Un : Deux
ans à Montréal
Il y a deux ans, en février 2009, j'arrivais à
Montréal.
Quand j'y pense aujourd'hui, j'éprouve un sentiment
mêlé d'étonnement et d'évidence.
Je rêvais de vivre en Amérique du Nord depuis que
j'y avais passé un an, à l'adolescence. J'étais amoureux de Montréal depuis la
première fois que j'y avais mis les pieds pour la première fois, en 1999, grâce
à La Maladie de Sachs et aux multiples invitations qui
m'avaient permis d'y revenir presque chaque année.
A mon arrivée, j'étais très heureux, mais ceux qui
m'ont accueilli ici (les amis, les collègues du CREUM) m'ont dit à plusieurs
reprises : "Tu vas peut-être être déçu."
Ca fait deux ans que j'habite ici et je ne suis pas
déçu le moins du monde. Je me sens chez moi, dans cette ville, dans ce pays.
Qui plus est, vivre à Montréal m'a libéré à bien
des égards. Mon statut de chercheur, même s'il est modeste et temporaire,
m'a ouvert beaucoup de portes et de perspectives. En deux ans, j'ai pu
assurer deux charges de cours - l'une (à l'automne 2009) d'éthique clinique,
l'autre (à la session d'hiver 2011) de création littéraire. J'ai écrit deux
romans (Le Choeur des femmes, paru chez P.O.L en 2009 ; Les
Invisibles, à paraître au Fleuve Noir en mai 2011). J'ai publié
plusieurs dizaines d'articles et de chroniques, dont une demi-douzaine en
langue anglaise. J'anime actuellement un atelier d'écriture "Ethique et
Fiction", et on m'en a confié deux autres, l'un au festival
"Métropolis Bleu" de Montréal (fin avril 2011) ; l'autre à la Faculté
de Lettres de Tours (fin mars 2011). J'ai participé à une dizaine de colloques
en tant que contributeur et fait une quinzaine de conférences (dont trois ou
quatre par Skype !). J'assure trois chroniques : l'une, mensuelle et médicale,
sur le site passeportsante.net ; la seconde, culturelle et mensuelle dans les
journaux du groupe "Centre France" (dans l’édition du dimanche, face
à la page « Livres ») ; la troisième, médicale et bimestrielle,
dans le magazine de consommation santé québecois « Protégez-vous ».
Je n’arrive pas à écrire régulièrement pour
« Rover Arts », le blog montréalais culturel anglophone. J’y ai posté
trois articles sur la télévision l’an dernier et depuis, plus rien. C’est sans
doute le reflet de mon relatif désintérêt critique pour les séries. Je continue
à en regarder (j’aime ça ; comme j’aime lire et aller au cinéma) ;
mais je n’ai plus grand-chose à en dire. En tout cas, pas en ce moment.
Paradoxalement, je me sens au moins aussi
"occupé" que je l'étais en France, mais beaucoup moins fatigué. La
plupart de mes activités se déroulent à Montréal (bon, je vais à Chicoutimi la
semaine prochaine et à Sherbrooke en mars, mais ça reste ponctuel). Je passe
beaucoup de temps dans le bus et le métro (40 minutes de trajet entre domicile
et bureau) mais je lis beaucoup plus qu'auparavant (dans le TGV entre Le Mans
et Paris, je m'endormais...).
Je lis beaucoup plus. J'écris toujours
beaucoup. J'ai le sentiment de penser plus. Plus librement.
Plus clairement.
Partir c'est rompre avec un grand nombre
d'habitudes, d'objets, de gens, de comportements. Ce n'est pas nécessairement
s'isoler ou rompre. C'est, remettre certains compteurs à zéro. Et si pour
certaines choses c'est angoissant et difficile, pour d'autres, c'est une
bénédiction.
Deux :
Résolutions pour 2011
Il n'est jamais trop tard pour prendre de bonnes
résolutions pour l'année, alors voici les miennes :
- Terminer le roman que j'essaie d'écrire depuis
six mois.
- Cesser de consulter mes boîtes à courriels tous
les quarts d'heure
- Finir le livre sur la médecine de famille
- Ecrire trois articles en anglais même si c'est
difficile
- Terminer la version écrite de la conférence sur
la sexualité des étudiants en médecine que j'ai donnée il y a quinze jours
- (et la publier)
- Lire un roman et des nouvelles en anglais (je ne
lis que des livres de sciences humaines en ce moment)
- Rassembler tous les articles de ce blog pour en
faire un livre qui s'intitulerait "Ma vie au clavier" (première
pensée) ou "Profession : écrivain" ou autre chose (suggestions
bienvenues)
- Passer moins de temps à regarder des séries (mais
j'ai beau avoir beaucoup réduit ma consommation, je n'arrive pas à descendre
sous la quinzaine) et plus de temps à voir ou revoir des films avec mes garçons
(mais il y en a tellement !)
