samedi 3 avril 2010
Le temps d'écrire (Ficelles et chapeaux-claque, 3)
Comment préserver le temps d'écrire... ? (Gilda)
Ca c'est la question à 1000 $, à laquelle il n'y a pas de réponse générale.
Le temps, je crois, c'est une question personnelle, et le temps d'écrire n'est jamais qu'une extension de la relation personnelle au temps. Du moins, dans mon expérience.
J'ai traversé plusieurs périodes d'écriture, évidemment : adolescent, j'écrivais pour faire face à... je ne sais pas quoi. À l'adolescence, sans doute. C'est une période assez dure pour qu'on ait besoin d'un soutien. Stylos et cahiers me soutenaient. Je passais plus de temps à écrire qu'à apprendre mes leçons (J'avais une mémoire qui m'a permis de me passer de réviser jusqu'en classe de première. Après, j'ai eu du mal...).
Etudiant en médecine, j'écrivais pour faire face à la solitude, à la frustration, à la colère et je le faisais la nuit, le week-end, en me disant qu'il faudrait que je bosse... Quand je suis arrivé à l'hôpital, je n'ai pas moins écrit, au contraire, j'ai acheté de nouveaux cahiers, cartonnés, et je les ai trimbalés avec moi pour pouvoir écrire à tout moment. Quelque chose me dit qu'un Ipad ne peut pas rendre tout à fait les mêmes services, mais je me trompe peut être. Si quelqu'un tient un journal sur un Palm pilot ou apparenté, qu'il le clame ici haut et fort, je pense que c'est important.
Médecin installé, j'ai attendu le patient (j'avais créé un cabinet médical à partir de rien) et j'ai donc beaucoup lu et beaucoup écrit pendant les heures d'attente. Ma salle d'attente à moi, c'était mon bureau...
Lorsque j'ai quitté mon cabinet et que mon activité de médecin s'est restreinte à deux consultations par semaine, j'ai eu beaucoup plus de temps pour écrire mais je n'étais pas encore un écrivain qui vivait de sa plume, alors je traduisais, j'écrivais des textes techniques ou des articles, et la littérature passait en second.
La maladie de Sachs a été écrit chapitre par chapitre, parfois à des semaines d'intervalles, pendant cinq ans. Il y a eu des tas de moments de découragement, et puis d'autres où je devais tout relire pour me rappeler ce qu'il y avait dans ce foutu bouquin.
Depuis onze ans, je suis un écrivain « professionnel » et j'écris (à peu près) ce que je veux (à peu près) quand je veux. La question du temps d'écrire ne se pose plus vraiment : je n'écris pas par plaisir EN PLUS (ou à la place) de mon travail : quand j'écris, c'est du travail et du plaisir en même temps.
Donc je peux dire que j'ai toujours eu du temps pour écrire : je l'ai pris quand il se présentait parce que justement, écrire (comme lire) a toujours été une manière d'employer mon temps de solitude pour comprendre ce qui s'était passé pendant mes temps de confrontation avec le monde.
Bien sûr, ça n'a pas toujours été apprécié autour de moi. Le temps qu'on passe à écrire au lieu de le passer en famille est bien sûr perdu pour la famille. Ça a été possible parce que j'ai choisi de travailler à la maison (en étant traducteur, d'abord) et que je pouvais toujours laisser tomber ce que je faisais pour aller m'occuper des enfants qui en avaient besoin, mais je n'aurais pas pu le faire si je n'avais pas vécu avec une femme qui gère très bien tout le matériel et s'occupe du confort de tout le monde. Le fait que je sois un homme n'est donc pas anodin.
