Filtrage
Vendredi j'ai passé la journée avec un petit groupe de médecins autour du thème des "conflits d'intérêt". Au cours des échanges qui ont eu lieu (et à propos des méthodes qui permettent de réfléchir à sa pratique), l'une des participantes a demandé si, quand on mettait sur le papier une expérience clinique, soit pour la lire à d'autres, soit pour la relire plus tard, on ne courait pas le risque de "filtrer" ce qu'on dit.
Je suis très sensible à cette idée de "filtrage" dans les textes autobiographiques. A l'âge de 14 ans, j'ai commencé à tenir un journal, et il y avait tant de choses qui se pressaient à dire - et que je n'osais pas dire de peur que ma mère tombe dessus et les lise - que mes textes étaient bourrés de points de suspension. J'étais persuadé que je me souviendrais toute ma vie de ce que ces points de suspension contenaient ou désignaient ! Mais c'était une forme de protection, bien naturelle à un âge où les garçons "doivent" courir après des ballons, et non rester coincés dans leur chambre, à lire ou (pire !) à écrire.
Alors, bien sûr, quand on écrit, que ce soit des textes intimes ou de la fiction, on "filtre". Ne serait-ce que parce qu'on choisit ses mots, ou son approche, ou ses sujets. Mais ce qu'on ne sait pas - et qu'on découvre bien plus tard - c'est qu'un filtre, ça retient et ça laisse passer. Ce qui passe semble anodin, sans danger, sans conséquence... et ne l'est pas. On le sait d'autant moins qu'on ne voit pas ce que ça donne en fin de compte, dans le texte. Il en va de même pour la fiction. On a beau être persuadé qu'on sait ce qu'on fait, il y a tant, dans le résultat, qu'on n'avait pas prévu, que les lecteurs/trices voient et pointent, et qu'on n'avait pas vu non plus à la relecture, fût-elle la douzième.
C'est comme les "coquilles", ces fautes d'orthographe ou de frappe ou de mise en page, qu'on trouve dans tous les livres (il y en a un certain nombre encore dans Le Choeur des femmes, j'espère que j'aurai l'occasion de les faire rectifier s'il y a une réimpression). Quand on lit, surtout quand on est un lecteur rapide, on ne les voit pas toujours. Même les relecteurs professionnels ne les revoient pas, car au bout d'un moment, ils ne peuvent pas seulement s'astreindre à regarder les mots et les lignes, ils... lisent. Et le cerveau comble les trous. Il met un mot là où ce mot manque, il remet dans l'ordre les lettres inversées, il ajoute l'alinéa qui a sauté, etc.
Le cerveau travaille sans qu'on s'en rende compte et il nous joue des tours. Mais au fond, l'essentiel, quand on écrit, n'est pas de se préoccuper de ce qu'on "filtre" ou de ce qu'on "dit", mais (il me semble, et en tout cas c'est ce que je m'efforce de faire dans mes textes) l'aspect, la sonorité, le rythme, le sens du texte final. S'il "sonne juste" dans la tête de l'écrivant, c'est qu'on a fait son boulot. Ensuite, quoi qu'on en veuille, il sonnera différemment aux oreilles internes des lisants. (Marre d'écrire lecteurs/trices). Et ce que les lisants distinguent ou entendent dans le texte fini est toujours surprenant pour l'écrivant. Alors, ce qui compte n'est pas ce qu'on a retenu en filtrant, c'est ce qu'on a, consciemment ou pas, laissé passer par les orifices. Et le résultat, je le crois sincèrement, est toujours fidèle à la personne qu'on est, même si, d'un point de vue formel, on n'a pas fait tout à fait ce qu'on voulait faire, ou ce qu'on prévoyait.
