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samedi 4 juin 2011

Pour quelques dollars pièce - par Mar(c)tin

Samedi 4 juin 2011, dans l'après-midi.

Après un dîner familial à onze (on est nombreux, dans la famille et encore, on n'était pas tous présents), je déambule dans la rue Sainte-Catherine, en direction de la Grande Bibliothèque. Ma belle-soeur m'a appris tout à l'heure que la Bibliothèque solde les livres dont elle se défait, j'ai envie d'aller y jeter un coup d'oeil. Un de mes garçons m'accompagne. Nous passons devant un bouquiniste (il y en a des flopées dans le quartier), Volumes. J'entre, je trouve Comment voyager avec un saumon, d'Umberto Eco (une demande de MPJ) et je tombe en arrêt devant une rangée de Bob Morane, édition originale Marabout des années 60. Parmi les exemplaires en question, une douzaine dans le cycle de "L'Ombre Jaune". J'aime beaucoup l'Ombre Jaune, alias "Monsieur Ming", criminel plus maléfique que Fantomas et ennemi juré du héros. J'achète les douze Ombre Jaune, dans un état impeccable, à deux ou trois dollars pièce. Une aubaine pour un nostalgique. Mon fils prend deux CD. Nous ressortons et après nous être trompés de direction, nous parvenons à la Grande Bibliothèque.

Rien à voir avec la TGB parisienne. Celle-ci n'est pas une table à l'envers dont les tours sont inaccessibles, mais un long et haut bâtiment vitré, lumineux, où les livres sont distribués sur six niveaux d'accès aisé. Pas besoin de montrer patte blanche : elle est ouverte à tout le monde, on y entre comme dans un moulin, on peut saisir les livres à même les rayonnages, s'installer, lire jusqu'à des heures avancées, (de 10 h à 22 h en semaine, à 18 h le weekend), emprunter gratuitement (quand on vit à Montréal) un million de livres. (Non, pas tous le même jour...)

Au rez de chaussée, dans le hall, quelques tables sont couvertes de livres dont la bibliothèque se débarrasse, parce que - j'imagine - depuis 2005 (date de son ouverture), lesdits volumes n'ont pas été empruntés. Je repère A moment on the edge, un recueil de nouvelles policières écrites par des femmes, et rassemblées par Elizabeth George ; une biographie de Paul Newman datant de 2004 et... un volume que je connais bien, The Body in the Library, A Literary Anthology of Modern Medicine - par Iain Bamforth.

C'est un recueil de textes consacrés à la médecine qui va de Charles Dickens (qu'on ne présente plus) à Jonathan Kaplan (un chirurgien écrivain américain). On y trouve des textes de soixante-dix auteurs parmi lesquels Kafka, Flaubert, Conan Doyle, Jean Reverzy, Proust, Duhamel, William Carlos Williams, Musil, Tucholsky, Auden, Beckett, Chesterton, Döblin, Jules Romains, Brecht, Camus, Miguel Torga, Virginia Woolf, Orwell, Boulgakov, Queneau et... ma pomme.

J'ai sorti le livre de son bac et je l'ai montré, tout fier, à mon fils. "Ah, tu es dedans" a-t-il fait avec son sourire ravageur (il a un sourire ravageur).

Je suis dedans. Enfin, un de mes textes, le "Petit afflictionnaire médical", traduit par I. Bamforth, que j'ai rencontré à deux ou trois reprises alors qu'il préparait son anthologie. Iain avait également rédigé une critique de "La maladie de Sachs" pour une revue britannique à l'époque de sa publication en français, d'où son intérêt pour ce que j'écrivais, j'imagine.

Ca fait bizarre de lire son nom (enfin, son pseudo) parmi des noms d'écrivains qu'on a lus et qu'on aime (enfin, sauf un, je vous laisse deviner lequel, car je ne l'ai pas cité plus haut). Bizarre, drôle, étrange. Mais c'est tout. Je ne me sens pas transporté par la grâce. Je ne me sens pas plus célèbre (ou meilleur écrivain) pour autant. D'autant plus qu'encore une fois, si le livre était à vendre (pour 1 $) c'est qu'il n'a jamais été emprunté, donc est resté anonyme... C'était (c'est de nouveau) gratifiant, mais de manière minuscule, une fierté qui n'a pas d'importance, une satisfaction invisible, que j'avais oubliée et que le hasard m'a rappelée.

