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samedi 3 novembre 2018

« L'école des soignantes » (Mars 2019) -- Djinn Atwood, Retour vers le Futur





(NB ce n'est pas la version e-book du livre qu'on voit sur la photo ci-contre, le livre n'existe pas encore, c'est juste une version e-pub que j'ai confectionnée à partir de mon fichier word pour le mettre sur la liseuse de ma blonde. Avec le logiciel Calibre, que je vous recommande.)




C'est le premier roman que j'écris depuis la disparition de l'homme qui a publié mon premier roman, Paul Otchakovsky-Laurens, mon éditeur depuis bientôt 30 ans. (La Vacation a été publié en mars 1989).


Paul est toujours mon éditeur, car c'est toujours "sa maison", elle vit et il est là et (sauf erreur) tou.te.s ses auteur.e.s sont là et de nouveaux s'en viennent.

Je ne vais pas réécrire tout ce que j'ai écrit à son sujet par ailleurs (même si c'est pas l'envie qui m'en manque), mais il n'est pas anodin pour moi d'être parvenu à l'écrire, ce foutu livre.
Parce qu'il y a neuf mois, je n'étais pas du tout sûr d'en être capable.

Je lui en avais exposé l'argument l'été dernier, puis de nouveau en novembre, quand il était venu à Montréal pour le Salon du Livre, et il avait trouvé ça "sensationnel" (c'était son mot). Comme d'habitude, j'ai réagi en disant : "Oui, mais vous serez peut-être déçu..." et, comme d'habitude, il m'avait fait comprendre qu'il n'était pas aussi inquiet que moi.

Quand je me suis mis à l'écrire ce roman, j'étais très abattu par sa disparition. Et même après avoir commencé (et ça avait été très difficile), je n'étais pas sûr de pouvoir aller jusqu'au bout. Parce qu'on parlait toujours des livres que j'écrivais pendant l'écriture, parce que je lui envoyais mes livres à lire "en feuilleton" une fois que j'étais arrivé à la moitié, parce que je lui faisais entièrement confiance quand il me disait que telle ou telle chose n'allait pas. Bref, parce qu'il veillait sur moi.

Ca peut sembler paradoxal de la part d'un écrivant chevronné, publié, reconnu, et qui aura bientôt l'âge dont parle une chanson des Beatles, mais Paul O-L était mon grand frère, et ça me sécurisait de savoir qu'il allait lire mes textes et me dire s'ils lui semblaient achevés et publiables ou (il l'a fait à deux ou trois reprises) s'ils ne l'étaient pas. Et dans tous les cas, je savais que son avis (de reprendre, de retravailler ou de ne plus y toucher, sauf à des bricoles) serait le bon. On ne travaille pas ensemble pendant trente ans sans bien se connaître.

Mais cette année, pour la première fois depuis trente ans (1988 est l'année d'écriture de La Vacation),  j'ai travaillé sans filet. Sans sécurité. Sans figure tutélaire bienveillante pour se pencher au-dessus du berceau de ma machine à écrire (si je peux me permettre cette image) et me dire : "Continuez."

J'avais, pour ce roman précis, une interrogation de fond (exprimée dans un précédent article) qui portait non seulement sur la "légitimité" du travail en cours, mais finalement sur celle de mes romans précédents (et en particulier du Choeur des femmes). Or, ce roman-ci est, ni plus ni moins, la suite du CDF.

Son Vingt ans après, pour ainsi dire. (Et le Quarante ans après des Trois médecins, avec lequel il a également des liens.)

J'ai résolu mon problème de "légitimité" d'une manière plus simple que je ne le pensais : en assumant la narration (fictive) du roman d'une manière aussi personnelle et respectueuse que possible. (Et c'est la première fois que je procède ainsi...)

Et, pour m'aider à l'écrire, je me suis donné de nouveau à moi-même les conseils que je donne en atelier d'écriture et que j'essaie de suivre à chaque roman : "Fais-toi plaisir." "Ecris le livre que tu as envie de lire" "Vis l'aventure que tu rêvais de vivre".