Quand un écrivant dit qu'il n'est pas content du texte qu'il a publié autrefois, je me demande toujours pourquoi il l'a laissé publier alors. Je sais que si j'écrivais La Vacation ou même La maladie de Sachs aujourd'hui, je ne les écrirais pas de la même manière. Mais je sais aussi que, lorsque je les ai écrits, j'ai fait du mieux que j'ai pu avec les outils dont je disposais à l'époque. Et je sais aussi que les erreurs ou maladresses ou bourdes que j'ai pu faire à l'époque ont, comme les réussites, contribué à préparer les textes qui ont suivi. Et ces textes, bons ou mauvais, je leur suis reconnaissant d'avoir tenu debout suffisamment pour être publiés et m'aider à en écrire d'autres. Jamais je ne pourrai les renier, ni même en avoir honte.
Pige
Un journaliste de Ouest-France demande à m'interviewer pour avoir mon avis sur la campagne de vaccination de la grippe en France (je jouerais le partisan du "Non à la vaccination généralisée"). Je lui réponds que je suis un peu loin et qu'étant donné mon emploi du temps la semaine prochaine, ça va être acrobatique. Est-ce qu'il est d'accord pour que je lui envoie un texte, à la place ? Il me répond par l'affirmative. Je demande alors à ce que mon texte soit rémunéré comme une pige (un texte écrit par un rédacteur extérieur). Il me dit que "ça n'est pas prévu", mais qu'il peut citer le titre de mon livre... Je lui rétorque que si Ouest-France veut mon avis, et si je produis un texte argumenté, donc un travail de journaliste scientifique (ce que je suis depuis 25 ans), le premier quotidien de France a peut-être les moyens de me rémunérer. Je ne demande pas un cachet de diva, mais d'être rémunéré au tarif de n'importe quel journaliste extérieur, et rien d'autre. J'ajoute que je n'écris pas pour "qu'on cite mes livres", mais pour gagner ma vie, et que je veux être traité en professionnel, pas en personnalité. Je m'attends à ce qu'il m'envoie paître. Mais non, il me répond très courtoisement qu'il a compris mes arguments et qu'on me rémunèrera au tarif habituel des éditoriaux (200 euros).
Il me paraît TRES important qu'on se mette, dans la presse française, à faire très distinctement la différence entre d'une part les prises de parole d'opinion ou d'humeur et d'autre part les textes documentés. Une interview, c'est une interview. C'est le journaliste qui reprend et commente les propos de l'interrogé. Mais quand la contribution de la personne sollicitée est un texte qui partage des informations avec le public, c'est un texte de journalisme, et il doit être rémunéré comme tel.
Beaucoup de journalistes français (je ne parle pas de celui-ci, mais d'innombrables autres qui m'ont, pendant des années, interrogé sur les séries télé, par exemple, et que je gardais au téléphone pendant une heure pour leur expliquer ce qu'ils auraient pu savoir s'ils avaient pris la peine de lire mes bouquins sur le sujet au lieu de se contenter de repérer le type qui l'avait écrit pour lui tirer des informations sans avoir besoin de les rechercher) ont une attitude insupportablement paresseuse à l'égard du savoir : ils se contentent de faire parler les "spécialistes", les "experts" mais ne critiquent ni n'analysent (ni même ne lisent) ce qui leur permettrait de distinguer les questions superficielles des questions de fond. Combien de fois m'a-t-on appelé pour me demander "D'où vient l'engouement des Français pour les séries télé ? " ou "Est-ce que les séries ont facilité l'élection de Barack Obama ?", ou encore "Comment il se fait qu'il y ait tant de bonnes séries aujourd'hui alors qu'avant y'en avait pas ?" ... Toutes ces questions sont parfaitement acceptables de la part de quelqu'un qui n'y connaît rien, mais pas de la part de quelqu'un dont c'est le métier de chercher à savoir. Et pour savoir, il ne suffit pas d'interroger UN spécialiste, fût-il aussi bavard que moi. Pour savoir, il faut LIRE.
