Un texte qu'on m'a envoyé.
Toutes les réactions sont les bienvenues.
MW
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J’aime le ménage bien fait.
J’aime ce soleil qui entre dans mon appartement, dans ce
petit espace à moi, qui me ressemble.
J’aime avoir quelqu’un qui fait cela pour moi : qui a
rangé, nettoyé, parfumé, préparé, cuisiné. Avec amour. Qui est là quand je veux.
Qui part quand j’ai envie d’être seule.
J’aime ne pas avoir quelqu’un qui fait cela pour moi.
J’aime avoir les deux.
J’aime ne pas rendre de comptes.
J’aime ne rien faire.
Mais j’aime qu’on me remercie d’avoir fait.
Je préfère qu’on me remercie.
Donc je préfère avoir fait.
Mais j’ai rarement envie de faire.
C’est la paresse.
J’aime appartenir à quelqu’un, mais je ne veux pas qu’on me
possède.
J’aime posséder quelqu’un, mais il paraît que ce n’est pas
possible.
J’aime l’idée de me donner à lui, mais comme il ne me prend
pas vraiment, cela ne me coûte pas grand-chose.
J’aime regarder autour de moi et que cela soit propre, net,
épuré.
Je n’aime pas que le temps me prenne trop de temps.
J’aime prendre le temps d’aller choisir ce qu’il faut, de
mettre de l’ordre et faire du beau, en moi, autour de moi, par moi.
Je n’aime pas que cela soit incompatible avec prendre le
temps de faire mon travail.
Je n’aime pas être angoissée par l’idée de ce que j’ai à
faire.
Je n’aime pas avoir une boule au ventre à l’idée d’être
attendue, pour un cours, un papier, une œuvre, une production, une note, une
bête obligation.
Je n’aime pas sentir cette boule fuir dans une autre
angoisse, quand je vois un nom qui s’affiche, ou ne s’affiche pas, sur mon
écran, sur mon téléphone.
Je n’aime pas penser à l’amour quand je devrais travailler.
Je n’aime pas penser au travail quand je voudrais aimer.
Je n’aime pas devoir penser à l’argent, et devoir en gagner.
J’aime être invitée.
J’aime qu’on paye pour moi.
J’aime qu’on m’offre des cadeaux.
J’aime être belle pour un homme.
J’aime être belle par un homme.
Je n’aime pas acheter quelque chose pour être belle, pour
lui plaire, et qu’il ne soit pas là.
Je n’aime pas faire quelque chose pour lui plaire, comme on
essaierait de se vendre.
J’aime quand il m’offre quelque chose pour être belle, pour
lui plaire, et qu’il est là.
J’aime être courtisée et gâtée.
Je n’aime pas sentir une attente en retour.
Je n’aime pas sentir le reproche, la frustration, la
déception, la colère, dans la voix, les gestes, les regards de celui qui offre
et qui ne reçoit pas, sauf ma joie.
Je n’aime pas devoir accorder mes faveurs en échange de
leurs attentions, alors je ne le fais pas.
Je n’aime pas me sentir coupable.
Je n’aime pas décider d’être libre puis regretter le revers
de la médaille.
Je n’aime pas quand ils m’embrassent et que je ne ressens
rien, sinon ma gêne, ma neutralité, mon indifférence.
Je n’aime pas quand leurs mains se posent sur mon corps et
que ma seule vibration est un mouvement de fuite.
Quand ils insistent et que le malaise monte.
Que je m’invente compliquée pour ménager leur peine
d’amour-propre.
Je n’aime pas la tristesse qui m’envahit quand l’absence de
désir me submerge par le vide.
Je n’aime pas cette peur qui me saisit quand il me montre
son envie de moi, qu’il me demande de décider et que je ne sais plus.
Je n’aime pas quand il me donne le choix et qu’il me faut
alors écouter mon envie.
Et qu’en toute lucidité je suis bien forcée d’admettre que
non, je ne veux pas.
J’aime quand il ne me laisse pas le choix et me force à le
désirer.
J’aime quand il ne me guette pas.
J’aime quand il est entendu que c’est ainsi.
Je n’aime pas quand il ne me laisse pas le choix et que
malgré tout, non, cela ne vient pas.
Je n’aime pas ne pas dire un mot, ainsi consentir, rester
froide, glaciale, ou mécanique, et qu’il ne le remarque pas.
Je n’aime pas qu’il ne devine pas si désir ou non il y a
chez moi, là, pour lui.
Je n’aime pas qu’il ne s’arrête pas quand il constate que je
ne suis pas là, présente.
Je n’aime pas me demander s’il l’a remarqué ou pas.
J’aime être prise.
Je n’aime pas, dans le plaisir d’être prise, imaginer ce que
serait l’horreur des mêmes gestes, un peu plus brutaux, un peu plus violents,
beaucoup moins consentis.
Je n’aime pas cette peur de la frontière mince qui sépare le
oui d’un non, l’envie d’un cauchemar.
Je n’aime pas alors devoir me dire qu’heureusement je n’ai
rien senti.
Je n’aime pas imaginer ce que ce serait si j’avais senti.
J’aime me rêver offerte à n’importe qui.
Je n’aime pas croiser n’importe qui et avoir peur.
Je n’aime pas être cette vierge imprenable et glacée quand
mes songeries me portent vers la luxure la plus assumée.
Je n’aime pas ne pas oser.
Je n’aime pas attendre une occasion pour oser.
Je n’aime pas devoir choisir entre mes différents moments
pour en faire une image, une identité, un personnage.
