vendredi 24 décembre 2010

Bonne fin 2010, bon début 2011

Merci à toutes celles et tous ceux qui ont fréquenté ce blog pendant l'année 2010. De nouveaux textes seront mis en ligne début 2011.
En attendant, je souhaite à toutes et à tous de très bonnes fêtes de fin d'année.

Amicalement
Mar(c)tin Winckler/Zaffran

Et pour commencer l'année, mon "petit afflictionnaire médical", un cadeau offert par le site d'édition en ligne de François Bon, publie.net !







mercredi 22 décembre 2010

Débuts de roman (rattrapage) - par Fred (Exercice n°15)



1. Dans son bureau translucide, flottant au-dessus du gratte-ciel de l'Oulipothèque, le Lynx me scruta des pieds à la tête avant de me remettre la liste des ingrédients à réunir : un avion en papier pour le décollage, un paquet de farine blanche pour le maquillage, le ticket d'un film de Malle pour tout bagage… La façon dont j'avais réussi à grimper jusqu'à lui en échappant au censeur pour les chats faux avait suffi à le convaincre de ma détermination de panthère aux aguets. N'ayant pas l'esprit de l'escalier, j'avais pu répondre avec une souplesse féline à son interrogatoire serré. Enfin, je tenais le secret des grands tigres de papier ! Après plusieurs vies de labeur inutile, j'allais pouvoir poser ma griffe sur le clavier et devenir la reine de l'incipit. Un bon début de roman et c'en serait fini de ces vils chiens de garde des canons du style canin ! Un nouveau chat pitre commençait…


2. La porte de l'appartement se referme sur ton père qui part au travail. La peur te contracte le ventre. Quand le chat est parti, la furie est en transe. Ses invectives tranchantes, ses paroles incisives te réduisent à l'état d'un paquet de farine qu'une vilaine souris ronge avec obstination au fond d'un placard qu'on n'ouvre plus. Ta cervelle est une poudreuse où ses pattes nerveuses, ses névroses griffues, laissent des traces de louve traquant sa proie. Tu fermes les yeux pour conjurer ses phrases couteaux. Caché en toi, tu t'insurges. Tu te barricades. Tu t'absentes. Tu décolles, tu n'es plus sur le sol froid de la cuisine, tu es le roi et l'oiseau, perché tout en haut du plus haut des gratte-ciel. Tu es l'éléphanteau aux oreilles géantes, comme dans ce film dont tu as accroché le joli ticket au-dessus de ton lit. Tu voles si vite, tu planes si haut, tu tournoies si fort, que tu ne la vois déjà plus. Et qu'elle ne pourra jamais plus te voir.


3. Elle pousse son caddie dans les allées de ce labyrinthe de lessives, de nouilles, de briques de lait. Elle regarde son post-it fluo. Elle prend. Elle lâche. Une boîte de tomates pelées au jus. Elle prend. Elle lâche. Un litre de dégraissant pour la vaisselle. Elle prend. Elle lâche. Cinq tranches de jambons la sixième gratuite. Elle prend. Elle lâche. Une boîte d'aliments pour le chat qu'il lui a laissé. Elle prend. Elle lâche. Un kilo de sucre brun pur canne. Elle prend. Elle lâche. Un souvenir de vacances à la Martinique. Elle prend. Elle lâche. Un paquet de farine garantie anti-grumeaux. Elle prend. Elle lâche. La main de Paul qui pianote quelque part à New York. Il vit  aujourd'hui dans un film dont elle a perdu le ticket d'entrée. Elle avance dans les rues de ce manhattan provincial aux gratte-ciel de lessive, de nouilles, de briques de lait, perdue dans le trafic des caddies qui se croisent, se frôlent, se séparent.

samedi 18 décembre 2010

La vie en Brève, 10 - par Fulbine (exercice N°16)


C’est à vif, que j’annonce la mort de ma dernière peau.

J’avais compris les prémisses de cette phase ultime en apercevant le suivant déjà prêt derrière moi dans le miroir. Il avait probablement eu un traitement de faveur du conseil, pour me pousser aussi vite vers le vide. Au départ une fumée légère, puis une silhouette blanche, de plus en plus dense. Jusqu’aux yeux avides dans ma nuque hérissée.
Ma dernière peau est morte presqu’assassinée.

Enfant, la perte de ma première peau ne m’a pas affecté naïf que j’étais. Jeune adulte engagé dans les troupes de sécurité, je pratiquais la flagellation des populations de dermocriminels. La perte de ma peau, patriote m’a même rempli de fierté, pour le suivant qui l’endosserait.

Ma dernière peau n’avait pas eu beaucoup d’antérieurs, je fus le premier à la marquer.
Elle portait en elle la lumière pâle des lunes rencontrées, était marquée des ondes lunaires qui bleutaient ses pigments. Elle en avait acquis une certaine grâce, qu’apprécierait sûrement le suivant qui attendait.
Elle était imprégnée de l’empreinte trouble des animas de la planète Terre que j’avais eu la chance d’aborder dans ma millième année. Ceux qui avaient besoin de copulation pour se régénérer. Un ballet de mélange de peaux, étrange et odorant. Ma dernière peau en portait l’expérience.