Aujourd'hui, avec un ordinateur et un abonnement internet, on peut lire beaucoup et apprendre beaucoup sur tout... avant d'appeler le spécialiste. Mais évidemment, c'est plus long.
dimanche 13 septembre 2009
"Contretemps" par Bazile Bé
Cette fois ci, c’est sur… je le fais ! Ma décision est prise, cela fait trop longtemps que cette histoire me turlupine le gros Côlon, j’en ai des rouchements de pense à me torde, à tel point que je n’arrive plus à chier tranquillement comme j’aimais à le faire tous les matins, à peine levé et juste avant mon café, comme on se débarrasse de sa crasse afin de commencer la journée sous un ciel nouveau.
Je dois mettre mon plan à exécution… pour ce faire, n’ayant plus de téléphone depuis que je n’ai pu payé ma dernière facture, je décide de me rendre chez pierrot, au bar de la poste, boire un coup pour entériner ma décision et consulter le bottin du téléphone. Je sais bien que je ne pourrais appeler ce soir, il est trop tard pour cela… je le ferais demain dés l’ouverture des bureaux. J’aime bien remettre au lendemain… et de toute façon, c’est trop tard. J’éteins mon électrophone qui depuis cinq minutes tourne à vide et je sors. Chemin faisant, je me réjouis d’avance à la gueule qu’ils vont faire en apprenant ça… ah nom de Dieu ! Je m’en serre les cacahuètes au travers de ma poche tellement cette décision m’excite, me galvanise le moral. Les salops ils vont voir à qui ils ont affaire ! J’en suis convaincu, c’est la bonne décision… cela fait trop longtemps et si ça continu je risque l’occlusion, la tripaille au bord de la rupture, une éviscération gastronomique ! Tout à se répandre !
D’abord, je vais boire un coup, peut-être deux si une connaissance se pointe et m’offre généreusement une tournée, parce que là, je suis raide ! Juste de quoi pour un canon de rouge… à peine ! Je ne vais pas m’apitoyer, je ne suis pas de ceux là et j’ai d’autres chiens à fouetter !
Il ne doit pas être loin de vingt heures quand j’arrive chez Pierrot, c’est un petit bar de quartier, où se retrouve toute la fine fleure du secteur de la Bastille. Que des noctambules, des célibataires en mal d’amour, des ivrognes, des chômeurs en partance pour une nouvelle aventure, quelques béguineuses venues soulager leurs varices… et, y a Marcel ! Je l’aperçois accoudé au bar, en pleine conversation avec Pierrot. Marcel c’est un ancien avocat véreux, rayé du barrot depuis peu et qui consulte ici dorénavant… Marcel se fait rétribuer ses conseils en pintes de bières, pas plus de huit clients par soir, il n’encaisse pas plus… sinon il sort en courant décaisser dans la petite ruelle qui borde le bar… Raoul par ci, Raoul par là ! Alors il se contient… Là, il n’est pas trop tard, il va pouvoir me conseiller, m’informer sur la procédure, Comment les couillonner une bonne fois pour toute ! Les empapaouter les jobards ! Les chouriner ! Jusqu’à la garde ! Ah nom de Dieu de bordel, la régalade ! Tient, je m’en re-palpe les gonades !
Evidement, je n’ai pas de quoi pour ses honoraires… me fera bien crédit d’une tournée… peut-être bien qu’il me payera un coup ou deux… trois s’il est en bonté ! Qu’après tout mon histoire sort de l’ordinaire ! Ce n’est pas de ces petites niaiseries à la semaine dont il fait son ordinaire ! C’est du gros ! Une énormité pareille on laisse pas filer ! Ça se plaide pas, on empale directe !
Je pousse la porte du café et j’entre, je file directe au bar saluer Pierrot et Marcel.
- Tient, voici Gaspar… qu’est ce qui t’amène ?
- La soif… sers moi un petit rouge…
- T’as pas l’air dans ton assiette ?
- Que si… je suis même d’attaque, remonté comme une horloge, le compteur à zéro prêt à se déclencher !… ça va péter pas plus tard que demain matin, éclabousser dans la presse, la radio et tout le Saint frusquin ! Je ne vous dis pas le Bordel au réveil !
C’est vrai, je ne dis pas… parce que je ne sais pas encore dans quel état je vais me réveiller.
