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mercredi 1 mars 2017

Rencontres et conférences en mars 2017

Fin février 2017, une amie/correspondante Twitter, @Stefiegraphie, me signale que le Consulat Général de France à San Francisco lance un appel à candidature pour une résidence d'écrivain, "A Room with a View". Pas très convaincu que ma candidature sera retenue, je me rends sur la page tout de même, et je me dis "Pourquoi pas !"

Les conditions sont simples : être déjà publié, avoir au moins un livre traduit en anglais (je n'en ai qu'un, mais il a beaucoup de pages), être disponible aux dates proposées (mai-juin) et avoir un projet d'écriture en rapport avec la ville. La bourse consiste en un billet d'avion, un logement et $750.

Au moment où j'envisage de postuler, je suis en train de rédiger Les Histoires de Franz, la suite de Abraham et filset j'ai déjà en tête le titre (et le contenu approximatif) du troisième volume : il s'intitulera Franz en Amérique. Je n'ai pas fixé de manière définitive la destination de Franz mais je vois là l'occasion d'explorer rétrospectivement une région et des moments historiques marquants : si Franz part en Amérique, ce sera en 1971-1972, années riches en événements.

Je rédige donc un projet et je m'inscris.
Fin mars (je suis en France pour une tournée de rencontres/conférences), Stefie me twitte : "On va être voisins". Elle vient de lire sur le fil Twitter du Consulat que je suis lauréat. C'est inespéré (c'est la première fois que je concours à une résidence d'écrivain française) et c'est une belle surprise. Je suis passé brièvement à San Francisco en 1976, lors d'un voyage en Greyhound bus à travers les Etats-Unis, j'en ai gardé des souvenirs plaisants, mais trop brefs. Cette fois-ci, je vais pouvoir arpenter la ville et ses environs de manière beaucoup plus systématique.

Du coup, ça me donne un coup de fouet pour finir Les Histoires de Franz et, de manière assez compréhensible, ça me permet de le conclure en sachant un peu mieux ce que sera la suite. Ce voyage, je le sens, sera une expérience nouvelle et enrichissante à plus d'un titre. D'abord, ça doit être la première fois depuis... 1976, que je pars seul aussi longtemps. (Pendant les quarante ans d'intervalle, j'ai été occupé...) Ce sont à la fois des vacances (je ne "travaille" pas à proprement parler, même si on m'a organisé des rencontres au Lycée français, à Berkeley, au Green Apple Bookstore, au Consulat) et du travail : je vais relire et corriger les épreuves d'un livre et peut-être deux, je fais du repérage pour un troisième et je dois en co-écrire un quatrième sur la douleur avec un de mes amis.

C'est du dépaysement : je ne suis pas venu aux Etats-Unis depuis un bon moment, et jamais si longtemps depuis quarante ans.

Bref, c'est une belle aventure. Et ceci est un journal (en léger différé) de cette aventure.

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Je suis arrivé le 1er mai. L'appartement où je loge, situé sous la résidence du Consul général de France, se trouve a quelques "blocs" au sud du Golden Gate Park, entre les quartiers de Cole Valley et de Inner Sunset. C'est un quartier très gentrifié, quadrillé par de nombreuses lignes de bus et de tramway.

L'après-midi de mon arrivée, j'étais attendu par Stéphane Ré, un des membres du service culturel qui m'a emmené au Consulat rencontrer ses collègues. Nous avons pris un café sur la terrasse de l'immeuble, sur Kearny Street.

J'ai tout de suite acheté un passe de transport en commun : 100 $ pour le mois (90 Euros), ce qui à mon avis est la manière la moins coûteuse de se déplacer en ville. Le passe est valable pour les bus,et tramways (MUNI et le métro (BART) dans SF intramuros. Je pensais avoir à louer une voiture, mais le BART permet également d'aller à Berkeley et Oakland, les villes voisines, où se déroulera Franz en Amérique (du moins en partie).