Cela étant, Marie Darrieussecq est une femme, elle a des enfants, ça ne l'empêche pas d'écrire. Ce n'est pas le genre en soi qui « aide » c'est aussi les conditions dans lesquelles on vit et on s'entend avec son compagnon/sa compagne, et l'acceptation de l'activité d'écrivain (ou de peintre, ou de musicien, etc.) par l'autre. Mon activité d'écrivain ayant un caractère professionnel (depuis 1983, je gagne ma vie en partie grâce à l'écriture – journalisme, puis traduction, puis littérature et essais), je n'ai jamais été accusé par MPJ (ma compagne) de « perdre du temps à écrire » ; elle m'a toujours soutenu et encouragé, en sachant aussi que pour moi, écrire n'est pas une manière de me couper du monde : on peut me faire sortir de l'écriture et si j'écris, c'est aussi pour ma famille.
Une chose amusante, et qui n'est pas sans importance : j'ai passé beaucoup de temps à écrire-en-apprenant-à-maîtriser-un-outil-d'écriture. Je veux dire que l'acquisition d'un nouvel appareil (une machine à écrire mécanique, une électrique, un premier PC, tous les PC qui ont suivi et, début 2009, mon premier Mac et peut-être pas le dernier) ou l'abord d'une nouvelle forme d'écriture s'est toujours accompagnée d'une production littéraire. Quand j'ai appris à taper à la machine, en 1972, dans ma High-school américaine, j'en ai profité pour écrire trois nouvelles (la première, en classe !). Quand j'ai acheté ma première machine mécanique, j'ai écrit ce qui allait devenir ma première nouvelle publiée (Spectacle permanent). Quand j'ai acheté mon premier PC, j'ai repris le « tapuscrit » de la première version de La Vacation, et je l'ai transformé à mesure que j'apprenais à me servir de Word et que je maîtrisais l'ergonomie de l'ordinateur. Quand je me suis retrouvé face au Mac dans le bureau au CREUM, j'ai d'abord dit « Je ne sais pas si je vais savoir me servir de ça... » et puis... j'ai écrit Le Choeur des femmes.
De même, toutes les formes que je crois savoir maîtriser (la traduction, l'écriture d'articles scientifiques ou critiques, le roman, les formes hypercourtes de la presse et, plus récemment, des textes analytiques... en anglais) sont associées, dans mon esprit, à une suite d'expérimentations, d'essais et d'erreurs.
Comme si, pour moi, écrire passait constamment par l'apprentissage.
De tout cela, il ressort que je ne « préserve pas » le temps d'écrire. J'écris. Je me suis efforcé, depuis que je me suis mis à écrire, d'intégrer l'écriture à ma vie, de manière aussi professionnelle que possible. Quand j'étais médecin généraliste à temps plein et que j'écrivais « dans les interstices », Daniel Zimmermann, qui était mon « parrain en écriture » avec Claude Pujade-Renaud (ils ont publié mes premiers textes de fiction) me disait « Un écrivain, ça écrit dix heures par jour ! » Je répondais que je n'avais pas le temps (je bossais !). Il a insisté en disant que je ne serais pas écrivain si j'écrivais seulement « en plus ». Et je crois qu'il avait raison. La difficulté ne réside pas dans le fait de « trouver du temps » pour écrire, mais de sauter le pas et de recentrer, peu à peu, sa vie sur l'écriture. C'est un engagement, un risque, un choix. Mais il n'est pas différent du choix de devenir mère, ou alpiniste ou soignant(e). C'est un choix de vie.
(Merci à Jennie G. d'avoir accompagné en ligne l'écriture de ce texte)
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J'aime bien cette corrélation écriture/apprentissage, elle est perceptible à la lecture de vos bouquins je trouve.
RépondreSupprimerEt j'aime bien aussi me demander ce qui sera différent cette fois-ci en commençant un nouveau livre.
Go on coming up to our (great) expectations!
Merci Mar(c)tin.
RépondreSupprimerSi je comprends bien il me reste à trouver "une femme qui gère très bien tout le matériel et s'occupe du confort de tout le monde" :-) !! (j'écris ça après avoir passé la 1ère partie de la journée à de l'intendance domestique alors que le père de mes enfants a fait les courses et sorti une lessive (le 1er point étant habituel, le 2nd non) et je croyais pouvoir me mettre au boulot l'esprit libre à 13h mais il en était 15 quand j'ai eu terminé le plus gros).