Pierrot, plus curieux qu’une bignole m’a remis un coup, il voulait savoir le fin mot de l’histoire… puis Marcel qui apercevait dans mon intrigue un intérêt quelconque… Puis une autre tournée… j’en remis une en promettant de venir demain régler mon ardoise… puis une autre.
Je ne sais pas comment je suis rentré chez moi, là je me lève, il doit bien être onze heures et j’ai la tête dans cul… j’essai de me souvenir où j’ai pu traîner pour me mettre dans un état pareil… ah ! Pierrot… je m’étais pourtant juré de plus y foutre les pieds le soir… de ne plus me murger la gueule avec la plèbe ! Qu’à chaque fois je me fous dans des états pareils ! Et pourquoi j’y suis allé… j’étais bien, peinard chez moi… Je me rappelle ! J’écoutais du jazz… du Brubeck… Dave… « Blue rondo à la turk »… à chaque fois que je l’écoute, je rêvasse… Je vois le ciel bleu et des prairies en fleurs… je suis bien.
Je dois mettre mon plan à exécution… pour ce faire, n’ayant plus de téléphone depuis que je n’ai pu payé ma dernière facture, je décide de me rendre chez pierrot, au bar de la poste, boire un coup pour entériner ma décision et consulter le bottin du téléphone. Je sais bien que je ne pourrais appeler ce soir, il est trop tard pour cela… je le ferais demain dés l’ouverture des bureaux. J’aime bien remettre au lendemain… et de toute façon, c’est trop tard. J’éteins mon électrophone qui depuis cinq minutes tourne à vide et je sors. Chemin faisant, je me réjouis d’avance à la gueule qu’ils vont faire en apprenant ça… ah nom de Dieu ! Je m’en serre les cacahuètes au travers de ma poche tellement cette décision m’excite, me galvanise le moral. Les salops ils vont voir à qui ils ont affaire ! J’en suis convaincu, c’est la bonne décision… cela fait trop longtemps et si ça continu je risque l’occlusion, la tripaille au bord de la rupture, une éviscération gastronomique ! Tout à se répandre !
D’abord, je vais boire un coup, peut-être deux si une connaissance se pointe et m’offre généreusement une tournée, parce que là, je suis raide ! Juste de quoi pour un canon de rouge… à peine ! Je ne vais pas m’apitoyer, je ne suis pas de ceux là et j’ai d’autres chiens à fouetter !
Il ne doit pas être loin de vingt heures quand j’arrive chez Pierrot, c’est un petit bar de quartier, où se retrouve toute la fine fleure du secteur de la Bastille. Que des noctambules, des célibataires en mal d’amour, des ivrognes, des chômeurs en partance pour une nouvelle aventure, quelques béguineuses venues soulager leurs varices… et, y a Marcel ! Je l’aperçois accoudé au bar, en pleine conversation avec Pierrot. Marcel c’est un ancien avocat véreux, rayé du barrot depuis peu et qui consulte ici dorénavant… Marcel se fait rétribuer ses conseils en pintes de bières, pas plus de huit clients par soir, il n’encaisse pas plus… sinon il sort en courant décaisser dans la petite ruelle qui borde le bar… Raoul par ci, Raoul par là ! Alors il se contient… Là, il n’est pas trop tard, il va pouvoir me conseiller, m’informer sur la procédure, Comment les couillonner une bonne fois pour toute ! Les empapaouter les jobards ! Les chouriner ! Jusqu’à la garde ! Ah nom de Dieu de bordel, la régalade ! Tient, je m’en re-palpe les gonades !
Evidement, je n’ai pas de quoi pour ses honoraires… me fera bien crédit d’une tournée… peut-être bien qu’il me payera un coup ou deux… trois s’il est en bonté ! Qu’après tout mon histoire sort de l’ordinaire ! Ce n’est pas de ces petites niaiseries à la semaine dont il fait son ordinaire ! C’est du gros ! Une énormité pareille on laisse pas filer ! Ça se plaide pas, on empale directe !
Je pousse la porte du café et j’entre, je file directe au bar saluer Pierrot et Marcel.