J’aime penser qu’il existe, celui avec qui je suis tour à
tour toutes les dimensions de moi, de mes envies, de mes fantasmes, celui qui
m’unifie, opère ma synthèse, et me veut douce, perverse, carrément sexuelle,
sensuelle, en cuir, en satin, en coton, en dentelle, œil de braise, œil rieur,
inquiétante, rassurante, toutes les femmes en moi, parce que j’aime alors être
une femme.
Je n’aime pas ne pas être un homme.
Je n’aime pas ne pas pouvoir pénétrer toutes les femmes,
toucher leurs seins et embrasser leur bouche.
Je n’aime pas ne pas pouvoir être pénétrée si je caresse une
femme.
Je n’aime pas ne pas pouvoir la pénétrer.
J’aime être pénétrée par lui.
J’aime le sentir en moi, complètement.
J’aime le prendre en moi.
Je n’aime pas avoir peur de lui faire peur.
Je n’aime pas devoir me calmer quand, avide, vorace, je
brûle de ne pouvoir l’absorber plus en moi.
J’aime et n’aime pas sentir cette rage monter en moi, cette
douleur exquise, ce plaisir à mourir, quand je le prends en bouche, en moi,
sous mes mains, de toutes les façons possibles, et que cela n’épuise pas mon
désir, et que ce désir est dans une impasse, qu’il ne peut trouver d’issue,
qu’il explose en moi, que j’ai envie d’en pleurer, à le griffer, le mordre,
l’embrasser, le cajoler, le chouchouter, le supplier, et qu’en cela il me
possède, il est mon maître, parce qu’alors il détient la clé, celle de mon
envie, qu’il ne me la rend pas, et que je ne m’appartiens plus.
J’aime ses regards douloureux.
J’aime m’imaginer, croire l’espace d’un instant, qu’il
souffre du même mal.
J’aime penser que ses morsures sont d’une même raison.
J’aime quand il jouit.
Je n’aime pas que la jouissance marque la fin de cette
souffrance.
Je n’aime pas quand il s’en va, apaisé, et qu’il ne revient
plus, ou trop tard.
Je n’aime pas qu’il ait moins besoin de moi que moi de lui.
Je n’aime pas formuler mon désir en besoin de lui.
Je n’aime pas ne désirer que lui.
J’aime ne désirer que lui.
J’aime désirer un autre que lui.
J’aime désirer.
J’aime me sentir frémir.
J’aime me sentir aux aguets, dans l’attente d’un objet sur
lequel fixer ce désir volatile qui me pique et m’agace et me pousse à sourire,
à bouger, à danser, à charmer.
J’aime le revoir et être surprise, comme une première fois.
J’aime le rencontrer toujours une première fois.
J’aime refaire les mêmes gestes comme une millième fois.
J’aime me sentir éternelle en respirant son odeur.
J’aime l’aimer comme une centenaire.
J’aime quand il me serre fort et que je me sens comme un
arbre enraciné, enfin.
J’aime surprendre des regards inconnus et des rencontres
fugaces comme des promesses de mille histoires possibles, en germe, qui ne
seront pas et qu’on imagine, dans un pays de mots, de livres, où l’on part en
voyage et l’on découvre mille contrées inconnues.
J’aime désirer tous les hommes comme on rêve une histoire.
J’aime regarder le ciel, et Paris, et la mer, et les arbres,
et sentir, et respirer, et laisser l’extérieur, ses paysages, sa chaleur, ses
parfums, ses dépressions, ses éclaircies, ses tempêtes, ses couleurs,
m’envahir, m’ouvrir, me saisir, me prendre, m’emporter.
J’aime mes livres.
J’aime regarder un livre et sentir ma respiration se
suspendre dans la promesse d’un bonheur, d’une lecture à venir, laisser ce
désir m’étreindre, savourer l’attente, regarder, toucher, feuilleter, pour
finalement le reposer.
Ou pour l’ouvrir. Et me laisser toucher, et partir dans une
étreinte avec les mots, les images, les évocations, les souvenirs qui
s’éveillent à leur passage, les espoirs qui ouvrent un œil, les rêves qui se
forment un instant, et se dissipent en nuage défait.
J’aime et je n’aime pas avoir mal devant tant de beauté.
J’aime et je n’aime pas sentir en moi cette urgence.
J’aime et je n’aime pas être touchée à pleurer de vouloir
sauver le beau dans toutes ses épiphanies, de ne pas supporter qu’il meure, ne
pas supporter que tout ne soit que passage, moment, mouvance, éphémère,
instant, sursis.
J’aime et je n’aime pas avoir envie de hurler, de frapper du
marbre, de saisir, de faire des marques dans le réel, faute de le maintenir, de
le rendre permanent, de toucher l’Être et non le mouvement.
J’aime et je n’aime pas pleurer devant la tâche, parce
qu’elle est tragique, qu’elle est condamnée d’avance, et que pourtant là
seulement est le sens, le seul sens possible, dans l’œuvre, création,
procréation, enfantement, amour, désir, connaissance, savoir, science,
pétrissage de matière, de mots, jets de couleur, atteinte de la forme pure,
dépassement de l’imperfection dont est grevée toute matière, toute réalité,
tout sensible, toute existence, et recherche d’une voie pour y faire advenir
autre chose, quelque chose de parfait, qui nous délivrerait de l’angoisse un
moment, cette angoisse devant l’implacabilité de la mort et du devenir,
parvenir à y trouver une joie, dans un rire, quoi ?, cruel, carnassier,
provoquant, moqueur, entier, plein, spontané, enfantin, naïf, lucide, triste,
énorme, tendre, dans une caresse, un baiser, un réconfort, reprendre des forces
et recommencer, encore, encore, encore.
Isadora