Les
enfants du capitaine Grant, Jules Verne
Pour
l’aventure, l’histoire, dont je ne me souviens plus. Sauf que les deux enfants
se retrouvent dans une île. J’ai juste le souvenir de recherches géographiques,
de questionnements, de cartes et d’ailleurs.
Pour
l’objet : le livre me suit toujours.
Pour les
moments à me perdre dedans, parce que j’avais du temps, parce que je n’avais
pas d’autres livres
Surtout
parce qu’il me rappelle que le fait d’habiter une toute petite ville sans
bibliothèque (quand le collège était fermé), quand on n’a pas d’argent et tout
lu dans la maison, c’est vraiment une situation que je ne souhaite à aucun
enfant.
Je tannais
ma mère pour aller faire le marché avec elle et acheter UN livre chez le
bouquiniste, mais je l’avais fini en 2 jours. Et j’ai donc passé de longues
heures à me demander quoi lire, et à relire Les enfants du capitaine Grant.
Parce qu’il est gros, épais, qu’il y a des heures de lecture à prendre, dans
mon fauteuil, sous les arbres, dans les arbres, allongée dans l’herbe, ou
contre le mur au soleil, une poignée de cerises près de la main…
Il est
donc pour moi synonyme de cet ennui profond, de ce manque de culture et
d’ouverture du village.
Depuis mes
20 ans j’habite une grande ville, essentiellement pour avoir accès à des
bibliothèques, librairies et cinémas. Et ne plus me trouver dans cette
situation d’être obligée de relire un livre alors que je meurs d’envie de
nouveauté.
C’est donc
un livre fondateur de ma vie, de mon désir de ne pas être coincée de nouveau
dans cette situation.
Et en
partie des études que j’ai faites : je suis partie à la ville pour
l’Université d’Histoire Géographie.
Je dis en
partie parce que j’ai toujours eu connaissance de l’Histoire familiale liée à
l’immigration, et donc aux cartes et à la géographie.
Nadja,
d’André Breton
Un livre
qui m’a fait une telle impression qu’à peine terminé j’ai relu la 4ème
de couverture, à 2h du matin. J’ai posé le livre sur ma table de nuit, sous la
lampe de chevet au pied sculpté venant de Madagascar, et le lendemain en me
réveillant, sans même me lever, je l’ai repris au début. Incrédule. Avide de
retrouver les mêmes sensations. J’avais 15 ou 16ans.
Longtemps,
dans les moments de vacuité, pour me retrouver, pour me raccrocher à quelque
chose qui me semblait moi, j’ai récité des passages de ce livre. J’en connais
encore des lignes par cœur, qui sont comme une antienne, un mantra, un
antidote, un calmant. Il est toujours présent à mon esprit.
L’œuvre au
noir, de Marguerite Yourcenar
Je l’avais
emporté pour un camp d’ado itinérant en Italie. J’avais 17 ans. Je n’étais plus
enfant. J’ai rencontré une fille, une parisienne, nourrie à la culture et aux
musées alors que je l’étais aux bals de village et de lycée, à la fête et à la
chasse aux champignons. Elle venait de le lire et cela nous a rapprochées. Nos
échanges amicaux et épistolaires ont duré plus de 20 ans alors que nous ne
sommes revues que 2 fois. Elle toujours sur le mode littéraire classique malgré
son travail de secrétariat de direction, moi toujours sur le mode de la
littérature tripale. Quant au livre, je l’ai relu une fois par an pendant
plusieurs années. Toujours émerveillée de ce style et de cette érudition. J’ai
ensuite lu tout Marguerite Yourcenar, et je l’ai acheté en Pléiade. Comme un
bijou ou un talisman. Un vestige de ce classicisme littéraire et matériel, vu
de notre ère de l’électronique.
Il m’en
reste le désir d’aller voir là-bas ce qui se passe, de ne pas mourir sans avoir
fait le tour de ma prison. Je sais que je cherche à comprendre, à m’améliorer,
sur les pas de Zénon.
J’aime
toujours écrire des lettres à mes amis, même si elles sont plutôt
électroniques.
Et enfin,
je l’ai conseillé ce week end à un homme qui ne lit que des classiques et ne
connait pas Yourcenar.
Lyjazz
Recommencer un livre pour retrouver "les mêmes sensations.J'aime beaucoup votre façon de parler de cette vacuité et de trouver en un livre une âme sœur avec laquelle converser. Comme si il n'y avait que ce livre pour approcher au plus près sa propre quintessence.Il m'arrive encore de vivre ça, avec un film aussi. c'est magnifique et triste à la fois et cela me fait dire, dans mes moments les plus mélancoliques, que seule la fiction peut répondre à ce besoin absolu.