Ma dernière peau était empreinte des atmosphères d’Andromède et du Centaure. Autant d’années lumières subies dans ma carrière de Naute, qui l’ont liée intimement à mon esprit de chair. Combien de grammes partiront avec elle ? Combien de mon âme vais-je perdre ?
Ma dernière peau, était aussi ma dernière vie.

jeudi 16 décembre 2010

Rattrapage : Débuts de romans par Salomé Viviana (Ex. n°15)

1. Putain d’avion… Se payer un gratte-ciel en plein jour…Mais qu’est-ce qui lui a pris ? A l’instar de milliers de New Yorkais, Kirk s’était immédiatement rendu sur place. Il n’en croyait pas ses yeux. Un désastre dépassant l’imagination. La guerre, une bombe, c’était les images qui s’imposaient à lui. Un quartier dévasté. La tour ouverte, violée, écartelée, la carcasse de l’avion mêlée à sa sienne, le baiser de Juda qui l’entraîne vers la mort. Ensemble dans l’anéantissement. Des hurlements. Des gens sans voix. Ceux qui courent, ceux qui sont pétrifiés. Des silhouettes hagardes qui se croisent sans se voir. Des poutres tordues, les restes de ce qui fut une cafetière électrique, du verre brisé en quantité, des ordinateurs écrasés, des fauteuils éclatés, des feuilles de papier libérées de leur dossier, quelques vêtements éparpillés et, parmi tous ces restes, un dérisoire ticket de cinéma. Un chaos indescriptible. Et une poussière, une poussière … des quantités astronomiques d’une poussière grisâtre qui flottait, emplissait les narines, piquait les yeux. Des monceaux de poussière telle la farine s’échappant d’un gigantesque paquet éventré qui se serait déversée là, parmi les décombres de ce qui fut un symbole du capitalisme. Des chats sauvages rodaient déjà parmi les gravats, à la recherche d’une proie qui améliorerait leur quotidien ; des rongeurs doivent aussi être à l’œuvre, se dit Kirk, même s’il ne les voyait pas.

 2. C’était aux temps anciens où Dieu, qui n’avait pas encore achevé son travail, n’était pas fatigué ; il ne s’était pas encore retiré du monde pour le confier à l’homme, qu’il venait d’ailleurs à peine de créer et qui lui causait déjà bien des soucis. Dieu avait créé la terre – mais pas encore le métro souterrain permettant aux pauvres hères de se chauffer l’hiver, craignant que l’homme n’y instaure un droit d’entrée exigible sous forme d’ignobles tickets jaunes parés d’une seyante rayure marron en leur exact milieu-, il avait créé la terre, donc, le ciel aussi évidemment mais pas encore les gratte-ciel – le ciel n’aimant pas être chatouillé trop souvent. Il avait aussi créé toute sorte de mammifères : chevaux, vaches, chats, poissons (pourquoi les poissons ont-ils arrêté d’allaiter leurs petits fera l’objet d’une autre histoire), cochons, lapins… De la nourriture variée aussi : sauterelles, chenilles, vers de terre, pommes, oranges, blé, bien qu’Hawa (Eve, en bonne africaine, répondait au doux prénom d’Hawa) se plaignît qu’il n’ait pas directement inventé les paquets de farine, ce qui aurait été plus commode, on voit bien que ce n’est pas lui qui fait la cuisine. Septième jour : Dieu, donc, venait de créer l’être humain. Homme et femme il le créa. Un seul être humain, deux côtés, comme une pièce de monnaie ; côté pile, l’homme, côté face, la femme. Idéal pour se croiser sans se voir. Pile Adam gagne, face je perds, se dit notre mère à tous qui était aussi la première féministe. Etre ainsi accolés dos à dos, ça ne peut plus durer.

 3. Perché au sommet du plus haut gratte-ciel de Newman City, Œil Perçant scruta la ville à ses pieds. La circulation était dense en cette fin d’après-midi d’un automne déjà frileux. La 17ème avenue longeait un parc aux arbres mordorés où des enfants jouaient à chat. Sur le trottoir d’en face, une femme à chapeau noir sortit d’une supérette, un grand sac en papier dans les bras dont émergeaient un paquet de farine en équilibre périlleux et deux poireaux. Passant devant le cinéma, elle croisa sans le voir un homme encapuchonné qui en sortait et qui laissa négligemment son ticket voleter vers le sol. Scènes de vie ordinaire, pensa Œil Perçant. Maintenant, on va s’amuser un peu. Et son rire sardonique éclaboussa la ville.

mardi 14 décembre 2010

La vie en brève, 9 - par Lyjazz (Exercice d'écriture n°16)

C’est ce matin vendredi 3 décembre 2010 que notre population, suivant en cela le cycle normal des naissances et des morts, s’est délestée de Mr Ignace, Adolphe FRANCISCO. Entré dans l’organisation en tant qu’aspirant à la copulation, pardon : étalon de 1ère classe, en 1969, il a suivi les grades habituels de masturbateur de 1er dan jusqu’au 32ème dan, celui de la sagesse. Il allait ensuite obtenir sans haute lutte, puisque sa carrière se déroulait selon ses vœux (et selon nos vieux) le titre de grand maître viagra de la copulation, en 1999. Nous nous souviendrons toujours avec dégoût de ses blagues cochonnes et de sa propension à mettre la main au panier. Il était entré en mode « hors copulation » autrement dit en retraite, en 2009. Au soulagement de ses pairs. Que sa famille soit assurée de notre entière flagellation en son honneur. Une cérémonie aura lieu en sa mémoire le 6 décembre à 17h, entre chien et loup. Ni fleur ni couronnes, mais 11000 verges et cilices. Lyjazz

dimanche 12 décembre 2010

Rattrapage : Débuts de Romans par Marcel cuivre (Ex. n°15)

