Les questions
Et puis, tandis que tu arrives à un
détour de ton récit et que tu t'arrêtes, perdu dans tes pensées,
le présentateur profite de cette pause pour se tourner vers
l'asscmblée :
- Et maintenant, je pense qu'il est temps
de passer la parole à la salle. Est-ce qu'il y a une question ?
(Silence.) Comme vous le voyez, notre invité n'a pas de mal à
s'exprimer, profitons-en ! (Silence.)
Enfin (et parfois, tout de suite) une
main se lève et une femme, un homme, le sourire aux lèvres,
demande :
- Depuis que vous avez eu du succès
avec vos livres, est-ce que vous vous sentez plus écrivain que
médecin ?
Ou :
- Pourquoi avez-vous cessé d'exercer
la médecine ?
Ou :
- Est-ce que vos patients se sont
reconnus dans vos livres ?
Ou :
- Est-ce que vous preniez des notes
entre deux consultations ?
Ou :
- Pourquoi est-ce que dans votre livre,
les patients parlent du médecin en disant "Tu" ?
Ou :
- Pourquoi êtes vous parti de France
Inter ?
Ou :
- C'est vrai que vous aimez beaucoup
les séries télévisées ? Vous pouvez nous expliquer
pourquoi ?
Ou :
- Et vos confrères, qu'est-ce qu'ils
pensent/disent de vos livres ?
Ou :
- Quand est-ce que vous avez commencé
à écrire ?
Ou :
- Pour un médecin, écrire, à quoi ça
sert ?
Ou :
- La radio, les livres, les critiques
de télévision, la médecine, l'internet... Comment trouvez-vous le
temps de faire tout ça ? Vous dormez combien d'heures, la
nuit ?
Ou :
- Est-ce que vous pensez qu'un jour
vous écrirez des romans dans lesquels il n'y aura pas de médecins ?
Ou :
- Est-ce qu'écrire, pour vous, c'est
une thérapie ?
Ou :
- Et pourquoi des romans policiers ?
Ou :
- Est-ce que vous avez envoyé le
manuscrit de votre premier livre par la poste, ou bien vous
connaissiez quelqu'un dans l'édition ?
Ou :
- J'ai vu que vous aviez mis votre
adresse internet dans votre livre. Vous répondez pas à tous les
courriers qu'on vous envoie, quand même !
Ou :
- J'ai lu quelque part que vous avez
beaucoup d'enfants. Est-ce qu'il y en a qui veulent devenir médecin ?
Ou :
- Est-ce que vous vous attendiez à ce
succès ?
Ou encore :
Comment vous est venue l’idée
d'écrire un roman polyphonique ?
Qu’est-ce qui est autobiographique
dans vos livres ?
Est-ce que vous avez toujours voulu
être écrivain ?
Est-ce que vos enfants lisent vos
livres ?
Avec qui avez vous des comptes à
régler ?
La maladie de Sachs, c'est une
vraie maladie ?
Vous ne vous trouvez pas un peu donneur
de leçons ?
D’où vient votre inspiration ?
Vous écrivez à la main, ou à
l’ordinateur ?
Pourquoi avoir choisi d'écrire sous
pseudo ? Et pourquoi celui-là ?
Est-ce que vous n’avez pas eu envie
d’écrire pour la télévision ?
Que pensez-vous du film de Michel
Deville ? Avez-vous participé au tournage ?
C’est vrai que vous écrivez dans
Spirou ?
Comment êtes vous accueilli à
l’étranger ?
Ça ne vous dérange pas qu’on vous
parle plus de médecine que de littérature ?
Que pensent vos patients du fait que
vous soyiez écrivain ? Ça ne les dérange pas que vous
racontiez leur vie ?
Qu'est-ce que ça a changé pour vous,
le succès ?
Comment êtes -vous perçu par les
autres écrivains ?
Qu’est-ce que ça fait d’être
devenu une figure médiatique ?
Est-ce que vous avez pensé à faire de
la politique ?
Vous qui êtes un militant, pourquoi
choisir le roman plutôt que l’essai ?
Combien est-ce que vous gagnez avec vos
livres ?
Et aussi :
- Qu'est-ce que
vous écrivez, en ce moment ?
Et toi (te
tournant vers le présentateur, puis vers l'assemblée) :
- Vous n'êtes pas pressés d'aller
vous coucher ?
Ils rient et font non de la tête.
- Bon... Eh bien, alors, voilà...
Et à ce moment-là, de nouveau, avec un mélange de délice et de soulagement, tu sens l'angoisse te quitter, tu te dis que ce ne sera jamais fini, que tu resteras là
pendant trois jours, cinq mois, mille ans, que tu auras toujours
quelque chose à raconter, et eux, envie de t'écouter.
Tant qu'il en sera ainsi, tu sauras que tu es vivant ; et que tu seras vivant le jour suivant, pour raconter encore. A elles, à eux, ou à d'autres.
Tant qu'il en sera ainsi, tu sauras que tu es vivant ; et que tu seras vivant le jour suivant, pour raconter encore. A elles, à eux, ou à d'autres.
Et ta vie rêvée, c'est ça.
Une vie de Shéhérazade.
FIN
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Post-Scriptum : Ce feuilleton, à l'exception du 11e chapitre, rédigé la veille de sa mise en ligne, a été écrit entre 2004 et 2009, par vagues successives. Il était originellement destiné à devenir un livre intitulé Comment survivre à un best-seller. Comme beaucoup d'autres textes, il était resté inachevé jusqu'à ce que je décide de le mettre en ligne sur ce blog. Merci de l'avoir lu et de m'avoir permis, par vos réactions, de lui trouver, finalement, un sens.
Mar(c)tin
Tout a une fin, les vacances,et le feuilleton dont je n'ai raté aucun épisode, même pendant notre séjour en Angleterre. Bon, ça s'arrête, tant pis, en tout cas je me demandais comment ça finirait, et je ne suis pas déçue, j'aime bien la chute.
RépondreSupprimerC'était ça donc "Comment survivre à un best-seller"? Je vous ai tanné pour le lire celui-là. Et le voila. Ouah....magnifique petit bouquin ça aurait été.
RépondreSupprimerVivant, intime, un cadeau pour vos lecteurs(trices).
Bien, bien.
Au retour de mes vacances, le feuilleton complète et un nouveau livre qui va sortir: c'est le coup de pouce parfait pour partir à nouveau dans la vie de tous les jours.
RépondreSupprimerVous c'est encore mieux que Shéhérazade, car elle n'a duré que 1001 nuits.
Bon ben c'est officiellement la fin de l'ete alors mais enfin, plein de bonnes lectures en perspective.
RépondreSupprimerMerci de nous avoir offert ce texte en tout cas