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vendredi 18 novembre 2011

Si c'était à refaire - par Danalyia (Exercice n°21)


Bientôt huit heures. Dans le métro, Claire somnole, se laisse bercer au fil des stations par les douces réminiscences de leur première nuit. Secret partagé dans la chambre protectrice, au creux des draps bruissants ; tendre séisme de leurs désirs enfin conjugués au présent du réel…

Saint Jacques. Une femme toute emmitouflée serrant sous un bras un porte-documents, monte et se pose à côté d’elle. C’est vrai qu’il fait froid, Claire ne s’en était pas vraiment aperçue, absorbée qu’elle est par son bonheur. Tout à l’heure, elle dormait dans les bras de son amour, dont le parfum ambré rôde encore sur sa peau, dont la voix chaude résonne en elle. Boulevard Saint Germain, il a dit simplement « j’ai envie de dormir avec toi ». Elle a répondu « moi aussi ». Instant magique. Enlacés et tremblants, ils ont vogué jusqu’à l’hôtel…

Denfert. Bientôt elle descendra, se mêlera à tous ces inconnus qui ne savent et ne sauront jamais rien d’elle. Il lui semble qu’elle pourrait les aimer tous aujourd’hui, tant son cœur est heureux.
Raspail, plus qu’une station pour se retrouver à l’air libre et marcher, rythmer d’un pas décidé cette joie qu’elle voudrait crier, chanter, partager… Au creux de cette nuit merveilleuse, il a murmuré : « il me semble que je t’aime depuis toujours » ; « moi aussi, depuis toujours » a-t-elle dit dans un souffle… 
Mais pourquoi le métro s’arrête-t-il entre deux stations ? Sur les visages aux paupières encore gonflées de nuit, se lit d’abord la surprise, puis les bouches se pincent sous l’effet d’une exaspération qui va bientôt jaillir en guirlandes de mots saccadés… Sa voisine soupire : « Je n’étais déjà pas en avance… les élèves vont devoir m’attendre dans la cour »… « Vous êtes professeur ? » demande Claire. « Non, insti… ». Elle n’achève pas : un choc violent projette les passagers les uns contre les autres, on crie, on proteste mais, lorsque le wagon semble amorcer une descente, un murmure incrédule circule parmi les voyageurs. Une femme enceinte pleure en soutenant son ventre ; un jeune homme tente vainement de la rassurer : « c’est juste une impression, ce n’est pas possible qu’un métro change comme ça de direction et, d’ailleurs, en dessous des tunnels, on se retrouverait dans l’eau, vous voyez bien que ce n’est pas le cas ! » Pourtant, la descente s’accélère et des gouttes puis des traits continus apparaissent bientôt sur les vitres. La future mère hurle et la panique s’empare des passagers, puis une violente secousse suivie d’une sonnerie assourdissant semble indiquer la fin du voyage…

Silence. Immobilité. Le sol du wagon est jonché de divers objets : magazines, livres, sacs. Claire se penche et ramasse un gant qui s’est échoué contre ses pieds ; un gant d’homme, tout imprégné d’une senteur ambrée. L’institutrice berce son porte-documents, tandis que son regard inquiet scrute le paysage dévasté. « C’est la première fois que je vois une chose pareille, pourtant je prends le métro depuis mon plus jeune âge» dit-elle. « Moi aussi, depuis toujours » répond Claire en glissant machinalement sa main dans le gant de cuir orphelin…

Un peu de lumière filtre à travers le rideau. Claire sourit en se rappelant son rêve étrange et quelque peu surréaliste… Auprès d’elle sommeille encore l’aimé, apaisé, alangui. Tout à l’heure, devant les autres, ils feindront d’être deux étrangers l’un pour l’autre, ils se diront « vous » et prendront garde à ne pas s’effleurer. Elle savoure par avance leur délicieux secret…

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