J’ai lu beaucoup de livres. Et cependant, pas assez. Je ne
lirai jamais tous les livres que j’aimerais lire. Mais il en va des livres
comme des personnes : certaines rencontres sont déterminantes. Elles vous
marquent pour la vie. Et elles ouvrent sur d’autres rencontres, des suites, des
retours, des retrouvailles. De même qu’il existe, je crois, un fil rouge entre personnages
de fiction (pas de Zorro sans le Mouron Rouge, pas de Batman sans Zorro, pas de
Spider-Man sans Batman, etc.), et mes lectures sont le fil rouge que je déroule
tout au long de ma vie. Un fil auquel se sont accrochés beaucoup d’événements,
de rencontres, de réflexions et de textes.
Les livres, c'est comme les cathédrales : on ne sait pas d'emblée où les chercher - il faut d'abord savoir qu'elles existent - ni, quand on y entre, comment les regarder. Pour apprécier une cathédrale, il faut en avoir visité beaucoup... Mais avant ça, il faut que d'autres amateurs de cathédrales nous aient initié.
Les livres, c'est comme les cathédrales : on ne sait pas d'emblée où les chercher - il faut d'abord savoir qu'elles existent - ni, quand on y entre, comment les regarder. Pour apprécier une cathédrale, il faut en avoir visité beaucoup... Mais avant ça, il faut que d'autres amateurs de cathédrales nous aient initié.
Même si je suis ce qu’on nomme en anglais un bookworm et en français un « rat de
bibliothèque », mon amour des livres est toujours lié à des
personnes. Celles qui me les ont fait lire, celles à qui je les ai conseillés –
ou dont j’ai cassé les oreilles en leur en parlant – et, bien entendu, celles
qui les ont écrits. Au début du mois de juin 2015, j’ai été invité à donner une
conférence à Shawinigan, QC au cours du colloque annuel de l’APEFC, l’Association des
professionnels de l’enseignement du français au collégial. Le thème en était :
« De l’(im) pertinence de la littérature au Cégep ».
Je n’avais pas écrit le texte, j’avais simplement fait une
liste (à peu près chronologique) de livres marquants et j’avais téléchargé des images – le plus souvent,
la couverture de la version que j’avais lue – pour illustrer mon propos et me
servir de guide. On m’avait donné une heure pour m’exprimer librement. C’était
un peu court, mais je m’y suis tenu.
La vertu des conférences improvisées, quand on connaît bien
le sujet dont on parle, est qu’elles laissent libre cours au surgissement des
souvenirs et, surtout, qu’elles permettent de garder un contact permanent avec
l’auditoire. Leur principal inconvénient, c’est qu’à moins de les avoir
enregistrées ou filmées, il n’en reste rien.
Cette conférence-ci, je ne voulais pas l’écrire, de peur de
m’enfermer à l’avance dans un texte un peu démonstratif, un peu rigide (je suis plus restrictif et je me censure plus quand j'écris que lorsque je parle) ; mais
je ne voulais pas la perdre. Mon cellulaire allait tomber en panne de batterie. L’une des
organisatrices a eu la gentillesse de me prêter le sien, en me disant qu’elle
m’enverrait le fichier plus tard.
Pendant la conférence, j’ai eu le sentiment de faire un
voyage dans le temps. J’ai immédiatement précisé que dans j’avais appris de
beaucoup d’individus, et pas seulement de mes enseignants ; dans la liste
des « profs que j’ai aimés » figurent des personnes dont j’ai été le
disciple parfois sans qu’ils le sachent. Pendant que les images défilaient,
déclenchant souvenirs et anecdotes, je me suis senti très ému tant ces livres me
sont apparus comme une partie intégrante des liens que nous avions tissés.
À la fin de la causerie, je me sentais heureux d’avoir parlé
d’eux, mais aussi un peu triste. L’enregistrement semblait avoir fonctionné,
mais il me manquait quelque chose : les images. Ce voyage dans les livres,
au fond, ressemblait un peu aux conférences que j’allais regarder enfant – je
pense en particulier à celles d’Albert Mahuzier, cet aventurier-conférencier
qui emmena sa famille en voyage de l’Orénoque au Tchad et de l’URSS (à l’époque
du rideau de fer, tout de même) en Australie et en rapporta des milliers
d’heures de films et des millions de diapositives.
Mon voyage a été moins spectaculaire et moins dangereux que ceux
des Mahuzier, mais comme les leurs, c’est le voyage d’une vie. En voici
quelques étapes, dans une version un peu plus développée que la conférence
donnée à Shawinigan.
NB : Ce qu’il y a de bien, aujourd’hui, c’est que
lorsqu’on cherche un vieux livre, on peut aussi trouver la couverture d’une
édition ancienne, et la plupart des couvertures reproduites ici sont celles de
l’édition dans laquelle j’ai lu ces livres pour la première fois.
Croc-Blanc par
Jack London.