- Composer le grand livre sur l’éthique dans les
séries médicales dont je rêve depuis longtemps (mais faudrait d’abord que je rattrape mon retard dans House, M.D. et que je me procure les
saisons de ER qui me manquent... Et que je revoie tout.)
- Faire un peu plus d'exercice - mais ça prend du
temps de lecture et d'écriture et franchement, en dehors de la marche à pied
(j'en fais tous les jours) et de la natation (fait froid et y'a pas de piscine
tout près)... Bon, MPJ vient de m'offrir un vélo pour mon anniversaire, mais il
va falloir attendre mars ou avril pour m'y remettre.
- Ecrire plus régulièrement (une fois par semaine)
sur ce blog. Plus, ça ne me paraît pas vraiment souhaitable : ça risque de
prendre du temps aux autres activités et de toute manière tous les
lecteurs/trices de ce blog n'arriveraient pas à suivre, d'ailleurs plus
personne ne m'envoie de textes pour les exercices.
- Lorsque je serai résident permanent du Québec, postuler pour une bourse d'aide à l'écriture du Conseil des Arts du Canada. J'ai moins honte de le faire ici que lorsque je vivais en France, où j'ai toujours trouvé indécent de demander une aide publique ou une résidence d'écrivain, alors que je gagnais déjà très bien ma vie. J'avais le sentiment que je prenais la place de quelqu'un d'autre, qui en avait plus besoin que moi. Ici, je n'ai pas ce sentiment. Probablement parce qu'ici, je n'ai pas le sentiment d'être un privilégié. Mais juste un écrivain parmi beaucoup d'autres.
- Etablir un programme de travail plus régulier
chaque jour. Genre : répondre au courrier entre le lever et le départ pour le
bureau ; lire dans le bus et le métro (c'est déjà le cas) ; écrire entre 10 h30
et midi (entre midi et une, les membres du CREUM déjeunent ensemble, et parfois
l'un de nous présente un travail et on l'interroge entre deux bouchées de
sandwich ou de salade de tofu) ; écrire entre 13.30 et 18.30 ; lire dans le
métro et le bus au retour ; travailler entre 20.30 et 23.00 ; résoudre les
problèmes intellectuels de la journée en rêve pendant la nuit.
Oui, ce serait le rêve.
Faut juste que je case le reste dans ce beau
programme. Le reste, c'est la vie matérielle...
Mar(c)tin
J'aime beaucoup la réflexion sur les bourses ou résidences qu'on ose solliciter ou pas, la place des lettres (disons ça comme ça) en France c'est un peu comme celle de l'opéra, un tantinet biaisée je crois.
RépondreSupprimerLe programme est impressionnant. J'ai dû apprendre à inclure dans le mien du quotidien des plages de sommeil ou au moins de repos en plus de la nuit : on ne peut pas être efficace tout le temps (en tout cas moi et surtout moi l'hiver).
Le poids (d'énergie et de temps) de la vie matérielle, on en parlait avec une amie (qui elle aussi écrit) encore cet après-midi et où qu'on vive, ça semble sans réduction possible. Il faudrait des pouvoirs magiques ménagers (et administratifs).
Ah, oui, pouvoir faire la vaisselle en remuant le nez, comme Samantha la sorcière. A propos, je viens de revoir "Ma femme est une sorcière" (I Married a Witch), une des comédies américaines de René Clair, et c'est toujours un régal. L'amour est plus fort que la magie...
RépondreSupprimerOui, à lire ce programme je me dis que je suis bouffée par l'intendance....
RépondreSupprimerFaut dire que 2 enfants petits rendent les tâches ménagères plutôt incontournables.
Bon, et moi je me dis : allez, il faut que j'envoie un texte pour le blog, parce que les Chevaliers des Touches sont un peu en sommeil, là...
Sinon, je sens bien la liberté nouvelle dans le ton, et la demande de résidence aussi. ça donne envie de sortir des idées confites notre "vieille Europe" en effet....
comment, plus personne ne vous envoie ses petits exercices d'écriture?
RépondreSupprimer;-)
j'aurais pu vous en envoyer trois à la fois, mais je n'ai pas osé...
j'aime bien ce que vous dites sur "partir" qui n'est pas nécessairement "rompre ou s'isoler" mais qui est surtout "remettre certains compteurs à zéro"; il est bien vrai que pour de nombreux domaines de la vie, cela peut être un exercice salutaire...
J'aime bien quand vous dites : "Je me sens chez moi dans cette ville, dans ce pays".
RépondreSupprimerForcément, ça me parle.
Et dans tout ça, du temps pour sa femme, ses enfants...
D'accord avec gilda pour le temps qu'on consacre au "matériel". Sans réduction possible, c'est exactement ça.
Je viens de faire ma liste à partir de celle-ci. Très intéressant comme le point de vue est important.
