Alors tu l'as écrit ce livre ? Tu l'as vraiment écrit ? Je le crois pas. Pincez-moi, je rêve. Comment tu as pû me faire ça ? Me faire ça, à moi.
Moi qui aurais vendu toutes les fleurs, toutes les plantes, tous les pots, toute la boutique avec tous ses clients et tous ses fournisseurs.
J'aurais bossé à en crever.
J'aurais fleuri la terre entière, j'aurais même fleuri les cimetières et les églises et les monuments. J'aurais livré à domicile, j'aurais facturé, j'aurais encaissé, j'aurais enregistré.
J'aurais embauché,déplacé, vidé, dénoncé, j'aurais fait tout ce qui se fait ou se fait pas.
Pour que tu puisses « travailler ».
Non. Vendeuse c'était pas assez bien pour toi. Casse-toi tu me disais. Il faut que tu capitalises sur tes études. Je t'en foutrais des capitalistes, oui je sais ce que tu voulais dire mais moi ce que je voulais c'était que tu le finisses ce putain de bouquin qui nous pourrissait la vie , que c'était ton but, ton objectif, ton enfant, ton bébé (tu parles), que tu le portais en toi.
Et moi je portais quoi en moi ? Il en fallait de la tune pour quand il arriverait ? Alors ?
Alors c'est toi qui t'es cassé.
Et moi depuis hier soir je lis ce bouquin sans pouvoir m'arrêter.
Sauf pour aller voir et revoir le nom, la ville, l'année, ça colle trop bien, tout colle, je suis sûre que c'est toi.
Je te vois, je te sens, je t'entends, c'est à moi que tu parles, c'est de nous que tu parles, de nous deux, si petits, si mignons, si grave amoureux.
Trop petits, trop mignons.
Pas assez amoureux.