Hier, 25 mai, c'était ma fête. Nous n'avons pas l'habitude d'en faire grand cas dans mon entourage mais allez savoir pourquoi, hier, j'ai reçu nombre de textos et de coups de fils.
Le mercredi, en fin de matinée, je donne un cours de français à une jeune fille qui elle aussi, m'a souhaité une bonne fête, quand je suis arrivée chez elle.
J'ai pour habitude, pendant un cours, de laisser mon portable allumé. Il me sert à la fois de montre et je reste joignable par le collège de ma fille sujette aux maux de ventre et autres manifestations physiologiques de son désamour pour l'école. Je le mets en mode silencieux ainsi, il ne me dérange pas.
Nous travaillions hier sur Aragon et ses "strophes pour se souvenir" quand les vibrations de mon portables retentirent sur la table. Je jetai furtivement un œil sur le numéro. Bon, numéro en 01, Paris...tiens..bon... ce n'est pas le collège, on verra plus tard.
Le cours terminé, le groupe Manouchian et la lettre à Mélinée remisés dans mon cartable, je saluai mon élève et rejoignis ma voiture où j'écoutai le message que le numéro en 01 m'avait laissé. Je vous le retranscris en italique: Bonjour, ici Paul des éditions ....
(là, mon cœur se décroche et en une seconde, j'ai le temps de me dire "enfin! je savais bien que j'y arriverais", de me demander à qui je vais bien pouvoir annoncer la nouvelle en premier, et me projeter dans ma nouvelle vie qui ne sera plus jamais pareille.) Je vous appelle car votre recueil de nouvelles "A l'impossible se tenir" (si je mentionne le titre ici, c'est pour souligner la force de l'ironie du sort) est passé en commission de lecture.
(Incredible!!! Je fais partie du petit nombre de chanceux qui se voit réaliser le rêve de leur vie. La voix de ce Paul est délicieuse, douce, bienveillante... vas-y cher Paul, annonce la nouvelle... je suis assise.)
Malheureusement...
(Boum, tout par terre. Tout, je veux dire tout. Mon cœur au fond de mes talons, mes yeux et leur brillant d'impatience le long de mes joues, mes mains qui ne semblent plus pouvoir tenir le portable et surtout mes espoirs)
...il n'a pas été retenu. Si toutefois, vous souhaitiez récupérer votre manuscrit, rappelez-nous.
( pourquoi tu m'as appelée pour me dire ça, Paul? Normalement, on reçoit une lettre type, plus ou moins agréable. Le coup de fil, c'est pour les bonnes nouvelles! le coup de fil, c'est pour s'entendre dire que le manuscrit est bon et qu'il va être publié! Le coup de fil, c'est une voix pour dire que vous existez! Pas vous dire avec gentillesse ce qu'on vous a déjà dit maintes fois par lettre!)
Je crois n'avoir jamais éprouvé la joie extrême et la peine la plus vive dans un laps de temps aussi cours.
J'ai rappelé Paul. Il peut me renvoyer mon manuscrit gratuitement (ça, c'est du jamais vu) et me souhaite bonne chance pour la suite (ça, par contre, c'est du déjà entendu).
D'accord, Paul, renvoie-moi mon manuscrit, que je puisse le renvoyer à d'autres éditeurs auront peut-être aussi un secrétaire qui s'appelle Paul et qui est malgré tout très aimable.
Je me demande si ces maisons d'éditions qui rappellent pour les refus se sont questionnées sur les dégâts qu'occasionnent leur méthode à prioris plus humaine.
S'il vous plaît, les Paul qui auront la charge de m'annoncer le refus de mon manuscrit, ne m'appelez plus, je vous en conjure, ne m'appelez plus.
Où alors, pour me souhaiter une bonne fête.
J'ai démarré, j'allais être en retard au collège dont m'a fille allait bientôt être libérée. Pendant le trajet, j'hésitais entre le rire et les larmes. Bonne fête Sophie!!! me lançais-je.
C'est drôle, je ne peux pas m'empêcher de trouver ça drôle. C'est cruel et je ne peux pas faire comme si ça ne l'était pas. Alors, autant éprouver de la peine tout en gardant mon sens de l'humour, ça n'y changera rien, à moins que ça me redonne même un peu de force...
Sur le parking du collège, ma meilleure amie était là, c'est rare. Seule, c'est encore plus rare. Je n'ai rien pu faire d'autre que de lui raconter ce qui venait de m'arriver, ou plutôt de ne pas m'arriver... Qui a pu la mettre là pour adoucir le coup? Celui qui a décidé que les éditions ... faisait des fausses joies aux écrivantes prénommées Sophie le 25 mai?