Tout a une fin, même les vacances les
plus réussies, se dit Steph en posant sa valise dans l’entrée. Il lui fallait
maintenant retrouver le rythme infernal de la vie parisienne et attendre de longs mois avant de
retourner dans son ile paradisiaque. Heureusement elle avait encore tout un
week-end devant elle et comptait bien en profiter. Pour commencer, elle décida d’inviter Léa, sa voisine et unique amie, à
prendre un verre avec elle, elle avait tant à lui raconter !
En s’approchant du téléphone, Steph
eut une sensation bizarre, assez désagréable, sans parvenir à en identifier la
cause. Ce n’est que lorsqu’elle reposa le combiné que cela lui sauta aux yeux :
ses magazines 100 idées,
soigneusement classés sur une étagère de la bibliothèque par ordre
chronologique avaient été dérangés! Qui avait pu oser ? Pas Léa, tout de
même ! Si elle se moquait des
nombreuses collections de son amie,
elle n’avait cure en revanche de son sens quasi-obsessionnel de l’ordre. Et
puis 100 idées, ce n’était pas du
tout son genre, à Léa… Bon, il fallait qu’elle en ait le cœur net, elle lui en
toucherait deux mots tout à l’heure. En attendant, autant évacuer le problème
en s’occupant de son apéritif. Dans la cuisine, elle jeta par automatisme un
coup d’œil à la pendule. Encore
dix minutes avant l’arrivée de Léa, juste le temps de préparer quelques toasts.
Encore dix minutes ?
Mais elle s’était contentée de laisser les piles sur la table quand la pendule
s’était arrêtée, se disant qu’elle verrait cela à son retour. Alors ça, c’était
fort de café ! Alors qu’elle faisait un rapide tour d’inspection dans
l’appartement, un épisode de Castle lui revint à l’esprit, dans lequel de
braves gens trouvent un cadavre chez eux à leur retour de vacances…
Elle fonça chez Léa, dont l’air gêné la trahit avant même qu’elle n’ait
eu le temps d’ouvrir la bouche.
- Bon, j’attends des explications…
- Euh, Steph, ne t’énerve pas, je
t’assure que ce n’est pas ce que tu crois.
- Ne t’occupe pas de ce que je crois,
je t’en prie. Alors ?
- Eh bien, j’ai reçu la visite de
quelqu’un, et…
- Quelqu’un ? Et tu crois que ça
va me suffire comme explication ? Je peux savoir de qui il s’agit ? Papa
Ours ? Maman Ours ? Ou un de tes amants ? Je t’ai déjà dit que
je ne voulais en aucun cas être mêlée à tes histoires, j‘ai trop d’estime pour
ton mec pour lui mentir et te
servir de couverture.
- Non, Steph, vraiment, écoute…
- Tu veux que je te dise ? Je
n’ai aucune envie de t’écouter ce soir, je suis claquée, alors si ça ne
t’ennuie pas je vais rentrer me coucher, on se verra plus tard. Bonne
nuit !
Un fois dans son appartement, Steph
se mit à ranger ses magazines pour se calmer les nerfs. Elle se promit de ne
plus jamais laisser ses clés à Léa, et de trouver une personne de confiance.
Oui, mais qui ? Elle était
fille unique, et c’est avec Léa qu’elle avait traversé les épreuves de la
maladie, puis du décès de sa mère. C’est grâce à Léa qu’elle supportait de
vivre seule à Paris, loin de sa grand-mère et de ses cousins. Bon, demain, elle
irait s’excuser à la première heure, pour le moment, un peu d’ordre !
De l’un des magazines qu’elle
remettait en place s’échappa une lettre.
Chère Stéphanie,
Ce petit mot va te surprendre, et je
te prie de bien vouloir m’en excuser. De passage en France, je n’ai pu résister
à l’envie qui me ronge depuis des années. Malheureusement tu n’étais pas là
mais j’ai beaucoup parlé avec ta charmante voisine. C’est elle qui m’a permis
de passer quelques instants ici pour que je m’imprègne de ton environnement. Elle
m’a prévenu que tu ne souhaitais pas me connaître, mais je ne peux plus me résoudre à me taire.
Je place ce petit mot dans un de ces magazines (ils
appartenaient à ta mère, n’est-ce pas ?) en espérant que tu as hérité de ma
manie du rangement qui tient à l’obsession parait-il, c’est du moins ce que me disent mes fils. Ils
aimeraient beaucoup faire la connaissance de leur grande sœur française. Nous
habitons à New York. Si tu le souhaites, nous t’y accueillerons avec plaisir.
Je t’expliquerai ce que ta maman
n’a jamais pu te dire, et j’espère
que tu comprendras à défaut de nous pardonner. En attendant je laisse faire le
destin. J’ai laissé mes
coordonnées à Léa. Quoi que tu décides, ne lui en veux pas de m’avoir écouté.
John, ton père qui t’attend depuis trop
longtemps.
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