vendredi 3 février 2023

Ecrire, c'est soigner - par Marc Zaffran/Martin Winckler

  



ÉCRIRE C’EST SOIGNER

 12 mai 2022

Colloque Littérature, Ecriture, Soins 

Cergy 







ECRIRE C’EST SOIGNER

 

Au commencement, écrire, c’est se soigner


Comme lire, d’ailleurs. (Ou regarder des films ou des documentaires ou autre chose.)

Ecrire c’est dire qui on est, ce qu’on pense, ce qu’on ressent, ce qu’on supporte ou non – sans que personne vous coupe la parole.

Même quand on n’écrit pour personne, on écrit à quelqu’un qui n’est pas là mais qui écoute. Une thérapeute[1] virtuelle, attentive et qui ne pose pas de question, en quelque sorte. Les questions, on peut de toute manière (se) les poser et y répondre seul(e) — ou du moins donner les réponses qui nous viennent... et en trouver d’autres en écrivant.

Car la vertu de l’écrit, même quand on écrit pour soi, « au kilomètre », c’est qu’un mot, une phrase, un paragraphe en appellent d’autres. Parfois on cale, mais ça n’est pas grave. Ce qui est déjà écrit existe, on peut le voir, le relire. On peut l’apprécier ou le critiquer, mais on ne peut pas le faire disparaître à moins de jeter la feuille à la poubelle.

Et aujourd’hui, quand on met un texte dans la corbeille de l’ordinateur, il n’est pas perdu.

 

Je peux en témoigner : écrire, ça soigne la personne qui écrit.

J’ai passé mon adolescence à écrire parce que je n’avais personne à qui parler. Je n’étais pas malade, j’étais juste un garçon isolé, qui n’avait personne à qui poser des questions élémentaires et gênantes sur son corps, la manière dont il fonctionnait (ou ne fonctionnait pas correctement ?) ses émotions et ses idées (parfois farfelues). Ecrire m’a permis de vivre avec moi-même.

 

Ecrire, ça soigne le moral.

 

Pendant mes études de médecine, écrire m’a permis de ne pas être englouti par la violence de l’atmosphère de la faculté de médecine. Oui, c’était aussi délétère dans les années 70 que ça l’est maintenant – et nous n’avions pas les réseaux sociaux pour dénoncer cette violence. Merci à l’internet et aux réseaux sociaux de permettre aux étudiantes en santé et à tant de personnes soignées de le faire aujourd’hui.

 

Écrire m’a permis de me faire entendre au moins de quelques camarades, via les revues underground auto-produites que publiaient une poignée d’entre nous. Mine de rien, le simple fait de pouvoir écrire qu’on était favorable à la légalisation de l’avortement, du cannabis et de l’aide médicale à mourir, ça nous faisait du bien. Ça nous permettait, encore une fois, d’exister et de s’affirmer comme autre chose qu’un pion sur le très grand échiquier de l’hôpital.

 

Écrire, je le faisais aussi dans les dossiers : je m’adressais aux internes, au chefs de service, aux infirmières et je me faisais un point d’honneur d’écrire lisiblement et de poser les questions que personne n’avait voulu entendre pendant la visite à douze.

 

Il est arrivé qu’un médecin vienne me voir et me dise : « J’ai vu ce que tu as écrit dans le dossier. Effectivement, personne ne s’était posé la question avant. » Une trace écrite n’est pas aussi spectaculaire qu’une parole, mais parfois, elle finit par trouver le regard qui va se pencher sur elle.

 

Écrire, c’est important quand on (se) pose des questions : ça permet d’abord de les formuler (ne serait-ce que pour les reformuler plus tard) avant qu’elles s’envolent. Ça permet aussi de partager ses interrogations même s’il n’y a personne pour les entendre à ce moment-là. Les écrits restent. Et ils restent aussi pour soi : on oublie aisément ce qu’on a pensé ; quand on l’a écrit, on peut le retrouver. Ce qu’on a pensé était peut-être sans importance, peut-être essentiel mais, dans un cas comme dans l’autre, on ne peut le savoir que si on en a laissé une trace.

 

Écrire fait du bien, ce n’est pas qu’une vue de l’esprit.


Les effets bénéfiques de l’écriture sur le moral – en particulier celui des personnes ayant subi des traumas, mais aussi souffrant de maladies terminales )- ont été documentés par des psychologues américains, Pennebaker[2] et Smyth[3].

 

Évidemment, tout le monde ne tire pas des bénéfices de l’écriture. Pour écrire, il faut, déjà, avoir une relation non conflictuelle à l’écriture : je veux dire qu’il faut ne pas avoir été dissuadé d’écrire, ni s’être fait asséner que ce qu’on écrit n’a aucune valeur, et de toute manière on ne sera ni Proust ni Flaubert – comme si c’était ça l’objectif !

Pour oser écrire, il faut ne pas été avoir traumatisé par des enseignantes qui accordent plus de place à l’orthographe ou au « style » qu’au contenu. Or, l’orthographe et le style n’ont aucune importance dans l’écriture. Ce qui compte c’est ce que transmet l’écriture – comme la parole – de la personne qui écrit. Encore faut-il le lire sans passer ce qui est écrit au crible de filtres qui servent, avant tout, à sélectionner qui parle ou écrit « bien » et qui parle ou écrit « mal ».  Ces filtres sont des critères de classe, et rien d’autre. Ils « expliquent » qu’on puisse aujourd’hui qualifier L.-F. Céline ou Michel Houellebecq d’« auteurs de talent » malgré le contenu hautement discutable de leurs livres. Ce sont ces mêmes critères élitistes qui ont permis aux classes dominantes de minimiser ou de passer sous silence, pendant des siècles, presque toute la littérature écrite par des femmes.

(Et oui, écrire c’est politique !!!)  

 

L’un des principaux obstacles aux effets soignants de l’écriture (et je dis bien « soignants », et non thérapeutiques, j’y reviendrai), c’est le préjugé selon lequel il y a des personnes qui « savent » écrire et d’autres non.

Mais écrire, ça s’apprend, ça s’entraîne, ça se cultive, exactement comme la photographie, la pratique du chant ou d’un instrument, la natation ou la course à pied, le dessin, la mécanique, le bowling... ou la confection d’un plâtre de jambe. Bref, ça se travaille. Et comme c’est un travail, il faut aimer travailler à ça. Si on n’aime pas travailler à écrire, il ne faut pas s’y éreinter. Il y a d’autres formes d’expression tout aussi respectables, qui font du bien à celles qui les pratiquent et à celles qui les apprécient.

 

Écrire, ça soigne l’ignorance et ça organise la pensée


On apprend à parler en écoutant les autres et en reproduisant des sons, puis en assemblant des mots et en composant des phrases. Plus on écoute, plus on parle. Plus on parle, plus on sait parler.

Pour apprendre à écrire, il est utile de lire beaucoup. Ça tombe sous le sens : on apprend à écrire en regardant les autres écrire – en les lisant. Mais la lecture a une autre vertu : elle nous apprend beaucoup plus de choses que la parole. D’abord parce qu’on apprend beaucoup plus de choses en lisant un texte qu’en écoutant une seule personne. C’est une question de densité d’informations. La parole est un outil merveilleux, mais la quantité d’informations qu’on peut livrer en parlant est limitée. De plus, ce qui nous est transmis par la parole est linéaire, on ne peut pas habituellement revenir au début ou au milieu. Tandis qu’on peut relire un texte, voire le parcourir de manière discontinue, très rapidement et autant de fois qu’on le veut.