- Tient, voici Gaspar… qu’est ce qui t’amène ?
- La soif… sers moi un petit rouge…
- T’as pas l’air dans ton assiette ?
- Que si… je suis même d’attaque, remonté comme une horloge, le compteur à zéro prêt à se déclencher !… ça va péter pas plus tard que demain matin, éclabousser dans la presse, la radio et tout le Saint frusquin ! Je ne vous dis pas le Bordel au réveil !
C’est vrai, je ne dis pas… parce que je ne sais pas encore dans quel état je vais me réveiller.
Pierrot, plus curieux qu’une bignole m’a remis un coup, il voulait savoir le fin mot de l’histoire… puis Marcel qui apercevait dans mon intrigue un intérêt quelconque… Puis une autre tournée… j’en remis une en promettant de venir demain régler mon ardoise… puis une autre.
Je ne sais pas comment je suis rentré chez moi, là je me lève, il doit bien être onze heures et j’ai la tête dans cul… j’essai de me souvenir où j’ai pu traîner pour me mettre dans un état pareil… ah ! Pierrot… je m’étais pourtant juré de plus y foutre les pieds le soir… de ne plus me murger la gueule avec la plèbe ! Qu’à chaque fois je me fous dans des états pareils ! Et pourquoi j’y suis allé… j’étais bien, peinard chez moi… Je me rappelle ! J’écoutais du jazz… du Brubeck… Dave… « Blue rondo à la turk »… à chaque fois que je l’écoute, je rêvasse… Je vois le ciel bleu et des prairies en fleurs… je suis bien.
"Contretemps", par Arnaud J. Fleischman
Elle se lève. J’entends le bruit de ses pas sur le parquet. Comme chaque matin. comme chaque jour. Dans ces vieux immeubles, sur ces vieux parquets, les bruits voyagent d’un appartement à un autre facilement. Je sais presque tout d’elle. De ses habitudes. L'heure de son réveil. L’heure à laquelle elle rentre le soir. Quand elle se prépare son repas. Ce qu’elle regarde à la télé. L’heure à laquelle elle s’endort.
Je sais tout d’elle. Je ne sais rien d’elle. Je ne connais le son de sa voix qu'étouffé par les cloisons qui nous séparent. Je connais son nom, mais que l’initiale de son prénom. Je connais l’odeur de son parfum quand je passe après elle dans les escaliers, mais je ne sais pas ce qu’elle aime prendre au petit déjeuner. Je l’observe par le judas quand elle sort de chez elle. Je n’ai jamais osé la croiser, lui parler. Je la regarde de loin. Je suis sa vie au travers des bruits qui me parviennent. Je voudrais lui dire que moi aussi je suis seul et que j’en crève. Je voudrais lui dire que moi aussi je regarde Cold Case et NCIS. Je voudrais lui dire que j’aime son parfum. Je voudrais lui demander si son prénom est Cécile, Céline, Catherine, Claudia, ou Charlotte.
Hier soir, en me couchant j’ai cru l’entendre pleurer. J’aurais aimé être à côté d’elle, la serrer dans mes bras, la consoler. Je me suis endormi en me promettant de lui dire bonjour le lendemain matin. Juste bonjour. Pour qu’elle sache qu’elle n’est pas seule. Que j’existe. Que nos deux solitudes peuvent se croiser.
Elle se lève. Je suis cloué au lit. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’ai des frissons partout. Mes draps sont trempés de sueur. Mes jambes pèsent une tonne. Ma t^te résonne comme un tambour. J’entends la sonnerie de son micro-ondes. Elle a déjà pris sa douche. Elle va bientôt partir. Je vais entendre les clés tourner dans sa serrure. Ses pas dans l’escalier. Puis je resterais seul. Dans le silence. Ce silence pesant qui m’accompagne depuis si longtemps. Ce silence dont elle m’avait tiré en emménageant juste au-dessus de chez moi.