Qu'on le veuille ou non, le genre compte encore beaucoup ; quand bien même si homme ou femme on est pourvu d'un(e) compagnon / compagne de bonne volonté.
D'une femme tant qu'elle n'est pas passée pro on (l'entourage au sens large, voisinage, société), considérera toujours que l'écriture est un "ouvrage de dame", à prendre sur le temps de ses loisirs. En gros ce sera recevable si elle s'y active à la place du tricot, du crochet ou de la préparation de confitures, et d'ailleurs Qu'est-ce que tu as préparé pour le dîner ? Le compagnon, s'il aide aux corvées, sera considéré comme un saint homme.
D'un homme dans la même situation, on dira aux enfants de ne pas faire trop de raffut parce que Papa Écrit. Et tout le monde trouvera normal que la compagne se mette au service de la vocation d'icelui et par exemple prenne en charge tout le week-end le divertissement des enfants.
(je n'écris pas ça pour me plaindre, personnellement je m'en suis dépêtrée, mais à quel prix).
Dans l'autre sens, quand on est une femme, la décision de tenter sa chance full time peut être plus facile à prendre : l'écart de salaire est tel, à formation et types d'emplois similaires, qu'il sera plus facile pour une femme de renoncer à sa rémunération. Je connais un homme jeune dont le succès est grand et qui a beaucoup hésité à se lancer, parce que c'était ce qu'il gagnait dans son job qui faisait bouillir la marmite. Du point de vue de l'économie familiale le risque était bien plus grand.
Enfin, ce que j'ai constaté, autour de moi et pour mon propre compte, c'est qu'arrive un moment où de toutes façons on n'est plus vraiment bons à faire quoi que ce soit d'autre (qu'écrire) plus d'un ou deux jours par semaine. Parce qu'au chantier principal du moment, on pense tout le temps, surtout s'il est de fiction. Les personnages en sont en tête comme le bien-aimé au début d'une relation amoureuse. On peut bien sûr parvenir à se concentrer sur autre chose mais on n'a qu'une hâte c'est de filer les retrouver. Et c'est assez peu compatible avec bien des professions.
Il faut être vraiment très fort pour parvenir à écrire sur plusieurs années aux temps sauvés. Vraiment très.
@Gilda : Que ce soit bien clair : je n'ai jamais contraint ni l'une ni l'autre de mes compagnes à prendre en charge le matériel. La première ne le faisait pas (et j'étais rédacteur puis rédac-chef adjoint dans une revue médicale, et je faisais la lessive et je faisais manger les enfants, et je les couchais, et j'étais médecin de famille à temps plein et j'ai écrit mon premier roman) ; la seconde l'a fait parce qu'elle a choisi de le faire (et elle le fait moins parce que nous sommes moins nombreux, et parce que les enfants sont grands et aident, tout comme moi). Et quand nous avons eu de l'argent pour le faire (pendant plusieurs années après La maladie de Sachs, nous nous sommes fait aider par quelqu'un - ce qui veut dire que MPJ était libérée elle aussi. Ce que je veux dire c'est qu'écrire prend du temps pour tout le monde (pour un homme qui a un boulot à temps plein comme pour une mère de famille). Et que pour écrire pleinement, il faut choisir d'en faire son métier. Qu'on soit homme ou femme. Est-ce plus facile pour une femme que pour un homme ? Je ne sais pas. Je connais beaucoup d'écrivains (hommes et femmes) qui sont profs et qui n'ont pas d'enfants. Le temps libre dont ils disposent leur permet d'écrire en plus de leur travail. Je connais un écrivain qui était chauffeur de limousine. Je connais des écrivains (hommes) qui ont tout arrêté pour écrire et qui vivaient seuls. Je connais des écrivains (femmes) dont le mari travaillait et elles non. George Sand ne travaillait pas. Colette ne travaillait pas. Simone de Beauvoir était prof. Que faisait Françoise Sagan ? Que faisait Marguerite Duras ? Et si vous lisez Philippe Lejeune, vous verrez que l'écriture intime est infiniment plus fréquente chez les femmes que chez les hommes.