1/ Lorsqu’il décida de rejoindre son pays, c’était avant tout pour se soustraire au connard des villes, beaucoup plus constant et moins naturel dans sa connerie que le connard des champs. Pour tout dire, il ne supportait plus les instruits. Ceux qui savent et ont pour principale activité de vous le faire savoir. En fait, aucune raison, aucun sentiment ne le retenait plus à Paris. Lassé de Pigalle, sans blé ni turf, blasé et tricard, il tentait de tirer un trait sur trente ans de poisse. Car poissard il l’était. Toutes les poupées qu’il avait mises sur le trottoir ou dans son lit ne lui avaient rapporté qu’ennuis et mal de tête. Il avait voulu être un caïd, il n’était qu’un demi-sel. Et migraineux. Les bars de Montmartre, il en avait bu jusqu’à plu soif,  les lits défoncés dans des chambres cafardeuses avaient fini par le faire débander et la pluie poisseuse comme elle ne l’est qu’à Paris lui imbibait jusqu’à la cervelle. Rien de grave. Simplement à sa bourse personnelle, les rêves n’étaient plus cotés depuis quelques temps déjà.
Le tortillard se trainait. Le paysage l’avait vite lassé. Il s’était plongé dans un recueil de mots croisés. Deux horizontal : gratte-ciel. Le chauffeur venait de mettre un grand coup de volant pour éviter un chat pas même noir. Trois horizontal : Sac de farine. En sept lettres. Avec la chance qu’il n’avait pas, il y aurait bien un contrôleur. Bah il lui fourguerait un ticket de métro. Ici ils ne feraient pas la différence. Quatre horizontal : Peuvent être de sexe différent mais ne se voient pas. Parfois il se demandait ou ils allaient chercher tout ça. Il n’avait jamais pu en finir un. Il n’était qu’un baltringue. Peut-être, mais ils allaient voir ce qu’ils allaient voir les paysans.

2/ Dans mon village, autant qu’il m’en souvienne, nous naquîmes au temps des bien-pensants et je ne saurais dire comment  nous passâmes à l’époque du politiquement correct. Bien sûr, on continua de brider les esprits chagrins. Ceux que la bien pensance cataloguait rebelles devinrent ringards et  passéistes. L’obsolescence et le désuet ont des charmes que l’affairé ignore. Nous voulions nous séparer de nos chaînes, ils en profitèrent pour s’en prendre à nos racines, à les peindre de couleurs nauséabondes afin de les discréditer. Et nous avec.
Nos pères et mères communs nous firent frères à douze ans d’intervalle et jamais nous ne partageâmes les maux de l’enfance ni l’arrogance adolescente. Dés que nous fûmes en âge de comprendre l’absence de sens ici bas, nous nous débarrassâmes des scories familiales qui rendent souvent pathétiques les relations entre frères. Sans éclat mais sans heurts nous nous retrouvions de loin en loin,  nos vies ne semblant ni en pâtir, ni s’en trouver éclairées outrageusement. Nous noyâmes quelques illusions depuis longtemps perdues dans notre amour commun du jus de la treille. Si les mots avaient gardé un peu de sens, j’écrirais que chacun respectait suffisamment l’autre pour ne pas le vouloir différent. Il faut dire qu’il n’y avait nulle valeur ajoutée dans notre ciel quotidien : nous vivions seuls.
En faisant ses poches j’ai trouvé un ticket de cinéma et une photo de gratte-ciel. Sur la table de la cuisine, une plaquette de beurre, un litre de lait un sac de farine ouvert et sur le carrelage un livre de Jacques Salomé « Homme et femme, ensemble sans se voir ». Ils lui ont éclaté la tête sur la pierre de l’évier. La police politique, c’était signé.

3/  Elle l’aime bien son appartement. Ca ne lui déplait pas de vivre seul dans son vingt quatrième étage. Elle va souvent au cinoche. Elle en collectionne même les tickets. Elle aime cuisiner, surtout la pâtisserie. Elle a toujours en réserve trois paquets de farine et autant de sucre. Ce soir elle a fait une tarte aux pommes Jacques Prévert. Celle qu’aimait tellement Patrick qu’il a fini par la manger sans plus la voir, elle, sa pâtissière. Faut dire qu’elle aussi l’oubliait parfois lorsqu’elle petit déjeunait en face de lui. Match nul ; complètement nul. Il s’était séparé sur ce score. Non ce n’est pas d’être seule qui la travaille c’est autre chose. Elle n’a pas corrigé ses copies. Et  elle la connaît trop bien l’histoire : Il ne faut pas laisser traîner des copies non corrigées. Rien n’est plus dangereux. Elles semblent dormir mais n’hésiteront pas à venir se poser au creux de l’oreiller. Encre noir sur nuit blanche. La copie non corrigée ne geint pas mais elle s’insinue entre les draps. Elle ronronne au rythme du tic-tac du réveil. Une fois réveillé il est trop tard.Mais il y a pire : la copie à moitié corrigée, la plus vicieuse. Elle ne permet pas un décompte clair de ce qu’il reste à souffrir, ni du temps inhérent à cette présence qui n’est pas encore une douleur (vous êtes jeune) mais le deviendra, la cinquantaine passée. Celle là est sacrifiée ; il faudra reprendre soin d’elle du début. Elle est la réalité de votre lâcheté, vous auriez du la corriger, pour son bien et le votre, vous le savez, mais vous avez baissé les bras au milieu, et il faudra tout reprendre à zéro. La copie non corrigée ne disparaît jamais. Elle est là et l’instinct grégaire la fait vivre en groupe, car la copie non corrigée ne supporte pas la solitude. Et celle du dessus qui s’offre au regard n’est pas la pire ; les autres, celles du dessous, encore camouflées, qu’est-ce qu’elles réservent ? Le pire c’est sûr.  La copie non corrigée est comme un rhumatisme qu’on traite inlassablement à l’encre de mercurochrome sans que jamais il ne disparaisse. Et pour cause c’est votre corps qui la réclame, corps des certifiés ou des agrégés, peu importe, il génère de la copie. Elle le sait : Tu peux te faire un sang d’encre rouge : tu seras toujours seule face à tes copies ! 