Deux jours après mon arrivée, je me suis baladé autour de l'intesection Haight-Ashbury, repère historique de la contre-culture et de la communauté hippie des années 60-70 avec Eglantine Colon, professeur de littérature française à Berkeley,  qui fait partie du comité de sélection. Elle vit aux Etats-Unis depuis plusieurs années ; elle a fait sa thèse à Duke University, en Caroline du Nord. Nous avons (entre autres) parlé d'Alice Kaplan, qui a longtemps travaillé à Duke.

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Aparté : 
Alice Kaplan est l'auteure de plusieurs livres importants centrés sur des écrivains français et américains du milieu du 20e siècle. Elle a traduit Louis Guilloux et Roger Grenier en anglais.

Je l'ai rencontrée il y a une quinzaine d'années après avoir traduit (sur la proposition de Philippe Lejeune) un texte parlant de la réception de son livre autobiographique, French Lessons. C'est un beau livre sur son expérience d'un an en France, pendant sa troisième année d'université. J'y ai bien sûr trouvé des échos de ma propre expérience d'une année dans le Minnesota, racontée dans Légendes. 

Malheureusement, il n'existe pas de traduction de French Lessons. Après avoir constaté que le traducteur commandité par Gallimard "inventait" des choses qui n'étaient pas dans l'original, Alice K. m'a confié avoir fait usage de son droit moral pour refuser que la traduction soit publiée. C'est vraiment dommage.

Depuis ce beau texte, Alice K. a publié plusieurs livres importants concernant des écrivains, notamment :
Intelligence avec l'ennemi : le procès Brasillach (Folio)
Trois Américaines à Paris : Jacqueline Bouvier Kennedy, Susan Sontag, Angela Davis (Gallimard)
En quête de "L' Etranger" (Gallimard)  
J'ai beaucoup appris en les lisant sur la France et le regard que les intellectuels américains portent sur elle.





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Mercredi, Eglantine C. et moi avons longé Haight Street et ses reliquats des sixties jusqu'au Buena Vista Park et parlé de beaucoup d'autres choses - littérature et culture en général, mais aussi santé des femmes et gender studies. 

Le jeudi, j'étais invité à donner une lecture dans son département.

Voici des photos d'Eglantine C. et du public qui avait eu la gentillesse d'assister à la rencontre.














La fin de semaine s'est passée en visites et balades.
Le deuxième jour, je m'étais rendu à Green Apple Books on the Park, tout près du Golden Gate Park.
J'y ai salué Noah Mintz, libraire et traducteur qui lui aussi fait partie du jury de sélection de la résidence.
J'en ai profité pour acheter quelques livres et manuels pour m'aider à explorer la ville.
- un plan papier (je trouve ça plus facile à lire que les cartes en ligne),
- une série de cartes "City Walks" (ci-dessus) avec cinquante promenades à pied dans SF (il existe une autre version pour les cyclistes)
et deux livres, dont l'épatant San Francisco Noir, 
qui recense tous les films noirs situés ET filmés (en partie au moins) à San Francisco. Depuis Le faucon maltais jusqu'à The Game, en passant par  Vertigo, Bullitt et bien d'autres.


Vendredi :  Contemporary Jewish Museum, sur Mission Street (non loin du SF MOMA, le musée d'art moderne de SF, que j'irai voir plus tard).
Le CJM est construit sur le site (et à l'intérieur des murs) d'un bâtiment très ancien : le centre de production d'électricité de SF, qui fonctionna jusqu'en 1968, puis fut désaffecté et resta intact jusqu'à la fin des années 90, car c'était un monument historique.
L'architecte qui l'a construit - ou plutôt, qui a "inséré" le nouveau bâtiment dans l'ancien - est Daniel Liebeskind qui a conçu le Musée Juif de Berlin.

La spécificité du CJM c'est que ce n'est pas un musée avec une collection permanente, ni un musée historique, mais un musée qui ne reçoit que des expositions spécifiquement conçues pour lui, ou itinérantes. La seule oeuvre permanente du CJM, c'est le musée lui-même. Et il vaut la peine d'être vu en tant qu'oeuvre architecturale. A noter que j'étais le seul visiteur,  j'ai donc bénéficié à moi tout seul des connaissances de la guide, Deborah, la "docent" (retraitée volontaire) présente ce jour-là. Je sais désormais que pendant l'année où Franz sera dans la région (1971-1972), le Jessie Street Power Substation, qu'il occupe désormais, était un bâtiment inoccupé, encore rempli de turbines électriques et de coursives en métal (certaines y sont toujours visibles). 



