi un tour de force. Ce spectacle rencontre un succès mérité et sera présenté à Avignon.

Aujourd’hui j’ai  de nouveau envie d’écrire.

Ecrire, à défaut de  changer de vie. Ecrire, pour changer sa vie.  

Martine B.