vendredi 10 décembre 2010

Trainspotting (Texte à la volée) - par Scarabée

Scarabée est étudiante en médecine. Elle m'envoie des textes que je publie sur mon site professionnel Winckler's Webzine.
Voici le début du dernier en date. MW

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Trainspotting

"Choisis la vie. Laisse-toi terroriser sur tes perspectives d'avenir, balaie d'un coup d'oeil les propositions de carrière qui s'offrent à toi, le chômage fatalement au bout, les voies sans issue, le quotidien sans passion, la feuille Excel à perpétuité, le devoir de subordination. Souffre pour des mecs qui ne te regardent pas, passe tes samedis la tête dans la cuvette à te demander si c'est toi ou si c'est les autres ; fais-toi remarquer, fonds-toi dans la masse. Roule ton pétard sous la paillasse de la salle de TP de chimie pendant que ton voisin glisse une paire de ciseaux dans une prise pour faire sauter les plombs. La plupart de ceux qui se taisent n'éprouvent pas grand-chose ; ceux qui parlent trop, surtout de leurs émotions, fatiguent leurs congénères. Persévère avec l'alcool, c'est une question d'entraînement. Ta soupape, c'est samedi soir, et pas avant, fourre-toi bien ça dans le crâne. Triche sur ton âge pour rentrer en boîte. Tu fais beaucoup plus que tes 13 ans. Mets-toi une cuite. Ce matin, ton mec t'a dit qu'on l'appelait « le pédophile ».

Ecoute du métal à fond volets tirés, ta chambre éclairée par 118 bougies dont la cire dégouline sur les étagères. Fais crier ta mère. Sois sage. Crache ta rage. Bosse ton bac. Si tu n'as aucun contrôle sur tes émotions, reporte ton besoin de maîtrise sur la bouffe. Perds 6 kilos en 6 mois. Reprends les en une semaine. Nettoie bien la cuvette avant de sortir. Le sport, c'est pour les cons décérébrés. Le sport, c'est l'évasion par la souffrance. Discipline ton corps à défaut de pouvoir fermer ta gueule sur commande. Je hais mes règles. Encore un asservissement dont j'aimerais bien me débarrasser. De toute façon je n'ai jamais voulu être une fille, c'est trop encombrant.

Choisis la mort. Lis et relis Camus. Bats en retraite dans ta chambre dès la fin du repas pour graver ton mal de vivre adolescent sur la face antérieure de ton avant-bras gauche. Remonte tes manches pendant des semaines. (...) "

Scarabée


Pour lire la suite et la fin de ce texte cliquez ICI



mercredi 8 décembre 2010

La vie en brève, 7 et 8 par Salomé Viviana et Thierry V.


République Démocratique de France

Avis à la population

Après des années de lutte acharnée et grâce à l’appui de chacun de vous, nos Forces Intérieures Vertueuses viennent de remporter une victoire décisive :  

le Désir, ce fléau de l’humanité, est mort ce soir.

L’Homme nouveau, libéré de ses pulsions, est avenu.
La copulation, vestige des temps primitifs, est désormais interdite.
Une peine de flagellation, prévue par la loi, punira tout contrevenant.
La République Démocratique de France peut à présent rejoindre la puissante Confédération des Univers Libres.

Fait à Paris, le 4 mai 2031
Le porte parole du gouvernement

James Haibander
 (pcc : Salomé Viviana)


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Francisco Poncherello.

A l’occasion d’une interview, Francisco Poncherello répondit à la question « Comment souhaiteriez-vous finir ? » par un laconique « En catalogue d’exposition ».
Du passé de l’artiste, nous ne connaissons que peu de choses : une enfance ennuyeuse à Bâle, encerclé par un père terrassier et une mère maniaco-dépressive, avant sa fuite à 17 ans pour New-York, où il aurait travaillé comme jongleur de rue ou cuisinier dans un restaurant portoricain. Il rejoint en 1992 la School of Visual Arts, où sa première exposition est remarquée. Pour Copulation, l’artiste prit en photo des dizaines de traders adeptes du sadomasochisme, les faisant poser devant leurs écrans de travail, bâillon boule en bouche.
De retour en Europe en 2002, Poncherello enchaîne les expositions controversées dans de nombreux pays, dont celle de 2012 en France : Population 0. Il transforme pour l’occasion le dernier étage du Centre Pompidou en paysage post-apocalyptique, où des comédiens, grimés en Michel Drucker et Mireille Mathieu, grognaient et erraient parmi les nombreuses pièces de l’artiste, uniquement constituées de détritus peints aux couleurs du drapeau français.
Si l’artiste nous a quittés le 23 juin dernier après 55 ans d’une existence agitée, ce n’est qu’à l’occasion de son exposition posthume que nous apprenons officiellement sa mort. Ses avocats ont bloqué toutes les tentatives d’annonces, afin que les assistants de Poncherello accomplissent ses dernières volontés. Le 31 octobre commence son ultime exposition au Palais de Tokyo : Toutes mes tripes. Selon les consignes très précises de l’artiste, son corps démembré et recomposé en diverses œuvres est exposé. Par exemple dans Flagellation : son cœur tranché est mis dans un cube en plexiglas, baigné de paillettes rouges, alors qu’à ses côtés, un chanteur folk enchaîne des reprises acoustiques de Cat Stevens. Le reste de Poncherello est tout aussi judicieusement disséminé dans l’exposition. Notons que la dernière salle propose une série d’œuvres « à emporter », sobrement intitulées Kebab. Les restes de l’artiste sont présentés dans plusieurs pains pita du plus bel effet, sobrement entourés de quelques frites convaincantes. Nous tenons à préciser aux collectionneurs que les frites, faites dans une résine synthétique, ne sont pas comestibles.