De sorte que lorsqu’on lit beaucoup (je veux dire « beaucoup de pages » et « beaucoup de personnes qui écrivent »), non seulement on apprend à écrire de diverses manières mais aussi on accumule une flopée d’informations dont on va pouvoir se servir par la suite, dans la vie comme dans l’écrit.

Quand j’ai commencé à exercer la médecine générale, je me suis joint à la rédaction d’une revue médicale, La Revue Prescrire.

Je m’y suis éduqué à la médecine, et on soigne mieux quand on est moins ignorant : on est moins anxieux, on prend moins les vessies pour des lanternes, on se débarrasse de tas de préjugés – et donc, de tas de peurs qui nous empêchent d’avancer. Mais j’y ai aussi appris à écrire, tous les jours, beaucoup, sous beaucoup de formes. À lire des textes et à les résumer et donc à les transmettre. À écrire des textes de toutes les longueurs, de la note de lecture de cinq lignes au dossier de quinze pages. À transcrire des expériences vécues. Quand je voulais parler d’une de mes patientes et de ce qu’elle m’avait appris, j’écrivais une vignette d’un feuillet. J’en ai écrit souvent. Et les textes courts, quand on les met bout à bout, ça en fait des longs. 

 

Écrire, ça aide à soigner.


En même temps que j’écrivais pour Prescrire, je rédigeais des feuillets d’information pour les personnes qui venaient consulter à mon cabinet de campagne. Des feuillets qu’on tapait et qu’on photocopiait, ma secrétaire et moi, en vingt ou trente exemplaires et qui disparaissaient très vite – tout le monde avait envie d’avoir une fiche disant quoi faire en cas de fièvre chez un bébé ou de traumatisme crânien chez les personnes de tous les âges. Alors on en photocopiait d’autres.

Ce sont ces fiches qui m’ont montré qu’écrire ça soigne.

Et je reviens à la distinction entre le soin et la thérapeutique (ou le traitement).

 

Soigner n’est pas traiter, ni inversement.


Traiter, c’est prescrire ou appliquer un traitement spécifique : par exemple donner un antalgique pour une douleur, un antibiotique pour une pneumonie bactérienne, un antihypertenseur pour... une hypertension.

Soigner, c’est autre chose. Soigner, je l’ai toujours senti intuitivement, depuis toujours, et je ne l’ai formulé ainsi que depuis quelques années, c’est faire en sorte que la personne qui souffre (quelle que soit la cause de sa souffrance) se sente mieux ou moins mal après que vous lui avez dispensé des soins.

 

Soigner, ce n’est pas un geste ou une méthode, c’est une attitude, guidée par plusieurs principes simples, qui sont superposables à ceux de l’éthique clinique :

1° être bienveillante et bienfaisante – c’est-à-dire vouloir le bien des autres et leur faire du bien — tout en respectant leur définition du bien, sans leur imposer la nôtre,

2° ne pas nuire – ce qui veut dire entre autres ne pas mentir, ne pas tromper, ne pas maltraiter, ne pas exploiter, ne pas user de son statut de soignante pour faire pression, ne pas menacer...  

3° avoir pour objectif que la personne à qui on délivre des soins n’ait plus besoin de nous - autrement dit : ne pas l’enchaîner.

 

Il n’est pas nécessaire d’être un humain pour soigner. Les éthologues ont montré que tous les mammifères et un certain nombre d’animaux qui ne sont pas des mammifères (pensez aux oiseaux, en particulier) soignent – leur partenaire de reproduction, leurs rejetons en particulier. Mais allez donc vous abonner vous au compte de « The Dodo » sur Instagram. Vous y verrez des animaux de toutes sortes soigner ou être soignés par des animaux d’autres espèces.

Et l’une des constatations que font les éthologues, en particulier les primatologues, c’est que lorsqu’un chimpanzé va consoler un de ses congénères mâles après qu’il s’est fait rosser, ou une femelle qui hurle parce que son petit est mort, ça ne fait pas seulement du bien à celui ou celle qu’on console. Ça fait aussi du bien à celle ou celui qui console.

 

Pour soigner, il n’est même pas nécessaire d’être physiquement présent. 


Nous en avons tous et toutes fait l’expérience : le souvenir d’une soignante et de ses soins nous guide et nous fait du bien.

C’est une des raisons pour lesquelles l’écrit peut être une manière de soigner extrêmement puissante.  

 

J’ai pu constater les effets soignants de l’écrit à travers deux formes. Je suis convaincu que ce ne sont pas les seules mais ce sont celles que je connais le mieux, et dont je peux vous parler sans dire trop de bêtises.

 

La première forme est le partage du savoir.

Pour soigner en partageant le savoir par écrit, il me semble important de :

-       dire la vérité et, quand on ne la connaît pas, dire qu’on ne la connaît pas. Mais dire aussi tout ce qu’on sait, sans cacher ni mentir ni travestir la réalité ;

-       être scrupuleusement fidèle aux connaissances scientifiques et se retenir de faire passer ses propres hypothèses pour des réalités avérées ;

-       écrire sans jargonner, dans un langage accessible à toutes, sans jamais présumer que la lectrice sait de quoi on parle, mais sans la traiter de haut. Ni, surtout, comme une enfant ;

-       transmettre un savoir utile. Utile pour comprendre, utile pour faire, utile pour se libérer.

 

Tout cela, on peut le faire par écrit, même avec des notions complexes. J’ai co-écrit un livre sur la douleur dont c’était exactement le but. Il a fallu, d’abord, que je comprenne ce qu’était la douleur pour ensuite l’expliquer. Alors, j’ai posé à mon co-auteur, qui connaissait bien mieux que moi, les questions élémentaires auxquelles je voulais pouvoir donner les réponses aux personnes qui allaient se les poser en ouvrant le livre. Nous avons mis en commun son savoir sur la douleur et mon savoir-faire d’écrivante au service des lectrices. Les livres qui partagent le savoir sont souvent bien meilleurs quand ils sont écrits à plusieurs.  

 

La deuxième forme de soin par l’écrit consiste à partager des expériences – les siennes et celles qu’on a reçues des autres.

Les textes autobiographiques, les journaux intimes ont une valeur inestimable. Mais pour les écrire, il faut avoir vécu. On ne peut pas tout vivre, mais on peut avoir envie de transmettre tout de même une expérience qui nous a touchées, émues, changées.

Et pour cela, la forme la plus efficace (et je tiens au mot « efficace »), c’est la fiction. C’est une activité très différente, mais ça s’apprend aussi. Par rapport au texte autobiographique, la fiction conduit à prendre du recul. Ça peut être important quand ce qu’on veut transmettre est encore à vif.

 

L’un des exercices que je donne le plus souvent en atelier d’écriture est tout simplement : « Votre plus beau souvenir d’enfance raconté par quelqu’un d’autre ». Chaque fois que je le propose, les écrivantes de l’atelier produisent des textes épatants — drôles ou émouvants, et parfois drôles et émouvants.

 

Je me suis personnellement rendu compte de l’efficacité de la fiction après avoir publié un roman intitulé La Maladie de Sachs et, dix ans plus tard, un autre roman intitulé Le Chœur des femmes. Le premier se déroule à la campagne. Le second dans un hôpital. Dans le premier, ce sont les patientes et les patients qui racontent. Dans le second, c’est une jeune femme médecin et les patientes qu’elle apprend à écouter. Le lieu et les voix n’avaient pas d’importance (ni le « style », qui avait probablement changé en dix ans). C’étaient les histoires qui comptaient.

 

Ces deux livres soignants ont eu un très gros impact, mesuré non seulement au nombre d’exemplaires qu’il s’en est vendu mais aussi, et surtout, par le nombre de messages de lectrices que je reçois. Le Chœur des femmes a été publié en 2009 et depuis 13 ans bientôt, je reçois des messages de lectrices tous les jours.

