Appuyée contre le tuyau froid dans les toilettes, elle pleure. Les larmes salées entrent dans sa bouche, dégoulinent dans son cou, collent ses cheveux. Elle aime leurs contact parce qu'elle les connait bien, elles sont de fidèles petites compagnes qui lui piquent la langue, l'ancrent à la vie et lui rapellent qu'elle est encore faite de chair et de sang.
Elle compose le numéro, encore et encore, et écoute les tonalités se perdre dans le vide, et l'espoir monte et se brise, à chaque fois. L'espoir de quoi?
Il ne répondra pas. Et même s'il le faisait, pour dire quoi de plus? Il ne ressent plus rien, Il a rencontré quelqu'un d'autre, et maintenant, Il aimerait bien qu'elle le laisse tranquille, parce qu'il aimerait bien voir la fin de son film. Voilà. Cinq ans, cinq minutes, plié et emballé.
A mesure que les mots prennent du sens, le froid s'insinue dans sa poitrine, le Grand Vide s'installe, et les larmes l'abandonnent.
Ce n'est pourtant pas la première fois qu'Il arrache des petits morceaux de son coeur, ni même qu'il la quitte, mais la douleur est toujours aussi vive. Les autres fois, elle a persévéré. Pardonner et s'annihiler pour qu'Il l'aime un peu plus longtemps.
Tant qu'elle tient le téléphone, le Lien, dans sa main, elle cautérise la plaie avec. Mais le Grand Vide a chassé tout l'espoir et elle fini par reposer le téléphone.
Le brouillard qui suit s'étire lentement. Une coquille vide qui mange, qui dort, qui se lève. Regarder son répondeur comme un énemi silencieux. Ne pas supporter d'être seule mais ne supporter de voir personne. Flotter entre le temps et l'espace.
Aujourd'hui elle est à cette soirée avec des amis, au milieu de tous ces gens, elle sourit et hoche la tête en temps voulu, elle trouve qu'elle ne s'en sort pas si mal. Elle donne le change.
C'est une soirée avec des copains qu'elle n'a pas vus depuis très longtemps, et chacun raconte un peu ce qu'il est devenu. La fille en face d'elle reviens d'Australie. C'était une copine au lycée, elles habitaient la même rue et se disputaient toujours la première place à l'école.
C'est marrant les chemins que prennent les gens, les voies qu'ils suivent et qui les emmènent plus ou moins loin de leurs idéaux d'adolescence.
Miss Australie est habillée simplement mais semble à l'aise dans ses vêtements. Ses boucles d'oreilles viennent du Mali, elle est allée enseigner le français en Virginie quelques années après le bac. C'est fou cette façon qu'a la vie de vous déposer exactement là où vous devez être si vous savez saisir les opportunités qu'elle vous donne.
Elle a des amis un peu partout dans le monde et explique que ce qu'elle aime vraiment, ce sont les rencontres inattendues et enrichissantes.
Elle n'a pas peur de vivre. Elle n'a pas besoin de béquille.
C'est sans doute à ce moment là que le petit rayon de soleil a percé le brouillard. Elle regarde cette fille sourire et agiter les mains devant elle et elle se dit : "Pourquoi pas moi?" .
Elle regarde sa vie et elle se demande ce qu'elle fait là. À quel moment s'est-elle trompée de chemin et s'est-elle perdue en route? Accepte d'exister. Fais taire la petite fourmi laborieuse et écoute ta vraie voix. Saute dans le train en marche, pars attraper tes rêves avant qu'ils ne s'échappent.
Voilà. Quelques secondes pour des années.
Elle a vidé son appartement et rendu les clefs. Ses classeurs, ses cours et ses polycopiés d'internat sont chez ses parents dans un carton à la cave, ils attendront son retour. Son sac à ses pieds n'est pas trop gros, et elle se regarde dans le miroir au dessus des toilettes. Elle se trouve belle sans maquillage.
Elle est prête.