lundi 15 mars 2010

Brève rencontre + 1 livre, 7 - par Younes


John Withmight n’existait que dans la tête désabusée de Kader. C’était un anglais flegmatique qui perdait toute mesure devant les belles femmes et surtout devant le corps nu de Katya. The Body avait bel et bien réussi à rattraper The Book pour fusionner et ne laisser que l’étreinte triompher dans l’arène brumeuse de la spiritualité. Pourtant, ce qui était écrit, entendait également un autre sens. ‘Ô John, hold The Book with might’, ainsi formulée en anglais séduisait mieux. Il laissa de côté la version française avec Jean Le Baptiste et il ne saurait probablement jamais quelle adaptation irait le mieux avec Yo-hanan.

John Withmight n’aurait pas vu le jour dans la mosquée du quartier où le nom de Yahya résonnait souvent dans les récitations des fidèles, juste avant l’appel à la prière du vendredi.

La tête désabusée de Kader avait enfanté son alter ego anglais dans un bus où il passait deux heures de sa vie d’adulte entre son quartier dortoir et celui, huppé entre autres, où il travaillait comme chef de chaîne dans une usine de textile délocalisée. Six jours sur sept, avec une flexibilité des horaires à sens positif.

Il passait la majorité du parcours le nez collé à la vitre détectant les changements du ton architectural d’un quartier à l’autre. Sur la même ligne, il côtoyait évidemment ses filles de l’atelier et là, il essayait de n’être plus que l’ombre de quelque inconnu, un fantôme pour leur laisser un espace supplémentaire de vie où il n’occuperait aucune position hiérarchique étouffante, et qui les emprisonnerait dans une raideur et une posture qu’elles entameraient bientôt courbées sur leurs surjeteuses piqueuses.

Il fuyait loin, très loin, mais il n’osait lire par pudeur et par peur du ridicule. Dans sa ville, les filles de l’atelier, telles qu’on les désignait par essor du phénomène économique, avaient la réputation d’avoir en horreur les intellos et les prises de tête qui vont avec.

Une seule fois, il fit exception à cette règle de conduite avec la poésie de Heinrich Heine dont il parcourait quelques pages en Allemand qu’il apprenait le soir à l’Institut Goethe . Il entretenait encore l’illusion de partir à l’étranger, en Allemagne surtout. Une toute dernière illusion qu’il s’était promise à lui-même.

Le verset sortit de la bouche de l’homme assis à ses côtés dans le bus. Il n’avait rien de particulier et ne parlait vraisemblablement aucune langue autre que l’Arabe, mais le recueil lui suffisait pour donner tout heureux et partager une interprétation de la conviction adressée à Jean. Il dit au lecteur de Heine que la

Connaissance, le Savoir, la Science se prenaient avec force et il lui cita ‘’Ya Yahya, khoudi al Kitab bi qouwwah’’.

Etait-ce un signe ? Que prendre avec force ? Le Livre ? L’Allemand ? ou la poésie ?
John Withmight naquit plus tard, sur le même trajet en l’absence d’autres signes, de l’impossibilité à déchiffrer quand les portes étaient closes et que les Katya s’échinaient.

2 commentaires:

  1. thanks to the ratp!
    et aussi, ça me plait, beaucoup (pas très construdtif, mais vrai).

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  2. Merci beaucoup Zelapin. J'ai du mal à bien construire un texte, j'essaierai de faire de mon mieux pour les prochaines fois. Je suis très content que ça vous a plu. Sincèrement
    younes

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