lundi 22 février 2010

Etiquette(s)

L'étiquette, c'est ce qu'on trouve sur un article. Elle donne son prix, parfois son nom, parfois sa composition. C'est aussi une définition, un jugement de valeur, en général à l'emporte-pièce. Et puis, c'est "ce qui se fait", par opposition à ce qui ne se fait pas, dans les milieux dotés de règles strictes.

Je déteste les étiquettes. Je les ressens comme une violence destinée à maintenir les individus en place, à les soumettre à une pensée qui n'est pas la leur - et à indiquer à d'autres ce qu'ils sont, sans donner ni aux uns, ni aux autres, la possibilité d'avoir une appréciation nuancée.

Au cours d'une conversation en ligne, une correspondante me parle de l'Ennéagramme, une typologie de la personnalité dérivée des oeuvres de l'ésotériste Gurdjieff.

Je consulte des sites parlant de l'Ennéagramme, et surtout des "types" de personnalité qui y sont décrits. Je vais même jusqu'à faire un test qui indique que je suis... un "type 2" (un altruiste, un soignant, voyez-vous ça !).

A première vue, c'est tentant, c'est rassurant de se voir ainsi "reconnu" dans ses caractéristiques. Et puis en y réfléchissant, ça devient gênant, aussi gênant que l'horoscope qu'une patiente fit un jour pour moi, ou le "thème astral" à mon nom que j'ai découvert un jour sur un site internet. Finalement, je trouve ça assez difficile à supporter...

Parce que je déteste les étiquettes. Qui ne peuvent en aucun cas définir, voire même résumer de loin la complexité de la vie humaine, de la personnalité, des actes et des pensées, des espoirs et des accomplissements.

Est-ce que je suis vraiment plus "altruiste" que "curieux" ou "esthète" ? Le test indique que j'ai beaucoup de points communs avec ces deux là (le caractère "altruiste" ne les coiffe au poteau que de peu).

Ce qu'on est, est-ce que ça se résume aux étiquettes qu'on met sous ma photo ou une notule biographique ou un CV ? Non, bien sûr.

On est juste obligé d'avancer avec des définitions approximatives, contextuelles :
"Mon bébé, l'aîné de mes garçons, mon fils étudiant en médecine, mon (ex-)mari, mon père, mon docteur quand je vivais à Joué L'Abbé, mon amant d'un temps, un de mes plus vieux amis, le prof qui m'a donné le cours d'éthique clinique l'an dernier, un des chercheurs du CREUM, le type qui m'a empêché de me jeter sous le métro, l'auteur de La maladie de Sachs/des bouquins sur les séries/du livre sur la contraception, un Français qui vient d'immigrer, le connard manichéen et démagogue qui nous a fait chier avec ses grandes déclarations sur les soi-disant violences que toutes la profession médicale ferait aux femmes, la grande gueule qui nous a pompé l'air quand il causait dans le poste sur France Inter et donnait des leçons à tout le pays. Un mec."

Mais j'ai fait mienne la revendication du Numéro 6, le personnage de The Prisoner : 

 I will not be pushed, filed, stamped, indexed, briefed, debriefed or numbered.  

Alors, si j'avais à me définir, je le ferais à chaque instant, comme ceci :

Il est 6h59, je suis réveillé depuis deux bonnes heures, j'ai The Swingle Singers dans mon casque (ils finissent leur interprétation de "Blackbird") j'ai envie d'un café mais la machine fait du bruit et je ne voulais pas réveiller tout le monde, j'ai un peu mal au dos et un fond de heartache, je pense à ma matinée au CREUM et aux trois ou quatre livres que j'écris en même temps, (Jane Monheit murmure "Blame it on my youth"), il a neigé hier mais il a fait beau et j'espère qu'il en sera de même aujourd'hui, je me demande ce que je vais lire dans le métro tout à l'heure, faut que je pense à aller chercher le paquet à la poste, j'espère que j'aurai un signe.


M.

17 commentaires:

  1. Qui ne se dit pas; Quine se dit pas...22 février 2010 à 07:19

    Je vous embrasse.

    Quine

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  2. Moi aussi, Happy Birthday Doctor Zaffran and Mister Winckler

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  3. Moi de même, je supporte mal tous ses tiroirs dans lesquels on nous enferme.
    Je ne fais JAMAIS les tests de personnalité, je ne lis jamais l'horoscope. Que de conneries tout ça...mon dieu, on est tellement plus que ça.
    A croire que ça en rassure certains sur ce qu'ils vont devenir, sur leur capacité. Ouais..moi aussi j'aime bien être rassurée, mais ça, ça ne me rassure pas du tout. Ca m'angoisse, au contraire.