Mon père, qui fut mon premier enseignant, m’avait vivement
recommandé de le lire. Il m’en a parlé sans cesse, en me disant combien il
trouvait ce bouquin épatant, formidable, extraordinaire (je pense que c’est
pour ça que j’utilise volontiers ces mots aujourd’hui) – sans me convaincre. En
tout cas, pendant longtemps, je n’ai pas voulu. L’histoire d’un
chien-loup, bof… Et puis, un jour, j’ai fini par mettre le museau dedans et je ne
l’ai pas lâché. Je n’ai lu qu’une version probablement abrégée et allégée, dans
une édition pour jeunes lecteurs, et je me promets de le relire en anglais,
dans la version intégrale, mais il m’a laissé un grand souvenir. D’abord, celui
d’un grand roman d’aventures dont le héros principal est un chien du Grand
Nord. Mais aussi un roman qui, à certains moments, adopte le point de vue de
Croc-Blanc, ce que je n’avais jamais imaginé possible auparavant. Mon père a eu
une profonde influence sur moi, jusqu’à sa mort (j’avais 28 ans), ne serait-ce
que parce qu’il était médecin, mais il lisait essentiellement des biographies et
des livres historiques et ne m’a pas conseillé d’autres romans, à part La colonie pénitentiaire de Kafka, qui
l’avait beaucoup impressionné. Ce qui fait que Croc-Blanc occupe dans mon cœur une place très particulière.
Les Aventures du
Professeur Challenger par Sir Arthur Conan Doyle
Enfant et adolescent, j’ai été très tôt un grand lecteur de
Sherlock Holmes, d’abord en français, puis en anglais. J’y suis probablement
arrivé via les innombrables anthologies de nouvelles policières que je lisais,
sans doute sous l’influence des Hitchcock
Magazine et Mystère Magazine que
lisait ma mère et qu’elle rangeait dans le tiroir de sa table de nuit. (Ne me
demandez pas ce que j’allais chercher dans le tiroir de sa table de nuit,
sachez seulement que tout ce que je me souviens y avoir trouvé d’intéressant,
c’étaient les magazines de nouvelles policières.)
J’avais un frère plus jeune que moi, mais pas de frère aîné.
Celui qui, dans ma famille, remplissait cette fonction à mes yeux était mon
cousin Jacques, qui avait quelques années de plus que moi, et avait déjà tout
vu, tout lu, tout compris, évidemment. Il m’a vendu (à la grande horreur de mes
parents) des disques que j’ai encore, et il m’a appris beaucoup de choses.
Certaines utiles, d’autres pas du tout, d’autres encore que je me suis empressé
de désapprendre.
Un jour, Jacques m’a offert, pour mon anniversaire (à moins
qu’il ne me l’ait vendu également…) un recueil de nouvelles et romans de Conan
Doyle qui ne concernaient pas le grand détective. Le professeur Challenger est
un explorateur qui, dans sa première aventure, Le Monde Perdu, entreprend de se rendre dans la forêt d’Amazonie
pour y retrouver un plateau où vivent encore des animaux préhistoriques. C’est
un roman très fameux dans le monde anglo-saxon, il a été adapté au cinéma à plusieurs
reprises, la première fois en 1925, huit ans avant le célébrissime King Kong (1933), qu’il a probablement inspiré, tout comme le roman éponyme de
Michael Crichton (1995). C’est un grand roman d’aventures, qui m’a beaucoup frappé
et que j’ai lu à plusieurs reprises.
J’ai même repris la dernière phrase pour
clore l’un de mes romans, Mort in Vitro, en
hommage à ses héros. Les deux choses
qui m’ont le plus frappé sont d’une part la description qu’il fait des
relations d’amitié et de loyauté entre Malone, le journaliste, et Lord Roxon,
l’explorateur ; d’autre part – je ne l’ai compris que bien plus tard – sa nature
de roman « post-darwinien » : la quête de Challenger et de ses
compagnons ne vise rien moins qu’apporter la preuve de l’évolution aux esprits
archaïques des sociétés britanniques savantes du début du vingtième siècle. Les
autres aventures de Challenger ne sont pas aussi connues, mais elles sont
également très intéressantes, car elles relèvent de la science-fiction satirique
(La machine à désintégrer, Quand la terre
hurla), du roman apocalyptique (La ceinture empoisonnée) et du
fantastique (Au pays des brumes). Leur
lecture n’a fait que me conforter dans l’idée que Conan Doyle, auteur de
dizaines de romans et de nouvelles, est l’un des plus grands écrivains
britanniques de tous les temps – même s’il est essentiellement connu pour… le
personnage de fiction le plus populaire de tous les temps.
La légende des Siècles
par Victor Hugo
À l’école Denis-Poisson de Pithiviers, en classe de CM2
(dernière année de primaire), mon instituteur se nommait Henry Berthier.