Thierry V.


samedi 4 décembre 2010

La vie en brève, 5 et 6 par BF et Zelapin (Ex. n°16)

Les propositions de rubriques nécrologiques tombent comme à Gravelotte. Alors je les publie deux par deux...
Merci à toutes et à tous
Mar(c)tin

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Veuves et orphelines ?

Marcel Mélot n’est plus hélas. Hélas, jamais plus ne le retrouverons
Nous ses femmes que, prodigue, il amenait, au temps de la copulation,
Aux plaisirs ineffables, infatigablement, sans dessein de population.
Nous ne le verrons plus, jamais plus, nous ses fans inconditionnelles,
Qu’il savait sans détour transporter aisément jusques au septième ciel.
Concoctons un hommage, mes sœurs, à l’homme qui nous rendait si belles
Que d’autres vibraient du pressant désir d’exercer leur concupiscence,
De jouir sans vergogne de nos libidos avivées par son exquise ferveur,
Tout impatients d’imposer maints caprices teintés d’obscène arrogance,
Infligeant flagellations et autres vils traitements ; mais leur ardeur,
Loin d’égaler celle de Marcel, abandonnait nos corps à leur frustration,
Attristés, amoindris par ces déplorables usages, en manque d’affection,
De cette affection que Marcel distribuait à toutes avec égale passion.
Nous sommes affligées, certes, … vivement que nous nous en remettions !      

BF

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Il s’en est allé…

Il s'en est allé, nous surprenant tous et le temps a manqué pour lui témoigner toute la rancune que chacun lui vouait.

    Il est parti et se sont éteints son rire chevalin, sa prononciation inimitable par laquelle des mots comme population, flagellation sonnaient comme copulation et fellation.
Éteint aussi l'éclat carmin de son visage en fin de repas, menton luisant de graisse,  postillons, caractéristiques qui réunies lui avaient valu le surnom de Spitfire le dragon du self.

    Absent à présent dans les couloirs ce parfum complexe, mêlant de façon inattendue les effluves sophistiquées de la haute parfumerie et celles plus triviales du vêtement de sport oublié dans le sac.

    Combien de mois avant que le personnel féminin cesse de trembler devant l'ascenseur, n'ayant plus à craindre de devoir « lui en claquer deux »?

    Tout à notre bonheur, saurons-nous garder en mémoire la cohésion qu'il a su créer contre lui?

    Ne l'oublions pas. C'est par nos moqueries qu'il restera présent.

Zelapin 

jeudi 2 décembre 2010

Comment j'ai gagné ma vie (en/d')écrivant, 4


4e épisode : Séries en famille  (1993-1996)

En 1993, lorsque j’ai quitté mon cabinet médical et me suis mis à écrire et traduire pour gagner ma vie, je vivais avec MPJ au rez-de-chaussée d’une grande maison en partie désaffectée (le premier étage était inoccupé). Nous avions un poste de télévision mais l’antenne de toit ne donnait que des images floues et le contenu des chaînes, pour tout dire, ne nous intéressait pas beaucoup. Nous avons investi dans un excellent magnétoscope multistandard. A l’époque, lorsque j’allais à Paris, je passais toujours du temps dans le rayon films la Fnac de la rue de Rennes ou du magasin Virgin des Champs-Elysées. Quand nous n’étions pas trop fauchés, j’achetais des classiques du cinéma américain en VOST et, parfois, des films importés, en PAL ou en NTSC.

Je n’ai pas de goût particulier pour les produits de luxe, sous quelque forme que ce soit. Les voitures ; les vêtements, chaussures et montres de prix me laissent indifférent ; je ne pratique pas de sport coûteux et je préfère un bon film ou une soirée chez des copains à un repas dans un restaurant coté - et, depuis que je vis avec MPJ, je mange très bien sans avoir besoin de partir de chez moi. Mes seules luxes, depuis bientôt vingt ans, sont mes outils de travail : les livres (beaucoup de livres), les cassettes puis les DVD et les ordinateurs avec lesquels j’écris. Depuis mon arrivée à Montréal, mon ordinateur principal était jusqu’ici l’IMac qui se trouve à mon bureau, au CREUM. Chez moi, je bossais jusqu’à ces dernières semaines, sur un minuscule PC portable, auquel j’avais ajouté un clavier et un grand écran. Comme j’ai reçu récemment la deuxième  partie de mon à-valoir pour Les Invisibles, je me suis résolu - non sans une forte pression de MPJ - à acquérir… un IMac identique à celui du bureau. (Ca me fait penser qu’il faudra que je raconte comment je suis passé des PC au Mac, mais c’est une autre histoire.) Et, bien sûr, j’ai commandé des livres et des DVD. Ce matin, au CREUM, un paquet m’attendait. Il contenait trois livres (The End of Eternity d’Isaac Asimov, que je voulais relire en anglais quarante ans après l’avoir lu dans la collection Présence du Futur, chez Denoël ; Sperm Wars de Robin Baker et The Red Queen de Matt Ridley, deux livres sur l’évolution de la sexualité) et le DVD de Castle, The Complete First Season – série de comédie policière comme on en faisait dans les années 40, en France aussi bien qu’en Amérique.

