jeudi 10 décembre 2009

Décrire le désir d'écrire (2) - par Gilda

Le sujet m'intéresse mais je suis mal barrée : l'écriture pour moi n'est pas de l'ordre du désir, elle est nécessité.

Elle l'est devenue à l'instant même où je m'y suis autorisée, de façon fort tardive puisque j'étais à une semaine de 40 ans et que c'était ma grande amie, l'âme sœur, qui après plusieurs années d'un très patient travail pour m'en faire approcher, jugeait le moment opportun pour me botter les fesses et me dire Mais regarde, patate, tout y est.
Et la patate a failli répondre par retour de message, Mais tu es folle !, je ne sais pas, moi. Seulement avant, par respect, elle a essayé de suivre la piste indiquée, des bribes préexistantes, une façon de les rassembler, et s'est rendue compte que ça dessinait quelque chose et qui ressemblait bien un peu à ce qu'on lisait dans les livres en papier.

Ça écrit dans ma tête presque à flux continu, il faut vraiment que je sois très concentrée sur quelque chose à vivre, par exemple très malade, très en danger (1) ou très amoureuse, pour m'en déconnecter. J'avais eu auparavant une vie trop peu confortable, trop laborieuse et trop chargée pour en prendre conscience. Écrire consiste pour moi à syntoniser la bonne longueur d'onde afin de n'écouter qu'une émission et une seule à un moment donné, me mettre au clavier et retranscrire. C'est donc un travail. Il est parfois pénible et risqué, ce que je cherche à capter vient de très loin et m'apprend des choses que j'aurais préféré ignorer ; d'autre fois elles sont plaisantes, et qui me permettent de comprendre ce que je vois et vis en y mettant les mots et parviens à en rire même si sur l'instant j'avais failli mal aller.
Souvent c'est le sentiment que les histoires, les récits, préexistent et qu'ils cherchent désespérément quelqu'un par qui passer afin d'être communiqués. Je suis un récepteur-ré-emetteur.
Aucun désir là-dedans. À moins que dans un second temps, celui de filtrer, trier et affiner afin de rendre l'émission pour les autres écoutable.
Si je reste trop longtemps sans faire mon boulot, toutes les phrases traînent et s'entassent et je me sens confuse jusqu'aux plus simples gestes de la vie quotidienne.

Depuis qu'on m'a poussée dans le bassin des mots, j'écris pour surnager. Il était grand temps que quelqu'un le fasse, sur le bord, j'étouffais.

(1) ou l'un des miens, surtout s'il s'agit des enfants.

PS : Mon "500 mots" est très à la louche, on dirait

2 commentaires:

  1. @ Gilda: merci mille fois Gilda d'avoir répondu à cet exercice, j'avais un peu peur qu'il ne soit pas attractif.
    Je suis très intriguée par ce désir/besoin/impériosité de l'écriture, par les formes différentes qu'il prend chez chacun. J'ai donc attentivement lu votre texte.
    Vous écrivez "Souvent c'est le sentiment que les histoires, les récits, préexistent ", je suis en phase avec ça, et j'ai l'impression qu
    Vous parlez aussi de "s'autoriser" le passage à l'acte de l'écriture, si vous saviez comment cela me parle!
    Un ami disait qu'il faut écrire quand cela vient car sinon les mots, les personnages; les histoires, les phrases "pourrissent" à l'intérieur et ne reviennent pas.
    Je ne sais pas quoi en penser, surtout que ça ne m'arrange pas!
    Encore merci et à Mar(c)tin aussi.

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  2. Merci beaucoup d'avoir lu et répondu.

    "S'autoriser" est ici très concret, j'avais un job alimentaire prenant, une famille aux deux enfants petits, et avec leur père (lui-même très pris) pas les moyens de nous faire aider à l'extérieur pour le ménage. Donc : pas un gramme de temps pour l'écriture, en plus que c'était l'épuisement perpétuel.
    Sinon il y avait aussi par double effet d'éducation : 1/ ceux qui étaient capables d'écrire c'était une autre caste dont par naissance j'étais exclue. Il n'y avait pas là d'admiration particulière comme souvent en France, non, juste : une autre planète, un autre monde, ailleurs.
    2/ qu'écrire, au même titre que tout autre travail créatif, justement ça n'en était pas, rien que des bons à rien incapables de se rendre vraiment utiles. Et là le gosse qui se rend bien compte que s'il prend son cahier et son stylo (plume à l'époque) pour écrire une histoire à sa petite sœur ça lui prend trois plombes et plein de questions (comment ça s'écrit ce mot là ? Comment ça se dit ça ?) et que c'est beaucoup DE travail, ne pige pas que les grands trouvent que ça n'est pas DU travail. Absolument personne alentour pour servir de référence même éloignée. Pas l'internet qui permet aux belles volontés de s'affranchir des barrières. La seule profession "intellectuelle" échappant à l'opprobe et qu'on encourageait était professeur ou instituteur.

    Donc oui, s'autoriser, c'était pas gagné. Et je crois bien avoir envoyé promené plusieurs personnes dont peut-être même notre hôte alors qu'elles tentaient de m'encourager.
    Ça m'aura pris 5 années épouvantables pour faire sauter le carcan, non sans secours déterminants (n'est-ce pas ? (sourire)), et tout ça pour arriver à peine à pied d'œuvre.
    Mais bon, quand faut y aller faut aller.

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