C’était un homme merveilleux et j’ai eu la chance de pouvoir lui exprimer ma
reconnaissance et mon admiration dans certains de mes textes, beaucoup plus
tard. Il nous a fait lire beaucoup de choses, et en particulier apprendre des
poèmes de Victor Hugo. On apprenait des poèmes par cœur, à l’époque, et j’ai
tout de suite été impressionné par le caractère épique des poèmes de Hugo. À la
même époque, j’ai découvert un volume de la Légende
des Siècles, que j’ai dévoré. Je peux encore réciter de longs extraits de La conscience, du Mariage de Roland, de Booz
endormi et des Pauvres gens. La
lecture de la légende m’a montré qu’on peut raconter des épopées en vers, et à
mes oreilles, le rythme des alexandrins a quelque chose d’irrésistible. J’ai
aussi été très impressionné par le fait que, dans le même recueil, Hugo invente
ou réinvente des récits bibliques, des légendes celtes et des histoires
réalistes : Les pauvres gens se
passe dans un hameau probablement breton, et le personnage principal est une
mère de famille, qui attend le retour de son marin-pêcheur de mari, et découvre
que sa voisine est morte en laissant deux petits orphelins. Voilà un auteur qui
n’avait peur de rien !
Michel Strogoff par
Jules Verne (*)
C’est aussi Monsieur Berthier qui a dû nous faire lire du
Jules Verne, peut-être des passages de Vingt
Mille Lieues sous les mers. Pour mon onzième ou douzième anniversaire,
André Garcia, avec qui j’étais en classe chez Monsieur Berthier (c’est mon plus
vieil ami d’enfance et on se voit et on s’écrit encore aujourd’hui), m’a offert
Michel Strogoff dans une édition
imposante, reliée et illustrée, comme on en faisait à l’époque. Je l’ai lu
plusieurs fois car, dans mon enfance et mon adolescence, j’ai relu les livres
qui m’avaient marqué : tout Sherlock Holmes, tout Arsène Lupin, certains
poèmes d’Hugo, Terminus les étoiles (The
Stars My Destination) d’Alfred Bester, Les
Indes Noires de Verne, dont
j’avais vu une adaptation à la télévision. Quinze ans plus tard, Michel Strogoff serait à l’origine d’une nouvelle rencontre,
déterminante pour mon itinéraire d’écrivant. J’y reviendrai.
En mars 2015, j’ai passé une fin de semaine avec des amis à
Pithiviers dans la maison de mon enfance. Le dimanche, nous sommes allés flâner
sur le marché aux puces et un de mes amis a trouvé et
m’a offert un exemplaire de Michel
Strogoff identique à celui que
j’avais perdu depuis longtemps. Ça m’a fait un bien fou.
El Romancero Gitano par
Federico Garcia Lorca
Au lycée (école secondaire), j’ai choisi l’anglais comme
première langue étrangère et l’espagnol comme seconde langue. Notre enseignante
se nommait Madame Séguy. Elle était née aux Antilles et elle avait une sacrée
personnalité. Elle nous a fait lire beaucoup de choses mais en particulier deux
poèmes du Romancero Gitano de Lorca,
consacrés à un personnage nommé Antoñito el Camborio. Si je me
souviens bien, c’était la première fois qu’on nous disait, en classe, qu’un poète
était homosexuel et qu’il avait été exécuté pour cette raison – en plus du fait
qu’il était un opposant à Franco. Le Romancero
Gitano est donc un recueil de poèmes consacré à un peuple marginal par un
poète marginal, et cela m’a fortement impressionné. Elle nous a même fait
écouter une version audio (en 30 cm) des poèmes dits par une tragédienne
espagnole dont j’ai oublié le nom. Et elle a proposé à ceux qui le voulaient
d’en apprendre des extraits et de les dire — c’était une sorte de « extra
credit », qui nous permettait de bonifier nos notes. La force de ces
poèmes était telle que je me suis acheté tout le Romancero, et que je l’ai lu avec une certaine difficulté (mon
espagnol n’était pas tout à fait suffisant) à l’âge de quatorze ans. Je l’ai
relu plus tard, dans une version bilingue. Quel souffle !
Trois hommes dans un
bateau par Jerome K Jerome
Au lycée de Pithiviers (France), dans plusieurs classes, j’ai
eu un professeur d’anglais nommé Jacques Raunet. C’était – et c’est toujours,
sûrement – un homme très fin, plein d’humour, passionné d’art religieux :
il parcourait la France, visitait et photographiait toutes les églises
possibles et imaginables et il est encore un membre actif d’une association de sauvegarde du patrimoine dans le Loiret, département où il a passé la plus grande partie de sa carrière, je crois. A l'époque où j'étais un de ses élèves, Il habitait dans un appartement de fonction qui se trouvait
juste derrière le lycée, avec sa sœur et son perroquet, un animal
extraordinaire qu’il appelait Berlitz parce qu’il parlait (et jurait en) plusieurs
langues.