RépondreSupprimerJe comprends ce manque de livres, moi qui ne peux pas vivre sans en avoir tout autour de moi et qui passe parfois une nuit blanche à me délecter d'un gros roman...
RépondreSupprimerVotre texte dit bien que la lecture, si elle est essentiellement solitaire, peut aussi conduire à de beaux moments de partage... Danalyia.
J'adore la sincérité de ton post, ta façon d'expliquer l'ennui et ces 3 bouquins. Tu expliques clairement pourquoi ils t'ont marqué. Ça me fait vraiment réfléchir sur les livres qui ont marqué ma vie...
RépondreSupprimerLe livre comme un bijou, objet que l'on regarde et caresse.
RépondreSupprimerLes mots devenus prière vers soi-même.
Le souvenir des heures amères.
Tout cela en quelques grammes de papier.
Et aujourd'hui, une tablette numérique, comme des gélules en guise de repas ?
Ce texte décrit bien le bonheur de la lecture et la difficulté à s'épanouir dans un environnement sans livres - autant dire un désert !...
RépondreSupprimerOn pourrait faire un tour de sa vie à travers les bouquins qui nous ont marqué, oui. Pourquoi, comment, quels retentissements plus tard dans sa vie... Les livres qui ont permis des rencontres, qui ont entrainés des curiosités vers d'autres sujets ou d'autres écrivains...
RépondreSupprimerFaire attention aux synchronicités, aux moments qui reviennent, aux boucles qui se terminent.
Enfin, sans botter en touche, en étant sincère, c'est quand même une photographie de l'instant présent que l'on obtient. Quand on aime les livres, et vue d'un certain angle.
Merci pour vos commentaires.
Je connais assez bien Yourcenar pour avoir déjà suivi un cours d’une session sur son oeuvre en 2002.
RépondreSupprimerSi j’ai choisi de suivre ce cours, c’est à cause de L’Oeuvre au Noir. Il a été publié en 1968, mais je suis à peu près certain de ne pas l’avoir acheté à ce moment là. Je dois l’avoir emprunté à la bibliothèque au cours des années 70 ou 80. Chose certaine, je l’ai lu plusieurs fois. Je me rappelle avoir déjà dit que je le lisais à tous les cinq ans environ, motivé à chaque fois par un rappel quelconque de son existence.
Cette fois, c’est après avoir lu ton texte sur les livres de ton enfance que je suis allé chercher mon exemplaire et que j’ai entrepris de le relire.
Je devais être un peu nostalgique ce matin là, car un peu plus tôt, j’avais fait une recherche pour trouver des informations sur l’auteur du premier livre que j’ai eu dans ma vie : L’Or des Incas. Je l’avais gagné comme prix de fin d’année en troisième année du primaire. Je devais avoir 8 ans environ. Au cours de cette recherche, j’ai appris que son auteur, Jacques Seyr, était en fait un des pseudonymes utilisé par Henri Vernes, le créateur de Bob Morane. L’Or des Incas est un livre qui m’a énormément marqué et je crois qu’il est à l’origine de mon amour de l’Histoire. Il raconte la conquête de l’empire inca par les espagnols.
Dans le premier chapitre de L’Oeuvre au Noir. Zénon, le personnage principal, est en route pour Compostelle où il compte aller étudier l’alchimie auprès d’un vieux savant. En chemin, il rencontre Henri-Maximilien, son cousin, qui, lui, est en route pour s’engager dans l’armée de François 1er alors en lutte contre Charles Quint. Contrairement à Zénon, qui entend développer son esprit loin des inepties de ce monde, Henri-Maximilien veut connaître la gloire à travers la guerre. Zénon veut parcourir le monde, non pour le conquérir, mais pour l’étudier, car «Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ?» et il est persuadé que quelqu’un l’attend là-bas au-delà des Pyrénées. Qui, lui demanda Henri-Maximilien ? «Moi-même» lui répondit Zénon.
Je suis bien heureuse de lire que mon texte t'a remis en mémoire L'Oeuvre au noir...
RépondreSupprimerEt c'est tout à fait à ce passage-là que je pensais.
C'est un de mes préférés.
"Le monde est grand, dit gravement Zénon. Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le coeur humain à la mesure de toute la vie". Et de nouveau, ils se turent.
J'ai revu aujourd'hui l'homme a qui j'ai conseillé de lire Marguerite Yourcenar, et lui ai redis qu'elle allait lui plaire.
J'ai aussi pensé à elle en entendant à la radio parler de Gertrude Stein qui était une des premières femmes publiques de son époque à afficher son homosexualité. j'ai pensé de suite que Marguerite Yourcenar aussi.
j'ai L'oeuvre au noir par là, je n'avais jamais trouvé le moment; maintenant j'ai envie de m'y plonger... merci.
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