Reconstruire
Démolie je suis, vaincue !
Perdue je suis, vidée, emplie de doutes
Il faut refaire, mais comment, mais quoi ?
Je repense à ces six mois
Assise derrière ma machine à tricoter
Six mois d’échecs, jour après jour
A remettre chaque matin l’ouvrage sur le métier
Essayer encore et encore
Pleurer de rage et d’impuissance
Ravaler mon orgueil en même temps que ma morve
Petit ego pas content content
Petit ego pas content du tout !
Or un matin pourtant, victoire, une chaussette était née !
Sans une fausse maille ; pour le même prix la paire !
Alors pour les mots, pourquoi pas l’identique ?
S’il suffisait juste d’un certain nombre d’heures
D’une certaine quantité de travail pragmatique
Un beau matin s’éveiller d’humeur lyrique
Ré apprivoiser l’écriture, le langage
Tricoter les mots justes, quelle gageure !
Recommencer toujours, patience, persévérance…
Aussi souvent qu’on peut et quelle qu’en soit l’issue
Jusqu’à ce que la tournure soit belle, la phrase réussie
Jusqu’à ce que l’histoire soit à son apogée
Laisser tomber l’orgueil et le paraître
Et le chagrin de n’être qu’envie
Qu’en vie… et sans génie !
Ah ! Retrouver le désir, la foi, la passion
Le talent, le don, le sens de la formule
En un mot comme en cent, surtout en majuscules
ECRIRE C’EST MA RAISON DE VIVRE
Et la raison aussi de mon sourire béat
Quand enfin je sors victorieuse de ce combat
Qui tout en me vidant de ma substantifique moelle
Me remplit d’un bonheur en tous points indicible
J’ai, aujourd'hui encore, pu mettre au jour ma prose
Et voilà bien une chose qui mérite qu’on l’arrose !