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jeudi 6 mai 2010

Du neuf avec du vieux(Ex. n°13, 5) - par Joachim Séné

Joachim Séné a allègrement (et malicieusement) transgressé l'énoncé de l'exercice n°13. Il nous propose sa propre version iconoclaste de La Peste, d'Albert Camus. Et ça s'intitule...


La grippe 
par Martin Winckler  







Le plan détaillé

Un jour d’avril à Calvi, en Corse, tu découvres un cochon mort sur ton palier. Quelques jours plus tard, c'est au tour de ton concierge, sur lequel tu trébuches, il est mort sur ton palier, ah non, tu regardes d'un peu plus près: il s'est simplement évanoui, mais il est très malade, respire difficilement et, malgré tous les soins que tu peux lui prodiguer, toutes les tentatives auxquelles même Gregory House n'aurait pas pensé, toi, Bruno Sachs, avec qui House partage le goût d'être éloigné des autres, tu perds un patient, dans tes pieds, sur le palier (tu ne l'avais pas déplacé pendant plusieurs jours, à quoi bon?), sans réellement savoir de quoi il est mort.

Grand, un employé de mairie, vient te proposer ses services pour lutter contre l'épidémie. Les Autorités, le Corps Médical, le Ministre, l'OMS, se décident finalement à fermer la ville, à l’isoler pour empêcher la maladie de se propager au monde des affaires et aux usines qui tournent-tournent, sans parler des banques-qui-banquent, ceci sur ton avis, ton diagnostic de ce qu'est cette maladie, car tu as toi aussi bien hésiter avant de prendre conscience qu'il s'agit bel et bien de la grippe porco-aviaire-bov-ovine, celle là-même prophétisée par les médias et les ministres de la santé depuis des générations et des générations.

Tu laves tes mains à l'aide d'une solution hydro-alcoolique qui te brûle les quelques fines entailles laissées par les échardes du palier où est mort le concierge. Tu es en compagnie de Vaubert, présentateur télé, à la terrasse désertée d'un café avec vue sur mer. Vaubert veut regagner Paris pour retrouver sa femme, il boit un thé et n'a même pas de caméra avec lui. Plus tard, honteux de pouvoir partir seul en jet privé, il partira quand même mais organisera depuis Paris un grippothon et t'enverra une partie de l'argent récolté sous forme d'aide internationale avec engagement de participer à trois plateaux télé avec lui dès la fin de la crise.

Grand continue d'être présent, utile, et il essaie d'écrire un livre sur l'épidémie, mettant en scène un certain Sachs, personnage sombre, autant que tu sembles l'être - ou veux le faire croire.

Routta, alors en vacances et maintenant bloqué, twitte depuis le wifi de son hôtel sa chronique du fléau. Il devient ton collègue et te suit dans tout tes déplacements, du moins ceux que tu veux bien lui signaler comme étant médicaux.

Le ministre Loupane voit dans l'épidémie l'opportunité de promouvoir les actes de "modernisation de la société", comme: voter pour lui, "réformer" la sécurité sociale et privatiser l'hôpital.

L’été, les va-et-vient dans ton cabinet, tes propres va-et-vient dans la petite ville et alentour, font parler les gens, derrière leurs volets mi-clos. Vaubert fait d'ailleurs une émission spéciale où il déballe toute ta vie, et le fait que tu continues à pratiquer des avortements en pleine épidémie fait, le lendemain, la une scandalisée des blogs.

À l’approche de l’automne, revirement de Vaubert, qui te soutient, via un magazine d'enquêtes médicales, toi et Routta, dans votre lutte acharnée contre la grippe porcine-aviaire-chevaline. C'est à ce moment que tu assistes à l’agonie d'un enfant, une mort, une souffrance, un monde qui sombre. Le ministre Loupane y assiste également et ressent alors une crise de conscience, brutale, il est catégorique: il faut commander 914 millions de vaccins: sans attendre, il appelle ses anciens collègues du conseil d'administration.

Routta et toi luttez toujours sans relâche mais, alors que la grippe porco-cani-avi-gallinacée régresse, Routta meurt bêtement en mangeant des escargots infectés par une souche mutante du virus.

En janvier, la grippe porco-bo-viaire régresse, et Grand publie son chef-d'œuvre, non sans avoir transformé quelque peu la réalité, en faisant tenir certains rôles-clés à des femmes et en gommant sur la couverture, finalement et avec réticence, son pseudonyme, Grand, pour son vrai nom, Sachs.


Le résumé

Un jour d’avril à Calvi, en Corse, tu découvres un cochon mort sur ton palier. Quelques jours plus tard, c'est au tour de ton concierge. Toi, Bruno Sachs, tu perds un patient sans réellement savoir de quoi il est mort. La ville est fermée, tu annonces officiellement qu'il s'agit bel et bien de la grippe porco-aviaire-bov-ovine, Grand, qui travaille à la mairie t'aide, tout en écrivant un livre sur ce qui se passe. Pendant l'été, un talkshow balance que tu continues à pratiquer des avortements en pleine épidémie, scandale. Ensuite tu assistes à l’agonie d'un enfant, en présence du ministre de la santé qui prend conscience de l'urgence de commander 914 millions de vaccins à ses anciens collègues du conseil d'administration. Routta et toi luttez toujours sans relâche mais, alors que la grippe porco-cani-avi-gallinacée régresse, Routta meurt bêtement en mangeant des escargots infectés par une souche mutante du virus. En janvier, la grippe porco-bo-aviaire régresse, et Grand publie son chef-d'œuvre, qui sera adapté au cinéma (un échec), en jeu vidéo, et en série télé (un succès).

- (pastiche aidé par wikipedia fr & en et par http://lettresbacpro.free.fr/personnagespeste.htm)

Joachim Séné
http://www.joachimsene.fr

3 commentaires:

  1. Je suis scotchée.
    J'aurais bien aimé écrire ça si...si j'en avais eu l'idée, le génie, le rythme.
    Que c'est bien, mon dieu que c'est bien.

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  2. Ben quand je pense que je me souciais de n'avoir pas respecté les 3 lignes, pfffoui

    PS : Merci Joachim, j'ai bien ri.

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