RépondreSupprimerJe ne crois pas, encore une fois, que ce soit une question de genre. Je crois que c'est une question d'occasions, de choix personnels qui se font peu à peu, de milieu d'origine et de chance. Mais pas de genre. Ce dont les écrivains femmes ont eu besoin, de tout temps, ça n'est pas de temps pour écrire (sinon, elles n'auraient pas écrit) mais de reconnaissance.
MW
Pour une femme et pour un homme : d'accord sur le fait qu'on choisit d'écrire plutôt que de faire autre chose (plutôt que de faire une heure de sport par jour, de sortir avec les copines...).
RépondreSupprimerPour une femme : pas d'accord que ce dont les femmes ont besoin c'est de reconnaissance. Elles l'ont (cf, rien qu'en ce moment : Anna Gavalda, Fred Vargas, Amélie Nothomb, Emmanuelle Pagano)... Elles ont besoin de TEMPS. Avoir un boulot et des enfants, c'est déjà bien lourd. S'occuper de tout dans la maison, en plus, vous le dites entre les lignes, c'est du boulot. Et pas que physique, car on sait que la tête d'une femme fonctionne toujours, beaucoup plus que la plupart des hommes, elle se demande toujours si tout a bien été fait, le boulot, la maison, les enfants... Alors, écrire un livre, c'est déjà dur (je parle d'écrire un livre pas d'écriture intime), quant à une œuvre...Marguerite Yourcenar n'avait ni mari ni enfant.
Mais vous avez raison quand vous dites que c'est un mode de vie CHOISI. Le peu qu'on peut choisir. Et qu'il y a beaucoup de hasard et de chance. Quand j'étais jeune, je croyais qu'on avait plus de pouvoir sur sa vie : en fait non, on est le fruit du hasard, et on reste, pour beaucoup, durant sa vie, balloté par le hasard, par des rencontres qui se font. Tout n'est que question de rencontres, de lieu dans lequel on ait. Car on nait peut-être égaux dans la République Française (encore que je ne le crois pas), mais alors, après, il est sûr que beaucoup dépend des parents qu'on a, de leur bienveillance (je ne parle même pas d'amour) par rapport à soi, de ce qu'ils nous disent inconsciemment sur notre avenir.
Il y a toujours des exceptions qui confirment la règle, des gens vivant adultes dans un milieu complétement différent de celui dans lequel ils ont vécu enfant. De grands écrivains nés de parents analphabétes...A voir. C'est tellement compliqué.
Pour en revenir aux femmes : on n'est pas toutes égales déjà, certaines sont épuisées avec les boulot et deux enfants (moi, par exemple...), d'autres peuvent faire plein de choses avec le boulot et 4 enfants (une amie, que j'envie...). Mais ça, c'est comme de dire que quelqu'un qui n'a pas de bras aura moins de facilité pour écrire! On n'est pas égaux, bien sûr, même avec la même volonté.
En tout cas, sujet passionnant!
J'oubliais : entièrement d'accord avec Gilda.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé lire ce qu'elle a écrit.
@gilda et martin: je pense aussi que ce n'est pas une question de genre Je suis femme et mère mais je ne me retrouve pas dans ce que dit Gilda: je ne peux quitter mon boulot ni même prendre un mi-temps car mon salaire est le plus élevé des deux , mais quand je suis en train d'écrire ou de travailler et que je ne veux pas m'arrêter pour faire à bouffer eh bien je ne le fais pas. Au début que j'écrivais j'oubliais les pâtes sur le feu,mais maintenant les enfants sont grands et se débrouillent s'il le faut. Pour les copains et la famille, c'est pareil, quand ils arrivent à l'improviste dans une maison pas rangée parce que j'ai passé du temps sur le clavier, ils comprennent. C'est mon choix, et ils le respectent.
