J'ai lu trois fois Techniques de l'amour de Frédéric Boyer.
J'ai aimé quelqu'un de toutes mes forces.
C'est un "petit
livre", par le format et le nombre de pages.
Quelqu'un fut l'instant de quelques nuits mon
maître, mon souffle, ma faim, ma toute folie.
Ne vous fiez pas à sa
légèreté d'objet-livre, car elle est inversement proportionnelle à la gravité
de son contenu.
Je ne m'aimais plus que pour l'autre, ce qui
revenait à me perdre, en quelque sorte, comme si je n'existais pas.
Ne vous fiez pas à la
brièveté des paragraphes en le feuilletant sur la table de votre libraire. Ce
livre n'est pas un traité ou un
essai, c'est une suite poétique qui parle du deuil que chaque amour porte en
lui, dès son commencement, et longtemps après sa fin.
J'ai aimé parler avec quelqu'un que j'ai tant
aimé.
Ne vous fiez pas au
titre. Il est comme une première (ou dernière) ironie douloureuse à l'égard du
contenu, et probablement du mouvement qui a fait sortir ce texte des doigts de
l'auteur.
J'ai aimé jusqu'à ne plus savoir qui j'étais ni
qui j'aimais.
Ne vous fiez pas à mon
sentiment sur ce livre : il est partiel, partial et ambivalent. Je l'ai lu
trois fois parce que chacune de mes lectures me laissait dans la bouche ce goût
de cendre que Frédéric Boyer mentionne à deux reprises au moins, et parce que
je ne voyais pas comment l'atténuer, sinon en cherchant obstinément sa cause et
sa cure dans ces phrases ourlées qui, à travers mes yeux, se sont chargées de
tristesse et d'amertume.
Mais je ne saurai jamais à quoi tient le fait que
ce soit cette personne-là précisément et pas une autre.
Si je l'ai lu et relu, et
relu encore, c'est pour tenter vainement de faire mien ce que Frédéric Boyer a
déposé sur le papier comme on insère des fleurs fanées entre deux pages. Mais
ses phrases ne sont ni fanées ni sèches à la lecture ; elle s'élèvent, tels des
éphémères, lumineuses et intimidantes au point qu'on se refuse à tendre la main
vers elles, par crainte de les détruire à force de les désirer.
Comment ce geste, cette position de la main, ce
mouvement des lèvres, cette lumière du regard, peuvent-ils être l'expression de
l'amour ? Après tout, ce n'est qu'une main, qu'un regard.
Si je l'ai lu et relu et
aimé le relire et pleuré en le relisant, c'est parce que la littérature n'est
pas un moyen de connaître l'amour, de le retenir ou de le prolonger – pas plus
que l'amour n'est un moyen de connaître, de retenir ou de posséder l'autre. La
littérature et l'amour sont, l'une et l'autre, insaisissables.
Je peux l'aimer de mémoire.
M.W.
(Toutes les phrases en
italique ont été empruntées au livre.)
Eh bien... ça donne à méditer. Vous touchez un point sensible. Ne me demandez pas lequel, je n'ai aucune envie de vous le dire. Cela étant, vous répondez, vous, indirectement à des questions que l'on me pose. Mais comment traduire et retransmettre sans s'égarer ? Je ne vais pas vous utiliser MW. Je vais trouver un autre moyen.
RépondreSupprimerMerci en tout cas
En tout cas voilà qui donne bigrement envie de découvrir ce bouquin (1).
RépondreSupprimer(je ne vais plus oser proposer de sujet, moi, c'est trop fort).
(1) quoique peut-être pas tout de suite, il serait sans doute plus prudent que j'attende que mon chagrin belge, j'ai failli écrire du moment tellement ça vire à l'habitude de me faire flinguer là-haut affectivement, devienne supportable.
A la première lecture je n'avais rien compris, pas accroché.
RépondreSupprimerAujourd'hui je suis in the mood. Dans une fatigue et une ouverture des connexions qui me relie à cet amour.
Je suis allée écouter un peu Frédéric Boyer, sentir le rythme de ce texte poétique.
L'amour est fait pour être lu, dit, déclamé.
En effet.
Et on ressent bien le deuil de la fin de l'amour, tel qu'on l'aurait voulu/espéré/continué.
(J'ai aimé quelqu'un)
RépondreSupprimerJe le decrète : ce n'est certes sec, ces sentences ; elles s'élèvent, telles des éphémères; tendre vers elles ne s'entend q'en rêve, q'elles ne se demettent bêtement...
trop douloureux comme sujet mais tellement bon
RépondreSupprimerUn parfum léger qui vous enturbanne, une tete qui se tourne quand on compte les secondes, un regard que l'on sent dans son dos, la courbure d'un muscle sous un tissu léger, un sourire a peine esquissé, des poemes d'enfant restés en suspens, des pistes lancées jamais avouées, petits cailloux posés sur des chemins protégés. Ils mènent à des sentiers bordés de giroflées, d'herbes sauvages et de rares coquelicots. Les techniques de l'amour font le coeur chavirer, comme ces touffes d'oeillets d'Espagne ou les figuiers en été. Ah, s'il pouvait m'aimer !
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