Samedi : Golden Gate Park 

Le GG Park (412 ha) , c'est le Central Park (ou, pour mes amis de Montréal, le Parc Lafontaine) de SF. (NB : Central Park fait  341 ha, le Parc Lafontaine 36) 
On peut le parcourir en vélo (il y a plusieurs kiosques de location aux entrées) ou à pied. C'est un lieu de pique-nique, de balade, de réunion, de rencontres, de musique, de sport (il y a plusieurs stades et des courts de tennis) ; on y trouve des musées (le musée de Young, le Musée des Sciences), un jardin japonais qui date de 1894, un mémorial aux victimes du SIDA, un jardin botanique... 



Je voulais aller voir une exposition dédiée au "Summer of Love" de 1967 (c'est le 40e anniversaire cette année, ça tombe bien !) au de Young mais un samedi, ça grouillait de monde, j'y retournerai un autre jour, tôt le matin. En attendant, j'ai longé la moitié du parc et je l'ai traversé deux fois de part en part, et rien que ça valait la balade. Et puis j'y ai retrouvé un vieux copain, Will S.,  qui berce les soirées de Franz à Londres à la fin des Histoires de Franz. 










Dimanche : Ocean Beach 

C'est la plage qui longe toute la côte ouest de SF. J'ai commencé ma balade à la pointe nord-ouest, sur le site des anciens Sutro Bath et de Cliff House, et après avoir (du bout de mes souliers) posé les pieds sur l'eau du Pacifique, j'ai marché le long de la plage jusqu'à Judah street, au sud du Golden Gate Park. 






Il y avait des baigneurs, des familles avec leurs enfants, des promeneurs de tous les âges, des voyageurs dans leur minibus (en haut, la chambre des maîtres ; en bas, la chambre des chiens), des joueurs de volley ball, des cyclistes... 






La ligne "N - Judah" du tramway traverse San Francisco d'est en ouest et elle passe à une rue de la résidence. (Ou plutôt, de l'escalier que j'emploie pour y accéder.) 
Jusqu'ici, je l'avais surtout empruntée pour aller vers l'est ou revenir à la résidence. Cette fois-ci, je l'ai prise pour revenir d'Ocean Beach. 

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Aparté : 
Adolescent, j'ai lu une série de romans policiers de Ellery Queen intitulés "La Chronique de Wrightsville". Dans un des romans ("Le roi est mort" ? "La Décade prodigieuse") un homme très riche a un fils qu'il nomme Judas parce que (si je me souviens bien) sa femme est morte en le mettant au monde. Plus tard, la gouvernante ou l'institutrice de l'enfant lui dit qu'elle va changer son nom en changeant juste une lettre (s en h) car si Judas est le nom d'un traître, Judah (orthographe anglaise) est le nom d'un grand roi - (Judas Maccabée). 
Ici, la ligne est nommée en honneur de Theodore Judah l'ingénieur des chemins de fer qui contribua à construire la ligne transcontinentale, en particulier sur sa section "Central Pacific Railroad


J'aime beaucoup le tramway de SF. Il est lent mais fiable, les voitures le laissent passer sans s'énerver, il circule et s'arrête au milieu de la rue, il se transforme en métro au centre-ville en se glissant (lentement mais sûrement) dans un tunnel et il en passe toutes les cinq à quinze minutes selon l'heure de la journée. 

Une constatation assez surprenante pour une grande ville américaine : SF est très peu bruyante dans les quartiers où j'ai circulé jusqu'ici (plutôt résidentiels) : une grande partie des véhicules individuels sont des voitures hybrides (donc, très silencieuses) et les transports en commun sont électriques... 

C'est tout pour cette semaine. More to come next week. 
Si vous avez des questions sur San Francisco, Berkeley ou Oakland, pendant que j'y suis, envoyez-les moi à martinwinckler/at/gmail.com, j'essaierai d'y répondre. 

San Francisco, Cole Valley Café, le 8 mai 2017

De votre correspondant sur place, 
Mar(c)tin Winckler













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