RépondreSupprimerSi je me laisse aller je démarre facilement en listant :
- Terminer de ranger le bureau
- Planifier les travaux du couloir et de la salle de bain, etc
et très loin derrière :
- re-écrire mes nouvelles pour les rendre plus cohérentes
Alors que si je commence par lister les travaux d'écriture qui me tiennent à coeur, en oubliant volontairement mes autres activités, en resserrant sur celles qui sont artistiques.... j'ai déjà de quoi occuper mes journées et mes nuits copieusement.
En fait, il faudrait plusieurs vies aux touche à tout qui veulent tout essayer...
Comment faire ?
j'ai eu une réflexion plus forte que les autres en lisant ce message et je me permets de la déposer ici en espérant qu'elle ne sera pas mal perçue: je ne vois pas l'intérêt de publier un livre avec les articles de ce blog. (bien sûr tout le monde n'a pas internet etc etc mais là, à ce jour, j'ai l'impression que ceux qui veulent savoir ces choses-là, celles qu'on peut lire ici, y ont accès.)
RépondreSupprimerune fois, Martin, vous disiez avoir trop publié, ce livre-là ferait partie de ça, je crois.
bon vélo!
Voilà un programme bien chargé, j'espère que vous arriverez à vous y tenir - à peu près. Quand on y arrive à peu près, déjà, on est content ! Je vous souhaite en tout cas de mener tous ces projets à bien.
RépondreSupprimerPour les exercices d'écriture, j'avoue que je me suis cassé le nez sur le dernier, ça n'est pas faute d'avoir essayé mais il est difficile !
Quant à vos lectures, je remarque que vous n'en parlez pas ici, ça pourrait ajouter une facette intéressante au blog, même si ça n'est fait que succintement. On est toujours curieux des lectures des écrivains dont on apprécie le travail !
Ah les listes de résolutions... Bravo à ceux qui continuent à en établir! Bravo également à ceux qui y incluent les tâches matérielles - c'est vrai qu'on a tendance à penser que le temps est extensible pour ce qui vous ennuie... et en fait il l'est de moins en moins au fur et à mesure qu'il passe... drôle d'expérience.
RépondreSupprimerUne question: un blog est-il fait pour être publié... autrement qu'en blog? A voir...
@Zelapin+Galm: L'idée de rassembler les articles de ce blog ne me choque pas du tout. Je connais plein de gens qui ne lisent pas de blogs (et ils ne sont pas forcément plus âgés que moi ;-)). Certains articles de MW sur l'écriture ont suscité tellement de commentaires que leur intérêt est manifeste, pourquoi en priver ceux qui préfèrent le papier? Et puis pourquoi les textes d'un blog ne devraient-ils exister que sous cette forme? Avant d'être publiés en tant que romans les textes de Dickens ou de Balzac (pour ne citer qu'eux) paraissaient bien sous forme de feuilleton dans des journaux...
RépondreSupprimer@Zelapin, Galm et Martine : Merci pour vos commentaires sur l'opportunité de publier les articles de ce blog. J'aimerais seulement préciser qu'il ne s'agirait pas de les publier textuellement, mais de les reprendre et de les compléter pour composer un tout qui rendrait compte de mon métier d'écrivain. Ce ne serait pas la première fois que je fais ça : "Histoires en l'air" et "J'ai mal là" sont des recueils (réécrits) des textes que j'ai semi-improvisés sur Arteradio.com (et qu'on peut toujours entendre sur le site). Il y a deux versions de ces textes. Je ne le regrette pas. Et quand je disais que j'avais le sentiment d'avoir trop publié, je voulais dire que certains livres, qui m'ont été commandés, ne me semblent plus, rétrospectivement, aussi "utiles" que lorsque je les ai écrits. Celui-ci, si je le fais, ce sera parce qu'il m'est nécessaire.
RépondreSupprimerMoi je suis pour le livre.
RépondreSupprimerEt je suis pour la rediffusion à la télé avant 23h, et même avant 21h, de tous les films de René Clair ! (Je me souviens du ciné-club qui commençait à 22h30 ou a 22h45; je me souviens aussi que j'ai vu Manhattant, de Woody Allen, en vo à 20h35 sur FR3... Et je suis sûr que vous ne me croyez pas, mais c'est arrivé, au début des années 80.)
Il y a eu tout plein de choses formidables à la télé française au début des années 80. Certaines ont duré longtemps ("La dernière séance", "Cinéma/Cinémas"). D'autres ont duré moins longtemps (des magazines dont j'ai oublié le nom). D'autres ont fait des petits ("Merci Bernard" sur F3 a ouvert le chemin de "Palace"). Et oui, on passait des films en VO à 20.35...
RépondreSupprimerPEndant quelques années, la télé a été plus libre qu'elle ne l'avait jamais été auparavant, et qu'elle ne l'a été depuis.
Et puis, en 1986, Chirac a vendu TF1 à Bouyghes...
Comme magazine éphémère et formidable je me souviens de "Saga" (scientifique), de "Remue-méninges", de "Moi Je"... et de "7 sur 7" première manière (présenté par 3 journalistes, 2 par 2 en alternance; au moins 2 d'entre eux s'appelaient Frédéric... Si c'est vrai !).
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