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mercredi 14 avril 2010

Partir, revenir (exercice n°12, 16) - par Younes J.

Prendre femme. Le film l’a marqué et s’il se trouve en cet instant même entre les deux agents chargés de le rapatrier, c’est parce qu’il a été contrôlé à la sortie du cinéma. Il n’a pas eu la place près du hublot. De profil, le visage de l’agent est déjà imprégné de rêveries que miroite l’horizon bleu au-dessus des nuages.

Trouver les coordonnées de Ronit Elkabetz. Il se rendra au cybercafé dont il a été un habitué pour solliciter l’efficacité de google et pouvoir dire tout le bien qu’il pensait du film, de l’actrice et de la réalisatrice. L’hommage à la dame se construit par nappes nourries du sourire de l’hôtesse blonde à l’accent de l’Est. A dix mille kilomètres au-dessus des âmes humaines qu’on ne voit plus. Il aurait aimé être une bernache.

Embrasser les mains de sa mère, celles de son père, puis ses frères et sœurs. Quatre années de clandestinité ne donnent pas le temps pour penser à faire des cadeaux aux êtres chers quittés alors pour le meilleur. Ni de bonbons pour les gosses du quartier pauvre où il a grandi. Embrasser même les voyous et les filles que la cruauté humaine n’épargnait pas.

Essayer de garder bonne figure auprès des ados qui l’ont érigé en héros parce qu’il a tout défié pour partir à la grande aventure du siècle des hordes indésirables et surtout parce qu’ils ne pensent qu’à faire comme lui, ces gosses. Il a laissé quelques gouttes de sueur perler sur son front et les a vues traces humides étalées sur le sol européen. Il revient certes, pourvu qu’on comprenne qu’il y a pire. Il ramène deux mille euros et des poussières et des choses vécues à raconter.

Acheter une télécarte, puis appeler d’un télékiosque à l’air libre en composant le numéro griffonné sur du bout de papier à jeter après la folle lubie. Les coordonnées sont, à coup sûr, celles de l’agent qui n’a jamais le temps pour les sornettes d’un autre monde, véhiculées par des milliers de kilomètres de câblage, venant d’un homme expulsé et qui, de nouveau, doit tout prouver.

Essuyer de nouvelles sueurs encore et encore, essuyer les pieds bénis de sa mère et puis…

Prendre femme, celle dont l’amour est le plus sublime sens à donner et à recevoir.

4 commentaires:

  1. j'aime "que miroite l'horizon bleu au -dessus des nuages "
    j'aime "traces humides étalées sur le sol européen"
    j'aime votre texte
    j'irai voir ce qu'est une bernache
    "les arrivants" que j'ai vu il y a peu, me revient très présent dans votre texte

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  2. J'aime la sensibilite de votre texte.

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  3. Je trouve ce texte très émouvant.
    J'aime votre écriture, élégante, sensible.
    Ce texte est vivant et délie sous votre plume un monde dans mon imaginaire.

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  4. Vos commentaires me touchent beaucoup et je vous en remercie. J'apprécie également vos contributions sur ce blog. Je suis très heureux d'être adopté en tant qu'écrivant, je me sens bien parmi vous. Merci pour ces instants de partage
    younes

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