Tous. Les. Jours.

Des courriels, des messages par les réseaux sociaux et même, de temps à autre, une lettre manuscrite ou un livre. (Merci encore, les réseaux sociaux et l’internet.)

 

Ce n’est pas moi qui dis que La Maladie de Sachs et Le Chœur des femmes sont des romans qui soignent. Ce sont les femmes (et quelques hommes aussi) qui m’écrivent. Elles disent se sentir mieux après les avoir lus. Elles disent se sentir « plus elles-mêmes ». Elles s’y retrouvent comme dans elles se retrouvent dans des textes autobiographiques.

 

Il y a une grande différence entre les livres de partage du savoir d’une part et, d’autre part, les textes autobiographiques fictions. 


Les livres de partage du savoir ont besoin d’être révisés ou récrits régulièrement. Les textes autobiographiques et les fictions beaucoup moins souvent, voire jamais. Vous le savez bien : on lit encore couramment des romans et des journaux qui datent du dix-neuvième siècle et même avant. On ne lit plus les traités de médecine de la même époque, sinon dans le cadre de recherches historiques.

Mais les romans, les contes, les nouvelles et les textes autobiographiques parlent de l’expérience humaine, qui ne change pas beaucoup avec les époques. Les émotions sont les mêmes depuis qu’on les a décrites dans L’épopée de Gilgamesh, La Bible, L’Odyssée ou le Mahabharata. Elles font partie de nous. Et c’est cela, au fond, que la fiction transmet : une expérience émotionnelle.

 

Écrire pour transmettre des informations, c’est soigner les autres en leur donnant accès à des outils. Quand j’écris des livrees pratiques comme Contraceptions mode d’emploi ou, plus récemment, C’est mon corps !, mon objectif premier est de fournir aux lectrices des outils qui leur permettent de prendre des décisions sans avoir besoin de poser des questions aux médecins. Quand j’écris Ateliers d’écriture, mon objectif premier est de fournir aux écrivantes des outils qui les aidents à écrire sans avoir besoin de poser des questions aux écrivains.

 

Écrire en transmettant des expériences émotionnelles et sensibles permet de soigner les autres en leur disant : « Vos émotions sont respectables, elles sont audibles, elles sont dicibles, vous avez le droit non seulement de les éprouver sans en avoir honte, vous avez aussi le droit de les revendiquer. »

 

On peut donc, je crois, affirmer que l’écriture soigne lorsque le texte qu’elle produit nous allège, nous console, nous libère un peu ou beaucoup ou complètement de ce qui nous enchaîne : la solitude, la peur, le sentiment d’indignité, la colère, le chagrin.

 

On n’a pas besoin d’écrire pour (se) soigner, et on n’a pas besoin de soigner pour écrire.


Mais quand on a la chance de faire l’un et l’autre, c’est vachement bien.

Pour celle ou celui qui écrit, et souvent pour celles ou ceux qui les lisent.

Écrire pour soigner, c’est bon.  

Dans tous les sens du terme.

 

 

Martin Winckler, 3 février 2023



[1] Tout au long de ce texte, j’emploierai le féminin générique pour désigner les groupes de personnes dont les membres sont majoritairement des femmes : soignantes, lectrices et écrivantes, en particulier.

[2] Pennebaker, J.W. (1997). Writing about emotional experiences as a therapeutic process. Psychological Science, 8(3) 162- 166.

[3] Smyth, J., & Lepore, S.J. (2002). The writing cure: How expressive writing promotes health and emotional well-being. Washington, D.C.: American Psychological Association.

 

 





vendredi 20 janvier 2023

Le livre qui a changé ma vie - par Marc Zaffran


C'était il y a un peu plus de vingt-cinq ans, au mois de novembre 1997. Un matin, dans le courrier, j'ai reçu un gros volume de presque six cents pages, au texte imprimé serré (on n'imprime plus comme ça aujourd'hui) et d'aspect (à mon avis) un peu rébarbatif. La couverture était blanche, le texte de quatrième plutôt elliptique et le titre, à bien y réfléchir, avait de quoi vous faire froncer les sourcils. 

J'ai feuilleté le bouquin pendant plusieurs minutes et j'ai soupiré très fort. J'étais heureux d'avoir enfin publié un second roman (le premier datait de 1989 et j'avais longtemps cru qu'il serait le seul), et c'était un roman, certes, pas un livre de médecine, mais qui allait bien pouvoir avoir envie de lire un truc aussi indigeste ? 

J'avais passé plusieurs années dessus. Les premiers chapitres remontaient au moins au début des années quatre-vingt-dix. Je l'avais écrit et envoyé en feuilleton, en plusieurs fois, à Paul Otchakovsky-Laurens qui m'avait dit, à plusieurs reprises, qu'il était à la fois intrigué et surpris. Qu'il ne voyait pas bien où l'histoire allait. Que le personnage principal - un médecin de campagne - lui semblait parfois "un peu trop parfait"... Mais qu'il attendait la suite avec impatience. 

Après avoir fini de l'écrire, j'avais passé plusieurs mois à le relire, le corriger, le récrire, couper des passages, en ajouter d'autres et, les dernières semaines, à chercher le "bon" ordre dans lequel ordonner les derniers chapitres. Et puis, un matin, la "solution" était venue toute seule, tout naturellement, comme si elle tombait sous le sens. 

Après l'avoir reçu, Paul m'avait appelé en disant : "C'est le livre que j'attendais de vous." Il n'était jamais dithyrambique avec ses auteurs, mais il savait toujours leur dire la chose qui allait les toucher, leur faire sentir qu'ils étaient chez eux dans sa maison, qu'il était non seulement leur éditeur mais leur ami en plus d'être leur premier lecteur. 

Comme je vivais au Mans, et qu'il avait un faible pour la Sarthe (il y avait grandi), il m'avait demandé si j'accepterais de le recevoir une journée pour parler du livre en général et en détail. Il avait ajouté qu'il ne faisait jamais ça - aller voir les auteurs chez eux pour leur parler de leur livre - et qu'il ne fallait pas que j'en parle. J'avais répondu : "Je serai une tombe et bien sûr, vous êtes le bienvenu." Et ce jour-là j'avais annulé tout ce que j'avais de prévu. Nous avons passé une bonne partie de la journée ensemble, à parler de tout et de rien - et presque pas du livre, à quelques détails près. Il n'avait qu'une réserve, c'était le titre. La Relation, ça lui semblait un peu vague, un peu générique. Mais c'était mon titre, je n'en avais pas d'autre, et il avait dit - comme il le faisait toujours - que l'auteur était seul maître, et qu'il se rangerait toujours à ma décision. 

Nous avons convenu, ensemble, que le bouquin serait publié en janvier. Je n'étais pas un auteur assez connu pour être publié en septembre et il avait peur que cette sortie soit noyée par la déferlante de la "rentrée littéraire". Ca m'arrangeait bien : je n'avais aucune envie de me faire du souci et je n'étais pas pressé. De toute manière, j'avais du boulot : quatre livres de vulgarisation médicale à rédiger, un projet de dictionnaire des séries télévisées, une ou deux traductions. 

Quelques semaines plus tard, lors d'une journée à Paris, je suis entré dans le Virgin mégastore qui se trouvait à l'époque aux Champs-Elysées et où j'allais chercher des VHS de vieux films américains en VOST. Le mégastore avait une librairie au sous-sol. J'y suis descendu. Le poste informatique du libraire était libre. Par jeu, j'ai tapé le titre de mon livre A ma grande surprise, j'ai vu une référence apparaître. La Relation, par Catherine Salti, au Mercure de France. 