Comme mon père voulait absolument que mon frère et moi
parlions anglais couramment, il nous envoyait chaque été passer un mois à
Londres en séjour familial et linguistique. J’en profitais pour acheter des comic-books et les versions originales
des romans que j’avais lus en français (ceux d’Agatha Christie et d’H. G. Wells
faisaient partie du lot). Au bout de quelques années, mon niveau d’anglais
était très supérieur à celui de mes camarades qui n’avaient pas eu la même
chance, et les cours avec Monsieur Raunet étaient une partie de plaisir.
Jacques Raunet faisait beaucoup de jeux de mots et de blagues à double sens. Il pratiquait la dérision comme aucun autre prof autour de nous, car même s'il prenait son travail très à coeur, il ne se prenait jamais au sérieux - et il ne nous laissait pas nous prendre au sérieux. Un
jour, il m’a conseillé de lire Trois
hommes dans un bateau qui a été pour moi la découverte d’un humour absurde
et réjouissant. Le premier chapitre de Three
Men… raconte comment le narrateur, après avoir lu tous les livres de
médecine de la British Library, va
voir son médecin en lui annonçant qu’il souffre de toutes les maladies
décrites, sauf – et il ne comprend pas pourquoi – de l’arthrose de la femme de
chambre… C’est un chapitre pour moi hilarant et prémonitoire, car quand on
devient étudiant en médecine on se trouve souvent les symptômes des maladies
dont on est censé apprendre la description…
L’écume des jours par
Boris Vian
En 1969-70, j’ai eu une professeure de français nommée (si je me souviens bien) Madame Lapeyre qui n’a passé qu’un an à Pithiviers.
C’était une jeune prof, très ouverte et très franche avec les lycéens. Et –
comme tous les garçons de la classe, et peut-être certaines filles – j’étais
complètement fasciné par elle, sans doute parce qu’elle incarnait mes aspirations en matière de liberté de pensée et de parole et, il faut bien le dire, mes fantasmes amoureux d’adolescent
tourmenté. Elle nous a donné à lire Boris Vian, qu’on commençait à redécouvrir
et à enseigner après un long purgatoire. Avant 1968, il n’était pas considéré
comme un auteur « classique » (ni même « convenable ») et
n’avait donc pas droit de cité au lycée. Elle nous l’a « vendu » sans
difficulté en nous disant qu’il s’agissait d’une histoire d’amour dans un monde
fantastique. Mais je pense qu’on aurait peut être eu du mal à le lire s’il nous
avait été proposé par quelqu’un d’autre.
Alors qu’enfant je lisais religieusement ce que les
enseignants nous indiquaient, à l’adolescence j’ai commencé à être plus rétif.
Je lisais essentiellement de la SF, des romans d’énigme et des romans d’aventures
pour adolescents (Bob Morane, Nick Jordan) et les classiques qu’on nous
imposait au lycée me cassaient les pieds. J’ai essayé de lire Le rouge et le noir de Stendhal (qui
était une lecture obligée à l’époque) et ça m’a profondément ennuyé. La plupart
des romans qu’on nous faisait lire dans les dernières classes de lycée étaient
(à mes yeux) soporifiques. L’écume des
jours, c’était une bouffée d’air frais.
C’est à cette époque que les éditions 10/18 se sont mis à
rééditer toute l’œuvre de Vian. Mick, mon jeune frère, qui aimait Vian encore plus
que moi, les achetait tous et il y a encore une étagère couverte de tous les
titres qu’il avait achetés en poche dans la chambre qu’il occupait dans la
maison familiale.
L’éducation sentimentale par Gustave Flaubert
Fondation par
Isaac Asimov
Cristal qui songe par
Theodore Sturgeon
Niourk par Stéfan
Wul
L’année suivante, j’ai fait une rencontre déterminante une
nouvelle fois, en la personne de Raphaël Monticelli, mon prof de français de
classe de première. J’avais seize ans. Monticelli devait en avoir vingt-deux ou
vingt-trois, mais il avait une grande barbe noire, il parlait avec un accent
méridional et il avait une personnalité très forte : il ne se laissait pas
impressionner par les élèves, il savait être juste assez ironique pour désarmer
les plus agressifs, et il avait beaucoup de respect pour tout le monde. Monticelli
est probablement l’une des personnes qui ont le plus compté pour moi pendant ma
vie, et nous sommes restés en relation jusqu’à aujourd’hui. Il a été le premier
à reconnaître que j’écrivais (je ne me suis pas privé de le lui laisser
entendre) « Ah, vous écrivez, Zaffran… Et... On peut lire ce que vous écrivez ? » Juste la question qu'il fallait me poser !
