Le 22 juin 2009,
Cher Julien,
Je me rappelle exactement de la première fois où j’ai entendu vos chansons. A cette époque, je me baladais toujours avec un sac à dos orange rempli de grands classeurs et des feuilles doubles à petits carreaux. Ce jour-là, j’étais à la Fnac pour acheter un manuel d’histoire et votre album était en écoute. Une histoire de parents que j’ai trouvée très drôle. Je suis repartie avec votre CD et celui de Carla Bruni. J’avais du flair. Elle est devenue Mme Sarkozy. Et vous, vous êtes devenu la mélodie de mes révisions. Et de la suite. Aujourd’hui, des années après, je vis dans un autre pays et je parle une autre langue. Ben, sur mon iPod, c’est encore vous.
Nous, on a l’impression bizarre de vous connaître. Et puis vous, vous connaissez simplement le public dans l’obscurité des théâtres, ses rires, ses phrases en l’air, ses applaudissements et ses remerciements rapides pour ceux qui attendent et vous rencontrent. Moi, devant vous, je me suis bien sentie bien cruche. Faut dire que je ne m’attendais pas à vous voir débarquer. J’ai pas vraiment cru les autres quand ils m’ont dit « mais si attends, il sort toujours. ». Alors quand je vous ai vu, tout sourire, j’ai perdu mes mots. J’ai oublié les jolis mercis qui s’étaient bousculés dans ma tête pendant toutes ces années. Je vous ai juste dit « je peux avoir une photo ? ». Alors j’ai préféré vous écrire pour vous dire le reste.
J’ai grandi avec votre musique. J’ai rêvé avec vos histoires. J’ai réfléchi avec vos paroles. J’ai rencontré vos personnages. Je les ai souvent vu se répondre sans s’entendre. J’ai écouté vos mots dessiner ces atmosphères serrées, ces moments privilégiés, ces aventures comme le quotidien. J’ai voyagé.
Je vous ai écouté sur mon discman en prenant de grandes décisions. Et puis, il y a eu les fois où je m’endormais, où je lisais, où je regardais les visages bleus incandescents en filant à travers la nuit dans le métro aérien, les fois où je déambulais, les fois où j’étais pressée. Et puis il y a eu les fois où j’ai écrit. Ecrit. Ecrit. Pendant tout ce temps, le rythme de vos mots, la justesse de vos formules et l’éclat de vos décors ont tournoyé autour de moi.
Vous touchez d’un doigt délicat l’enchanté du quotidien. Vous êtes très drôle mais vous n’êtes pas de ceux qui ont besoin de se moquer pour amuser. Non, vos mots à vous observent sans juger. Vous montrez l’absurdité des modes et la petitesse du trop.
Vous n’avez pas la folie des grands mots. Bien au contraire, vous semblez les aimer pour ce qu’ils sont et vous les choisissez avec humilité. Pour n’exclure personne. Pour offrir des tableaux pudiques et touchants.
Vous n’en dites pas trop. Et c’est certainement là votre plus grand talent. Vous jetez votre dévolu sur un détail ou deux qui parlent pour toute la scène. L’intonation de la mélodie donne le paysage. Et on y est. Oui, on y est tout à fait. A New York ou au Festival d’Avignon. Vous avez le sens de la mesure. Vous êtes précis sans avoir la prétention de vouloir couper court à l’imagination de ceux qui vous écoutent. C’est une générosité rare chez les artistes.
Et puis il y a d’autres choses.
Merci pour Tours en juin. On a vécu un moment de grâce.
Vos chansons me rendent heureuse. Alors, je me permets d’emprunter son expression à ce metteur en scène auquel vous faites si souvent référence, même si je ne prétends que de ma main, elle ait le même poids. Je voulais vous dire, Julien, vous êtes un chanteur très bien.