Toujours est-il que pendant les années où nous avons vécu, au 109 de la rue Ambroise Paré au Mans, dans une maison qui plus tard disparut avec le petit parc et les potagers entre lesquels elle était plantée, nous n’avons pas regardé la télévision. Nous regardions des films – et nos enfants ont pris l’habitude de regarder des VOST plutôt que des films doublés (ce qui ne les empêche pas de garder un faible pour la VF de The Princess Bride - Tiens ! encore une anecdote qu’il faudra que je raconte - ou celle de Retour vers le Futur). Lorsque je me suis mis à travailler à la rédaction de Mission : Impossible, dont j’ai parlé dans l’épisode précédent, j’ai bien sûr revu toute la série, grâce aux cassettes de mon co-auteur, Alain Carrazé, qui avait tout enregistré lors de la rediffusion en boucle sur La 5, chaîne franco-berlusconienne des années 80, puis sur M6, qui l’avait reprise.
Par l’intermédiaire de PJ et Hélène Oswald, j’ai également rencontré un autre critique de séries, Christophe Petit. Rémois d’origine, Christophe y avait créé et y animait ce qui restera la première (et sans doute la meilleure) revue consacrée aux fictions télé : Génération Séries. Il publiait avec une rigueur, une obstination et un dévouement extraordinaire, malgré les difficultés qu’il rencontrait, des actus, des dossiers sur des séries anciennes et nouvelles, des guides d’épisodes, des interviews de comédiens et de producteurs aussi bien français que britanniques ou américains.  Dès qu’on s’est rencontrés, on est devenus amis. Je me souviens être allé chez lui, peut-être après la présentation du livre dans une librairie rémoise, et avoir vu, sur ses étagères, les cassettes de la série Star Trek The Next Generation (ST:TNG, 1987-94). J’étais un fan de la série originelle, et je ne connaissais pas cette première spin-off, dont les vidéos commençaient à être disponibles en version PAL, en Grande-Bretagne. Très généreusement, Christophe m’a proposé de me les prêter. J’avais bien fait d’acheter un magnétoscope multistandard !

Pour MPJ et moi, mon entrée dans le monde des séries reste intimement lié à l’arrivée des jumeaux, nos premiers enfants ensemble. Quand ils sont nés, fin 1993, Mission : Impossible venait d’être publié. Au cours des mois suivants, quand ils se réveillaient la nuit, pendant que MPJ donnait le sein à l’un, j’allais donner le biberon à l’autre (et m’endormir) devant un épisode de ST:TNG. Et d’un point de vue général, l’écriture des livres consacrés aux séries par 8eArt reste lié à nos enfants plus grands. L’été où je finissais l’écriture de Mission : Impossible, nous devions partir passer une semaine en Bretagne, les cinq enfants, MPJ enceinte des jumeaux et moi, avec le C25 à 9 places que nous avions acheté d’occasion, dans une maison de vacances qu’on avait promis de nous prêter. Au dernier moment, les personnes qui nous l’avaient promise (de manière un peu inespérée et, somme toute, peu fiable) nous ont appelés pour nous dire qu’elle n’était plus libre. Nous n’avions pas les moyens de louer une maison de vacances. Nous étions coincés chez nous. Le coup était rude, d’autant que nous avions réussi à grand-peine à négocier avec nos ex  respectifs pour que cette semaine familiale coïncide avec les vacances de MPJ qui, travaillant dans un bureau de la communauté urbaine, ne choisissait pas ses dates. Pour occuper de manière constructive nos cinq monstres (les quatre plus vieux avaient à l’époque entre 12 et 10 ans, et le cinquième quatre), j’ai mis à profit le travail que je venais de faire sur Mission : Impossible en écrivant un épisode inédit. Les enfants connaissaient la série, bien sûr : je l’avais regardée suffisamment avec eux pour qu’ils en aient saisi les ressorts, les figures imposées, les moments charnières. Et par bonheur, ils pouvaient, à eux cinq, reconstituer le casting originel ! Mélanie devint Cinnamon, Pierre devint Jim, JB devint Rollin, Thomas devint Barney, Paul devint Willy. J’écrivis avec eux Mission : Impossible, Junior et, grâce à une caméra vidéo prêtée par des amis, cela devint un court-métrage de 20 minutes dans lequel je joue… le rôle du villain.

La relation étroite entre nos enfants et mon travail sur les séries ne cessa pas là.
Fin 1993, juste avant la naissance des jumeaux, MPJ et moi nous étions mis à la recherche d’une maison assez grande pour accueillir une famille de neuf personnes. Nos aînés ne vivaient pas toujours avec nous, mais ils passaient toujours leurs weekends et la moitié des vacances chez nous ensemble (c’étaient eux qui l’avaient demandé, d’emblée) et nous savions qu’ils finiraient par grandir. Au 109 rue Ambroise Paré, ils cohabitaient dans une grande pièce-dortoir où Mélanie avait un lit et un coin à elle, et les quatre garçons des lits superposés. Mais quand ils seraient adolescents, nous savions qu’ils auraient besoin d’une chambre individuelle. Nous cherchions donc une maison suffisamment grande pour que chacun ait sa chambre. Après avoir visité un grand nombre de logements qui ne correspondaient pas du tout à nos besoins (lesquels étaient pourtant très précis, mais on dirait que beaucoup d’agents immobiliers n’écoutent pas ce que les gens leur disent) nous avions fini par trouver, un peu par hasard, LA maison qu’il nous fallait. Elle avait un jardin pas très grand, mais assez ; beaucoup de chambres et un grenier ; et, au rez-de-chaussée, un petit bureau. Après l’avoir vu, MPJ et moi nous nous sommes regardés en disant : « Ca, ce sera le petit salon de télévision ». Des fauteuils (en particulier celui sur lequel nos enfants s’entassaient pour regarder The Princess Bride ou L’homme qui rétrécit) d’un côté, une télévision de l’autre, ça serait parfait.