Quand je suis rentré chez moi j'ai appelé Paul. Il m'a dit que c'était ennuyeux, il risquait d'y avoir des confusions : deux livres dont les éditeurs avaient le même diffuseur et portant le même titre. Il me fallait en trouver un autre.

J'ai passé plusieurs jours à tourner en rond. J'aimais bien mon titre, parce qu'il était polysémique. La relation (ou "Les relations", comme j'ai hésité à le retitrer) dont il est question dans le titre est multiple : relation entre un médecin et les personnes qu'il tente de soigner, relation d'amour, relations familiales, relation entre les histoires, entre les lignes. Et puis "relation" ça signifie "récit"... 

Un jour, en relisant un passage du texte, j'ai eu une illumination. Le personnage principal se demande pourquoi on donne aux maladies le nom des médecins qui les ont décrites et non celui des personnes qui en ont souffert. Et il s'insurge : "Comment peut-on être fier de donner son nom à une saloperie ?" 

J'ai fait une fausse page de garde, avec en haut mon pseudonyme, en bas "P.O.L" et au milieu, surmontant le mot "Roman", le titre qui m'était venu : La Maladie de Sachs. 
J'ai glissé la page dans mon fax et je l'ai envoyée à Paul. Cinq minutes plus tard, le téléphone a sonné.
A l'autre bout du fil, j'ai entendu Paul dire : "Génial !!!" 

Le livre est arrivé en librairie en janvier 1998, il y a juste vingt-cinq ans. 

Je me souviens qu'un de mes fils, qui n'avait pas quinze ans à l'époque, m'a dit : "Ca va marcher". J'ai répondu : "Tu sais, mon fils, on ne sait jamais si les livres vont marcher." Il m'a répondu avec un grand sourire : "Papa, y'a que deux solutions. Ou bien il marche. Ou bien il marche très bien.

Il a eu quelques bons papiers, en particulier un dans Les Inrockuptibles, un autre dans Libération, un troisième dans Le Magazine Littéraire, et celui-là allait avoir une importance considérable. 

Quelques semaines plus tard, en mars je crois, Frédéric Maria qui s'occupait alors des droits dérivés chez P.O.L m'appelle en disant : 

- Après avoir lu la critique de Daniel Martin dans Le Magazine Littéraire, Michel Deville a lu votre roman et il aimerait en faire son prochain film... Mais je ne sais pas...  

LE Michel Deville ? Celui de Péril en la demeure et du Paltoquet ? 

- Oui... Vous pensez qu'il pourra en faire un film ? 

- C'est un cinéaste formidable. Il a adapté un roman inadaptable qui s'intitule Le Dossier 51. Si quelqu'un peut faire un film de mon roman, c'est lui !

Et il en a fait un film. 

Je me souviens de beaucoup de moments privilégiés, pendant les mois qui ont suivi la publication du livre. 

Je me souviens d'une signature à "Plurielles", la librairie du Mans où j'achetais mes livres depuis plus de quinze ans. Une jeune femme est venue accompagnée de ses parents. Elle voulait être neurologue et avait changé d'orientation, elle était devenue généraliste. Ses parents ne comprenaient pas.
"Et puis, a dit sa mère en me tendant le livre pour que je le signe, notre fille nous a fait lire La Maladie de Sachs. Et à présent, on comprend pourquoi elle fait de la médecine générale." 

Je me souviens des cinq minutes que j'ai passées à France Inter pour le présenter, quand il a été sélectionné pour le prix du Livre Inter. 

Je me souviens du souper avec le jury du Livre Inter. (Et, une heure avant, je me souviens de Paul répondant au téléphone et levant le poing en disant : "On l'a !!!") 

Je me souviens que Daniel Pennac, que je n'avais jamais rencontré, m'a dit quelques jours après la remise du Prix : "J'ai accepté de présider le jury à condition de ne pas voter. Et je suis très content, parce que ce prix a été décerné par des lecteurs et des lectrices, et seulement par eux et elles."
Il m'a confié aussi que lorsqu'il a reçu les dix romans sélectionnés, il s'est dit : "Je vais commencer par le plus gros, pour m'en débarrasser..."  

Je me souviens de "La Boîte à Livres", la librairie où j'allais étudiant à Tours, pleine à craquer lors d'une rencontre peu après la remise du Prix. Il y avait des gens assis partout, sur les escaliers, par terre... Je me demandais s'iels ne s'étaient pas trompées de signature. 

Je me souviens des médecins qui venaient vers moi en me disant : "Comment as-tu fait pour décrire mes patients ?" Et de ceux qui disaient : "Je n'ai pas pu le lire, j'avais le sentiment de retourner au boulot. Mais ma femme l'a lu, et elle m'a dit qu'elle comprend mieux pourquoi je rentre crevé le soir." 

Je me souviens des amis qui me disaient : "On est contents comme si ça nous était arrivés à nous !" et qui m'appelaient de leur petit village de vacances d'été en disant : "Il est en pile chez le marchand de journaux !!!" 

Je me souviens de Paul et Jean-Paul qui, pendant les semaines qui ont suivi le Livre Inter m'appelaient tous les lundis pour dire : "Il en est sorti encore dix mille la semaine dernière, on va réimprimer à quinze mille." (Et ils n'appelaient pas que le lundi...) 

Je me souviens de Paul me disant : "Grâce à vous, l'an prochain, les éditions P.O.L vont payer des impôts pour la première fois de leur histoire." Et je me souviens de l'auteur qui, dans les bureaux de P.O.L, me croisa un jour en disant : "Ah, c'est vous qui nous nourrissez cette année !"  

Je me souviens du libraire de "La Boucherie", Rue Monge, à Paris. Il m'a raconté qu'une femme était venue lui demander un livre à lire dans l'avion, elle rentrait à Montréal. Une autre femme était venue quelques jours après en disant : "Une amie de Montréal vient de m'appeler. Elle a lu un livre dans l'avion. Elle l'a tellement aimé que je veux le lire, moi aussi. C'est l'histoire d'un médecin de campagne..."
Et le libraire a conclu son histoire en disant : "J'en ai plein d'autres comme ça. Et ça ne m'étonne pas. C'est un livre qui aime les lectrices."  

Je me souviens d'une conférence à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. L'amphi était plein. Un spécialiste dans la salle a demandé sur un ton plutôt ronchon : "Je ne comprends pas ce qu'on lui trouve, à ce livre. Est-ce que quelqu'un peut me l'expliquer ? " Une généraliste a répondu : "Il décrit mon métier. Aucun livre avant ça ne l'avait fait."

Je me souviens que des étudiantes en médecine de Rennes ont monté une adaptation théâtrale du livre et m'y ont invité. Et j'y suis allé. Et j'ai pleuré et j'ai ri comme rarement je l'ai fait au théâtre. Et je pleurais parce que j'avais le sentiment que le spectacle était interprété par mes camarades de faculté, celles et ceux que j'avais perdus de vue, celles et ceux que je voyais encore. 

Je me souviens d'une conférence à la faculté de médecine de Lille, en 2003. Je parlais à des étudiantes de première année. L'amphi était archi-plein - huit ou neuf cent personnes, au bas mot - au point qu'ils avaient installé le trop-plein de public dans deux amphis annexes avec des écrans de télévision. Je pense que s'iels étaient si nombreux c'est parce qu'on leur avait dit qu'au concours on leur poserait une question sur la conférence. Juste avant que je commence, plusieurs sont venues me faire signer leur exemplaire. J'ai pris le micro et j'ai dit : "Si vous voulez me faire signer un livre, je prendrai le temps de tous les signer après la conférence." J'ai fait la conférence assis sur le bureau parce que je ne voulais pas m'asseoir derrière. Au bout de deux heures, on nous a mis dehors parce qu'il y avait un cours après. J'ai dit "Maintenant, je signe les livres". J'ai vu tout l'amphi descendre un livre à la main. J'ai fini de signer dehors, sur la pelouse, au soleil, et ça a duré encore deux heures. 

