Je me souviens de l'odeur de la pâte à modeler. De « sa » tête, lorsqu'on nous en a offert tout un lot. De « ses » frissons à l'idée que ça allait se faufiler partout, que ça allait sentir toute la semaine. Je ne sais pas ce « qu'elle » avait contre cette odeur, j'adorais ça moi.
Je me souviens de cette maison à la campagne dans laquelle j'ai vécu jusqu'à l'age de 10 (ou était-ce 12 ?) ans. De cette maison avec un jardin immense (un champ en fait) et dont l'herbe était tondue par un homme présent tous les week-end dont j'ai oublié le nom et auquel « elle » a rarement été vue adresser la parole, mais qui semblait gentil pourtant. Je me souviens du saule pleureur qui se trouvait suffisamment près de la maison pour que je puisse y aller sans traverser tout le champ, mais suffisamment loin pour qu'« elle » soit obligée de se déplacer quand « elle » m'appelait. Je me souviens du portique ou nous faisions de la balançoire avec ma sœur, à deux sur la même parfois, et nous nous efforcions de sauter aussi loin que possible. Je me souviens du hamac ou je m'endormais des après midi entières avec une BD dans les mains.
Je me souviens de cette maison où en grandissant, les Legos et la balançoire ont lentement perdu leur intérêt, où j'étais confiné, incapable de voir des copains sans qu'on m'emmène à pétaouchnok en voiture, cette maison qui était longée par une nationale, seule et unique route traversant le patelin auquel elle était supposée appartenir. Cette maison où finalement la télé a commencée à prendre de l'importance, avec les rediffusions de Mission: Impossible et Star Trek, les dessins animées du Club Dorothée (qui se souvient de Fly ?) et les films du “Mardi c'est permis”.
Je me souviens que, terrorisée par son ombre, et refusant de jeter les allumettes éteintes dans la poubelle de peur de déclencher un incendie, « elle » les empilait dans un bol en céramique. Je me souviens que très vite, ma sœur a commencé à attendre patiemment que le bol soit rempli. Puis lorsqu'il débordait, elle le posait dans l'évier de la cuisine, craquait une allumette et mettait le feu à ce petit brasier de fortune. Puis, elle ouvrait le robinet et le regardait s'éteindre. Je me souviens de sa panique, à « elle », à chaque fois que ma sœur faisait cela, et de notre fascination face à ce feu de camp miniature.
Et finalement je me souviens d' « elle », cette femme, qui alors qu' « elle » habitait sous le même toit, n'était que trop absente, qui pleurait beaucoup, qui ne nous emmenait nulle part, et que je n'ai jamais entendue rire. Je me souviens de toutes ces tentatives échouées pour lui arracher un sourire sincère, un compliment, un mot d'amour. Je me souviens de cette femme qui très vite fut remplacée, tant bien que mal, par les Legos, la pâte à modeler, le saule pleureur, le bruit de la tondeuse à gazon, le champ, la balançoire, Le Mardi c'est Permis et Fly, et dont nous essayions désespérément d'attirer l'attention avec des signaux de fumées provenant d'un bol en céramique.
je ne sais comment exprimer mon émotion parce que je ne sais écrire, mais quelle émotion !
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