Nous n’avons emménagé dans la maison qu’en juin 1994, avec nos jumeaux de six mois et leurs cinq frères et sœurs mais d’un seul coup, les relations avec la télévision ont changé.

Notre nouvelle maison se trouvait dans une rue câblée. Je me suis tout de suite abonné au fournisseur d’accès local, qui diffusait entre autres Canal Jimmy, Série Club et Téva, trois chaînes proposant en VOST des séries récentes de grande qualité. Depuis plusieurs années, Canal Jimmy (dont Alain Carrazé était conseiller aux acquisitions, il n’y a pas de hasard) était devenue la chaîne-phare en matière de séries. Après The Larry Sanders Show et Dream On, deux comédies produites par HBO, elle commença en juillet 1994 (au moment de notre installation !) la diffusion d’une série policière hors du commun diffusée par la chaîne américaine ABC depuis l’automne précédent : NYPD Blue (New York Police Blues). Quelques années plus tard, ce serait Jimmy encore qui ferait connaître My So-Called Life (Angela, 15 ans), Profit, Six Feet Under, The Sopranos à un public français encore vierge – mais je parlerai de ça plus tard.

Lorsque nous nous installons dans la nouvelle maison, les enfants se mettent à regarder ce que proposent les chaînes. Et à me le montrer. Chaque samedi, sur M6, ils regardent une série intitulée (en français) Code Quantum, que je trouve un peu gnangnan. J’en parle à Christophe Petit, qui m’explique que je me trompe, c’est une très bonne série, il faut que je lui donne sa chance (je dois à la vérité de préciser qu’il avait dû faire la même chose avec ST:TNG, car les deux premiers épisodes qu’il m’avait prêtés ne m’avaient pas convaincu ; heureusement, il avait insisté, et heureusement, je lui avais fait confiance). Christophe m’envoie plusieurs cassettes contenant les épisodes que j’ai ratés et je découvre que Quantum Leap (1989-1993) est effectivement une excellente série,  un peu desservie par sa VF, mais intelligente, drôle, émouvante et engagée. Grâce au prétexte du voyage dans le temps, le héros, Sam Beckett (le choix de son nom n’est pas un hasard) nous fait explorer sur un mode mêlant comédie et drame, à travers les yeux de personnages de tous les jours, l’histoire sociale et culturelle des Etats-Unis au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, anticipant ce que fera dix ans plus tard sur un mode plus sombre l’excellente Cold Case (2002-2009). Grâce à mes enfants et à Christophe Petit, Code Quantum devient la première série contemporaine à laquelle je consacre un long article, publié par Génération Séries, et assorti d’un guide d’épisodes complet.

Pendant ce temps, à 8eArt, la lutte continuait. Avant la publication de Mission : Impossible, PJ et Hélène Oswald m’avaient invité à contribuer aux nouveaux ouvrages qu’ils préparaient avec les auteurs et complices habituels de la maison : Alain Carrazé et Christophe Petit, mais aussi Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret. Collègues et amis depuis fort longtemps, critiques et grands connaisseurs de la SF et du polar, Baudou et Schleret avaient déjà publié chez 8eArt deux ouvrages remarquables, et aujourd’hui encore inégalés dans la production éditoriale française : Meurtres en séries (1990), consacré aux séries policières et Les feuilletons historiques de la télévision française (1992). Baudou avait également signé, avec Philippe Ferrari, un ouvrage de référence sur la série britannique Destination : Danger (1991). En 1995, ils publieraient également le magnifique Merveilleux, fantastique et science-fiction à la télévision française. Entre temps, avec Alain et Christophe, ils préparaient quatre nouveaux volumes pour l’éditeur : Les Grandes Séries américaines (en deux volumes), britanniques et françaises. Le dernier volume, malheureusement, ne parut jamais en raison de la disparition de la maison d’édition 8eArt en 1996, mais je fus enrôlé pour participer aux trois autres.

Pendant les années 1993-1997, la critique de séries ne fut pas vraiment une activité lucrative. Les éditions Huitième Art vivaient mal, et lorsque les auteurs recevaient une rémunération pour leurs textes, ils étaient modestes. Nous le savions et l’acceptions car il n’y avait, alors, aucun autre endroit pour écrire des choses intelligentes sur un genre presque unanimement méprisé par la critique et la presse françaises.
Je gagnais essentiellement ma vie en traduisant (je l’ai raconté précédemment) mais passer sa vie à traduire des livres d’intérêt inégal n’a rien d’enthousiasmant. Regarder des séries (parfois avec mes enfants, parfois avec MPJ, parfois seul) pour en tirer des textes originaux, c’était à la fois une détente et un stimulus important. Je me souviens m’être un jour assis devant un épisode de ST :TNG et m’être senti coupable de regarder la série lorsque MPJ s’était mise à repasser derrière moi. Quand je me suis levé après avoir éteint la télé au milieu de l’épisode, elle m’a dit « Vous allez écrire quelque chose au sujet de la série, non ? » (Je devais, effectivement, écrire un article pour Génération Séries.) « Euh, oui… » « Alors, vous travaillez. Et moi, pendant ce temps-là, je fais de l’anglais. » (Les cassettes de Christophe étaient en VO non sous-titrée.) Et elle m’a obligé à m’y remettre.

Pendant ces années-là, pour mes collaborations aux trois volumes des grandes séries, j’ai revisité beaucoup de séries anciennes que je n’avais pas vues intégralement ou pas du tout (The Twilight Zone, The Outer Limits, Alfred Hitchcock Presents, The Wild, Wild West, The Man from U.N.C.L.E, Get Smart !, ) et des séries beaucoup plus récentes, datant des années 80 mais diffusées en France seulement depuis l’apparition du monopole de l’ORTF, après 1986 : Hill Street Blues, Wiseguy, Dream On, et bien d’autres.
Le fait d’être abonné à Canal Jimmy et Série Club m’a aussi donné accès, bien avant que les médias s’en entichent, à des séries qui restent méconnues, telles NYPD Blue et d'autres, qui furent déclinées jusqu'à la nausée, comme Friends (1994-2004).