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  4. C'est si vrai la souffrance des étiquettes, qu'un des éléments que je savoure le plus dans ma vie depuis un an - et qui fait que je risque d'avoir du mal à sortir de cette phase où je me sens si bien, hélas il faudra bien - est que je ne suis RIEN d'un point de vue professionnel. Et qu'après 20 ans et plus placée de ce point de vue là sous une double étiquette à la fois flatteuse et méprisée (ingénieure et employée de banque) dont ni l'une ni l'autre ne me correspondait, ça fait un bien fou.

    Ça n'empêche pas d'être étiquetée pour le reste de la vie sociale, le caractère qu'on a etc. mais c'est déjà ça !

    Je crois aussi qu'il y a danger du jour où l'étiquetage devient trop éloigné de la perception que la personne a et des efforts qu'elle fait. Que c'est ce qui peut en conduire certains au suicide (par exemple des gens ayant une grande conscience professionnelle) pour des mises en causes répétée de leur travail et du contenu de celui-ci (après une fusion d'entreprises par ex. ou pour satisfaire à certains modes de management par leur stress)

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  5. Je suis obligée de lire attentivement les étiquette des produits alimentaires que j'achète à cause d'un régime un peu contraignant.
    Je ne suis pas contre l'étiquette dans certains sports car elle permet à qui la respecte naturellement de ne pas trop pâtir de qui n'en voit pas l'utilité de prime abord.
    Mais alors, les étiquettes pour les êtres humains, je les refuse totalement aussi, car elles ont souvent un caractère péremptoire et définitif. J'aime bien cette idée d'une définition de chaque instant, qui ne fige pas la personne et laisse la porte ouverte au changement, à l'évolution...

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  6. "On a toujours des problèmes avec lui, normal, c'est un Scorpion, moi j'ai horreur des Scorpion, c'est le pire signe du zodiaque le Scorpion, de quel signe es-tu toi ?
    - Scorpion.
    - C'est pas vrai (petite voix), mais attention, quel ascendant ?
    - Ascendant Scorpion, je crois.
    - Mais ça s'annule ! Scorpion ascendant Scorpion, ça s'annule !"

    Cuisine et Dépendances - 1993

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  7. Bon et heureux anniversaire, Mar(c)tin !
    C'est toujours un réel plaisir de vous lire !
    Amitiés.
    Maddy

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  8. Je fais un parallèle entre l'étiquette que nous avons dans chacune de nos activités et la photo qui nous fige à un moment.
    Si la photo est mauvaise, c'est à dire si le photographe n'a pas d'amour, le sujet ne sera pas pris dans son entièreté, dans son humaine condition.
    De même, les éléments de la vie sociale nous figent : le mariage pour moi devrait couronner des années de vie commune, et pas augurer des prochaines....
    Une description d'un moment précis peut aussi donner à voir davantage que l'aspect figé d'une étiquette, ou la compléter.

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  9. J'aime bien votre dernier paragraphe. Ca me fait penser a Amelie Poulain.
    Joyeux anniversaire !!

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  10. Bonjour,
    Les étiquettes ne correspondent pas toujours à ce qu'il y a dans la boite, mais on ne s'y laisse pas prendre deux fois (exemple le camembert).Ceux qui nous connaissent ne s'arrêtent pas à l'étiquette...et ceux qui s'y arrêtent ne méritent pas de nous connaître... Je sais j'exagère, c'est simplement pour relativiser, sans esprit polémique. Les étiquettes ne sont pas nécessaires. Celles qu'on me colle me font souvent sourire, elles me grattent parfois et la plupart se décollent toutes seules!

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  11. et si ce n'était pas tellement les étiquettes que l'usage qui en est fait, le problème?
    qualifier les gens, ordonner les personnes selon diverses classifications (les gens aimés, les gens qu'on aimerait mieux connaitre, les chanteurs, les poissonniers, les qu'on trouve beaux, ...) est un acte permanent de la pensée humaine, non?
    il peut m'amuser de faire des tests de personnalité (numéro 7 épicurien(ne), nickel, je prends... avec numéro 2 à 2%, histoire de me sentir de connivence avec vous!), idem pour l'horoscope, mais je pense que ces deux choses sont différentes, encore une fois en raison de l'utilisation qui peut en être faite (inclusion ou exclusion d'un groupe suite à un test de personalité, plus grave que choix de la grille de loto en fonction de la position des astres).
    L'ennéagramme m'a semblé être une part d'un système à but lucratif, étrange.