Il m’a lu, encouragé, critiqué aussi, sans complaisance mais surtout sans jamais m’humilier, alors qu’il était fréquent, à l’époque, qu’on me dise que de toute manière, je ne serais jamais Flaubert ou Proust, alors c’était pas la peine de me fatiguer. Monticelli, lui, m’a encouragé à travailler, et ne m’a jamais asséné des « grands modèles » qui auraient eu surtout pour effet de casser mon élan.
Il m’a lu, encouragé, critiqué aussi, sans complaisance mais surtout sans jamais m’humilier, alors qu’il était fréquent, à l’époque, qu’on me dise que de toute manière, je ne serais jamais Flaubert ou Proust, alors c’était pas la peine de me fatiguer. Monticelli, lui, m’a encouragé à travailler, et ne m’a jamais asséné des « grands modèles » qui auraient eu surtout pour effet de casser mon élan.
Il était très rigoureux dans sa manière de corriger et de
noter. À ma première dissertation, j’ai eu 4/20. Et il m’a expliqué très
patiemment pourquoi. Progressivement, mes notes ont grimpé et à la fin de
l’année, j’ai eu 16/20, ce qui était une note exceptionnelle pour une
dissertation qui portait sur un passage de L’Éducation
sentimentale. Même s’il m’avait mis une très bonne note (et j’avais ramé
toute l’année pour ça) il m’a tout de même fait remarquer que j’étais passé à
côté de l’ironie de Flaubert, particulièrement marquée dans le passage à
étudier. A mes yeux, c’est le modèle de l’enseignant : empathique avec les
élèves, capables de leur faire aimer ce qu’il leur fait lire en le leur faisant
connaître. Un livre, c’est comme une cathédrale. Si on n’a pas les outils qu’il
faut pour l’apprécier, il faut que quelqu’un nous la fasse visiter en nous
donnant un aperçu de ce qu’il y a à voir, et en nous donnant le désir d’en
découvrir plus. Monticelli savait très bien faire ça, et ça m’a été d’un grand
secours.
Il ne s’est pas seulement intéressé à ce que j’écrivais mais
aussi à ce que je lisais. Quand je lui ai dit que je lisais de la
Science-Fiction, il m’a demandé de lui recommander des titres. Il a lu et aimé Fondation d’Isaac Asimov, en me disant
que ça le faisait beaucoup penser à sa philosophie politique (« — C’est
quoi votre philosophie politique, M’sieur ? – Le
marxisme-léninisme. ») ; en revanche, il n’a pas du tout aimé Cristal qui songe (The Dreaming Jewels) de Theodore Sturgeon, qui m’avait beaucoup
marqué parce que le personnage principal est un garçon solitaire, comme je
l’étais.
Après avoir lu Asimov et Sturgeon, il m’a parlé d’un roman
de SF qu’il avait lu adolescent, intitulé Niourk.
Ça se passe dans un monde post-apocalyptique et un peu comme à la fin de La planète des singes de Franklin
Schaffner, on comprend que Niourk, la ville-titre, s’appelait autrefois… New
York.
J’ai revu régulièrement Raphaël pendant mes années d’études.
Il était originaire de Nice et il a été nommé dans un lycée là-bas quand il a
eu suffisamment d’ancienneté. Il était membre du Parti communiste français, qui
était important et influent à l’époque, et c’était un militant très actif dans
le milieu artistique (il exposait ou faisait exposer des peintres
contemporains). Une de mes tantes habitait à Nice, alors chaque fois que
j’avais l’occasion, je descendais là-bas sous le prétexte de la voir, je
dormais chez elle, et j’allais passer la journée avec Raphaël. J’ai ainsi
assisté à un meeting du premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, au grand
dam de mon oncle, qui avait terriblement peur des communistes. c’était l’époque
de l’Union de la Gauche, quand Communistes et Socialistes avaient rédigé un
programme commun de gouvernement en vue des élections présidentielles de 1974
puis de 1981. Je me souviens avoir eu de longues conversations avec Raphaël
sans jamais avoir eu le sentiment qu’il cherchait à m’embrigader ou à me
convaincre de quoi que ce soit – et c’est un sentiment remarquable, quand on a
à peine vingt ans, d’être face à un adulte à mes yeux « installé »
(il était prof, marié et père d’un petit garçon) qui me traitait en égal, sans
jamais me prendre de haut ou chercher à me faire la leçon. J’étais sûrement un
adolescent difficile (je parlais tout le temps, j’avais des questions et des
opinions sur tout) et il a été d’une tolérance impressionnante, quand j’y
repense.
Pour l’apprenti écrivant que j’étais, il a eu
une importance cruciale ; le fait que nous soyons toujours amis quarante-cinq ans après qu'il a été mon prof en dit long sur les qualités de cet homme et des relations qu’il a
établies avec ses élèves.