Ce n’est pas une expérience banale d’avoir regardé Friends presque en direct, avec seulement quelques mois d’écart entre la diffusion aux Etats-Unis et la diffusion en VOST sur Jimmy.
La comédie de NBC a été la première à être diffusée simultanément sur cinq chaînes françaises au moins (Jimmy, Canal +, France 2, AB1 et RTL9 !). Elle a été aussi la première série à faire l’objet d’une immense popularité parmi les jeunes adultes, au point de donner lieu à des soirées spéciales dans des cafés ou des clubs. Elle a eu aussi l’honneur d’être la première série dont les cassettes vidéo se sont plus vendues en VOST qu’en VF, plusieurs années avant l’apparition et la démocratisation du DVD.

Lorsque Friends a commencé sa diffusion sur Jimmy en 1996, nos aînés avaient entre 13 et 15 ans et ils ont regardé la série assidûment, pendant ses premières années, puis de loin en loin jusqu’à la fin de sa diffusion, qui dura 10 ans.  C’est en entendant mes enfants dire, en revoyant un des premiers épisodes de Friends à l’âge adulte, que j’ai pris conscience d’un aspect que personne n’avait jusque là noté et souligné, du moins en France (j’aurais l’occasion de le faire dans des livres ultérieurs, au début des années 2000) : les séries télévisées, qu’il s’agisse des soaps de la journée ou des séries hebdomadaires du soir, sont les seules fictions dont les comédiens et les personnages vieillissent en même temps que leurs spectateurs. Il en résulte une connivence, une proximité et une familiarité qui ne peut découler d’aucune autre forme de fiction.

Une autre série, bien sûr, m’a totalement bouleversé quand j’en ai vu l’épisode-pilote, en 1995. Alain Carrazé, qui l’avait obtenu d’un de ses correspondants aux Etats-Unis, me l’avait envoyé en me disant que ça m’intéresserait sûrement et qu’il voulait savoir ce que j’en pensais.
C’était un téléfilm de 75 minutes (90 minutes avec la pub). Il commençait dans le noir. Au premier plan, un type allongé. Au second plan, une porte s’ouvre un peu brusquement et une infirmière apparaît. Elle harangue le type allongé, lui parle d’une patiente, s’en va. Elle revient quelques secondes (en réalité, deux heures) plus tard, pour lui dire qu’il doit se lever…
Ainsi commençait ER (Urgences, 1994-2009). Et cette série-là allait avoir une immense influence sur le roman que j’étais en train d’écrire.

(A suivre…)

Mar©tin


Bonus : Vous auriez aimé voir Mission : Impossible, Junior ? Mais il suffisait de le demander ! La vidéo a été remontée et remixée quinze ans après par "Rollin", devenu ingénieur du son et par Brice, compagnon de "Cinnamon" et monteur de formation. CLIQUEZ ICI. 

mercredi 1 décembre 2010

La vie en brève, 4 - par Serge (Ex. n°16)


"Pressé de sortir  et d’entrer dans la vie dés votre naissance prématurée, sans doute fils claustrophobe d’une maman pressée et d’un papaéjaculateur précoce, vous acceptâtes, par  devoir de clone,  la mission de réussir ce que vos anciens avait raté. Vous vous acquittâtes habilement d’une studieuse scolarité franchissant ce  passage étroit où se faufiler sans dommages et  de votre  adolescence perdure cette période d'invincibilité et d'immunité ornée d’une crinière léonine qui rendit jaloux les dégarnis et fit la fortune des capilliculteurs.

Révolutionnaire opportuniste tournant  à contresens pour revenir à votre point de départ après avoir dépavé les rues tel un  fou lucide intermittent qui  touche le fond de la vérité et remonte à la surface de l'erreur vous vint la raison et la réversibilité vestimentaire.

Adulte, à l’heure du  renoncement,  la rencontre avec une actrice filiforme, évidente comme l’intersection de deux improbabilités fut la plus douce des punitions.

Libertin des mots martyrisés pour enfanter des idées imaginaires, dans la zone de non compromis de l’art, nous avons admiré le triptyque de votre talent protéiforme d' écrivain persistant, de cinéaste soporifique  et de justicier philosophe au courage  inversement proportionnel à la proximité du danger.
À bout d'échec et à taux d'usure,  investissant notre  espace, notre temps,  votre talent et votre  énergie de la difficulté à  vous faire aimer jusqu’ à vous faire détester votre entêtement  fût  finalement récompensé par la valeur ajoutée à votre notoriété prégnante d’un attentat pâtissier commis par un envieux de votre emblématique chemise.

Par facilité et goût des impasses, toute votre volonté  tendue d'un priapisme verbal bandant l’arc d’un Ulysse de pacotille, cédant aux sirènes lors de vos copulations médiatiques vous nous infligeâtes la dictature de vos redondances  jusqu’à la douleur de la  flagellation.

Cependant nous vous resteront attachés par amour, ce sentiment définitif et irréversible devenu  tendresse comme une épouse, dame aux rêves volages et aux réveils fidèles  à un mari, ce monsieur qui dit “je t’aime” au début et “qu’est-ce qu’on mange” à la fin.

Grâce à votre descendance, véritable projection du Vous dans le futur, la saga continue.

Sans rancune aucune, au Bien Achevé B.H.L désormais horizontal sous l’ultime et définitive Arielle Tombale, la population reconnaissante. "