Présentation
Bonsoir
à toutes et à tous, je suis très heureux de vous accueillir ce
soir à la Médiathèque de Tourmens pour cette soirée dans le cadre
de nos rencontres littéraires mensuelles. Je n’ai pas besoin de
vous le présenter notre invité, que je remercie vivement d’être
avec nous ce soir, on ne le présente plus, vous connaissez tous...
Et
toi, tu ne peux pas t’empêcher de penser : « Non, ils
ne me connaissent pas tous. Et puis connaît-on jamais vraiment, même
si on en a entendu parler - même si on les a entendus parler -
sait-on jamais qui sont vraiment les gens soi-disant célèbres qu’on
ne présente plus et que, donc, on ne présente pas ? La moindre
des choses ne serait-elle pas qu’ils se présentent eux-mêmes ? »
et tu voudrais pouvoir résumer ta vie en quelques secondes en
commençant par le commencement puisque pour tout le monde c’est
quand même comme ça que ça démarre, et pour toi pas moins que
pour un autre et peut-être encore plus (Je suis né en 1955. Je suis
né et j’ai grandi dans la maison d’un médecin et j’ai
toujours voulu faire le même métier que mon papa. Je lis depuis que
je suis tout petit et j’ai toujours aimé les histoires. J’écris
depuis l’âge de dix ou douze ans et j’ai toujours voulu être un
écrivain américain. Aujourd’hui, je suis père de famille
nombreuse, j’exerce la médecine sous mon patronyme, je publie
(surtout en français, un peu en anglais) sous le pseudonyme de
Martin Winckler. Je suis né à Alger, en 1961 ma famille a quitté
l’Algérie pour aller s’installer - en vain - en Israël et finir
par retourner en France et se fixer à Pithiviers (Loiret) en 1963 où
j’ai passé mon enfance et mon adolescence. En 1972, après mon
bac, je suis allé passer un an chez une famille américaine à
Bloomington (Minnesota) et j’ai appris là presque tout ce qui me
permet aujourd’hui d’exercer mes métiers d’écrivain, de
médecin et de traducteur - taper à la machine, parler et lire
l’anglais, constituer une documentation - et bien d’autres choses
encore. Pendant les dix années qui ont suivi, j’ai fait des études
de médecine à Tours (Indre-et-Loire). En 1983, j’ai créé un
cabinet de médecine générale à Joué-L’Abbé (Sarthe). La même
année, je suis devenu rédacteur à Prescrire,
jeune
revue médicale indépendante installée à Paris (75). L’année
suivante, on m’a confié deux vacations - au centre de
planification et dans le service d’IVG - au Centre Hospitalier du
Mans, où je n’ai jamais cessé d’exercer depuis.
Au
cours des années 80, j’ai publié de nombreux articles médicaux
et quelques nouvelles ; j’ai rédigé le premier jet d’un
premier roman, La
Vacation,
avec une IBM à boule et fini le second jet de ce même roman avec un
ordinateur. J’ai envoyé mon tapuscrit à cinq éditeurs. Paul
Otchakovsky-Laurens m’a appelé pour m’annoncer qu’il
voulait le publier dans sa maison, P.O.L, en 1989. Je me suis mis à
traduire, de l’anglais au français, de la littérature, des revues
et des livres de médecine, des romans policiers ou de
science-fiction, des comic-books.
J’ai gagné ma vie en traduisant autant qu’en exerçant la
médecine générale.
Entre
1991 et 1994, j’ai déménagé, j’ai divorcé et je me suis
remarié. Lassé de prendre des gardes de nuit ou de week-end dans un
rayon de trente kilomètres et de travailler avec un médecin avec
qui je ne m’entendais pas, j’ai eu envie de souffler un peu. En
1993, j’ai cédé la place à Joué l’Abbé à un jeune
praticien. J’ai poursuivi mon activité de médecin vacataire à
l’hôpital du Mans et gagné ma vie penché sur un clavier et un
écran. Entre deux articles, traductions et autres tâches d’écriture
mercenaire, je rédigeais, sans attente ni espoir particulier,
chapitre après chapitre, un troisième roman intitulé La
Relation dans
lequel je m’efforçais raconter (de relater)
la
vie quotidienne d’un médecin généraliste et les liens (les
relations) qu’entretenaient entre eux et avec lui les patients qui
venaient le consulter.
Début
1997, quelques jours après avoir reçu le manuscrit, Paul m’a
appelé pour me dire que c’était le
roman qu’il attendait de moi .
(Ces mots m’ont marqué parce qu’il évite le plus souvent toute
emphase : lorsqu’il aime beaucoup un livre, il le qualifie de
« très bon » s’il il a été publié par un autre
éditeur, et de « sensationnel » quand c’est lui qui
l’a publié). Un autre écrivain venait de publier un roman
intitulé La
relation.
Après quelques tâtonnements, j’ai rebaptisé le mien La
Maladie de Sachs et,
après moult relectures et corrections, le texte est parti chez
l’imprimeur à l’automne. Fin décembre 1997, j’ai reçu le
premier exemplaire. En feuilletant les 500 pages imprimées en petit
caractère, j’ai poussé un grand soupir. J’étais heureux de
publier un second livre chez P.O.L neuf ans après La
Vacation,
mais ce roman-ci était, à mes yeux, sombre et déprimant. En le
posant sur la table, j’ai dit : Personne
ne va lire ça.
Six
mois plus tard, en mai 1998, un jury de 24 lecteurs et auditeurs de
France Inter faisait de La
Maladie de Sachs
« leur » Livre Inter. Le roman écrit en cinq ans est
devenu en quelques semaines un succès de librairie - ce qu’on
appelle communément un best-seller)
ton parcours en quelques phrases, mais si tu as appris à maîtriser
les formes courtes quand il s’agit de langage écrit, tu es
incapable de synthétiser ta pensée en quelques phrases et si jamais
on te donnait le temps, tu mettrais un petit moment pour tout
raconter, tant tu serais hésitant à choisir les éléments
importants et ceux qui ne le sont pas alors tu passes d’un extrême
à l’autre et tu dis :
« Bonjour.
Mon
nom est Marc Zaffran. Je suis médecin généraliste, j’écris des
romans et des essais sous le pseudonyme de Martin Winckler et mon
livre le plus connu s’intitule La
Maladie de Sachs. »
Et
pendant que, dans l’auditoire, plusieurs personnes hochent la tête
tu murmures de manière presque inaudible : « Et c’est de sa
faute si je suis là. »