Je me souviens des lectrices qui venaient avec une pile de romans parce qu'elles voulaient l'offrir à toute leur famille, et même à leur médecin. 

Je me souviens de ma première rencontre avec Michel Deville et je me souviens qu'il m'a dit : "J'ai voulu adapter le livre parce que c'est la première fois que je lis l'histoire d'un médecin de campagne. Mais j'ai été surpris par le succès. Je suis heureux de l'avoir lu avant le Livre Inter, car sinon, je ne me serais pas risqué à l'adapter."

Je me souviens avoir perdu un ami après le Livre Inter. Il ne supportait pas bien le succès inattendu d'un livre qu'il ne trouvait pas "aussi accompli" que mon premier roman. 

Je me souviens - et c'est beaucoup plus important - avoir retrouvé des amies grâce au succès du livre. 

Je me souviens des lettres que j'ai reçues - c'était avant que l'internet soit répandu. Et je les ai gardées dans deux dossiers, que j'ai trimbalés avec moi pendant vingt-cinq ans, et qui sont toujours dans mon bureau. 

Je me souviens de ma rencontre avec Albert Dupontel, et de la première scène qu'il a tournée (j'étais là). Je me souviens qu'il m'a dit qu'il avait fait quatre années de médecine et qu'il était parti après s'être "frité" avec un interne. Je me souviens qu'une fois, sur le tournage, il m'a demandé s'il faisait un geste d'examen correctement. Et je lui ai dit qu'il le faisait parfaitement en ajoutant : "C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas." 

Je me souviens de toutes les fois que je suis allé sur le tournage. Et du repas de fin de tournage avec toute l'équipe. 

Je me souviens que beaucoup de membres de l'équipe de tournage m'ont dit : "Quand on a su que Michel Deville nous demandait de travailler avec lui sur ce film, on était ravis : on était nombreux à avoir lu le roman et à l'avoir aimé." 

Je me souviens de la projection du film pour l'équipe, et je me souviens avoir remercié Martine Sarcey, que je rencontrais pour la première fois, pour son interprétation de Madame Destouches. Et elle, très émue, me disant : "C'est à moi de vous remercier. C'est le plus beau rôle de ma vie." 

Je me souviens des lectrices qui l'avaient lu aux côtés d'autres lectrices qui le lisaient aussi, dans la salle d'attente d'un médecin qui l'avait sur son bureau. 

Je me souviens de Daniel Pennac me disant qu'il avait croisé deux critiques littéraires très en vue. L'un d'eux lui avait dit : "Je ne comprends pas pourquoi ce livre plaît à autant de gens." Pennac lui avait répondu : "Si vous ne le comprenez pas, c'est parce que vous ne l'avez pas lu." L'autre avait dit, très méprisant : "C'est... un roman de plage !" 

Je me souviens de toutes les lectrices qui, à l'automne, m'ont apporté le livre a signer en me disant : "Il y a du sable dedans parce que je l'ai lu sur la plage, cet été." 

Je me souviens de tous les journalistes qui me demandaient comment j'expliquais son succès. Je m'en tirais par une pirouette, en disant : "C'est peut-être parce que la maladie de Sachs est une maladie transmissible." 

Je me souviens de la lectrice qui avait voulu l'offrir à son généraliste, et lui en avait parlé, et s'était entendu répondre : "C'est pas la peine, j'en ai déjà sept exemplaires." 

Le livre est paru il y a vingt-cinq ans. Il a été traduit dans une quinzaine de langues, a été adapté au cinéma, à la radio, au théâtre de nombreuses fois - j'en ai vu six ou sept, j'aurais voulu les voir toutes. Il a été donné à lire à de nombreuses promotions d'étudiantes en santé... 

Et il m'a permis de rencontrer des centaines de personnes formidables, qui ont embelli ma vie pendant cinq minutes, ou avec une correspondance de plusieurs mois, et pour quelques-un.e.s, par une amitié qui dure depuis cinq ou vingt-cinq ans... 

Vingt-cinq ans plus tard, j'éprouve une immense gratitude pour les personnes qui l'ont publié et pour toutes celles qui l'ont lu et en ont dit du bien, et l'ont offert (parfois à dix ou douze personnes) et celles qui sont venues à ma rencontre, et celles qui le font vivre encore, en le lisant ou en l'interprétant sur scène. Jamais je ne pourrai les remercier assez. 

Ce livre a changé ma vie. Il m'a fait connaître d'un public que peu d'écrivantes parviennent à toucher. Il m'a encouragé à écrire ce que je voulais écrire, et à prendre la parole sur des thèmes qui m'étaient chers et sur lesquels on ne donnait la parole à personne. Sans le succès et la confiance que m'ont fait les lectrices de Sachs, je n'aurais probablement pas pu (ni osé) écrire Contraceptions mode d'emploi, Les Trois médecins, Le Choeur des femmes, Les Brutes en blanc... Je n'aurais pas osé, ni pu, écrire des livres sur les séries télévisées. Je n'aurais pas eu l'immense chance de tenir une chronique sur France Inter... et de me faire virer pour y avoir dit ce que je pensais... 

Et surtout, il m'a permis de gagner ma vie et d'élever mes enfants en faisant ce que j'aime le plus au monde : soigner et écrire. 

Ce livre a changé ma vie et celle de beaucoup de personnes autour de moi. Il nous a fait beaucoup de bien. 

J'espère qu'un de mes livres au moins, celui-ci ou un autre, pendant une heure, un soir ou une semaine, a fait du bien à la vôtre. 

Marc Zaffran, alias "Martin Winckler"




jeudi 15 décembre 2022

"Lequel de vos livres me recommandez-vous ? "

(Autun, juillet 2018) 


Il m'arrive régulièrement, comme à beaucoup d'autrices, de signer dans des librairies. Souvent, c'est après une rencontre. Parfois, entre deux lectrices qui ont eu vent de ma présence et avec qui je bavarde, je vois s'approcher une personne qui ne me connaît pas, ou qui a (vaguement) entendu parler d'un de mes livres. Et parfois, la conversation l'a intriguée, elle veut en savoir plus. Et la question qui lui vient, souvent, est la suivante : "Je n'ai encore rien lu de vous. Lequel de vos livres me recommandez-vous ?" 

Pendant longtemps, j'ai réagi en disant quelque chose comme : "Je les aime tous mais... qu'est-ce que vous aimez lire ?" et en leur décrivant rapidement l'histoire de chaque roman posé sur la table. 

Il y a quelques jours, j'ai reçu deux messages à quelques heures d'intervalle. L'un me disait : "Je désire offrir Le Choeur des femmes à ma fille qui a treize ans. Pensez-vous qu'elle puisse le lire, et voulez-vous lui faire une dédicace ?" 

J'ai répondu oui aux deux questions et j'ai confectionné une dédicace sur un marque-pages, que j'ai glissé dans une enveloppe et lui ai envoyée. (Oui, il m'arrive de faire ça...) 



Le second message disait : "Je voudrais offrir l'un de vos livres à une de mes amies, mais comme je les aime tous, je ne sais pas lequel choisir. Que me conseillez-vous ?" 

J'ai longuement réfléchi, et je lui ai répondu ceci : 

"Vous seriez en droit de lui offrir n'importe lequel de mes livres qui vous ont plu et que vous aimeriez partager. Et je suis sûre que votre choix serait parfait pour elle. 

