mercredi 15 septembre 2010

Retour de vacances, 4 - par Martine B.


Tout a une fin, même les vacances les plus réussies, se dit Steph en posant sa valise dans l’entrée. Il lui fallait maintenant retrouver le rythme infernal de la vie parisienne et attendre de longs mois avant de retourner dans son ile paradisiaque. Heureusement elle avait encore tout un week-end devant elle et comptait bien en profiter. Pour commencer, elle décida d’inviter  Léa, sa voisine et unique amie, à prendre un verre avec elle, elle avait tant à lui raconter !

En s’approchant du téléphone, Steph eut une sensation bizarre, assez désagréable, sans parvenir à en identifier la cause. Ce n’est que lorsqu’elle reposa le combiné que cela lui sauta aux yeux : ses magazines 100 idées, soigneusement classés sur une étagère de la bibliothèque par ordre chronologique avaient été dérangés! Qui avait pu oser ? Pas Léa, tout de même ! Si elle se moquait  des nombreuses collections  de son amie, elle n’avait cure en revanche de son sens quasi-obsessionnel de l’ordre. Et puis 100 idées, ce n’était pas du tout son genre, à Léa… Bon, il fallait qu’elle en ait le cœur net, elle lui en toucherait deux mots tout à l’heure. En attendant, autant évacuer le problème en s’occupant de son apéritif. Dans la cuisine, elle jeta par automatisme un coup d’œil  à la pendule. Encore dix minutes avant l’arrivée de Léa, juste le temps de préparer quelques toasts.

  Encore dix minutes ? Mais elle s’était contentée de laisser les piles sur la table quand la pendule s’était arrêtée, se disant qu’elle verrait cela à son retour. Alors ça, c’était fort de café ! Alors qu’elle faisait un rapide tour d’inspection dans l’appartement, un épisode de Castle lui revint à l’esprit, dans lequel de braves gens trouvent un cadavre chez eux à leur retour de vacances…

Elle fonça chez Léa, dont l’air  gêné la trahit avant même qu’elle n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche.

-  Bon, j’attends des explications…
- Euh, Steph, ne t’énerve pas, je t’assure que ce n’est pas ce que tu crois.
- Ne t’occupe pas de ce que je crois, je t’en prie. Alors ?
- Eh bien, j’ai reçu la visite de quelqu’un, et…
- Quelqu’un ? Et tu crois que ça va me suffire comme explication ? Je peux savoir de qui il s’agit ? Papa Ours ? Maman Ours ? Ou un de tes amants ? Je t’ai déjà dit que je ne voulais en aucun cas être mêlée à tes histoires, j‘ai trop d’estime pour ton mec pour lui mentir  et te servir de couverture. 
- Non, Steph, vraiment, écoute…
- Tu veux que je te dise ? Je n’ai aucune envie de t’écouter ce soir, je suis claquée, alors si ça ne t’ennuie pas je vais rentrer me coucher, on se verra plus tard. Bonne nuit !

Un fois dans son appartement, Steph se mit à ranger ses magazines pour se calmer les nerfs. Elle se promit de ne plus jamais laisser ses clés à Léa, et de trouver une personne de confiance. Oui, mais qui ?  Elle était fille unique, et c’est avec Léa qu’elle avait traversé les épreuves de la maladie, puis du décès de sa mère. C’est grâce à Léa qu’elle supportait de vivre seule à Paris, loin de sa grand-mère et de ses cousins. Bon, demain, elle irait s’excuser à la première heure, pour le moment, un peu d’ordre !

De l’un des magazines qu’elle remettait en place s’échappa une lettre.

Chère Stéphanie,
Ce petit mot va te surprendre, et je te prie de bien vouloir m’en excuser. De passage en France, je n’ai pu résister à l’envie qui me ronge depuis des années. Malheureusement tu n’étais pas là mais j’ai beaucoup parlé avec ta charmante voisine. C’est elle qui m’a permis de passer quelques instants ici pour que je m’imprègne de ton environnement. Elle m’a prévenu que tu ne souhaitais pas me connaître, mais je ne peux plus  me résoudre à me taire.
 Je place ce petit mot dans un de ces magazines (ils appartenaient à ta mère, n’est-ce pas ?) en espérant que tu as hérité de ma manie du rangement qui tient à l’obsession parait-il, c’est du moins  ce que me disent mes fils. Ils aimeraient beaucoup faire la connaissance de leur grande sœur française. Nous habitons à New York. Si tu le souhaites, nous t’y accueillerons avec plaisir. Je  t’expliquerai ce que ta maman n’a jamais  pu te dire, et j’espère que tu comprendras à défaut de nous pardonner. En attendant je laisse faire le destin.  J’ai laissé mes coordonnées à Léa. Quoi que tu décides, ne lui en veux pas de m’avoir écouté.
John, ton père qui t’attend depuis trop longtemps.