Twelfth Night par
William Shakespeare
Juste après la classe de première, je suis allé une dernière
fois passer quelques semaines en Angleterre. Cette fois, mon père m’a envoyé
dans un collège d’Oxford. Nous suivions (en principe) des cours le matin, et
nous avions des activités culturelles (visites de musée, représentations
théâtrales) l’après-midi et le soir. Je me suis lié d’amitié avec une jeune Italienne,
qui avait cinq ou six ans de plus que moi, et faisait ses études de médecine. Elle
s’appelait Flavia. Évidemment, j’avais le béguin pour elle. Comme son anglais
n’était pas aussi bon que le mien, quand on était en cours (on avait un
professeur qui s’appelait… Mr Bond !) je lui faisais la traduction
(elle parlait très bien français). Très vite, on n’est plus allés en cours, on
préférait aller se balader et bavarder, aller au cinéma ou flâner dans Oxford.
C’est resté platonique (« Tu es un tout petit peu trop jeune pour
moi », m’a-t-elle avoué avec un soupir) mais c’est un des plus beaux souvenirs
de ma vie. L’une des pièces qu’on est allés voir était Twelfth Night. Je me la rappelle avec émotion parce que nous avons
passé toute la pièce épaule contre épaule : je lui chuchotais à l’oreille,
en français, les répliques que je comprenais. C’est probablement pour ça que je
me souviens (entre autres) de la première réplique de Twelfth Night : If music
be the food of love, play on !
Flavia, c’est un peu ma Mme Arnoux : elle était
fiancée (elle est d’ailleurs toujours mariée à son fiancé d’alors) et impossible
à atteindre, et j’ai amorcé mon éducation sentimentale avec elle. Mais nous
sommes restés amis jusqu’à ce jour : j’ai eu l’occasion de la revoir à
plusieurs reprises au cours des décennies écoulées, de rencontrer son mari, ses
enfants, et même d’aller souper chez eux lors d’un passage à Rome à la sortie
d’un de mes livres en langue italienne. Ciao, Cara Flavia !
The Odyssey par
Homère
Ulysses par James
Joyce
The Annotated Sherlock
Holmes par Arthur Conan Doyle
L’été qui a suivi la fin de ma secondaire, je suis parti aux
États-Unis. J’ai été accueilli pendant une année à Bloomington (Minnesota) par
une famille américaine, les Stainer, et j’ai fréquenté la twelfth grade à l’école secondaire voisine, Lincoln High School.
Là-bas, bien sûr, j’ai beaucoup lu. En particulier des comic-books, dont j’étais déjà un grand consommateur depuis mon
premier été en Angleterre. Betty Stainer était enseignante et, à Lincoln, elle donnait
le cours de Humanities. C’était un cours d’anglais avancé, qu’elle donnait
toute l’année durant, et où elle nous faisait lire et commenter tout ou partie
de grandes œuvres de la littérature occidentale – depuis L’Odyssée jusqu’à Lord of the
flies, en passant par Don Quichotte, Tristram
Shandy, Les souffrances du Jeune Werther et La peste. Quand elle a appris que mon père était allé à l’école et
avait joué au foot, adolescent, avec Albert Camus, elle m’a suggéré de demander
à mon père d’écrire un texte évoquant cette époque. Lui qui n’écrivait pas
beaucoup s’est exécuté de bonne grâce. Ma mère a dactylographié le texte qu’il
avait tracé sur des feuilles d’ordonnance de son écriture presque illisible, et
moi je l’ai traduit en anglais et je l’ai lu à mes camarades.
Parmi les autres élèves de Betty, cette année-là, il y avait
son fils Chuck, qui avait mon âge, et deux autres adolescents qui ont été deux
de mes « best buddies » cette année-là : Jim Langseth et John
Sheldon. Quand je suis rentré en France, Jim et John m’ont envoyé les œuvres
complètes de James Joyce en trois volumes. J’ai lu Ulysses par petites gorgées, religieusement, en anglais. Ça a été
une expérience à la fois linguistique et poétique importante et aussi une
illumination narrative puisque pour la première fois, je découvrais qu’un
écrivain pouvait parler de ses préoccupations et de son époque en reprenant la
trame d’un récit très ancien. En 2003, quand j’ai entrepris de consacrer un
roman à mes études de médecine, je n’ai pu le faire qu’en ayant l’idée d’écrire
un « remake » des Trois
Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Je n’aurais jamais osé si je n’avais pas
su très tôt que Joyce s’était déjà permis la même audace.
Trois ans après mon année en Amérique, je suis retourné à
Bloomington. Jim m’a offert un coffret fabuleux : The Annotated Sherlock Holmes, l’intégrale du « canon »
holmesien annotée par un des plus célèbres sherlockian
scholars du vingtième siècle, William S. Baring-Gould.
La Vie mode d’emploi,
par Georges Perec
En 1978, j’avais vingt-trois ans, j’étais étudiant en
médecine, plutôt fauché, et comme toujours depuis mon enfance, je rôdais dans
les librairies. J’ai toujours choisi les livres de la même manière : je
les prends, je les feuillette, j’en butine des passages, et si le livre me
« parle », je le lis. Cette année-là, à l’automne, je tombe sur un
énorme volume de six cents pages écrit par un auteur dont je n’ai jamais
entendu parler. C’est un romans (le
mot est écrit au pluriel sur la couverture) incroyable : il contient le
plan d’un immeuble, un index, une liste des histoires contenues à l’intérieur.
