Je l’ai appris comme ça.
Ca m’a fait l’effet d’un mauvais rêve au réveil.
Un vague brouillard qui fout le cafard. Qu’on chasse de la main et qui revient aussitôt.
Et aujourd’hui, face à cette feuille, je ne sais pas si je dois saluer un coup du sort ou une ironie du destin alors je pleure.
Voilà, je n’avais pas pensé à Xavier depuis des années. Parfois, en entendant un garçon du même prénom se présenter, le noir de ses yeux revenait secouer mes souvenirs. Mais sans émotion particulière. Xavier a épuisé mon énergie les années où on a été ensemble. Il est parti à coups de cris et de promesses abandonnées. En me laissant un souvenir doux-amer. Celui de mon premier amour. Celui d’un homme qui ne m’a franchement pas aidée à savoir ce que je voulais de la vie mais qui m’a permis de comprendre ce que je ne voulais pas. Et c’était déjà beaucoup.
Le temps est passé. J’ai grandi. Je me suis mariée. J’ai eu des jumelles. Sarah et Laura. Deux merveilles. J’ai été une jeune maman. Et une jeune divorcée.
Le mois dernier, j’ai fêté mes trente ans. On est allées au cinéma avec mes filles. Je leur ai acheté des pop-corns qu’elles ont jetés en riant. Je n’ai pas repensé à Xavier.
Et puis, le soir de l’enterrement de jeune-fille de ma cousine, on l’a déguisée en Barbie et on est entrées dans un bar. On était cinq, déjà un peu bourrées. On riait comme des adolescentes. On s’est affalées sur un canapé. Et là, face à moi, un peu plus vieux mais toujours aussi beau, j’ai aperçu Xavier en pleine conversation avec deux hommes plus âgés. Je l’ai immédiatement reconnu. Même s’il essaie de se vieillir avec ses petites lunettes et ses chemises bien repassées, il a toujours l’air un peu perdu de son adolescence.
Je me suis levée. Je voulais savoir ce qu’il était devenu. Mais j’ai immédiatement compris que les dix ans qui nous séparaient de notre histoire s’étaient évanouis. J’avais à nouveau vingt ans, des espoirs, beaucoup d’ambition, pas un sou, et une admiration infinie pour sa manière de regarder le monde. Le verre à moitié plein. En me voyant, il a souri. Il m’a demandé pourquoi j’avais un string sur mon pantalon. Je lui ai raconté Aurélie, son futur mari, sa conversion à l’islam, sa grossesse restée secrète et son ventre plat. Il a ri et a effleuré ma main. Je crois qu’il n’a pas vraiment voulu me toucher. C’est juste tombé comme ça. Comme notre rencontre, comme ses yeux brillants, ses études de droit, sa carrière, le mariage de sa sœur. C’est arrivé quoi. Comme ce qui a suivi, la soirée passée à surprendre le regard de l’autre, les sourires sincères et sa main sur la mienne.
Il était quatre heures quand on s’est retrouvés chez moi, sur le futon du salon. En voyant la pile de DVD Disney, il m’a demandé si j’avais des enfants. Je lui ai montré une photo de mes deux beautés. Les filles étaient chez leur père alors je n’ai pas réfléchi. On a allumé la télévision, il passait une redif de Ruquier et on a repensé à nos samedis soirs devant Ardisson. Il m’a entouré de ses bras. J’ai eu chaud. Je me suis sentie bien. Je n’ai pensé à rien. Ou plutôt si, j’ai pensé enfin. Enfin.
Le lendemain, il est parti en notant mon numéro. Il m’a parlé d’aller au cinéma la semaine suivante, de rencontrer les filles, de les amener à EuroDisney. D’être heureux ensemble.
Mais il n’a pas appelé.
Je me suis posé toute sorte de questions, j’ai émis des hypothèses, j’ai essayé de me remémorer notre conversation dans le moindre détail. Je me suis même dit qu’il lui était peut-être arrivé quelque chose.
Alors le week-end suivant, j’ai cherché dans mes carnets pour retrouver le numéro de ma meilleure amie de l’époque. Je savais qu’ils étaient restés en contact parce qu’ils étudiaient dans la même université. Je ne lui avais pas parlé depuis des années mais je n’avais aucun autre moyen de joindre Xavier.
Elle n’avait pas changé de numéro et au bout de trois sonneries, elle a décroché. Je lui ai vaguement demandé de ses nouvelles. Et, à peine ai-je prononcé le nom de Xavier qu’elle m’a dit : « C’est marrant que tu me parles de lui parce que je ne l’ai pas vu depuis des mois mais j’ai reçu son faire-part de mariage la semaine dernière. »
J’ai vu trouble.
Elle a ajouté : « Et tu sais quoi ? Il se marie avec une juge. »
J'aime beaucoup la chute...
RépondreSupprimerSi c'est de la fiction c'est bien mené.
Si c'est la réalité c'est aussi très bien raconté, bien mis en scène et découpé.
Dans ce cas ça me fait penser, pour continuer à explorer les liens entre réalité et fiction, à l'autofiction selon Serge Doubrovsky (voir wikipedia, je n'arrive pas du tout à mettre de liens ou tout autre copier/coller sur les commentaires.... Martin : on peut revoir ça sûrement dans les fonctionnalités des commentaires...)
Donc Doubrovsky dans Le livre brisé raconte son histoire d'amour malheureuse et la met en scène, au fur et à mesure qu'elle se déroule. C'est du moins ce que je m'en souviens, je l'ai lu il y a 20ans. Mais le thème m'a remis son nom en mémoire de suite.
@Lyjazz
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Martin