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  12. Merci à la personne qui a rappelé le dialogue sur le signe du scorpion dans "Cuisine et dépendances", c'est savoureux!
    C'est à peu près ce que disait ma mère : "Toi, tu es du signe de la Vierge, on ne peut s'entendre, moi je suis des Gémeaux, comme Johnny"..tout un programme ces signes astrologiques.

    @Lyjazz ; j'aime beaucoup votre comparaison avec la photo, oui, c'est vraiment ça.

    @gilda : ingénieure et employée de banque, tiens tiens, ça ressemble un peu à mon parcours...enfin le côté scientifique et la banque. Je suis étiquettée par l'endroit où je travaille, alors que c'est juste alimentaire, m'enfin, j'évite de dire ce que je fais aux gens qui ne le savent pas déjà maintenant. Comme j'aimerais, comme vous, n'ëtre RIEN socialement, mais j'ai mes fils à nourrir (et même plus que ça!), plus de mari, pas d'héritage, alors faut aller au turbin! Et que c'est dur mon dieu, que c'est dur. Que c'est dur de perdre sa vie à la gagner, comme disait l'autre.

    @Martin : je me suis reconnue dans ce que vous écrivez "à 6h59, je suis réveillé depuis deux bonnes heures (...) j'ai envie d'un café mais la machine fait du bruit (...) faut que je pense à aller chercher le paquet à la poste, j'espère que j'aurai un signe". A part que je ne parle jamais du temps qu'il fait dans ce que j'écris maintenant, c'est ça, voila, je n'écris plus que ça.
    Ah si, je parle du temps quand il pleut ici, dans le Poitou où je suis exilée (pour le boulot en plus, pff, allez c'est la vie). Car les gens me font rire ici, dés qu'il pleut, ils ne sortnet plus. Même mes garçons ça les fait rire aussi. Là d'où on vient, si on avait du sortir que lorsqu'il fait beau, il y a des semaines où on n'aurait pas mis le nez dehors.

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  13. C'est votre anniversaire? Alors bon et heureux anniv' sous la neige (ici il fait un peu plus doux enfin...) et continuez à écrire, surtout ne vous arrêtez pas!
    Véronique, alias Doc Véro

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  14. Avec un peu de retard : bon anniversaire ! Cela dit, il manquait donc une étiquette : l'homme de ... ans ! Le Machin-génaire...

    En vous lisant, je me posais la question de la limite des étiquettes, et aussi de leur ambivalence. Beaucoup de gens en voient beaucoup. A trop les multiplier, elles nous ont étouffés, et certains ont tendance à en voir partout, à n'en plus supporter aucune, à développer une allergie de contact...
    Mon aîné est autiste. On me reproche parfois son diagnostic, que certains disent être une étiquette, justement. Pourtant, l'autisme a des marqueurs biologiques, il me semblait qu'on était au-delà de l'étiquette... Oui et non. Avec certaines personnes, celles qui savent prendre les gens comme ils sont, alors il n'y a rien à dire, étiquette inutile, voire insultante ; mais avec d'autres personnes, celles qui ont besoin de repères, de petites cases, pour s'extraire du chaos et appréhender les autres de manière cohérente et bienveillante, alors son étiquette devient un bouclier, ce qui fait qu'on le laissera être ce qu'il est comme il est...
    Alors disons que l'idéal, c'est peut-être l'étiquette repositionnable, le "post-it", qu'on colle-décolle selon les besoins, qui est à soi et qu'on garde dans ses poches en cas de nécessité, et qu'on oublie le reste du temps...

    Et oops, encore une petite chose : il ne peut pas y avoir de soi-disant violences, en revanche, de prétendues violences...

    signé : une pinailleuse... damned ! une étiquette !

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  15. L'étiquette du camembert c'est important pour savoir s'il est bien AOC au lait cru ou pas. Sinon je me souviens vaguement d'un cours d'histoire où j'ai appris que le prix fixe dans les magasins n'existait pas avant... telle époque (au 19e siècle il me semble). Avant, on marchandait tout... donc pas d'étiquette !

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