RépondreSupprimerJe crois qu'il faut faire la différence , l'écriture peut être un loisir ou un métier.Si on veut le prendre comme tel il faut s'y consacrer pleinement comme pour tout autre job.
Oui, écrivains ou pas, les femmes ont besoin de reconnaissance.
RépondreSupprimerLe problème dont parle Gilda m'est familier, mais c'est aussi une façon de rester dans un rôle et ne pas prendre celui qu'on veut.
Sans reconnaissance, dans les tâches d'intendance ou dans le travail d'écriture, on n'avance pas, on n'a pas envie.
Merci Mar(c)tin de nous expliquer votre façon de fonctionner.
J'aime aussi le lien entre l'apprentissage et l'écriture, les changements que peuvent apporter le mode d'écriture, l'outil utilisé. J'aime beaucoup voir mes mots mis en forme directement, et lisibles, sur un écran. Au point que je me demande si je saurais relire de longues pages écrites sur papier. Mais je me dis que malgré l'invention des netbooks le bout de papier/carnet/cahier + crayon/stylo n'est toujours pas détrônable...
Je suis dubitatif...Tu ne crois pas que tu dis une chose et son contraire ?
RépondreSupprimerIl faut être écrivain à plein temps, ce que tu fis...mais maintenant ? Si tu as écris le CdF sur ton mac, c'est que tu l'as fait sur le lieu de ton autre boulot...Et tu cites tout un tas d'écrivains (certains on ne peut plus sérieux, qui avaient un autre métier, auxquels j'ajouterai Céline mais il ne devait pas avoir beaucoup de patient :)))...)
Tu dis souvent aussi que pour être un bon soignant, il est bien d'avoir d'autres centres d'intérêt (musique, écriture pour certains ;)), et pour être un bon écrivain ?
Et qui sait ce que tu vas (nous) écrire quand tu auras envie de raconter toutes tes rencontres (étudiants et autres) après quelques années d'enseignant en bioéthique médical ?
Non, je ne suis pas certain qu'il faille écrire à plein temps (et parallèlement bouffer de la vache enragée...)
@Bruno... Mmmmhhh Je sais pas si c'est contradictoire, mais I see your point. Seulement il y a un biais : mon travail "alimentaire" (en ce moment : étudier beaucoup, enseigner un peu) est aussi un travail d'écriture = j'écris pour préparer mes cours, par exemple. Bien sûr, je ne crois pas que pour écrire "bien" il faut être dans une tour d'ivoire. Je crois seulement que plus on a d'occasions d'écrire, plus on maîtrise l'instrument. Ou, pour pousser l'analogie un peu plus loin : je pense qu'un type qui serait pianiste de Jazz à trois francs six sous le soir maîtrisera mieux son instrument s'il gagne sa vie comme pianiste accompagnateur pour cours de danse dans la journée, plutot que de vendre des burgers ou des pizzas. Je pense qu'avoir un autre métier, ça libère de la contrainte d'écrire (ou de faire de la musique) pour de l'argent. Mais si on peut avoir un autre métier qui permet aussi d'écrire, ça aide à écrire encore plus. C'est ça qui m'est arrivé. Et je pense que si ça m'est arrivé comme ça c'est parce que j'ai saisi toutes les occasions d'écrire liées à mon métier de soignant... D'où la réflexion que soigner/enseigner/écrire sont intimement liés... Est-ce que c'est clair ? Ou bien tu vas me renvoyer une autre question de talmudiste ? (Je suis preneur, bien sûr.)
RépondreSupprimerPour moi, c'est clair!
RépondreSupprimerMerci à Bruno d'avoir soulevé ce point.
