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jeudi 5 novembre 2009

Je me souviens (12) - par Thierry V.

Je me souviens de septembre 2005 et d’un baiser échangé à Lisbonne.
Je me souviens d’un mail envoyé à quelqu’un que je connaissais à peine et de sa réponse enthousiaste.
Je me souviens, que moins de deux semaines plus tard, il prenait l’avion pour me revoir. J’étais flatté, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens à peine de ces quatre jours parfaits.
Je me souviens de lui avoir offert un bloc de fausses feuilles de prescriptions au nom du Docteur Francis Picabia, et lui un livre de Mario De Sa-Carneiro.
Je me souviens de la petite carte qu’il conservait dans son portefeuille, sur laquelle était représenté le Saint du village de ses parents.
Je me souviens d’un texto envoyé de l’avion qui le ramenait à Lisbonne. J’avais des preuves, son départ était un commencement.
Je me souviens d’une nuit où, à quelque 1700 kilomètres de distance, on ne s'est jamais senti aussi proche.
Je me souviens d’avoir reçu une lettre, contenant une feuille de prescription, où il avait dessiné un portrait de moi. L’enveloppe contenait une trentaine de minuscules fantômes noirs et blancs.
Je me souviens des billets que j’ai pris en novembre pour le rejoindre, puis d’un sentiment de peur et de liberté.
Je me souviens de l’avion presque vide et, pour la première fois, d’avoir atterri de nuit à Lisbonne.
Je me souviens du trajet en bus jusqu’à chez lui. Je crois que son regard était fuyant.
Je me souviens d’avoir photographié absolument tout durant un mois, et plus spécialement son appartement, dans les moindres détails.
Je me souviens de notre première nuit, de loin la meilleure. Je ne me souviens pas des autres.
Je me souviens d’avoir photographié le lit défait, au petit matin. Encore des preuves.
Je me souviens d’un petit cadre près de son bureau, contenant une feuille blanche où il avait écrit « Marry me » avec son sang. Ce n’était pas le genre à plaisanter.
Je me souviens de la terrasse d’un bar surplombant le Tage. C’était une fin d’après-midi, la nuit était tombée. Les avions survolaient la ville à basse altitude.
Je me souviens de son regard qui semblait toujours chercher quelque chose, sans le trouver.
Je me souviens qu’à cinq heures du matin, sur les marches de l’Assemblée de la République, il m’a dit qu’il m’aimait. Plus haut, deux soldats nous observaient.
Je me souviens de soirées en compagnie de ses amis, où je ne comprenais rien à ce qui se racontait.
Je me souviens de balades en solitaire. Je ne savais jamais où aller.
Je me souviens de trajets en train ou en métro, de restaurants, de bars, de rencontres, de balades, le tout n’est constitué que de brefs instants.
Je me souviens du taxi qui me ramène à l’aéroport et du ciel bleu.
Je ne me souviens plus de nos échanges après cette période. Sauf le jour de Noël.
Je me souviens de son retour à Paris le 30 décembre, d’une première journée entre fatigue et inconfort.
Je me souviens de la soirée du 31, épuisante, dure, alcoolisé et stupide, puis d’une crise de jalousie violente déclenchée par ces éléments.
Je me souviens avoir été flatté et choqué, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens du lendemain et d’un sentiment d’échec.
Je me souviens de son dos disparaissant dans les escaliers. Je savais que je ne le reverrais plus.
Je me souviens d’appels téléphoniques inutiles, et peut-être de mails du même acabit.
Je me souviens à peine de l’année 2006.
Je me souviens de la soirée du 31, une soirée calme avec un ami. J’étais malade et heureux de l’être.
Je me souviens de m’être senti soulagé. Ca faisait déjà un an.

1 commentaire:

  1. je suis fan parce-que touchée, intriguée, j'ai partagé ces moments et j'ai apprécié le style.
    (comm' sur je me souviens 12, par Thierry V)

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