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mercredi 14 juillet 2010

Feuilleton d'été, épisode alternatif 3 - par Martine Bourguignon


La salle

Tout d’abord la salle de presse d’un lycée de province. Une poignée d’élèves, un animateur, deux profs. Les jeunes présentent leur journal, un peu  intimidés de s’adresser à l’Auteur, c’est la première fois pour la plupart d’entre eux,  mais peu à peu la fierté de rédiger un quotidien l’emporte et tu constates qu’ils sont surpris qu’un adulte dont l’écriture est le métier les traite avec autant d’intérêt.

A midi, une salle de restaurant, disons une pizzéria, toujours la même bande, vous vous éloignez du journalisme et de l’actualité brûlante pour parler de l’écriture romanesque.  Ce qui sera un Autre Grand Bouquin est en cours d’écriture, tu as cette délicieuse impression d’entrer dans les coulisses de la création littéraire, sans en comprendre sur l’instant toute la portée d’ailleurs.

Toujours le même jour, l’après-midi. La salle polyvalente du lycée  est comble, une discussion à bâtons rompus s’engage sur les séries télévisées et la sexualité entre autres, les élèves sont conquis par le côté non conformiste et parfois très drôle de cette intervention pour le moins inhabituelle. Tu te dis c’est ça, finalement, un écrivain, et tu souris.

Quelque temps après lors d’un séjour à Paris tu assistes à un colloque sur les séries, dans un amphi de la fac de médecine mettons. Tu es arrivée un peu tard et as dû t’asseoir au fond, c’est-à-dire en haut,  l’orateur tout en bas te parait minuscule, alors tu suis sa présentation sur l’écran. Tu es surprise par l’assistance nombreuse et  studieuse et tu fais comme les autres, tu sors ton petit carnet et sur ces tablettes de bois qui ont vu défiler des générations d’étudiants, tu prends des notes.

Une autre fois, tu te rends à une rencontres organisées par un libraire, admettons que cela se passe à La Boite à Livres, l’Ecrivain est installé face à la porte d’entrée, il jette régulièrement des coups d’œil dans cette direction, comme s’il espérait y voir quelqu’un qui n’arrive pas. L’assistance occupe toutes les rangées de chaises qu’il a été possible de caser dans l’espace exigu entre les piles de livres, les travaux de rénovation ce sera pour plus tard. Il y a là des personnes de toutes sortes et de tous âges, tu remarques notamment de jeunes étudiants en médecine qui posent des questions plutôt pertinentes.   A la fin tu te glisses dans la file pour faire dédicacer ton exemplaire du Grand Bouquin dont il avait été question quelques mois plus tôt, cette fois l’Ecrivain te reconnait et vous échangez quelques mots.

Tu te souviens - c’est loin- d’une autre soirée dans le sous-sol d’une  médiathèque, une fois de plus l’assistance est fournie, tu as oublié le thème de cette rencontre, le romans policier peut-être, il te semble qu’il y a ce soir-là plusieurs auteurs, mais tu n’en es plus si sûre finalement. Cette fois tu ne fais pas la queue pour échanger trois mots, tu n’as pas le temps, ou l’envie, ou alors tu n’oses pas, c’est un peu flou.

Un autre souvenir, un autre lieu. Tu passes la journée au salon du livre, à la fois émerveillée par la multiplicité des genres et la qualité des débats auxquels tu assistes, et, il faut bien le dire, déçue par le côté mercantile et superficiel de l’affaire. Un peu triste aussi de voir que certains des auteurs que tu lis sont ignorés par les visiteurs qui se massent pour d’autres, plébiscités par les média. Tu te dis également que c’est dommage qu’on  dédicace à  la chaîne, c’est du moins l’impression que tu en as.

Une dernière fois dans le salon de thé de La Boite à Livres, mettons. Une salle pas très grande mais claire où tu déjeunes parfois, tu aimes y aller seule, car il y a toujours des journaux et des livres à disposition. Quand tu arrives l’Ecrivain est en train de demander où  brancher son ordinateur. Tu vas l’empêcher de consulter ses messages, ce doit être l’horreur absolue pour ce geek qui est pris de crises de panique aigue dès qu’il ne se sent plus connecté. Il ne semble pas t’en tenir rigueur en tout cas, vous parlez de nouveaux départs, du blog- tu es un peu la représentante de tes comparses de l’atelier d’écriture en ligne- et de livres, à lire ou à écrire.

2 commentaires:

  1. "qui se massent"...?
    Eh bien, le salon du livre a des attraits que j'ignorais...
    Vraiment très sympa, ce feuilleton à plusieurs voix, ça donne envie de se lancer!

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  2. @GALm: "qui se massent":J'aime écrire en anglais car on peut jouer avec la polysémie... mais là j'avoue que c'était involontaire!

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