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samedi 5 mars 2011

Impressions de voyage (Ex. n°17) - par Martine B.


Un beau jour d’Octobre 2010, je me suis dit que les vacances avaient assez duré. Le farniente dans l’Océan indien, c’est divin au début, puis c’est comme tout, on s’en lasse. Alors j’ai refait mes valises afin de continuer le périple initiatique offert  par mes parents avant mon entrée à l’université de New Delhi.

Je décidai de faire route vers le vieux continent, plus particulièrement vers la Francie, pays d’origine de ma grand-mère maternelle. Toute mon enfance avait été bercée par les descriptions qu’elle me faisait de cet endroit où il faisait bon vivre, où les hommes et les femmes s’exprimaient en toute liberté et se savaient écoutés. Où ils étaient heureux de se rendre au travail pour ensuite profiter de leur temps libre  car les subventions de l’Etat, tant dans le domaine de la culture que dans celui du sport, leur permettaient à tous de s’épanouir. Et puis je me souviens qu’elle me racontait les produits succulents que l’on trouvait là-bas et qui lui permettaient de cuisiner des plats à se damner. J’étais impatient de visiter ce petit bout de terre auquel j’étais déjà attaché, bien que ne l’ayant jamais visité.

En débarquant à l’aéroport, je fus surpris par la mine sombre et l’impatience des touristes qui m’entouraient. Bon, me dis-je, cela n’est rien, à moi la grande ville et ses plaisirs ! Là-bas, c’est sûr, je vais rencontrer des  gens heureux de vivre. Je me voyais déjà déguster un cocktail à la terrasse d’un de ces cafés dont m’avait parlé ma grand-mère en observant la foule qui se dirigeait vers les magasins chics (car les habitants de ce pays bénéficiaient d’un pouvoir d’achat non négligeable), entamer la conversation avec des demoiselles raffinées et délurées à la fois, ou avec des jeunes gens habillés comme des gravures de mode.

Le chauffeur de taxi qui me prit en charge ne fut pas des plus aimables. Je ne comprenais pas pourquoi il m’avait dévisagé de la sorte, ni pourquoi il refusait de répondre à mes questions. Enfin si, j’ai une petite idée en ce qui concerne son mutisme, vu qu’il était incapable d’aligner trois mots d’anglais. Ce qui m’étonna d’ailleurs car ma grand-mère m’avait semblée si fière du système scolaire de son pays, qui offrait la même éducation à tous les enfants quelle que soit leur origine sociale.

Plus nous approchions du centre de la  Grande Ville, plus la circulation était dense, ce qui fit maugréer mon  chauffeur (appelons-le Hubert, si vous n’y voyez pas d’inconvénient). Je compris bientôt ce qui causait cet embarras. Une foule impressionnante bloquait une artère principale, et cela ne semblait pas être un fait habituel à en juger les mimiques d’Hubert qui laissaient transparaître une exaspération certaine. J’observai la masse des passants qui avançait tranquillement au son d’une musique rythmée et m’aperçus qu’ils étaient regroupés derrière des banderoles de couleurs différentes, où le rouge et l’orange dominaient. Ils scandaient des slogans à l’unisson et je regrettai de ne pas mieux parler la langue de grand-mère afin d’en comprendre le sens. Je reconnus vaguement le mot « retraite », mais que venait donc faire « Bettancourt » là-dedans ?

Hubert s’énervait de plus en plus, marmonnant les mots de « fonctionnaires » et de « fainéants ». Ceux-là j’en connaissais le sens, ce que je ne comprenais pas en revanche c’était l’animosité d’Hubert à l’égard de cette foule plutôt bon enfant. Je décidai de régler ma course et de continuer à pied.

Je fus happée par les manifestants (c’est comme cela qu’on les appelle). Une grande brune aux yeux verts qui avait compris que je venais de débarquer, c’est le cas de le dire, me sourit puis elle entama la conversation. Elle m’expliqua dans un anglais sans faille que les travailleurs de ce pays n’en pouvaient plus, surtout ceux qui occupaient des emplois pénibles depuis leur plus jeune âge car on allait les obliger à continuer deux années de plus. Mais je croyais qu’ici les gens étaient heureux de travailler rétorquai-je. Alors elle m’expliqua que ce n’était plus vrai, que l’on consommait trop de médicaments dans ce pays et que c’était lié à un mal-être profond, lié aux conditions de travail qui se détérioraient, au pouvoir d’achat qui baissait, aux promesses non tenues par le gouvernement. Elle me dit que des rassemblements de ce genre, il y en avait de plus en plus souvent mais qu’elle n’avait guère espoir de voir changer les choses avant de nombreux mois encore.

J’étais à la fois abasourdi par tout ce que j’avais vu et entendu et heureux d’être là, pendu aux lèvres de Mélanie. J’étais en train de succomber à son sourire.

Je savais que j’allais prolonger mon séjour. 

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