Ca ressemble un peu à ce que j'ai dit il y a quelques semaines, quand j'ai dit que j'avais souvent envie d'écrire, mais pas forcément de la fiction, et que le fait de rédiger des rapports, dans le cadre de mon boulot, alimenter ce d"sir d'écrire, et que du coup, le soir, en rentrant, j'avais moins faim d'écrire.
Et aussi, je connais un médecin qui aimerait écrire (des poèmes dans son cas), mais il a tellement de patients maintenant, depuis tant d'années, qu'il ne veut pas les abandonner, et que du coup, il remet ça toujours à plus tard.
Je lui dis qu'un jour, il faudra bien qu'il parte à la retraite, et lui me répond : "le plus tard possible. Mon boulot c'est de soigner les gens, d'être là pour eux".
Un point de vue différent de Martin, qui lui pense qu'on peut soigner en écrivant...Mais c'est plus rare, non?
Si je le pense, c'est que ça m'est arrivé. Et j'ai écrit beaucoup même quand j'avais des journées de 14 heures en médecine générale... Mais quand je me suis installé, j'ai décidé qu'il y aurait un jour dans la semaine où je ne serais pas à mon cabinet. Et j'ai pris des remplaçants dès que j'ai pu pour ce jour-là. L'idée était que j'aie un jour où je puisse écrire sans être en conflit avec ma vie familiale. (Notez bien que j'ai aussi écrit le week-end... Heureusement, les enfants - Dieu les bénisse - ont parfois envie de faire autre chose que passer du temps avec leurs parents...) Mais je sais que c'est une situation "atypique", c'est bien pour ça que j'ai commencé mon texte en disant "Il n'y a pas de réponse générale à la question de comment préserver le temps d'écrire". Il n'y a que des situations particulières et je bénis le ciel ou l'enfer de m'avoir donné celles-ci... en sachant que j'y suis (quand même) pour quelque chose. Il me semble tout de même que si l'écriture (ou la musique, Bruno) n'ont pas d'emblée une part importante dans la vie d'un individu qui a un autre métier, il sera difficile de leur faire une place avant la retraite. Ca me fait penser à un camarade de fac de médecine. En première année, on s'extasiait devant le fait qu'il reproduisait les dessins des profs en perspective. En 3D ! Quelques années plus tard, il était illustrateur de livres de médecine... Il a trouvé un compromis entre les deux.
RépondreSupprimerEn fait, moi ce que j'entends en filigrane, c'est : "Quand on veut, on peut". Vous dites : "Moi, j'ai fait comme ça, j'ai fait des CHOIX, à vous d'inventer les vôtres".
RépondreSupprimerEt en plus, vous dites : "je peux vous aider dans l'écriture, vous donner des ficelles, etc...".
Bon, alors disons qu'on a l'envie d'écrire. Il faut analyser pourquoi. Enfin, pour moi, il le faut, je comprends que beaucoup ne se le demandent pas. Juste une envie, juste "il le faut". Pourquoi pas, c'est respectable aussi.
Parce que le pourquoi veut-on écrire cache le "qu'est-ce qu'on va écrire". Après tout, est-ce que toute cette énergie vaut le coup face à ce que j'ai à dire?
J'ai fait comme vous il y a quelques années, une journée par semaine pour écrire (bon, j'en profitais souvent pour faire des lessives et du repassage, parce que je déteste ça). C'est efficace, on est obligé d'écrire. Mais comme vous le dites si bien, ce sont les histoires qui priment avant tout, l'histoire, l'histoire, l'histoire...Or, mes histoires étaient...connes. Je me disais : "ah non, je ne vais pas faire lire ça". Mon panthéon c'est L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar.
Du coup, au bout de dizaines d'heures, je me suis dit : que les gens lisent ce livre, ce que j'ai à dire est là-dedans.
