Ce matin mardi 2 mars 2010, je prends le bus plus tôt que d'habitude pour aller à la RAMQ (la caisse d'assurance-maladie du Québec) pour faire renouveler nos cartes de sécu, à ma "gang" et à moi.
Le bus 24 est direct, il suffit que je descende au coin de Sherbrooke et Aylmer et que je descende deux rues plus bas, jusqu'au 425 Boulevard De Maisonneuve, et que je prenne mon tour.
Quand je monte dans le bus, à trente mètres de chez moi, il est bourré, ce qui est inhabituel : il se remplit en général après que j'y suis monté. Mais la ligne verte est arrêtée ce matin, pour une heure ou deux. Je monte, je me serre parmi les autres voyageurs.
A la station Sherbrooke, les deux tiers descendent pour prendre le métro. Je me dirige vers le fond du véhicule : il y a une place assise et j'ai envie de lire. Une femme d'une trentaine d'années est debout, je lui désigne la place, elle secoue la tête avec un sourire.
Je ne suis pas assis depuis cinq secondes qu'elle s'approche de moi et demande : "VOus êtes Martin Winckler ?"
Elle m'explique qu'elle a lu plusieurs de mes livres, qu'elle lisait "Plumes d'Ange" quand je le publiais en ligne sur le site de POL en 2002-2003, qu'elle m'a écrit, que je lui ai répondu, et que j'ai mis son nom dans les remerciements. Elle me le rappelle. Je m'en souviens, mais je ne me souvenais pas qu'elle vivait à Montréal. Elle me demande si j'aime vivre ici. Nous bavardons un moment, je lui dis que je dois descendre au coin d'Aylmer et Sherbrooke et elle dit : "Moi aussi".
Ce n'est rien, juste une rencontre fortuite, mais pendant toute la journée je me suis posé la question : quelle probabilité y a-t-il d'être reconnu, dans le bus, à Montréal, par quelqu'un avec qui j'ai dû échanger quelques messages il y a sept ans... et qui descend au même arrêt que moi.
Bon, elle allait bosser, j'allais à la RAMQ.
Nos chemins se sont séparés. Mais c'était bien d'avoir partagé ça, il y a sept ans, et de faire ce tout petit bout de chemin ensemble, ce matin.
(Sourire mi-attendri, mi-ironique)
Comme quoi, on peut construire un monde à partir des expériences les plus simples...
On peut se faire un monde à partir des plus brèves rencontres.
Tant qu'on n'en fait pas une maladie...
M.