Mais puisque vous me demandez mon avis, le voici : offrez-lui celui qui vient de paraître, Franz en Amérique. J'ai passé deux ans à l'écrire, il m'est très cher et je suis triste que ce livre passe inaperçu. Il aborde tous les thèmes que j'ai abordés dans les précédents, et bien d'autres. Et j'ai beaucoup travaillé pour en faire à la fois un roman d'aventures, un roman d'amour, un roman d'initiation, un roman historique, un récit de voyage et quelques autres trucs encore. C'est un gros livre, mais d'après ce que ses premières lectrices m'ont dit, on ne s'y ennuie pas et on n'a pas envie de le terminer.  Et il est relié (par les personnages, la ville, la narration) à plusieurs de mes autres romans. Si votre amie l'aime, j'espère qu'elle aura envie d'en lire d'autres. (Et si vous voulez pour elle une dédicace à insérer dans le bouquin, je vous l'enverrai volontiers.) 

Ce qui est valable pour moi l'est tout autant pour les autres écrivantes. 

Il y a beaucoup de raisons d'offrir le dernier livre en date d'une autrice. D'abord, celles que j'ai énoncées ci-dessus : on vient de travailler très fort à écrire un livre dans lequel on a beaucoup mis de soi. On a envie de le partager avec le plus grand nombre de personnes possible. Mais si l'on n'est pas l'une des habituées de la rentrée littéraire, ou abonnée aux gros tirages, il y a peu de chances que la presse parle de notre livre. Sa vie dépend alors de deux groupes de personnes : les libraires et les lectrices. Ce sont elles qui le font circuler. 

Il y a une autre raison, qui n'est pas anecdotique.

Un jour, un journaliste et critique français demandait au cinéaste John Ford si pour lui tourner des films était une activité artistique ou commerciale. Et Ford a répondu : "Je ne sais pas si mes films sont artistiques, mais j'espère que le public ira les voir. Parce que c'est le public du dernier film en date qui permet au suivant de se tourner." 

En ce qui me concerne, je n'écris pas pour qu'on parle de moi dans les journaux ou qu'on me montre à la télé. J'ai eu la chance que ça m'arrive, et j'en suis reconnaissant aux personnes qui l'ont favorisé, mais ce n'est pas pour ça que j'écris. J'écris pour trois raisons : pour exprimer ce que je pense et ressens ; pour partager ce que je sais ou crois savoir ; pour gagner ma vie et écrire le livre suivant. Et c'est le cas de l'immense majorité des personnes qui écrivent. 

A un journaliste qui lui demandait s'il publiait pour la postérité, Paul Otchakovsky-Laurens, à qui je dois d'être devenu un écrivain publié, répondait en substance : "Je me fous de la postérité. Je publie des livres aujourd'hui pour que les écrivains rencontrent leur public aujourd'hui. La postérité, ça ne nourrit personne." 

Alors, c'est important pour une autrice, que le public s'intéresse à son dernier livre en date. (Même s'il n'est pas interdit de (s)'offrir les livres précédents...) 

Donc, si vous avez envie d'offrir le livre d'une de vos autrices préférées à une amie, offrez lui son dernier livre en date. Les fêtes approchent, et si vous en avez les moyens, c'est un plus beau cadeau qu'un livre de poche. 

Certes, c'est un risque : vous ne l'avez peut être pas lu, ou vous ne savez pas s'il lui plaira. Mais la vie c'est risqué. Mais si vous aimez cette autrice, faites-lui confiance, et donnez sa chance à son dernier livre en date. Et donnez à vos amies la chance de découvrir un livre tout neuf, un pays encore inexploré. 

Bonne fin d'année, et bonne année nouvelle à toutes et à tous. 

Et bonnes lectures. 

Martin Winckler



Si vous voulez en savoir plus sur Franz en Amérique, cliquez ici



mardi 8 novembre 2022

Ce qu'on vaut et ce qu'on reçoit - par Mar(c)tin W.





 

A Baptiste B., qui sait ça mieux que personne. 


Le mois dernier, j'ai passé trois semaines à "tourner" dans une douzaine de villes et de librairies pour présenter Franz en Amérique. A présent (nous sommes le 8 novembre 2022) je suis de retour chez moi et, comme chaque fois, je me sens un peu abattu. 

C'est bien naturel : une tournée de librairies est à la fois fatigante et excitante. D'abord parce que je profite de mon passage pour revoir des ami.e.s. Ensuite parce que je rencontre toujours des personnes épatantes : les libraires qui m'invitent et me reçoivent ; les lectrices qui viennent me faire signer des livres - pas toujours celui qui vient de sortir, souvent un livre précédent qui les a beaucoup marquées ; et parmi elles, certains viennent me confier quelque chose de très personnel, qui a été réveillé ou parfois apaisé par la lecture d'un de mes bouquins. 

Pendant trois semaines, je n'ai pas beaucoup dormi. Non parce que je me suis couché tard, mais parce qu'après les signatures - et parfois un souper avec des amis ou avec mes hôtes libraires - je n'avais pas envie de dormir et j'en ai reculé le moment en écrivant, en lisant ou en regardant des téléséries jusqu'à pas d'heure. Il faut dire que j'ai aussi participé à plusieurs rencontres avec des étudiantes (en santé, mais pas seulement) - et que tout ce qu'elles avaient à dire était passionnant et stimulant et avait de quoi me garder éveillé. 

Cela fait une semaine que je suis rentré, et à chaque retour succède une période de flottement. Comme ma blonde et moi vivons depuis un an dans une maison qui n'est pas toute neuve et dans laquelle il y a toujours quelque chose à faire, j'ai de quoi m'occuper. Et ça me change les idées. 

Faire une tournée, c'est un peu sortir du monde même si pour moi c'est toujours rencontrer un monde différent : je suis un homebody, quelqu'un qui aime rester chez lui. Si je n'avais pas un chien à promener tous les jours, je pourrais ne pas sortir de chez moi pendant plusieurs jours d'affilée, sans que ça me manque. J'ai toujours été comme ça. 

Mais quand on va à la rencontre des autres, on passe en quelque sorte d'une bulle à une autre. Une bulle très vaste, certes, mais une bulle tout de même : une suite de lieux privilégiés. Les personnes qui viennent à ma rencontre sont heureuses de me rencontrer, et je peux compter sur les doigts d'une main les rares occasions, depuis vingt ans, où j'ai fait une rencontre "désagréable" (et encore, c'était très passager). Le mois dernier, je n'ai rencontré que du bonheur : beaucoup de surprises, beaucoup de moments très émouvants, beaucoup de joie. J'en éprouve encore une grande gratitude pour toutes les personnes qui me les ont fait vivre. 

Quand je rentre chez moi, je me retrouve dans le réel. Et le monde réel m'écrase un peu, comme tout le monde. J'entends ce qui se dit sur le réchauffement climatique, la violence policière et les violences contre les femmes, le résultat contesté des élections au Brésil, les incertitudes des élections aux Etats-Unis, les bateaux de réfugiés qui coulent ou qu'aucun pays ne veut laisser aborder, la guerre en Ukraine... Et je mesure ma chance. Et ça m'attriste, et ça me fait honte. 

J'ai honte aussi de mes affres de scribouillard : est-ce que ce livre-ci sera lu ? est-ce que le prochain est suffisamment intéressant pour que j'aie l'audace de l'écrire ? est-ce qu'écrire des livres n'est pas tout à fait vain, au fond, en regard de la violence du monde ?  D'une violence à côté de laquelle les affres d'un scribouillard n'ont pas grande importance... 