Ah oui, je voulais dire aussi quelque chose à propos de votre premier livre publié "La vacation", c'est pour moi celui qui a le plus de style, c'est mon préféré. Vous le savez peut-être, je ne sais pas si c'est ce que les gens vous disent en général. Et juste après vient "Plumes d'Ange". Mais il parait que j'ai un défaut, je préfère toujours les premiers, en tout. On se dit que ce sera peut-être le dernier, la dernière, alors on y met son âme, non?
M...., je n'arrive pas à trouver d'autres questions talmudiques et je suis d'accord avec ta réponse ! En revanche je m'éclate de rire en réalisant que j'écris des textes toute la journée du genre : " Mon cher Marc, j'ai vu en consultation ton patient Mme Renard âgée de 75 ans, grande bavarde devant l'éternelle, pour douleurs thoraciques atypiques et difficiles à préciser...Bien amicalement, Bruno", qu'est-ce que j'ai pu écrire comme pages depuis presque 25 ans...
RépondreSupprimerPlus sérieusement et pour donner mon avis à tous et à toutes, j'ai du mal à dire dans les (modestes) interviews données, que, quand j'écris, c'est parfois en consulte !!! Si ! Parfois entre les patients quand le texte me brûle l'ordi, mais parfois pendant (honte sur moi) quand l'appareil automatique prend la tension trois fois de suite et qu'il faut que ni le patient ni moi ne bavardions (c'est dur...) et que j'ai donc quelques minutes à ne rien faire...
Eh bien oui on prend des notes tout le temps, mais ce sont des notes. On va les intégrer (ou non) à un texte ultérieur, mais c'est comme si la prise de notes avait une fonction de "fixation", celle d'un instantané au polaroïd qui va rester, qui va servir d'aide mémoire. Tu n'as pas à avoir honte de ça, il me semble, Bruno parce que ça me paraît tellement aller dans le sens de ce que je vis : quand on veut écrire, on écrit tout le temps, même quand on n'écrit pas, même quand on ne "devrait" pas. On écrit dans les interstices. J'ai longtemps "pris des notes dans les interstices", jusqu'à ce que les interstices s'élargissent et me permettent d'écrire des pages ou des chapitres, puis jusqu'au moment où j'ai pu écrire sans discontinuer. Ecrire, c'est un travail de longue haleine, de patience. Un travail de termite - ou de terme-mythe. Il y a putain trente ans, dans un roman inédit intitulé "Les Cahiers Marcoeur", j'écrivais sous la forme d'un pastiche de Roland Barthes : "Le mythe est un petit animal qui comble les trous du réel." Tes notes, ce sont les fragments qui te permettent de colmater les fissures du réel. Pour les crevasses, il faut au moins des romans.
RépondreSupprimerTri jouli, fils, les mythes, les crevasses, tout ça !!!
RépondreSupprimerTiens une anecdote à propose de Barthes : il y a quelques mois j'animais un stage sur l'insuffisance cardiaque sur deux jours. Le soir du premier, je m'échappe pour voir le spectacle de Lucchini qui raconte justement, entre autre, sa rencontre avec Barthes et le cite...Le lendemain je reprends le stage et je raconte les différents stades de l'insuffisance cardiaque jusqu'à ce qu'un des stagiaires, agité, agacé, m'interrompe et me dise : "Mais à quoi ça sert de classer l'insuffisance cardiaque ?" Là, je lève un doigt docte et je laisse tomber la phrase entendue la veille : "Barthes a dit : Classer, faire classer, est un des premiers actes de sociabilisation ! " Putain la frime !!! Surtout pour un cardiologue....
"Celui qui cite Barthes en éduquant des cardiologues est un Juste"
RépondreSupprimer(Vieux proverbe séfarade)
Exactement ce que je me dis... écrire à des amis, sur des listes de discussion, des petites bribes par ci par là ou des phrases plus construites, les nourrir de ce que l'on entend, de ce que l'on sent, de ce que l'on lit, c'est toujours écrire. Et y penser.
RépondreSupprimerReste à savoir ce que l'on va en faire, sous quelle forme.