Je retombe dans un demi-sommeil. Un sommeil agité. Je la vois partir. Remonter la rue. Attendre le bus pour aller travailler. Je me demande si son boulot est aussi triste que le mien. Est-qu’elle a la chance d’avoir un travail dans lequel elle s’épanoui ou est-ce qu’elle aussi elle passe sa journée dans un open space à rentrer des chiffres dans des tableurs ? Entouré de gens gris et tristes. Surveillé par un petit patron mesquin. Est-ce que ses journées sont riches ou vide, monotones et répétitives comme les miennes ?
Je me tourne, ouvre un oeil. Il va falloir que j’appelle pour dire que je n’irais pas au bureau aujourd’hui. Je ne vais pas me lever de la journée. Je vais traîner cette crève toute la journée. Ce soir je l’entendrais rentrer. Ses pas dans l’escalier de plus en plus proche. Sa porte qui s’ouvre. Ses pas sur le plancher. La télé qu’elle va allumer. Quelques bruits de cuisine. Puis plus rien. Elle ira se coucher. Lira peut-être et s’endormira. Est-ce qu’un jour elle s’endormira à côté de moi ?
Je sais tout d’elle. Je ne sais rien d’elle. Je ne connais le son de sa voix qu'étouffé par les cloisons qui nous séparent. Je connais son nom, mais que l’initiale de son prénom. Je connais l’odeur de son parfum quand je passe après elle dans les escaliers, mais je ne sais pas ce qu’elle aime prendre au petit déjeuner. Je l’observe par le judas quand elle sort de chez elle. Je n’ai jamais osé la croiser, lui parler. Je la regarde de loin. Je suis sa vie au travers des bruits qui me parviennent. Je voudrais lui dire que moi aussi je suis seul et que j’en crève. Je voudrais lui dire que moi aussi je regarde Cold Case et NCIS. Je voudrais lui dire que j’aime son parfum. Je voudrais lui demander si son prénom est Cécile, Céline, Catherine, Claudia, ou Charlotte.
Hier soir, en me couchant j’ai cru l’entendre pleurer. J’aurais aimé être à côté d’elle, la serrer dans mes bras, la consoler. Je me suis endormi en me promettant de lui dire bonjour le lendemain matin. Juste bonjour. Pour qu’elle sache qu’elle n’est pas seule. Que j’existe. Que nos deux solitudes peuvent se croiser.
Elle se lève. Je suis cloué au lit. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’ai des frissons partout. Mes draps sont trempés de sueur. Mes jambes pèsent une tonne. Ma t^te résonne comme un tambour. J’entends la sonnerie de son micro-ondes. Elle a déjà pris sa douche. Elle va bientôt partir. Je vais entendre les clés tourner dans sa serrure. Ses pas dans l’escalier. Puis je resterais seul. Dans le silence. Ce silence pesant qui m’accompagne depuis si longtemps. Ce silence dont elle m’avait tiré en emménageant juste au-dessus de chez moi.
Je retombe dans un demi-sommeil. Un sommeil agité. Je la vois partir. Remonter la rue. Attendre le bus pour aller travailler. Je me demande si son boulot est aussi triste que le mien. Est-qu’elle a la chance d’avoir un travail dans lequel elle s’épanoui ou est-ce qu’elle aussi elle passe sa journée dans un open space à rentrer des chiffres dans des tableurs ? Entouré de gens gris et tristes. Surveillé par un petit patron mesquin. Est-ce que ses journées sont riches ou vide, monotones et répétitives comme les miennes ?
Je me tourne, ouvre un oeil. Il va falloir que j’appelle pour dire que je n’irais pas au bureau aujourd’hui. Je ne vais pas me lever de la journée. Je vais traîner cette crève toute la journée. Ce soir je l’entendrais rentrer. Ses pas dans l’escalier de plus en plus proche. Sa porte qui s’ouvre. Ses pas sur le plancher. La télé qu’elle va allumer. Quelques bruits de cuisine. Puis plus rien. Elle ira se coucher. Lira peut-être et s’endormira. Est-ce qu’un jour elle s’endormira à côté de moi ?
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