Et puis ce matin, je reçois une invitation de P.O.L, qui invite autrices, auteurs et amies à venir boire le champagne rue Saint-André des Arts pour fêter le Prix Médicis reçu par Emmanuelle Bayamack-Tam. 

J'aimerais bien pouvoir me téléporter rue Saint-André des Arts pour boire le champagne avec eux. Mais la technologie de Star Trek n'est pas encore au point dans le monde réel. Tant pis. 

Je suis très, très heureux pour Emmanuelle, pour la maison P.O.L et pour toutes mes camarades. Dans une petite maison, un prix littéraire n'est pas seulement bon pour son autrice, il est bon pour toutes les autrices et auteurs. J'en sais quelque chose. 

Et puis j'ai un faible pour le Médicis : c'est celui qu'ont reçu des autrices, des auteurs et des livres qui m'ont profondément ému : Georges Perec pour La Vie mode d'emploi, Jean-Luc Benoziglio pour Cabinet Portrait, Jean Echenoz pour Cherokee, Marc Cholodenko pour Les Etats du désert, Serge Doubrovsky pour Le Livre brisé, Marie Darrieussecq pour Il faut beaucoup aimer les hommes, Nathalie Azoulai pour Titus n'aimait pas Bérénice, Mathieu Lindon pour Ce qu'aimer veut dire. 

Mais - comme beaucoup d'écrivantes sans doute - je ne peux pas m'empêcher de ressentir un petit pincement d'envie. Recevoir un prix, c'est être "choisi", c'est être "élu". Même quand - comme c'est mon cas - on a déjà reçu un prix important (1), et même si ce prix m'a fait connaître et m'a considérablement aidé à publier les livres qui ont suivi, je n'ai jamais été tout à fait sûr d'être un auteur "légitime" :  j'ai entendu trop de gens dire qu' "un médecin ne peut pas aussi être un bon écrivain" (et que "les romans qui ont un succès populaire sont rarement des romans de grande valeur littéraire") pour ne pas douter, régulièrement, de la valeur de ce que j'écris. En espérant qu'un jour, cette "valeur" sera "reconnue" de manière spectaculaire par le "monde littéraire". 

(Oui, je sais, je sais, c'est un peu immature, mais que voulez vous, quand on est fatigué...) 

Mon sentiment d'illégitimité n'est pas rationnel. C'est une émotion auto-entretenue. Elle ne s'éteint pas avec le temps (ni avec la raison). J'ai appris à vivre avec. Et, dieumerci, même si c'est surtout entre deux bouquins que c'est le plus difficile à vivre et même si je mets toujours un certain temps à la surmonter au début de l'écriture de chaque livre (oui, de chaque livre), elle ne m'empêche pas d'écrire. 

Et puis j'ai de la chance : je suis bien accompagné dans la vie. 

Tout à l'heure, j'ai laissé échapper : 

"Je suis désolé, je pense que je ne recevrai jamais le prix Médicis..." 

Elle a mis ses bras autour de mon cou et elle a murmuré doucement : 

"Oh, Marco, je ne veux pas que tu reçoives un prix. Surtout pas. Ce que je veux, c'est que tu continues à écrire comme tu le fais, et que tu continues à recevoir des lettres de lectrices qui disent qu'un de tes livres a changé leur vie." 

Oui, j'ai beaucoup de chance. Je suis entouré et aimé par une personne qui ne me laisse jamais oublier l'essentiel. 

Et qui, lorsqu'il le faut, me rappelle que ce que je "vaux", j'en  reçois le témoignage chaque jour, dans ma boîte courriel. 

Merci à vous toutes pour cette reconnaissance quotidienne. 


Mar(c)tin W. 

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(1) Le Livre Inter 1998 pour La Maladie de Sachs 

jeudi 15 septembre 2022

Winckler is coming ! Rencontres en Octobre autour de "Franz en Amérique" - Programme définitif

 




A l'occasion de la publication du troisième et dernier volet du cycle commencé dans Abraham et fils et poursuivi dans Les Histoires de Franz, j'étais en France et en Belgique entre le 10 et le 30 octobre pour la sortie de Franz en Amérique (Romances).  

(Si vous voulez en savoir plus, lisez Franz en Amérique - Inventaire d'un roman )


11 octobre : Paris - Librairie Compagnie, rue des écoles, 75005 , 19 heures

14 octobre : Le Havre - Librairie La Galerne, à 18 heures 

17 octobre : Tours 
- en après midi : rencontre avec les étudiant.e.s à la Fac de médecine 

- en soirée : rencontre à la Librairie La Boîte à Livres, 19 heures 

18 octobre : Rennes - Librairie Le Failler - Rencontre au Théâtre de la Parcheminerie à 18 h 

19 octobre :  Saint-Malo - Librairie La Droguerie de marine, 18 heures

20 octobre : Angers
- en après-midi : rencontre avec les étudiant.e.s à la Bibliothèque Universitaire à partir de 14.30 

- en soirée : Librairie Richer 18 heures

21 octobre : Le Mans - Librairie Thuard, 18 heures 

22 octobre : Sablé Sur Sarthe (72) - Librairie L'Ancre des mots, 15 heures

24 octobre : Bruxelles (Belgique) - Librairie Tropismes  19 heures 

26 octobre : Toulouse - Librairie Ombres Blanches - 18.30....
Et j'ai ouï-dire qu'un autre écrivain-médecin serait présent... ! 

27 octobre : Colomiers dans la matinée !Librairie La Préface 10-12 h 

28 octobre : Pithiviers (45) - Librairie Gibier, signature à partir de 15h et rencontre à 18 h 30 

Merci aux libraires qui m'ont reçu, et merci aux lectrices et lecteurs qui sont venus à ma rencontre 

Mar(c)tin 

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Présentation du livre (quatrième de couverture) 

"Eté 1971. A dix-sept ans, Franz Farkas quitte Tilliers, sa petite ville de France,

pour passer un an à Oakland, dans la baie de San Francisco. 


Accueilli par une famille très atypique, le jeune Franco-Algérien s’immerge dans la Bay Area et découvre ses communautés, ses mouvements et sa diversité, ses films et sa télévision, sa musique et ses chansons, sa culture et sa langue ainsi qu’une autre manière d’apprendre, d’inventer et de s’épanouir. 


Dans l’ombre menaçante de la guerre du Vietnam, il rencontre des féministes radicales, des Black Panthers, des membres de la communauté gaie et lesbienne, des gauchistes poseurs de bombes, des Indiens-Américains récemment chassés d’Alcatraz, des enfants d’immigrants japonais internés pendant la seconde guerre mondiale – et tient un double rôle féminin dans le Musical de sa High School 


Et pendant ce temps, dans la France de l’après-de Gaulle...  


Racontées en chœur par celles et ceux qui les ont vécues des deux côtés de l’Atlantique, ces histoires d’hier annoncent l’Histoire d’aujourd’hui."




jeudi 8 septembre 2022

Franz en Amérique - Inventaire d'un roman




À première vue, Franz en Amérique est l'histoire d'un adolescent qui passe une année dans la baie de San Francisco - et, plus précisément, à Oakland - entre l'été 1971 et l'été 1972. 

Mais ce gros roman contient beaucoup d'histoires, racontées par une multitude de voix, des deux côtés de l'Atlantique. Et si les récits centraux se déroulent il y a cinquante ans, beaucoup d'autres choses se passent entre décembre 2020 et le printemps 2022. 