@ bruno de la vega: et ils ont répondu quoi les stagiaire?
RépondreSupprimermon premier contact avec Barthes, milieu des années 70, la lecture de S/Z en hypokhâgne, la claque, ce livre m'a appris à lire... je ne sais pas comment je le recevrais maintenant, mais il m'a suffisamment marquée pour que je l'utilise comme titre dans une nouvelle qui parle d'un autre Z..èbre.
@ Martine : ils étaient bouche bée les toubibs, un cardio qui fait des citations, c'est très rare, et moi, d'habitude, c'est plutôt Lennon ou Gotlib...sans honte ni complexe, parfois Winckler mais c'est trop sérieux :)))
RépondreSupprimerLe dernier que j'avais entendu, c'était un chirurgien vasculaire qui se citait...lui-même !!! Véridique ! Sur une diapo, il y a avait une phrase de lui, signée de son nom avec la date, et le gars a commencé son exposé par cette diapo en disant "Comme je dis toujours...", quel fat !!! Nous sommes de loin de Barthes et de la socialisation....
Ah ! S/Z ! je l'ai acheté il y a 20 ans, juste après mon mariage... et je ne l'ai toujours pas lu ! Nous venons de fêter nos 20 ans de mariage, peut-être allons-nous enfin lire nos vieux livres...
RépondreSupprimerJe crois qu'on oublie un élément important dans ce débat : le temps de sommeil. Il est nettement plus facile de trouver des interstices quand on est petit dormeur... Et je ne parle pas du temps passé à lire, regarder des films ou des spectacles..., toutes activités nécessaires pour nourrir l'imagination et l'écriture. Les interstices, c'est bien pour les textes courts, beaucoup plus difficile quand on veut écrire qq chose de long et cohérent.
RépondreSupprimerSinon, je suis tout à fait d'accord avec Gilda et Emmanuelle : je connais effectivement qq couples dans lesquels le partage des taches ménagères et familiales est fait d'un commun accord et de manière équilibrée ou au moins sincèrement acceptée. Mais j'en connais un bcp plus grand nombre dans lesquels la femme porte l'essentiel et le mari aide plus ou moins comme il (v)(p)eut. Une femme qui veut avoir une vie de famille avec enfants a aujourd'hui encore du mal à trouver un conjoint pret à partager réellement la charge de tout cela. Il y a toujours un gros problème à ce niveau dans l'éducation des garçons, meme si de génération en génération, ça a plutot tendance à s'arranger. Peu d'hommes ont le courage à l'âge adulte de renoncer au confort procuré quasi automatiquement par une épouse sur qui l'essentiel de la charge du ménage continue à reposer.
PS : contente de te retrouver, Bruno !
@Salomé : oh combien d'accord avec vous pour le sommeil. J'aimerais pouvoir me lever à 5 ou 6h pour écrire ou alors me coucher à minuit, mais il me faut 9 heures de sommeil minimum, alors, j'ai essayé, mais ça m'a épuisé trop vite. Merci de avoir parlé, parfois je me trouve bête d'avoir besoin de tant de sommeil, ce n'est pas "socialement acceptable".
RépondreSupprimerQuant aux hommes à éduquer, ça me parle aussi!
Car j'ai deux grands garçons, et comme m'a dit le plus jeune l'an passé : "maman, tu dois nous apprendre tout ce que tu sais". Alors, je m'y emploie, avec bonheur, et si lui au début pensait plutôt à la cuisine, en fait, je le fais maintenant avec tout (ménage, repassage, courses, cuisine...). C'est d'autant plus facile que je suis seule avec eux et qu'ils n'ont plus comme exemple un homme qui ne voulait rien faire.
Et je suis d'accord avec vous pour les textes courts. J'en fais partout, même au boulot (chut!).
@ Emmanuelle : merci, heureux de ne pas être le seul à faire deux choses en même temps...
RépondreSupprimer@ Salomé : coucou, heureux aussi !