Mais surtout l’épigraphe me fait rire : « Regarde, de tous tes yeux,
regarde ! » car elle est tirée de Michel
Strogoff, dont le personnage principal est aveugle pendant la moitié du
livre. Et les remerciements, à la fin, me ravissent : parmi tous les
auteurs dont Perec dit s’être inspiré figure Theodore Sturgeon, dont j’étais persuadé
que personne d’autre que moi en France (ou presque) ne l’avait jamais lu. Cette
rencontre avec Perec ne m’est pas suggérée par un enseignant, mais elle est
tout de même la suite logique de mes rencontres et de mes lectures antérieures.
Et elle me vaudra d’autres rencontres marquantes.
W ou le souvenir
d’enfance par Georges Perec
Espèces d’espaces par
Georges Perec
et
Tous les livres de Philippe Lejeune
Quand Georges Perec est mort, en 1982, j’avais déjà écumé
toutes les librairies à la recherche de ses ouvrages précédents et j’avais été
très touché par Espèces d’espaces,
une sorte d’exploration « topographique » de la vie, et par W, extraordinaire texte mêlant
autobiographie et fiction. J’ai été un des premiers adhérents de l’Association
Georges Perec et j’ai collaboré activement, pendant plusieurs années, à la
publication de son bulletin papier.
L’association organisait des colloques
autour de l’œuvre de GP et je m’inscris un jour à une conférence au cours de
laquelle Philippe Lejeune, spécialiste français de l’autobiographie, se penche
sur W. J’ai tout de suite été très
impressionné par sa sensibilité, son intelligence, sa délicatesse. Quelque
temps après, il a publié un appel à témoignages pour un livre consacré aux journaux
personnels, et j’ai eu l'honneur de faire partie des « diaristes » dont les
expériences constituent le corpus du livre.
Entretemps, j’avais lu plusieurs
ouvrages de P.L. en particulier Le pacte
autobiographique, et j’a lu par la suite tous les autres. Il est en France l'écrivain et l'universitaire qui a le plus activement défendu les écritures intimes, surtout celles des écrivants non publiés. Il a cofondé l’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique, qui se charge, entre autres, de recueillir et de conserver, de leur vivant, des
textes d’écrivants non publiés pour les mettre à l’abri et les ouvrir à la
consultation de chercheurs à une date fixée par chaque auteur. La lecture de
ces livres et mes conversations avec lui ont été très stimulantes à l’époque où
j’étais encore un écrivant non publié. Ses réactions à la lecture de mon
premier roman, La Vacation, ont été
très précieuses. C'est le meilleur écrivain-enseignant que je connaisse : ses livres sont fraternels, généreux, limpides et on sort de leur lecture constamment éclairé et ravi.
Les Journaux
d’Anne Frank
C’est Philippe Lejeune qui me l’a fait lire, après que je
l’ai entendu parler d’une édition « intégrale », commentée et annotée
des trois versions du Journal, au
milieu des années 90. J’ai découvert que non seulement c’est grâce au père
d’Anne qu’on connaît l’existence de son journal, mais aussi qu’il y en a eu au
moins trois versions : le texte originel, la version révisée par Anne
elle-même en vue d’une publication et la première version éditée, constituée de
morceaux choisis et dans laquelle les personnages ont des pseudonymes. Cette
édition des trois versions est un texte littéraire et historique passionnant.
Toute l’œuvre de Daniel Zimmermann et Claude Pujade-Renaud
et en particulier :
Les morts du lundi,
L’Anus du Monde, L’ultime maîtresse Par Daniel Zimmermann
La ventriloque,
Belle-Mère, Un si joli petit livre Par Claude Pujade-Renaud
Pendant ma conférence, j’ai sciemment omis de parler de deux « profs »
très importants pour moi, car ça m’aurait pris toute l’heure... J’ai rencontré
Claude et Daniel en envoyant une nouvelle à leur revue, Nouvelles Nouvelles, au milieu des années 80. Ils m’ont donné
des conseils pour l’améliorer, et l’ont accueillie dans leur numéro 8 au
milieu de textes de nouvellistes chevronnés. C’était mon premier texte de
littérature publié. Après ça, je n’ai pas cessé de les poursuivre, d’aller les
voir, de leur écrire, et de lire tout ce qu’ils ont écrit, chacun de leur côté
et ensemble.