Vous y lirez, entre autres : 





Comment, quand on est militante féministe, il est bon de s'équiper d'une batte de base-ball

Comment quatre personnes d'origines très différentes fondèrent une "commune" familiale

Comment, dans la France des années 1960, on créa des réseaux clandestins d'avortement et d'aide aux femmes victimes de violence 




Comment la guerre d'Indochine donna naissance à la guerre du Vietnam 

Comment on survit à un virus mortel quand on est âgé de 103 ans 

Comment une jeune anglaise tomba amoureuse d'une personne qui n’était (doublement) pas son genre 

Comment le microsillon domina le vingtième siècle 

Comment la France n’a pas « conquis » l’Algérie en 1830

Comment deux étudiants en droit fondèrent le Black Panther Party 

Comment "Ode to Billie Joe" de Bobby Gentry et "Marie-Jeanne" de Joe Dassin parlent du silence des femmes 

Comment au début des années soixante, des étudiant.e.s traversèrent le Sud des Etats-Unis en bus pour défier la ségrégation raciale


Comment des journalistes français interviewaient les dirigeants du Nord-Vietnam après la défaite des États-Unis 

Comment des ambulanciers de 14-18 organisèrent des échanges internationaux en espérant mettre fin à toutes les guerres 

Comment, lorsqu’on est un médecin juif, résoudre des crimes avec l'aide d’un berger allemand 

Comment on compose un Yearbook 

Comment Jules Verne et Victor Hugo sont (ou ne sont pas) des écrivains britanniques 

Comment fonctionnent les Cable Cars de San Francisco 


Comment (ne pas) dormir sur un waterbed

Comment interpréter le rôle de l'héroïne dans le spectacle de fin d’année 

Comment s'initier à la sexualité par les livres   

Comment se lier avec des poseurs/ses de bombe 

Comment métisser Cyrano de Bergerac et Casablanca 

Comment lire entre les lignes 

Comment chanter Un homme et une femme dans les rues d'Oakland, Californie 


Comment parler de racisme dans une sitcom pendant les années 1970

Comment le Golden Gate Bridge est devenu orange

Comment s’en remettre à Tante Yvonne quand on est en retard

Comment on inventa l'aérogramme (et comment s’en servir) 

Comment se faire des amis de toujours à l’autre bout du monde 

Comment "adapter" Louis Armstrong et "corriger" Barbara

Comment certains documentaires parlaient de la vie des femmes en 1970

Comment on tient un journal de grossesse quand on accueille un garçon de dix-sept ans 

Comment les jeunes américains étaient tirés au sort pour aller se faire tuer 

Comment savoir si la salle de bains est libre ou occupée  

Comment lire L'Odyssée selon une perspective féministe 

Comment soigner l'acné d'un adolescent 

Comment cultiver la confusion des genres sur une scène de théâtre  

Comment révéler des secrets de famille sans souffrance 

Comment comprendre des plaisanteries dans une langue qui n'est pas la nôtre 

Comment déjouer la tactique d'un gendarme 

Comment les femmes noires furent longtemps invisibles à la télévision


Comment (bien) se servir des barbituriques et de la péthidine 

Comment faire le salut vulcain 

Comment des chirurgiens français stérilisaient les femmes de la Réunion tandis que les services sociaux "déplaçaient" leurs enfants dans la Creuse

Comment dire Merde! à l'Ordre des médecins et à la Chambre des notaires 

Comment faire taire un homme violent après un avortement clandestin

Comment on se rend de San Francisco à Oakland 


Comment certains primates trouvent des solutions agréables à tous leurs conflits 

Comment dire les choses franchement 

Comment s'est déroulé le Summer of Love 


Comment le FBI assassina un Messie afro-américain 

Comment écrire un roman à partir de souvenirs datant d'un demi-siècle

Comment recueillir et transmettre la mémoire/les histoires des femmes 

Comment une High School à Oakland, Cal., pratiquait déjà la diversité en 1970 

Comment transformer une pièce et un film classiques en comédie musicale

Comment découvrir qu’on est afro-français 

Comment la Californie a amassé plus d'argent qu'avec la ruée vers l'or 

Comment faire la différence entre un chirurgien et une brute en blanc 


Comment la lutte pour les Droits civils était présentée à la télévision française 

Comment savoir si on préfère les garçons ou les filles (ou les deux, ou personne) 

Comment on a retiré la cocaïne du Coca-Cola en 1903 

Comment envoyer paître le secret professionnel pour une très bonne cause 

Comment aménager une garçonnière a une heure de Paris pour y faire des choses innommables 

Comment Jules Verne écrivit ses romans dans un placard 

Comment l'histoire de la plus grande détestation française peut se résumer en trois Charles

Comment retourner au stade de bonobo

Comment écouter les « faces cachées » d’un disque


Comment se retrouver uni.e.s contre l’adversité sans l’avoir fait exprès  

Comment Angela Davis devint une des Most Wanted Criminals du FBI

Comment il est préférable de porter une petite laine en juillet à San Francisco

Comment écouter aux portes sans faire de mal à personne 

Comment être maîtresse de sa vie dans un monde contrôlé par les hommes 

Comment être gay en Californie, et ne pas l'être dans le Wisconsin  

Comment certains cinéastes français représentèrent Jane Fonda et Brigitte Bardot 


Comment le titre de certaines chansons n'annonce pas ce que disent leurs paroles 

Comment on découvrit les deux cent trente-sept (237) raisons des femmes pour faire l'amour 

Comment faire le Tour de la baie de San Francisco en quatre-vingts [mot manquant]... 

Comment maquiller un crime en l'attribuant aux personnes dont on veut se débarrasser 

Comment chanter La Marseillaise quand on la déteste

Comment on parlait des, et on luttait contre, les violences contre les femmes dans les années soixante 

Comment voyager en Traction avant avec un libraire communiste, un curé ouvrier du livre, un médecin et un notaire 

Comment rompre avec l’amour de sa vie comme Humphrey Bogart avec Ingrid Bergman 

Comment concocter un brouet de sorcière au cours d’une réunion tupéroire  

Comment la France plongea la Kabylie dans la misère 

Comment des chansons de Maurice Chevalier, Mireille, Juliette Gréco et Barbara célébrées au vingtième siècle font grincer des dents au vingt-et-unième 


Comment dans les années 70, les comic-books sont devenus woke 

Comment manifester contre la guerre dans le Golden Gate Park  

Comment définir le mot « intersexe » 

Comment se comporter à une veillée funèbre 

Comment explorer ses origines familiales grâce à un centre de documentation scolaire et une bibliothèque municipale 

Comment soigner les morsures infligées à un sale type par un brave chien, sans l'amputer (le type, pas le chien...) 

Comment les barbouzes de De Gaulle surveillaient l'extrême-droite 

Comment la prise d’Alcatraz sauva des Nations de l’ex-Termination  


Comment, quand on enterre le passé, il finit toujours par resurgir

Comment apprendre à parler d’amour au téléphone 

Comment « 1968 » ne signifie pas du tout la même chose des deux côtés de l’Atlantique 

Comment détourner la langue de Molière comme Shakespeare détourna la sienne  

Comment (selon une légende familiale) les Beatles écrivirent « Michelle »

Comment changer les lois en Amérique 

Comment oter les mots de la bouche de Cyrano 

Comment un Comedy Show au rythme effréné tailla un costard à de Gaulle sur un rythme hebdomadaire 

Comment nous sommes tou.te.s des enfants de la guerre 


Comment abolir la suprématie masculine en médecine 

Comment faire de San Francisco la ville la plus gaie des États-Unis  

Comment fredonner du Johnny Cash dans un camion de légumes 

Comment ne pas pousser quelqu’un par la fenêtre alors qu’on en meurt d’envie 

Comment (re)trouver l’amour grâce à « Victur Hiougo » 

Comment Muhammad Ali combattit la guerre du Vietnam 

Comment quitter la scène avec les Monty Python

Comment la vie peut se raconter en chansons