Et ça m'a fait plaisir de le trouver, de l'adopter et de l'emporter chez moi, avec les deux autres bouquins et la série des Bob Morane contre L'Ombre Jaune (je me demande si Henri Vernes, leur auteur, est encore vivant et quel âge il peut avoir) et de l'avoir trouvé en fouinant dans la Grande Bibliothèque avec un de mes fils.

Un petit bonheur, par un jour de soleil et de vent frais, à Montréal, Québec.

Mar(c)tin




8 commentaires:

  1. Joli tableau :-)
    Les Bob Morane, ça me rappelle mes 14 ans et l'ami qui m'avait prêté un à un tous les livres de sa collection Marabout... ça donne envie de les relire et je me demande ce que lui en a fait...
    et puis vous savez quoi? l'ami en question a fait des études de médecine ;-)

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  2. D'après Wikipedia Henri Verne n'est pas mort,je cite :
    "Henri Vernes, de son vrai nom Charles-Henri Dewisme, est un romancier belge d'expression française, né le 16 octobre 1918 à Ath."

    Je n'ai lu qu'un seul de ses romans, "Les captifs de l'Ombre Jaune" (acheté d'occasion à un stand de livres d'occasion à la fête de mon école primaire; il n'y en avait qu'un alors je n'en ai acheté et lu qu'un) qui m'a beaucoup marqué car comme je n'en avais qu'un je l'ai pas mal relu, surtout que l'histoire me plaisait beaucoup... J'y ai appris qui étaient Jacques de Molay et Nicolas Flamel, c'est pas mal ! Et ça m'a été fort utile quand j'ai lu le premier Harry Potter...

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  3. Parmi tous les «Bob Morane» — j’ai donné tous les miens et je le regrette encore —, une place particulière doit bien sûr être faite à Terreur à la Manicouagan (1965), malgré les erreurs factuelles (à cause d’elles ?) du chapitre d’ouverture (il s’agit de hockey).

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  4. Terreur à la Manicouagan... Oui, je me souviens du titre. (C'est drôle comme je me souviens bien des titres de plein de Bob Morane que j'ai pas lus...) Mais quelle aventure, Bob Morane... J'en fais encore des rêves. C'est le seul héros que j'ai eu envie de suivre dans la jungle (en dehors de Belmondo dans "L'homme de Rio", bien sûr...)
    Et quand, vingt ans après, j'ai appris que Vernes avait écrit un "Cycle du Temps" dans lequel Morane et Ballantine rencontraient une "Patrouille du Temps", je me suis dit : "Bon dieu ! J'ai raté ça !"
    :-)

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  5. Est-ce Oliver Sacks, l'écrivain lu et aimé et non cité?

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  6. Quelle sensation merveilleuse de tomber par hasard sur un livre dont on a gardé un souvenir fort ! Découverte que ne permet pas la navigation sur Internet malheureusement, malgré le nombre infini de titres qu'on peut y trouver. Je peux vous dire aussi qu'assister à un moment comme celui-là, quand on est libraire (ou bibliothécaire), et même, parfois, y avoir une petite part en aidant le lecteur à retrouver un titre dont il n'a plus qu'un très vague souvenir, est une des impressions les plus gratifiantes que je connaisse.

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  7. @ Emmanuelle ; je me suis mal exprimé : "des écrivains qu'on a lus et qu'on aime, sauf un " - je veux dire : sauf un, que je n'ai pas lu (ou très peu) et que je n'aime pas. C'est pour ça que je ne le mentionne pas.

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  8. Rhaa la la : pas pouvoir emprunter le million de livres d'un coup ? Vous êtes sûr ?
    Je rêve de bibliothèques en France qui auraient des horaires identiques, au lieu de leurs horaires étriqués de fonctionnaires :-(

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