Daniel a disparu en 2000 mais leur
écriture m’a nourri et me nourrit encore. Les livres que je cite ci-dessus ne
sont que quelques-uns parmi leur production, très importante. Ils sont
parfaitement à leur place dans ce texte car ils ont tous les deux été
enseignants, et leur attitude à mon égard a été très semblable, à vingt ans
d’écart, à celle de Raphaël Monticelli. Ils ont été mes mentors et mes
« parents-en-écriture » et je leur dois énormément. Et tous deux sont
de sacrément bons écrivains. Je suis heureux d’avoir pu leur faire partager le
succès de La Maladie de Sachs et je sais qu'ils en ont été très fiers.
fils par Serge
Doubrovsky
C’est Philippe Lejeune qui m’a fait lire Doubrovsky, premier
auteur français à avoir utilisé le terme d’« autofiction », en
couverture de ce livre. Je l’ai lu avec délices et incrédulité pendant que
j’écrivais mon premier roman. C’est un texte d’une immense liberté, très
ludique, très inventif, qui m’a beaucoup libéré. Grasset a publié récemment
l’intégrale du texte source de ce livre, intitulé Le Monstre, qui compte près de mille pages. Doubrovsky est un
écrivain peu connu mais dont le travail expérimental est à la fois un des plus
audacieux et un des plus accessibles qui soient.
Secrets de famille
mode d’emploi
et Tintin et le secret
d’Hergé par Serge Tisseron
Un jour que je me trouvais à un salon du livre avec Philippe
Lejeune (nous allions y parler de pratique du journal intime) j’ai rencontré
Serge Tisseron et nous avons parlé de secrets de famille. J’ai lu tous ses
livres par la suite (il en a écrit beaucoup aussi). C’est un psychanalyste non
dogmatique, très ouvert sur les nouvelles technologies, et qui s’intéresse
aussi bien au cinéma qu’aux jeux vidéo. Il a clos sa formation de psychiatre et
commencé sa carrière d’écrivain en publiant une thèse consacrée au secret de
famille d’Hergé, secret dont il a postulé l’existence et deviné la nature en lisant Tintin. Ses hypothèses ont été
confirmées par les informations révélées dans deux biographies d’Hergé publiées
quelques années plus tard — informations auxquelles, bien sûr, il n’avait pas
eu accès. Son travail sur le secret et ses manifestations dans les œuvres de
création est remarquable et passionnant.
L’œuvre ronde par
Marc Lapprand
et La République de
Mek-Ouyes par Jacques Jouet
En 2001, j’ai commencé à publier Légendes, récit autobiographique couvrant mes dix-huit premières
années de vie, en ligne sur le site de P.O.L. Les internautes qui
s’inscrivaient sur le site recevaient gratuitement un chapitre par jour (trois
le vendredi). La publication en feuilleton n’était pas tout à fait
nouvelle : juste avant moi, P.O.L avait publié un roman intitulé La République de Mek-Ouyes de Jacques
Jouet. Mais alors que le livre de
Jouet était terminé avant sa mise en feuilleton, j’écrivais Légendes au fur et à mesure de la
publication (P.O.L recevait les chapitres une semaine avant leur mise en
ligne).
Au cours de la publication, j’ai reçu un message d’un
professeur du département de lettres françaises à l’université de Victoria
(B.C.). Il m’expliquait qu’il avait presque le même nom que moi (Marc
Lapprand), que nous avions presque le même âge (à un mois près) et qu’il
découvrait dans Légendes que nous avions
beaucoup de lectures et d’influences communes. Il travaillait à l’édition des
œuvres complètes de Boris Vian (il a dirigé par la suite l’édition des romans
et nouvelles dans la Pléiade, parue en 2011). Nous sommes devenus amis, et
c’est lui qui m’a incité à lire (et m’a introduit) à l’œuvre de Jacques Jouet,
grâce à un livre épatant, L’œuvre ronde, qu’il
lui a consacré.
L’odeur du café par
Dany Laferrière
En 2013, j’ai fait la connaissance de Rachel B., qui "retournait aux études" comme on dit au Québec, après avoir –
entre autres – enseigné l’anglais en Pologne et en Corée. Je lui ai fait lire des pages que je venais d’écrire, sans savoir
alors qu’il s’agissait alors du début d’un roman (que je suis en train de
terminer en ce moment). Il s’intitule Abraham
et fils et le titre dit clairement de quoi il s’agit. Le narrateur est un
garçon de neuf ou dix ans et je n’étais pas à l’aise avec le
fait de faire parler un narrateur de cet âge.
L’un des auteurs que Rachel lisait à ce moment-là était Dany Laferrière, que je ne connaissais que de nom. Elle m’a conseillé vivement de
lire L’odeur du café, et elle a bien
fait. C’est un très beau livre, qui raconte les souvenirs, suspendus dans le
temps, d’un garçon de huit ou dix ans vivant en Haïti. La grand-mère du garçon
occupe une place centrale dans le livre, comme le père du narrateur dans le
mien. La lecture de ce beau livre m'a libéré de mes complexes et m'a aidé à terminer mon roman.
MZ/MW
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