Le résultat est un texte de 55 000 mots, 321 500 signes, 206 feuillets "standard", 54 chapitres. (A titre de comparaison, Le Choeur des femmes fait 970 000 signes.) Après l'avoir fait lire à Frédéric Boyer, Jean-Paul Hirsch et ma compagne, je suis en train de le retravailler, ce qui va peut être le faire "grossir" un peu, mais pas au point de le rendre aussi volumineux que le CDF (Note du 10 janvier : après retravail et étoffage, l'EDS version finale fait 95 000 Mots, 550 000 signes - 350 feuillets.)

A propos du titre 

L'Ecole des soignantes (EDS) devait, à l'origine, s'intituler Le Corps des femmes. 

Ce n'est pas la première fois que le titre d'un de mes romans change entre l'écriture et la publication. La Maladie de Sachs s'est d'abord intitulée "La Relation", En Souvenir d'André s'appelait initialement"La Veillée".

Cette fois-ci, la décision de changer de titre et de choisir celui-ci m'est venue en relisant le manuscrit. Je me suis rendu compte, en lisant, que j'avais commencé à écrire un livre, et que tout compte fait, j'en avais écrit un autre. Le titre était dedans, je n'avais plus qu'à changer la pancarte à l'entrée.

J'ai envoyé le texte à Frédéric Boyer, émérite et vaillant éditeur - et lui aussi auteur P.O.L - qui tient désormais, avec bravoure, la barre de la maison. Il m'en a dit du bien (je ne vais pas recopier son message ici mais en gros il écrivait : "C'est pas trop mauvais, on peut publier"). Sortie prévue (sauf catastrophe...) en mars 2019. (Au "premier office" du mois, pour les gens du métier.)

J'ai annoncé cette publication en ligne, sur Twitter et Facebook. Non sans inquiétude, car les lectrices du Choeur des femmes vont devoir adopter un livre plus modeste, écrit dans le même esprit mais tout de même très différent dans le ton et la forme.

Un livre écrit par un écrivant qui a dix ans de plus, qui voulait dire de nouvelles choses sur le même sujet, sans dévier de ce qu'il défendait il y a dix ans (et avant) mais aussi sans se répéter. Car ce n'est pas la même histoire.
Le CDF est un roman de formation.
L'EDS est le roman d'une utopie.

Pour la première fois de ma longue carrière j'ai écrit un sequel, une "suite", et bon, elle ne vient pas immédiatement après le roman initial (ça se passe bien après le CDF) mais quand même.
Les "suites", c'est toujours périlleux. En un sens, c'est aussi une suite aux Trois médecins (ses personnages sont mentionnés comme des figures essentielles) et à En souvenir d'André, dont l'argument (l'aide médicale à mourir) est évoqué dans un plusieurs chapitres.

Je me souviens bien de Paul me disant, juste après la publication de La Maladie... "Ne vous sentez pas obligé d'écrire "Bruno Sachs, le retour" " - et voilà, aujourd'hui, que je viens de finir  "Djinn Atwood, Retour vers le Futur".

Car ça se déroule en 2035, par là. C'est un roman de science-fiction. Médicale.

Et vous devez penser  "C'est bien beau tout ça, mais de quoi qu'y cause, ton foutu bouquin ?"

Il parle d'un hôpital dans lequel on a repensé complètement la manière de dispenser les soins, mais aussi de former les soignant.e.s.

Il y a quelques semaines, lorsque j'ai annoncé la sortie du livre, j'ai reçu beaucoup de commentaires enthousiastes. Quand j'ai publié mon premier roman, je n'imaginais pas que trente ans plus tard des lectrices et lecteurs attendraient mes livres.
J'ai eu beaucoup de chance, et j'en suis très reconnaissant.

A vous qui m'avez lu, me lisez, me lirez -  je tiens à adresser toute ma gratitude.

Mar(c)tin


(Pour voir une vidéo dans laquelle je présente le roman, cliquez ici.)